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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 10 juillet 2025, n° 25/06772

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/06772

10 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 10 JUILLET 2025

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/06772 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLFOW

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Mars 2025 -Président du tribunal des activités économiques de PARIS - RG n° 2025003027

APPELANTES

S.A.S.U. PATHEL INDUSTRIE, RCS de [Localité 6] sous le n°505 353 771, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

S.A.S. HYDROSCAND, RCS de [Localité 5] sous le n°518 529 748, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentées par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

Ayant pour avocat plaidant Me Eric WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : R02

INTIMÉE

S.A.R.L. [H], RCS de [Localité 6] sous le n°791 958 440, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant Me Valérie NICOD, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 juin 2025, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société [H], dont le dirigeant et associé unique est M. [D], exerce une activité de holding. Elle a développé le groupe Pathel, dont la société mère est la société Pathel industrie, qui compte parmi ses filiales la société [N] aujourd'hui fusionnée avec la société Hydroscand.

Ces entreprises ont pour objet social :

Pathel industrie : « Activités d'achat, vente et négoce de tubes, tuyauteries, matériels et pièces de raccordements et de joints pour canalisation et systèmes de distribution de tous fluides et de tous matériels ou fournitures industrielles. »

[N] : « Toutes activités de négoce de fournitures industrielles ; toutes activités de fabrication et de vente de tuyaux et flexibles industriels pour liaisons souples et systèmes de distribution de tous fluides. »

Hydroscand : « Commerce de flexibles et raccords hydrauliques et industriels. Production et assemblage de tuyaux en caoutchouc composite, industriels et de tuyaux hydrauliques. »

Suivant contrat de cession du 8 décembre 2022, réitéré le 21 décembre 2022, la société [H] et son dirigeant M. [D] ont cédé à la société Hydroscand la totalité des titres et droits de vote qu'ils détenