CA Douai, ch. 1 sect. 1, 10 juillet 2025, n° 24/04032
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 10/07/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 24/04032 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VXP5
Ordonnance d'incident (N° 22/00331)
rendue le 23 juillet 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Dunkerque
APPELANTS
Monsieur [S] [G]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 8]
La SCP [S] [G] et [D] [M]
représentée par son liquidateur amiable, Maître [S] [G]
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 7]
représentés par Me David Lacroix, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [J] [Z]
né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 13]
[Adresse 5]
[Localité 9]
représenté par Me Hervé Joly, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
assisté de Me Florent Ladouce, avocat au barreau de Draguignan, avocat constitué
La SARL Cabinet Bedu-Lefebvre
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Véronique Vitse-Boeuf, avocat au barreau de Lille, avocat constitué,
substitué par Me Julie Ribet, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 16 décembre 2024, tenue par Céline Miller, magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025 après prorogation du délibéré en date du 03 avril 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 décembre 2024
****
Suivant acte sous seing privé du 29 août 2013, Me [J] [Z], alors associé au sein de la SCP [R] depuis le 26 janvier 2006, a cédé ses parts sociales à Me [S] [G] et à M. [D] [M] sous réserve de la réalisation de conditions suspensives.
Par arrêté du 25 juin 2014, publié au Journal officiel le 4 juillet 2014, M. le garde des Sceaux a accepté le retrait de Me [Z] de la SCP.
Par acte sous seing privé du 12 août 2014, les conditions suspensives ont été levées, permettant d'acter la cession des 640 parts sociales détenues par Me [Z].
Me [Z] a reçu paiement du prix de ses parts pour un montant de 315 000 euros, seule restant en suspens, malgré de nombreux échanges entre les anciens associés et le cabinet Bedu-Lefebvre, expert-comptable chargé de la présentation des comptes annuels et de l'établissement des déclarations fiscales de la SCP, la détermination de l'arrêté des comptes de la SCP et du solde de son compte courant dans la SCP.
Par acte du 28 mai 2019, Me [Z] a fait assigner Me [G], la SCP [G]-[M] et le cabinet Bedu-Lefebvre devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins de voir désigner un expert pour établir l'arrêté des comptes de la SCP.
Désigné en qualité d'expert par ordonnance du 3 octobre 2019, M.'[B] [N] a déposé son rapport le 5 août 2021, concluant qu'il était dû à M. [Z] un solde de 7 614,47 euros au titre de son compte courant d'associé.
Par actes des 10 et 16 février 2022, M. [Z] a fait assigner Me [G] et la SCP [G]-[M] devant le tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins d'obtenir l'homologation partielle du rapport d'expertise, que soit ordonnée la contre-passation d'écritures comptables et la condamnation solidaire de son ancien associé et de la SCP à lui verser diverses sommes.
Par acte du 29 juin 2022, M. [Z] a fait assigner en intervention forcée la SARL Cabinet Bedu-Lefebvre devant le tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins de voir prononcer la jonction des instances, d'ordonner la contre-passation des écritures comptables précitées et d'obtenir la condamnation du cabinet d'expertise-comptable à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 21 484,72 euros en réparation de son préjudice financier.
Les affaires ayant été jointes, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Dunkerque a, par ordonnance du 23 juillet 2024 :
- rejeté toutes les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir, d'intérêt à agir ou de la prescription de l'action ou des demandes de M. [Z] ;
- déclaré l'action et les demandes de ce dernier recevables ;
- enjoint à la SCP [G]-[M] et à M. [G] de communiquer, sous astreinte de 100 euros par jour passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance, l'identité du liquidateur de la SCP ;
- condamné M. [G] et le cabinet Bedu-Lefebvre à payer au demandeur la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état ultérieure ;
- rejeté toutes les autres demandes ;
- dit que les dépens liés à l'incident suivraient le sort de ceux de l'instance au fond.
Me [G] et la SCP [G]-[M] ont interjeté appel de cette ordonnance et, aux termes de leurs dernières conclusions remises le 9 octobre 2024, la SCP étant représentée par Me [G] ès qualités de liquidateur amiable, demandent à la cour de l'infirmer sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes reconventionnelles de M.'[Z] et, au visa des articles 31 et 32 du code de procédure civile et de l'article 2222 du code civil, de :
- juger M. [Z] irrecevable pour défaut de qualité à agir et d'intérêt à agir :
- en l'ensemble de ses prétentions vis-à-vis de Me [G] ;
- en ses prétentions relatives aux écritures comptables comptabilisées avant le 31 décembre 2013 ;
- en ses prétentions à paiement des sommes suivantes : 4 369,61 euros, 16 669,07 euros, 8 334,55 euros, 7 000 euros et 9 112,82 euros ;
- déclarer ce dernier irrecevable et mal fondé à présenter des demandes de condamnation pour chaque écriture comptable qu'il conteste puisqu'il n'a intérêt à agir que pour réclamer un éventuel solde créditeur de son compte courant d'associé ;
- juger, de surcroît, prescrite la demande relative aux prélèvements de Me [G] ;
- condamner M. [Z], outre aux dépens de première instance et d'appel, à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 31 octobre 2024, le cabinet Bedu-Lefebvre demande à la cour, au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile et de l'article 1844-14 du code civil, d'infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :
- rejeté toutes les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir, d'intérêt à agir ou de la prescription de l'action ou des demandes de M. [Z] ;
- déclaré l'action et les demandes de ce dernier recevables ;
- condamné M. [G] et le Cabinet Bedu-Lefebvre à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état ultérieure ;
- dit que les dépens liés à l'incident suivraient le sort de ceux de l'instance au fond ;
En conséquence :
- déclarer M. [Z] irrecevable pour défaut d'intérêt à agir à son encontre au titre :
- de la régularisation des écritures comptables s'agissant des prélèvements Swiss Life injustement supportés par la SCP [R] ;
- de la régularisation de l'écriture comptable au titre des remboursements par la Carco et la CPAM de frais avancés par la SCP [R] en raison d'arrêts maladie de ses salariés ;
- déclarer M. [Z] irrecevable car prescrit en ses demandes tendant à voir :
- ordonner la contre-passation de l'écriture comptable au titre des prélèvements personnels sur l'année 2014 injustement prélevés ;
- ordonner la régularisation des écritures comptables s'agissant des prélèvements par la SCP [R], faute d'intérêt à agir à son encontre ;
- ordonner la contre-passation de l'écriture comptable au titre des frais de location d'un parking sans fondement ;
- ordonner la régularisation de l'écriture comptable au titre des remboursements par la Carco et la CPAM de frais avancés par la SCP [R] en raison d'arrêts maladie de ses salariés ;
- ordonner la régularisation des écritures comptables au titre d'indemnités versées à Me'[G] en raison d'un poste au sein de la chambre départementale des huissiers de justice';
En conséquence :
- déclarer M. [Z] irrecevable en ses demandes de condamnations à hauteur de 21 484,72 euros telles que formées à son encontre ;
- condamner ce dernier, outre aux dépens de première instance et d'appel, à lui verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 euros au titre de ceux d'appel.
Par conclusions remises le 8 novembre 2024, M. [Z] demande à la cour, au visa des articles 31 et suivants, 122 et 789 du code de procédure civile, et des articles 1240, 1850, 1844-14, 2224, 2239 et 2241 du code civil et des articles 12 et 31 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, de confirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a refusé de différer la clôture de la liquidation de la SCP [G]-[M] et d'ordonner le placement sous séquestre de la somme de 84 325,39 euros ou, subsidiairement, d'ordonner à la SCP [G]-[M], sous peine d'astreinte, de procéder à la constitution d'une garantie d'un même montant et, statuant à nouveau, de :
- déclarer recevables l'ensemble de ses actions et prétentions soulevées tant à l'encontre de la SCP [G]-[M] que de Me [G] et du Cabinet Bedu-Lefebvre ;
- rejeter les demandes de la SCP [G]-[M], de Me [G] et du Cabinet Bedu-Lefebvre ;
- condamner solidairement la SCP [G]-[M] et Me [G] à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
A titre reconventionnel :
- différer la clôture de la liquidation de la SCP [G]-[M] jusqu'au règlement du présent litige ;
- ordonner à titre conservatoire le placement sous séquestre par la SCP [G]-[M] de la somme de 84 325,39 euros et désigner, à cette fin, tout séquestre qu'il lui plaira ou, subsidiairement, ordonner à la SCP [G]-[M] de procéder à la constitution d'une garantie d'une valeur au moins égale à 84 325,39 euros sous astreinte de 200 euros par jour à compter de la décision à intervenir ;
- condamner solidairement la SCP [G]-[M], Me [G] et le cabinet Bedu-Lefebvre à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 16 décembre 2024, avant l'ouverture des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les fins de non-recevoir soulevées par Me [G] et la SCP [G]-[M], représentée par son liquidateur amiable, Me [G]
I-1. Sur les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et d'intérêt à agir de M.'[Z]
A/ Concernant la contestation relative aux loyers de l'année 2013
M. [Z] conteste une écriture passée en charges dans la comptabilité de la SCP d'huissiers, d'un montant de 8 739,21 euros, correspondant à un rappel de loyer payé en 2013 à la SCI Lamafa, bailleur de la SCP d'huissiers, au titre de l'indexation du loyer qui n'avait jamais été pratiquée. Faisant valoir que son associé, Me [G], est associé au sein de la SCI bailleresse avec son épouse, que le paiement contesté constitue un enrichissement personnel de son associé à son détriment et que l'expert préconise la réintégration de cette somme pour 50 % de son montant au crédit de son compte courant, il réclame que soit ordonnée la contre-passation de l'écriture comptable et que la SCP d'huissiers et Me [G] soient condamnés solidairement à lui payer la moitié de la somme contestée, soit 4'369,61 euros.
Me [G] et la SCP d'huissiers soutiennent que cette demande se heurte au défaut de qualité et d'intérêt à agir de M. [Z].
En réponse à l'incident ainsi soulevé, M. [Z] fait valoir que les demandes qu'il a formées tendent à la réparation du préjudice financier qu'il a subi du fait de l'ensemble des erreurs comptables et qu'il a bien qualité et intérêt à agir pour obtenir la réparation de ce préjudice de la part de Me [G], de la SCP d'huissiers et du cabinet Bedu-Lefebvre.
Sur ce
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 31 du même code dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'article 32 précise qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
Aux termes de l'article 1844-14 du code civil, les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue.
Il est constant que le propriétaire de parts dans une société a, en cette qualité, un intérêt légitime à demander l'annulation d'assemblées générales et de décisions prises en de telles assemblées.
Si M. [Z] conteste l'opposabilité à son égard de l'assemblée générale du 31 décembre 2013 ayant approuvé les comptes de l'année écoulée, force est de constater qu'il n'a pas sollicité l'annulation de cette assemblée dans le délai de trois ans prévu à l'article1844-14 précité.
C'est cependant à juste titre que le premier juge a considéré qu'il avait qualité et intérêt à agir pour solliciter la contre-passation d'écritures comptables enregistrées au cours de l'exercice 2013 et l'indemnisation du préjudice financier qu'il aurait subi du fait d'erreurs comptables, étant observé que si telle n'est pas exactement la formulation du dispositif de son assignation, cette argumentation juridique se déduit des motifs de celle-ci.
La décision sera confirmée sur ce point.
B/ Concernant la réclamation relative aux prélèvements d'[S] [G]
Dans son acte introductif d'instance, M. [Z] sollicite la condamnation de Me [G] à rembourser la somme de 16 669,07 euros à la SCP [G]-[M] et la condamnation solidaire de Me [G] et de la SCP à lui verser la moitié de cette somme, soit 8 334,55 euros, au titre des prélèvements Swiss Life injustement supportés par la SCP [G]-Mélique en 2013 et 2014 en lieu et place de M. [G].
S'il est exact que M. [Z] n'a pas qualité à agir pour solliciter une condamnation en paiement au nom de la SCP [G]-[M] dont il n'est pas associé, il a en revanche qualité et intérêt à agir en son nom personnel pour solliciter l'indemnisation du préjudice financier causé par les erreurs comptables qu'il dénonce.
Il convient donc d'infirmer partiellement la décision entreprise et, statuant à nouveau, de déclarer M. [Z] irrecevable à solliciter la condamnation de Me [G] à rembourser la somme de 16'669,07 euros à la SCP [G]-[M].
C/ Concernant la demande relative aux indemnités de la chambre départementale perçues par Me [G]
Dans son acte introductif d'instance, M. [Z] sollicite également du tribunal qu'il ordonne la régularisation d'écritures comptables et qu'il condamne solidairement la SCP d'huissiers et Me [G] à lui rembourser la somme de 7 000 euros au titre des indemnités versées à Me [G] en raison d'un poste au sein de la chambre départementale des huissiers de justice. Estimant que M. [G] a perçu injustement la somme de 2 000 euros par an de 2007 à 2014 alors que ces sommes auraient dues dû être encaissées par la SCP d'huissiers, il considère que la moitié de la somme perçue pendant cette période, soit 7 000 euros, doit être comptabilisée au crédit de son compte courant.
Sans qu'il y ait lieu d'apprécier à ce stade le bien-fondé d'une telle demande, M. [Z] a bien qualité et intérêt à agir pour obtenir réparation du préjudice financier qu'il invoque du fait du prétendu versement indu de sommes à Me [G] en lieu et place de la SCP d'huissiers.
D/ Concernant les demandes formées à l'encontre de Me [G]
La SCP d'huissiers et Me [G] soutiennent que ce dernier n'étant qu'associé de la SCP, il ne peut être tenu personnellement au titre du compte courant d'associé de Me [Z] et que les demandes formées à son encontre sont irrecevables par application des article 31 et 32 du code de procédure civile.
M. [Z] rétorque que c'est la responsabilité personnelle de Me [G] qui serait recherchée, sur le fondement de l'article 1850 du code civil.
Sur ce
Il résulte effectivement de l'article 1850 du code civil que la responsabilité du gérant peut être engagée individuellement envers la société et envers les tiers, au titre soit des infractions aux lois et règlements, soit de la violation des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion.
M. [Z], en tant qu'ancien associé, justifie d'un intérêt à agir pour engager la responsabilité personnelle de M. [G], co-gérant de la SCP, pour ses fautes de gestion ayant entraîné, le cas échéant, la minoration du solde de son compte courant d'associé.
Il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir de M [Z] à l'encontre de M. [G].
E/ Concernant les demandes consécutives au retard de paiement du prix de cession
M. [Z], qui devait recevoir, au titre du prix de cession de ses parts sociales, la somme de 63'000 euros de Me [G] et celle de 252 000 euros de Me [M], expose qu'au lieu de percevoir le prix de vente le 4 juillet 2014, date de la publication de l'arrêté ministériel de cession, il l'a perçu le 9 septembre 2014 de la part de Me [G] et les 16 septembre et 22 décembre 2014 de Me [M], de sorte qu'il pourrait prétendre à percevoir 50% du bénéfice réalisé entre le 4 juillet et le 9 septembre 2014, 40% du bénéfice réalisé entre le 9 et le 16 septembre 2014, et 8,25% du bénéfice réalisé entre le 16 septembre et le 22 décembre 2014, soit un total de 9 112,82 euros, somme au paiement de laquelle il sollicite la condamnation solidaire de Me [G] et de la SCP d'huissiers.
Ces derniers soulèvent l'irrecevabilité d'une telle demande, faisant valoir que M. [Z] ne possédait pas de parts en capital, mais uniquement des parts en industrie, de sorte qu'il ne peut prétendre à la rémunération afférente au capital après la publication de son retrait de la SCP.
En réponse à la fin de non-recevoir, M. [Z] soutient que tant l'acte de cession que le procès-verbal d'assemblée générale démontrent qu'il était porteur de 800 parts sociales numérotées de 801 à 1 600 et qu'il dispose en conséquence d'un droit à la rémunération de son capital.
Sur ce
L'article 31 du décret n°69-1274 du 31 décembre 1969 applicable à la profession d'huissiers de justice, dans sa version applicable au litige, dispose que :
'Lorsqu'un associé demande son retrait de la société en cédant la totalité de ses parts sociales, il est procédé conformément aux dispositions des articles 27 et 28.
L'associé titulaire de parts sociales ou de parts d'intérêts doit informer la société et ses associés, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de sa demande de retrait de la société ; il doit, en outre, le cas échéant, respecter le délai de retrait fixé par les statuts sans que ce délai puisse excéder six mois ; l'associé titulaire de parts sociales perd, à compter de la publication de l'arrêté constatant son retrait, les droits attachés à sa qualité d'associé, à l'exception toutefois des rémunérations afférentes à ses apports en capital.
Tout retrait d'un associé est prononcé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, l'associé étant réputé démissionnaire.' (passage souligné par la cour)
En l'espèce, il résulte des statuts de la SCP [G]- [Z] en date du 20 janvier 2006 que Me [S] [G] a apporté à la société ainsi créée une étude individuelle, au capital social de 320 000 euros répartis en 1 600 parts sociales en capital, auxquelles il a été ajouté 200 parts sociales en industrie. Il est également stipulé que 'concomitamment, Me [S] [G] cède à M. [J] [Z] 50% des parts sociales et d'industrie (sic) qu'il détient au sein de la SCP [S] [G] & [J] [Z].' Enfin, dans la clause relative au capital social, il est indiqué que les 1600 parts sociales d'une valeur de 200 euros chacune, numérotées de 1 à 1 600, sont attribuées à Me'[G], tandis que la clause relative aux parts en industrie stipule que Me [G] et M. [Z] se voient attribuer chacun 100 parts en industrie.
Initialement, Me [G] disposait donc de la totalité des 1 600 parts sociales en capital et de 100 parts en industrie, tandis que Me [Z] s'était vu attribuer 100 parts en industrie.
S'il n'est pas justifié de la date à laquelle M. [Z] en avait fait l'acquisition, il résulte de l'acte sous seing privé de cession de parts sociales sous conditions suspensives signé entre Me'[G], Me [Z] et M. [M] le 29 août 2013 que Me [Z] a cédé à M. [M] 640 des 800 parts sociales lui appartenant moyennant un prix global de 250 000 euros et qu'il a cédé à Me [G], qui avait fait valoir son droit de préemption, les 160 parts sociales restantes lui appartenant, moyennant un prix de 63 000 euros.
Cet acte stipule par ailleurs que'à la réalisation des conditions suspensives :
- les parts de capital, soit 1 600 parts, seront réparties comme suit :
* Me [G] : 960 parts sociales
* Me [M] : 640 parts sociales
- les parts d'industrie existantes seront annulées et 200 nouvelles parts seront créées et réparties de la façon suivante :
* Me [G] : 100 parts d'industrie
* Me [M] : 100 parts d'industrie.'
S'agissant de la répartition des bénéfices, l'acte prévoit par ailleurs que la répartition s'effectuera dans les conditions de l'article 23 des statuts, à savoir :
- 60 % répartis entre les huissiers de justice associés proportionnellement au nombre de parts d'industrie possédées ;
- le surplus, soit 40 %, réparti entre les associés porteurs de parts et, éventuellement, leurs ayants droit, au prorata des parts sociales possédées par chacun d'eux.
Le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la SCP en date du 29 août 2013 mentionne en outre expressément que Me [G] est porteur de 800 parts sociales numérotées de 1 à 800 tandis que M. [Z] est porteur de 800 parts sociales numérotées de 801 à 1600.
Il n'est enfin pas contesté que Me [G] et Me [M] ont bien payé à Me [Z] le prix de cession des parts sociales stipulé à l'acte, bien qu'avec retard.
Il est ainsi démontré que Me [Z] était titulaire, avant la cession, de 800 parts sociales en capital.
Il dispose donc d'un intérêt à agir pour solliciter le paiement de sommes correspondant à sa participation aux bénéfices jusqu'à la date de cession effective de ses parts.
E/ Concernant la demande tendant à déclarer M. [Z] irrecevable et mal fondé à présenter des demandes de condamnation pour chaque écriture comptable contestée
Par le dispositif de leurs conclusions d'appelants, la SCP [G]-[M] et Me [G] demandent à la cour de déclarer M. [Z] irrecevable et mal fondé à présenter des demandes de condamnation pour chaque écriture comptable qu'il conteste dès lors qu'il n'a d'intérêt à agir que pour réclamer un éventuel solde créditeur de son compte courant d'associé
Cependant, ils ne développent pas ce chef de demande dans leurs moyens.
La cour relève par ailleurs qu'une telle demande relève du débat au fond dont elle n'est pas saisie, l'appel portant sur une ordonnance rendue par le juge de la mise en état.
Il convient donc de rejeter cette demande.
I-2. Sur la prescription
Aux termes de l'article 1844-14 du code civil, les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue.
L'article 2224 du même code dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En vertu de l'article 2241 de ce code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
En l'espèce, c'est à juste titre que le premier juge, ayant constaté que l'action de M. [Z] ne tendait pas à l'annulation d'actes ou de délibérations de la société - la cour observant à cet égard que cette action tend au remboursement de sommes dont il estime qu'elles ont été indûment supportées par la SCP et donc à la réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi du fait d'erreurs de gestion comptable - a énoncé que la prescription quinquennale de droit commun trouvait à s'appliquer et que, le cours du délai de prescription ayant été interrompu par l'assignation en référé du 28 mai 2019, puis suspendu jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire portant sur les points litigieux relatifs à l'arrêté des comptes de la SCP [R], intervenu le 5 août 2021, en a déduit que la prescription de l'action de M. [Z] à l'encontre de la SCP d'huissiers et de Me [G], introduite par actes d'huissier des 10 et 16 février 2022, n'était pas acquise.
La décision entreprise doit en conséquence être confirmée sur ce point.
Sur les fins de non-recevoir soulevées par la Sarl Cabinet Bedu-Lefebvre
La Sarl Cabinet Bedu-Lefebvre, qui soulève l'irrecevabilité des demandes tendant à la régularisation d'écritures comptables formées par M.'[Z] à son encontre, d'une part faute d'intérêt à agir en ce qu'elles sont dirigées contre elle et, d'autre part, en raison de la prescription de ces demandes, soutient que la demande en paiement de la somme de 21 484,72 euros formée par M. [Z] à son encontre est par voie de conséquence irrecevable.
M. [Z] conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société d'expertise comptable et fait valoir qu'il a assigné celle-ci en intervention forcée afin, tout d'abord, de lui rendre opposable l'obligation d'effectuer la contre-passation des écritures et, ensuite, d'engager sa responsabilité professionnelle.
Sur ce
Vu les articles 31, 32, 122 du code de procédure civile précités,
Vu l'article 2224 du code civil,
Il résulte de l'assignation en intervention forcée délivrée par M. [Z] le 29 juin 2022 à l'encontre du cabinet Bedu-Lefebvre que celle-ci tend tout d'abord à la contre-passation d'écritures comptables enregistrées dans la comptabilité de la SCP [R].
Cependant, ces demandes ne sont pas dirigées en tant que telles à l'encontre du cabinet Bedu-Lefebvre, qui est tiers à la société, mais visent seulement à lui rendre la décision à intervenir opposable.
M. [Z] entend par ailleurs engager la responsabilité professionnelle du cabinet d'expert-comptable et sollicite à ce titre sa condamnation à lui payer les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et 21 484,72 euros en réparation de son préjudice financier causés par les fautes de gestion comptable de ce cabinet.
En sa qualité d'ancien associé de la SCP d'huissier, il justifie de la qualité et d'un intérêt à agir pour obtenir l'indemnisation des préjudices matériel et moral qu'il aurait personnellement subis du fait d'une éventuelle faute de l'expert-comptable.
Le délai de prescription applicable à la responsabilité professionnelle de l'huissier est le délai quinquennal de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil.
Conformément à ce texte, le point de départ de ce délai est le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, la cession de la participation de M. [Z] dans le capital social de la SCP [R], intervenue officiellement le 4 juillet 2014, a été suivie de nombreuses discussions entre les parties concernant l'arrêté des comptes de la SCP en vue d'établir le solde du compte courant de M. [Z].
Ce n'est cependant que par le dépôt, le 5 août 2021, du rapport d'expertise judiciaire rédigé par M. [B] [N] que M. [Z] a eu connaissance avec précision des faits lui permettant d'engager son action en responsabilité à l'encontre de l'expert-comptable par acte du 29 juin 2022.
Son action n'est donc pas prescrite.
Par voie de conséquence, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par le cabinet Bedu-Lefebvre.
Sur les demandes reconventionnelles formées par M. [Z]
Me [Z] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a débouté de ses demandes tendant à différer la clôture de la liquidation amiable de la SCP [G]-[M] et à ordonner la constitution d'un séquestre ou, à défaut d'une garantie, à hauteur de la somme de 84'325,39 euros correspondant au montant des diverses sommes qu'il revendique dans le cadre du débat au fond, outre celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Réitérant ces demandes en appel, il fait valoir que la dissolution de la SCP [G]-[M] intervenue par arrêté du 6 février 2024 laisse subsister sa personnalité morale pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci ; que cette dissolution, dont il n'a pas été informé par les appelants et dont il a appris par hasard qu'elle était intervenue, lui est inopposable dès lors qu'il résulte de la consultation tant du site Infogreffe que du Bodacc qu'aucune décision des associés ni aucune décision de justice de nomination n'a été déposée au greffe depuis l'arrêté de dissolution.
Me [G], en son nom personnel et en sa qualité de liquidateur amiable de la SCP [G] [M], s'y oppose, faisant valoir que la décision de clôturer ou non la liquidation d'une société appartient aux seuls associés et, par ailleurs, que la demande de séquestre ou de garantie n'est pas motivée, alors qu'il est pour le moins prématuré, pour M. [Z], de prétendre à une créance à hauteur de 84 325,39 euros.
Sur ce
Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
A titre liminaire, la cour constate tout d'abord que Me [G] et la SCP d'huissiers justifient de la désignation de Me [G] en qualité de liquidateur amiable de la SCP [G]-[M] suivant procès-verbal d'assemblée générale du 12 décembre 2023.
Il convient donc d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle leur a enjoint, sous astreinte, de communiquer l'identité du liquidateur et, statuant à nouveau, de dire n'y avoir lieu à une telle injonction.
Par ailleurs, l'article 1844-8 du code civil dispose que :
'La dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l'article 1844-4 et au troisième alinéa de l'article 1844-5. Elle n'a d'effet à l'égard des tiers qu'après sa publication.
Le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des statuts. Dans le silence de ceux-ci, il est nommé par les associés ou, si les associés n'ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice. Le liquidateur peut être révoqué dans les mêmes conditions. La nomination et la révocation ne sont opposable-s aux tiers qu'à compter de leur publication. Ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination ou dans la révocation du liquidateur, dès lors que celle-ci a été régulièrement publiée.
La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci.
Si la clôture de la liquidation n'est pas intervenue dans un délai de trois ans à compter de la dissolution, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le tribunal, qui fait procéder à la liquidation ou, si celle-ci a été commencée, à son achèvement.'
Il est constant que la disparition de la personnalité juridique d'une société n'est opposable aux tiers que par la publication au registre du commerce et des sociétés des actes ou évènements l'ayant entraînée, peu important que le tiers en cause ait eu personnellement connaissance des actes ou évènements avant l'accomplissement de cette formalité (Com., 11 sept. 2012, pourvoi n° 11-11.141 P) ; que la personnalité morale d'une société dissoute subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés (Civ. 2ème, 6 mai 1999, pourvoi n° 96-18.070 P ; Civ. 3ème, 31 mai 2000, pourvoi n° 98-19.435 P) ; que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision, et qu'en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société (Com. 26 juin 2007, n° 05-20.659 P).
Il résulte de l'article 73 du décret n°2022-950 du 29 juin 2022 relatif à certains sociétés constituées pour l'exercice de la profession de commissaire de justice, que la nullité ou la dissolution de la société n'est opposable aux tiers qu'à compter de l'accomplissement des formalités de publicité prévues par l'article 83, le deuxième alinéa de l'article 86 et l'article 92.
A cet égard, l'article 83 du même texte prévoit qu'à la diligence du procureur général, une décision judiciaire passée en force de chose jugée prononçant la nullité de la société fait l'objet d'une insertion au Journal officiel de la République française et d'un dépôt d'une de ses expéditions au dossier ouvert au nom de la société au greffe chargé de la tenue du registre du commerce et des sociétés.
Le deuxième alinéa de l'article 86 du même texte dispose que le liquidateur dépose au greffe chargé de la tenue du registre du commerce et des sociétés où la société est inscrite pour être versée au dossier ouvert au nom de la société la copie ou l'expédition visée au premier alinéa, dont tout intéressé pourra obtenir communication.
Enfin, l'article 92 du même texte dispose qu'une expédition de la décision nommant le liquidateur est déposée au greffe chargé de la tenue du registre du commerce et des sociétés où la société est inscrite pour être versée au dossier ouvert au nom de la société.
En l'espèce, il résulte du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la SCP Kinget-Marlière en date du 12 décembre 2023 que :
'selon un acte sous seing privé en date du 28 mars 2023, la société s'est engagée à user en faveur de la Selarl '[X] [T], [A] [L], [Y] [K], [Y] [I]' du droit que lui confère l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 et, en conséquence, à se démettre de ses fonctions de commissaire de justice à la résidence de [Localité 11] et à présenter le cessionnaire comme son successeur à l'agrément du Garde des [Localité 12].
Dès lors, sous réserve de l'obtention de l'agrément du Garde des [Localité 12] à l'opération envisagée, la collectivité des associés, après avoir entendu lecture du rapport de la gérance, décide de la dissolution anticipée de la société ainsi que sa mise en liquidation amiable à compter de la publication au Journal officiel de l'arrêté officialisant la nomination de la Selarl '[X] [T], [A] [L], [Y] [K], [Y] [I]' en qualité de titulaire de l'office dont la société est actuellement titulaire.
La personnalité morale de la société subsisterera pour les besoins de la liquidation et jusqu'à la clôture de celle-ci.(...)'
La même assemblée générale a par ailleurs désigné Me [S] [G] en qualité de liquidateur amiable de la SCP en liquidation pour la durée de celle-ci.
Si la dissolution de la société a été actée dans un arrêté du 6 février 2024 du ministère de la justice, il n'est en revanche pas établi que les formalités conditionnant l'opposabilité de cette dissolution aux tiers aient été accomplies.
Cependant, dès lors que la personnalité morale de la société dissoute doit subsister aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, il n'appartient pas au juge de la mise en état d'ordonner le report de la clôture de la liquidation de la société, cette responsabilité incombant au liquidateur.
La décision du premier juge sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande.
Par ailleurs, c'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge a considéré que les demandes aux fins de séquestre ou de constitution de garantie formulées par M. [Z] n'étaient pas justifiées, rien ne permettant d'affirmer à ce stade de la procédure, le caractère non sérieusement contestable des sommes réclamées.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Il résulte de l'article 1240 du code civil qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l'espèce, aucun élément au dossier ne permet de caractériser un comportement des appelants ayant dégénéré en abus, la seule appréciation inexacte de leurs droits par ceux-ci n'étant pas suffisante à caractériser l'existence d'un abus au sens des dispositions susvisées de sorte qu'il y a lieu de débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
C'est exactement que le premier juge a dit que les dépens de l'incident suivraient ceux de l'instance au fond.
Il en sera de même de ceux d'appel.
Il n'apparaît par ailleurs pas inéquitable de dire que les parties conserveront la charge de leurs frais irrépétibles d'incident, tant de première instance que d'appel, le jugement entrepris étant par conséquent réformé en ce qu'il a condamné M. [S] [G] et la Sarl Cabinet Bedu-Lefebvre à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de l'appel,
Infirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a dit que les dépens liés à l'incident suivraient le sort de ceux de l'instance au fond,
Statuant à nouveau,
Déclare M. [Z] irrecevable en sa demande de condamnation de Me [G] à rembourser la somme de 16'669,07 euros à la SCP [G]-[M] ;
Rejette les autres fins de non-recevoir tirées tant du défaut de qualité ou d'intérêt à agir que de la prescription soulevées par Me [G], agissant en son nom personnel et en qualité de liquidateur amiable de la SCP [G]-[M], et par la Sarl Cabinet Bedu-Lefebvre ;
Dit n'y avoir lieu d'enjoindre à la SCP [G]-[M] et à M. [S] [G] de communiquer, sous astreinte, l'identité du liquidateur désigné pour la liquidation de la SCP ;
Déboute M. [J] [Z] de ses demandes tendant à ordonner le report de la clôture de la liquidation de la SCP [G]-[M], et à ordonner la constitution d'un séquestre ou, à défaut d'une garantie, à hauteur de la somme de 84'325,39 euros ;
Déboute M. [J] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Dit que les dépens d'appel de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Samuel Vitse
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 10/07/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 24/04032 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VXP5
Ordonnance d'incident (N° 22/00331)
rendue le 23 juillet 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Dunkerque
APPELANTS
Monsieur [S] [G]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 8]
La SCP [S] [G] et [D] [M]
représentée par son liquidateur amiable, Maître [S] [G]
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 7]
représentés par Me David Lacroix, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [J] [Z]
né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 13]
[Adresse 5]
[Localité 9]
représenté par Me Hervé Joly, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
assisté de Me Florent Ladouce, avocat au barreau de Draguignan, avocat constitué
La SARL Cabinet Bedu-Lefebvre
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Véronique Vitse-Boeuf, avocat au barreau de Lille, avocat constitué,
substitué par Me Julie Ribet, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 16 décembre 2024, tenue par Céline Miller, magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025 après prorogation du délibéré en date du 03 avril 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 décembre 2024
****
Suivant acte sous seing privé du 29 août 2013, Me [J] [Z], alors associé au sein de la SCP [R] depuis le 26 janvier 2006, a cédé ses parts sociales à Me [S] [G] et à M. [D] [M] sous réserve de la réalisation de conditions suspensives.
Par arrêté du 25 juin 2014, publié au Journal officiel le 4 juillet 2014, M. le garde des Sceaux a accepté le retrait de Me [Z] de la SCP.
Par acte sous seing privé du 12 août 2014, les conditions suspensives ont été levées, permettant d'acter la cession des 640 parts sociales détenues par Me [Z].
Me [Z] a reçu paiement du prix de ses parts pour un montant de 315 000 euros, seule restant en suspens, malgré de nombreux échanges entre les anciens associés et le cabinet Bedu-Lefebvre, expert-comptable chargé de la présentation des comptes annuels et de l'établissement des déclarations fiscales de la SCP, la détermination de l'arrêté des comptes de la SCP et du solde de son compte courant dans la SCP.
Par acte du 28 mai 2019, Me [Z] a fait assigner Me [G], la SCP [G]-[M] et le cabinet Bedu-Lefebvre devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins de voir désigner un expert pour établir l'arrêté des comptes de la SCP.
Désigné en qualité d'expert par ordonnance du 3 octobre 2019, M.'[B] [N] a déposé son rapport le 5 août 2021, concluant qu'il était dû à M. [Z] un solde de 7 614,47 euros au titre de son compte courant d'associé.
Par actes des 10 et 16 février 2022, M. [Z] a fait assigner Me [G] et la SCP [G]-[M] devant le tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins d'obtenir l'homologation partielle du rapport d'expertise, que soit ordonnée la contre-passation d'écritures comptables et la condamnation solidaire de son ancien associé et de la SCP à lui verser diverses sommes.
Par acte du 29 juin 2022, M. [Z] a fait assigner en intervention forcée la SARL Cabinet Bedu-Lefebvre devant le tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins de voir prononcer la jonction des instances, d'ordonner la contre-passation des écritures comptables précitées et d'obtenir la condamnation du cabinet d'expertise-comptable à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 21 484,72 euros en réparation de son préjudice financier.
Les affaires ayant été jointes, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Dunkerque a, par ordonnance du 23 juillet 2024 :
- rejeté toutes les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir, d'intérêt à agir ou de la prescription de l'action ou des demandes de M. [Z] ;
- déclaré l'action et les demandes de ce dernier recevables ;
- enjoint à la SCP [G]-[M] et à M. [G] de communiquer, sous astreinte de 100 euros par jour passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance, l'identité du liquidateur de la SCP ;
- condamné M. [G] et le cabinet Bedu-Lefebvre à payer au demandeur la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état ultérieure ;
- rejeté toutes les autres demandes ;
- dit que les dépens liés à l'incident suivraient le sort de ceux de l'instance au fond.
Me [G] et la SCP [G]-[M] ont interjeté appel de cette ordonnance et, aux termes de leurs dernières conclusions remises le 9 octobre 2024, la SCP étant représentée par Me [G] ès qualités de liquidateur amiable, demandent à la cour de l'infirmer sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes reconventionnelles de M.'[Z] et, au visa des articles 31 et 32 du code de procédure civile et de l'article 2222 du code civil, de :
- juger M. [Z] irrecevable pour défaut de qualité à agir et d'intérêt à agir :
- en l'ensemble de ses prétentions vis-à-vis de Me [G] ;
- en ses prétentions relatives aux écritures comptables comptabilisées avant le 31 décembre 2013 ;
- en ses prétentions à paiement des sommes suivantes : 4 369,61 euros, 16 669,07 euros, 8 334,55 euros, 7 000 euros et 9 112,82 euros ;
- déclarer ce dernier irrecevable et mal fondé à présenter des demandes de condamnation pour chaque écriture comptable qu'il conteste puisqu'il n'a intérêt à agir que pour réclamer un éventuel solde créditeur de son compte courant d'associé ;
- juger, de surcroît, prescrite la demande relative aux prélèvements de Me [G] ;
- condamner M. [Z], outre aux dépens de première instance et d'appel, à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 31 octobre 2024, le cabinet Bedu-Lefebvre demande à la cour, au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile et de l'article 1844-14 du code civil, d'infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :
- rejeté toutes les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir, d'intérêt à agir ou de la prescription de l'action ou des demandes de M. [Z] ;
- déclaré l'action et les demandes de ce dernier recevables ;
- condamné M. [G] et le Cabinet Bedu-Lefebvre à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état ultérieure ;
- dit que les dépens liés à l'incident suivraient le sort de ceux de l'instance au fond ;
En conséquence :
- déclarer M. [Z] irrecevable pour défaut d'intérêt à agir à son encontre au titre :
- de la régularisation des écritures comptables s'agissant des prélèvements Swiss Life injustement supportés par la SCP [R] ;
- de la régularisation de l'écriture comptable au titre des remboursements par la Carco et la CPAM de frais avancés par la SCP [R] en raison d'arrêts maladie de ses salariés ;
- déclarer M. [Z] irrecevable car prescrit en ses demandes tendant à voir :
- ordonner la contre-passation de l'écriture comptable au titre des prélèvements personnels sur l'année 2014 injustement prélevés ;
- ordonner la régularisation des écritures comptables s'agissant des prélèvements par la SCP [R], faute d'intérêt à agir à son encontre ;
- ordonner la contre-passation de l'écriture comptable au titre des frais de location d'un parking sans fondement ;
- ordonner la régularisation de l'écriture comptable au titre des remboursements par la Carco et la CPAM de frais avancés par la SCP [R] en raison d'arrêts maladie de ses salariés ;
- ordonner la régularisation des écritures comptables au titre d'indemnités versées à Me'[G] en raison d'un poste au sein de la chambre départementale des huissiers de justice';
En conséquence :
- déclarer M. [Z] irrecevable en ses demandes de condamnations à hauteur de 21 484,72 euros telles que formées à son encontre ;
- condamner ce dernier, outre aux dépens de première instance et d'appel, à lui verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 euros au titre de ceux d'appel.
Par conclusions remises le 8 novembre 2024, M. [Z] demande à la cour, au visa des articles 31 et suivants, 122 et 789 du code de procédure civile, et des articles 1240, 1850, 1844-14, 2224, 2239 et 2241 du code civil et des articles 12 et 31 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, de confirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a refusé de différer la clôture de la liquidation de la SCP [G]-[M] et d'ordonner le placement sous séquestre de la somme de 84 325,39 euros ou, subsidiairement, d'ordonner à la SCP [G]-[M], sous peine d'astreinte, de procéder à la constitution d'une garantie d'un même montant et, statuant à nouveau, de :
- déclarer recevables l'ensemble de ses actions et prétentions soulevées tant à l'encontre de la SCP [G]-[M] que de Me [G] et du Cabinet Bedu-Lefebvre ;
- rejeter les demandes de la SCP [G]-[M], de Me [G] et du Cabinet Bedu-Lefebvre ;
- condamner solidairement la SCP [G]-[M] et Me [G] à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
A titre reconventionnel :
- différer la clôture de la liquidation de la SCP [G]-[M] jusqu'au règlement du présent litige ;
- ordonner à titre conservatoire le placement sous séquestre par la SCP [G]-[M] de la somme de 84 325,39 euros et désigner, à cette fin, tout séquestre qu'il lui plaira ou, subsidiairement, ordonner à la SCP [G]-[M] de procéder à la constitution d'une garantie d'une valeur au moins égale à 84 325,39 euros sous astreinte de 200 euros par jour à compter de la décision à intervenir ;
- condamner solidairement la SCP [G]-[M], Me [G] et le cabinet Bedu-Lefebvre à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 16 décembre 2024, avant l'ouverture des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les fins de non-recevoir soulevées par Me [G] et la SCP [G]-[M], représentée par son liquidateur amiable, Me [G]
I-1. Sur les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et d'intérêt à agir de M.'[Z]
A/ Concernant la contestation relative aux loyers de l'année 2013
M. [Z] conteste une écriture passée en charges dans la comptabilité de la SCP d'huissiers, d'un montant de 8 739,21 euros, correspondant à un rappel de loyer payé en 2013 à la SCI Lamafa, bailleur de la SCP d'huissiers, au titre de l'indexation du loyer qui n'avait jamais été pratiquée. Faisant valoir que son associé, Me [G], est associé au sein de la SCI bailleresse avec son épouse, que le paiement contesté constitue un enrichissement personnel de son associé à son détriment et que l'expert préconise la réintégration de cette somme pour 50 % de son montant au crédit de son compte courant, il réclame que soit ordonnée la contre-passation de l'écriture comptable et que la SCP d'huissiers et Me [G] soient condamnés solidairement à lui payer la moitié de la somme contestée, soit 4'369,61 euros.
Me [G] et la SCP d'huissiers soutiennent que cette demande se heurte au défaut de qualité et d'intérêt à agir de M. [Z].
En réponse à l'incident ainsi soulevé, M. [Z] fait valoir que les demandes qu'il a formées tendent à la réparation du préjudice financier qu'il a subi du fait de l'ensemble des erreurs comptables et qu'il a bien qualité et intérêt à agir pour obtenir la réparation de ce préjudice de la part de Me [G], de la SCP d'huissiers et du cabinet Bedu-Lefebvre.
Sur ce
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 31 du même code dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'article 32 précise qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
Aux termes de l'article 1844-14 du code civil, les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue.
Il est constant que le propriétaire de parts dans une société a, en cette qualité, un intérêt légitime à demander l'annulation d'assemblées générales et de décisions prises en de telles assemblées.
Si M. [Z] conteste l'opposabilité à son égard de l'assemblée générale du 31 décembre 2013 ayant approuvé les comptes de l'année écoulée, force est de constater qu'il n'a pas sollicité l'annulation de cette assemblée dans le délai de trois ans prévu à l'article1844-14 précité.
C'est cependant à juste titre que le premier juge a considéré qu'il avait qualité et intérêt à agir pour solliciter la contre-passation d'écritures comptables enregistrées au cours de l'exercice 2013 et l'indemnisation du préjudice financier qu'il aurait subi du fait d'erreurs comptables, étant observé que si telle n'est pas exactement la formulation du dispositif de son assignation, cette argumentation juridique se déduit des motifs de celle-ci.
La décision sera confirmée sur ce point.
B/ Concernant la réclamation relative aux prélèvements d'[S] [G]
Dans son acte introductif d'instance, M. [Z] sollicite la condamnation de Me [G] à rembourser la somme de 16 669,07 euros à la SCP [G]-[M] et la condamnation solidaire de Me [G] et de la SCP à lui verser la moitié de cette somme, soit 8 334,55 euros, au titre des prélèvements Swiss Life injustement supportés par la SCP [G]-Mélique en 2013 et 2014 en lieu et place de M. [G].
S'il est exact que M. [Z] n'a pas qualité à agir pour solliciter une condamnation en paiement au nom de la SCP [G]-[M] dont il n'est pas associé, il a en revanche qualité et intérêt à agir en son nom personnel pour solliciter l'indemnisation du préjudice financier causé par les erreurs comptables qu'il dénonce.
Il convient donc d'infirmer partiellement la décision entreprise et, statuant à nouveau, de déclarer M. [Z] irrecevable à solliciter la condamnation de Me [G] à rembourser la somme de 16'669,07 euros à la SCP [G]-[M].
C/ Concernant la demande relative aux indemnités de la chambre départementale perçues par Me [G]
Dans son acte introductif d'instance, M. [Z] sollicite également du tribunal qu'il ordonne la régularisation d'écritures comptables et qu'il condamne solidairement la SCP d'huissiers et Me [G] à lui rembourser la somme de 7 000 euros au titre des indemnités versées à Me [G] en raison d'un poste au sein de la chambre départementale des huissiers de justice. Estimant que M. [G] a perçu injustement la somme de 2 000 euros par an de 2007 à 2014 alors que ces sommes auraient dues dû être encaissées par la SCP d'huissiers, il considère que la moitié de la somme perçue pendant cette période, soit 7 000 euros, doit être comptabilisée au crédit de son compte courant.
Sans qu'il y ait lieu d'apprécier à ce stade le bien-fondé d'une telle demande, M. [Z] a bien qualité et intérêt à agir pour obtenir réparation du préjudice financier qu'il invoque du fait du prétendu versement indu de sommes à Me [G] en lieu et place de la SCP d'huissiers.
D/ Concernant les demandes formées à l'encontre de Me [G]
La SCP d'huissiers et Me [G] soutiennent que ce dernier n'étant qu'associé de la SCP, il ne peut être tenu personnellement au titre du compte courant d'associé de Me [Z] et que les demandes formées à son encontre sont irrecevables par application des article 31 et 32 du code de procédure civile.
M. [Z] rétorque que c'est la responsabilité personnelle de Me [G] qui serait recherchée, sur le fondement de l'article 1850 du code civil.
Sur ce
Il résulte effectivement de l'article 1850 du code civil que la responsabilité du gérant peut être engagée individuellement envers la société et envers les tiers, au titre soit des infractions aux lois et règlements, soit de la violation des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion.
M. [Z], en tant qu'ancien associé, justifie d'un intérêt à agir pour engager la responsabilité personnelle de M. [G], co-gérant de la SCP, pour ses fautes de gestion ayant entraîné, le cas échéant, la minoration du solde de son compte courant d'associé.
Il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir de M [Z] à l'encontre de M. [G].
E/ Concernant les demandes consécutives au retard de paiement du prix de cession
M. [Z], qui devait recevoir, au titre du prix de cession de ses parts sociales, la somme de 63'000 euros de Me [G] et celle de 252 000 euros de Me [M], expose qu'au lieu de percevoir le prix de vente le 4 juillet 2014, date de la publication de l'arrêté ministériel de cession, il l'a perçu le 9 septembre 2014 de la part de Me [G] et les 16 septembre et 22 décembre 2014 de Me [M], de sorte qu'il pourrait prétendre à percevoir 50% du bénéfice réalisé entre le 4 juillet et le 9 septembre 2014, 40% du bénéfice réalisé entre le 9 et le 16 septembre 2014, et 8,25% du bénéfice réalisé entre le 16 septembre et le 22 décembre 2014, soit un total de 9 112,82 euros, somme au paiement de laquelle il sollicite la condamnation solidaire de Me [G] et de la SCP d'huissiers.
Ces derniers soulèvent l'irrecevabilité d'une telle demande, faisant valoir que M. [Z] ne possédait pas de parts en capital, mais uniquement des parts en industrie, de sorte qu'il ne peut prétendre à la rémunération afférente au capital après la publication de son retrait de la SCP.
En réponse à la fin de non-recevoir, M. [Z] soutient que tant l'acte de cession que le procès-verbal d'assemblée générale démontrent qu'il était porteur de 800 parts sociales numérotées de 801 à 1 600 et qu'il dispose en conséquence d'un droit à la rémunération de son capital.
Sur ce
L'article 31 du décret n°69-1274 du 31 décembre 1969 applicable à la profession d'huissiers de justice, dans sa version applicable au litige, dispose que :
'Lorsqu'un associé demande son retrait de la société en cédant la totalité de ses parts sociales, il est procédé conformément aux dispositions des articles 27 et 28.
L'associé titulaire de parts sociales ou de parts d'intérêts doit informer la société et ses associés, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de sa demande de retrait de la société ; il doit, en outre, le cas échéant, respecter le délai de retrait fixé par les statuts sans que ce délai puisse excéder six mois ; l'associé titulaire de parts sociales perd, à compter de la publication de l'arrêté constatant son retrait, les droits attachés à sa qualité d'associé, à l'exception toutefois des rémunérations afférentes à ses apports en capital.
Tout retrait d'un associé est prononcé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, l'associé étant réputé démissionnaire.' (passage souligné par la cour)
En l'espèce, il résulte des statuts de la SCP [G]- [Z] en date du 20 janvier 2006 que Me [S] [G] a apporté à la société ainsi créée une étude individuelle, au capital social de 320 000 euros répartis en 1 600 parts sociales en capital, auxquelles il a été ajouté 200 parts sociales en industrie. Il est également stipulé que 'concomitamment, Me [S] [G] cède à M. [J] [Z] 50% des parts sociales et d'industrie (sic) qu'il détient au sein de la SCP [S] [G] & [J] [Z].' Enfin, dans la clause relative au capital social, il est indiqué que les 1600 parts sociales d'une valeur de 200 euros chacune, numérotées de 1 à 1 600, sont attribuées à Me'[G], tandis que la clause relative aux parts en industrie stipule que Me [G] et M. [Z] se voient attribuer chacun 100 parts en industrie.
Initialement, Me [G] disposait donc de la totalité des 1 600 parts sociales en capital et de 100 parts en industrie, tandis que Me [Z] s'était vu attribuer 100 parts en industrie.
S'il n'est pas justifié de la date à laquelle M. [Z] en avait fait l'acquisition, il résulte de l'acte sous seing privé de cession de parts sociales sous conditions suspensives signé entre Me'[G], Me [Z] et M. [M] le 29 août 2013 que Me [Z] a cédé à M. [M] 640 des 800 parts sociales lui appartenant moyennant un prix global de 250 000 euros et qu'il a cédé à Me [G], qui avait fait valoir son droit de préemption, les 160 parts sociales restantes lui appartenant, moyennant un prix de 63 000 euros.
Cet acte stipule par ailleurs que'à la réalisation des conditions suspensives :
- les parts de capital, soit 1 600 parts, seront réparties comme suit :
* Me [G] : 960 parts sociales
* Me [M] : 640 parts sociales
- les parts d'industrie existantes seront annulées et 200 nouvelles parts seront créées et réparties de la façon suivante :
* Me [G] : 100 parts d'industrie
* Me [M] : 100 parts d'industrie.'
S'agissant de la répartition des bénéfices, l'acte prévoit par ailleurs que la répartition s'effectuera dans les conditions de l'article 23 des statuts, à savoir :
- 60 % répartis entre les huissiers de justice associés proportionnellement au nombre de parts d'industrie possédées ;
- le surplus, soit 40 %, réparti entre les associés porteurs de parts et, éventuellement, leurs ayants droit, au prorata des parts sociales possédées par chacun d'eux.
Le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la SCP en date du 29 août 2013 mentionne en outre expressément que Me [G] est porteur de 800 parts sociales numérotées de 1 à 800 tandis que M. [Z] est porteur de 800 parts sociales numérotées de 801 à 1600.
Il n'est enfin pas contesté que Me [G] et Me [M] ont bien payé à Me [Z] le prix de cession des parts sociales stipulé à l'acte, bien qu'avec retard.
Il est ainsi démontré que Me [Z] était titulaire, avant la cession, de 800 parts sociales en capital.
Il dispose donc d'un intérêt à agir pour solliciter le paiement de sommes correspondant à sa participation aux bénéfices jusqu'à la date de cession effective de ses parts.
E/ Concernant la demande tendant à déclarer M. [Z] irrecevable et mal fondé à présenter des demandes de condamnation pour chaque écriture comptable contestée
Par le dispositif de leurs conclusions d'appelants, la SCP [G]-[M] et Me [G] demandent à la cour de déclarer M. [Z] irrecevable et mal fondé à présenter des demandes de condamnation pour chaque écriture comptable qu'il conteste dès lors qu'il n'a d'intérêt à agir que pour réclamer un éventuel solde créditeur de son compte courant d'associé
Cependant, ils ne développent pas ce chef de demande dans leurs moyens.
La cour relève par ailleurs qu'une telle demande relève du débat au fond dont elle n'est pas saisie, l'appel portant sur une ordonnance rendue par le juge de la mise en état.
Il convient donc de rejeter cette demande.
I-2. Sur la prescription
Aux termes de l'article 1844-14 du code civil, les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue.
L'article 2224 du même code dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En vertu de l'article 2241 de ce code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
En l'espèce, c'est à juste titre que le premier juge, ayant constaté que l'action de M. [Z] ne tendait pas à l'annulation d'actes ou de délibérations de la société - la cour observant à cet égard que cette action tend au remboursement de sommes dont il estime qu'elles ont été indûment supportées par la SCP et donc à la réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi du fait d'erreurs de gestion comptable - a énoncé que la prescription quinquennale de droit commun trouvait à s'appliquer et que, le cours du délai de prescription ayant été interrompu par l'assignation en référé du 28 mai 2019, puis suspendu jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire portant sur les points litigieux relatifs à l'arrêté des comptes de la SCP [R], intervenu le 5 août 2021, en a déduit que la prescription de l'action de M. [Z] à l'encontre de la SCP d'huissiers et de Me [G], introduite par actes d'huissier des 10 et 16 février 2022, n'était pas acquise.
La décision entreprise doit en conséquence être confirmée sur ce point.
Sur les fins de non-recevoir soulevées par la Sarl Cabinet Bedu-Lefebvre
La Sarl Cabinet Bedu-Lefebvre, qui soulève l'irrecevabilité des demandes tendant à la régularisation d'écritures comptables formées par M.'[Z] à son encontre, d'une part faute d'intérêt à agir en ce qu'elles sont dirigées contre elle et, d'autre part, en raison de la prescription de ces demandes, soutient que la demande en paiement de la somme de 21 484,72 euros formée par M. [Z] à son encontre est par voie de conséquence irrecevable.
M. [Z] conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société d'expertise comptable et fait valoir qu'il a assigné celle-ci en intervention forcée afin, tout d'abord, de lui rendre opposable l'obligation d'effectuer la contre-passation des écritures et, ensuite, d'engager sa responsabilité professionnelle.
Sur ce
Vu les articles 31, 32, 122 du code de procédure civile précités,
Vu l'article 2224 du code civil,
Il résulte de l'assignation en intervention forcée délivrée par M. [Z] le 29 juin 2022 à l'encontre du cabinet Bedu-Lefebvre que celle-ci tend tout d'abord à la contre-passation d'écritures comptables enregistrées dans la comptabilité de la SCP [R].
Cependant, ces demandes ne sont pas dirigées en tant que telles à l'encontre du cabinet Bedu-Lefebvre, qui est tiers à la société, mais visent seulement à lui rendre la décision à intervenir opposable.
M. [Z] entend par ailleurs engager la responsabilité professionnelle du cabinet d'expert-comptable et sollicite à ce titre sa condamnation à lui payer les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et 21 484,72 euros en réparation de son préjudice financier causés par les fautes de gestion comptable de ce cabinet.
En sa qualité d'ancien associé de la SCP d'huissier, il justifie de la qualité et d'un intérêt à agir pour obtenir l'indemnisation des préjudices matériel et moral qu'il aurait personnellement subis du fait d'une éventuelle faute de l'expert-comptable.
Le délai de prescription applicable à la responsabilité professionnelle de l'huissier est le délai quinquennal de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil.
Conformément à ce texte, le point de départ de ce délai est le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, la cession de la participation de M. [Z] dans le capital social de la SCP [R], intervenue officiellement le 4 juillet 2014, a été suivie de nombreuses discussions entre les parties concernant l'arrêté des comptes de la SCP en vue d'établir le solde du compte courant de M. [Z].
Ce n'est cependant que par le dépôt, le 5 août 2021, du rapport d'expertise judiciaire rédigé par M. [B] [N] que M. [Z] a eu connaissance avec précision des faits lui permettant d'engager son action en responsabilité à l'encontre de l'expert-comptable par acte du 29 juin 2022.
Son action n'est donc pas prescrite.
Par voie de conséquence, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par le cabinet Bedu-Lefebvre.
Sur les demandes reconventionnelles formées par M. [Z]
Me [Z] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a débouté de ses demandes tendant à différer la clôture de la liquidation amiable de la SCP [G]-[M] et à ordonner la constitution d'un séquestre ou, à défaut d'une garantie, à hauteur de la somme de 84'325,39 euros correspondant au montant des diverses sommes qu'il revendique dans le cadre du débat au fond, outre celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Réitérant ces demandes en appel, il fait valoir que la dissolution de la SCP [G]-[M] intervenue par arrêté du 6 février 2024 laisse subsister sa personnalité morale pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci ; que cette dissolution, dont il n'a pas été informé par les appelants et dont il a appris par hasard qu'elle était intervenue, lui est inopposable dès lors qu'il résulte de la consultation tant du site Infogreffe que du Bodacc qu'aucune décision des associés ni aucune décision de justice de nomination n'a été déposée au greffe depuis l'arrêté de dissolution.
Me [G], en son nom personnel et en sa qualité de liquidateur amiable de la SCP [G] [M], s'y oppose, faisant valoir que la décision de clôturer ou non la liquidation d'une société appartient aux seuls associés et, par ailleurs, que la demande de séquestre ou de garantie n'est pas motivée, alors qu'il est pour le moins prématuré, pour M. [Z], de prétendre à une créance à hauteur de 84 325,39 euros.
Sur ce
Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
A titre liminaire, la cour constate tout d'abord que Me [G] et la SCP d'huissiers justifient de la désignation de Me [G] en qualité de liquidateur amiable de la SCP [G]-[M] suivant procès-verbal d'assemblée générale du 12 décembre 2023.
Il convient donc d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle leur a enjoint, sous astreinte, de communiquer l'identité du liquidateur et, statuant à nouveau, de dire n'y avoir lieu à une telle injonction.
Par ailleurs, l'article 1844-8 du code civil dispose que :
'La dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l'article 1844-4 et au troisième alinéa de l'article 1844-5. Elle n'a d'effet à l'égard des tiers qu'après sa publication.
Le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des statuts. Dans le silence de ceux-ci, il est nommé par les associés ou, si les associés n'ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice. Le liquidateur peut être révoqué dans les mêmes conditions. La nomination et la révocation ne sont opposable-s aux tiers qu'à compter de leur publication. Ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination ou dans la révocation du liquidateur, dès lors que celle-ci a été régulièrement publiée.
La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci.
Si la clôture de la liquidation n'est pas intervenue dans un délai de trois ans à compter de la dissolution, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le tribunal, qui fait procéder à la liquidation ou, si celle-ci a été commencée, à son achèvement.'
Il est constant que la disparition de la personnalité juridique d'une société n'est opposable aux tiers que par la publication au registre du commerce et des sociétés des actes ou évènements l'ayant entraînée, peu important que le tiers en cause ait eu personnellement connaissance des actes ou évènements avant l'accomplissement de cette formalité (Com., 11 sept. 2012, pourvoi n° 11-11.141 P) ; que la personnalité morale d'une société dissoute subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés (Civ. 2ème, 6 mai 1999, pourvoi n° 96-18.070 P ; Civ. 3ème, 31 mai 2000, pourvoi n° 98-19.435 P) ; que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision, et qu'en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société (Com. 26 juin 2007, n° 05-20.659 P).
Il résulte de l'article 73 du décret n°2022-950 du 29 juin 2022 relatif à certains sociétés constituées pour l'exercice de la profession de commissaire de justice, que la nullité ou la dissolution de la société n'est opposable aux tiers qu'à compter de l'accomplissement des formalités de publicité prévues par l'article 83, le deuxième alinéa de l'article 86 et l'article 92.
A cet égard, l'article 83 du même texte prévoit qu'à la diligence du procureur général, une décision judiciaire passée en force de chose jugée prononçant la nullité de la société fait l'objet d'une insertion au Journal officiel de la République française et d'un dépôt d'une de ses expéditions au dossier ouvert au nom de la société au greffe chargé de la tenue du registre du commerce et des sociétés.
Le deuxième alinéa de l'article 86 du même texte dispose que le liquidateur dépose au greffe chargé de la tenue du registre du commerce et des sociétés où la société est inscrite pour être versée au dossier ouvert au nom de la société la copie ou l'expédition visée au premier alinéa, dont tout intéressé pourra obtenir communication.
Enfin, l'article 92 du même texte dispose qu'une expédition de la décision nommant le liquidateur est déposée au greffe chargé de la tenue du registre du commerce et des sociétés où la société est inscrite pour être versée au dossier ouvert au nom de la société.
En l'espèce, il résulte du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la SCP Kinget-Marlière en date du 12 décembre 2023 que :
'selon un acte sous seing privé en date du 28 mars 2023, la société s'est engagée à user en faveur de la Selarl '[X] [T], [A] [L], [Y] [K], [Y] [I]' du droit que lui confère l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 et, en conséquence, à se démettre de ses fonctions de commissaire de justice à la résidence de [Localité 11] et à présenter le cessionnaire comme son successeur à l'agrément du Garde des [Localité 12].
Dès lors, sous réserve de l'obtention de l'agrément du Garde des [Localité 12] à l'opération envisagée, la collectivité des associés, après avoir entendu lecture du rapport de la gérance, décide de la dissolution anticipée de la société ainsi que sa mise en liquidation amiable à compter de la publication au Journal officiel de l'arrêté officialisant la nomination de la Selarl '[X] [T], [A] [L], [Y] [K], [Y] [I]' en qualité de titulaire de l'office dont la société est actuellement titulaire.
La personnalité morale de la société subsisterera pour les besoins de la liquidation et jusqu'à la clôture de celle-ci.(...)'
La même assemblée générale a par ailleurs désigné Me [S] [G] en qualité de liquidateur amiable de la SCP en liquidation pour la durée de celle-ci.
Si la dissolution de la société a été actée dans un arrêté du 6 février 2024 du ministère de la justice, il n'est en revanche pas établi que les formalités conditionnant l'opposabilité de cette dissolution aux tiers aient été accomplies.
Cependant, dès lors que la personnalité morale de la société dissoute doit subsister aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, il n'appartient pas au juge de la mise en état d'ordonner le report de la clôture de la liquidation de la société, cette responsabilité incombant au liquidateur.
La décision du premier juge sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande.
Par ailleurs, c'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge a considéré que les demandes aux fins de séquestre ou de constitution de garantie formulées par M. [Z] n'étaient pas justifiées, rien ne permettant d'affirmer à ce stade de la procédure, le caractère non sérieusement contestable des sommes réclamées.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Il résulte de l'article 1240 du code civil qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l'espèce, aucun élément au dossier ne permet de caractériser un comportement des appelants ayant dégénéré en abus, la seule appréciation inexacte de leurs droits par ceux-ci n'étant pas suffisante à caractériser l'existence d'un abus au sens des dispositions susvisées de sorte qu'il y a lieu de débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
C'est exactement que le premier juge a dit que les dépens de l'incident suivraient ceux de l'instance au fond.
Il en sera de même de ceux d'appel.
Il n'apparaît par ailleurs pas inéquitable de dire que les parties conserveront la charge de leurs frais irrépétibles d'incident, tant de première instance que d'appel, le jugement entrepris étant par conséquent réformé en ce qu'il a condamné M. [S] [G] et la Sarl Cabinet Bedu-Lefebvre à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de l'appel,
Infirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a dit que les dépens liés à l'incident suivraient le sort de ceux de l'instance au fond,
Statuant à nouveau,
Déclare M. [Z] irrecevable en sa demande de condamnation de Me [G] à rembourser la somme de 16'669,07 euros à la SCP [G]-[M] ;
Rejette les autres fins de non-recevoir tirées tant du défaut de qualité ou d'intérêt à agir que de la prescription soulevées par Me [G], agissant en son nom personnel et en qualité de liquidateur amiable de la SCP [G]-[M], et par la Sarl Cabinet Bedu-Lefebvre ;
Dit n'y avoir lieu d'enjoindre à la SCP [G]-[M] et à M. [S] [G] de communiquer, sous astreinte, l'identité du liquidateur désigné pour la liquidation de la SCP ;
Déboute M. [J] [Z] de ses demandes tendant à ordonner le report de la clôture de la liquidation de la SCP [G]-[M], et à ordonner la constitution d'un séquestre ou, à défaut d'une garantie, à hauteur de la somme de 84'325,39 euros ;
Déboute M. [J] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Dit que les dépens d'appel de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Samuel Vitse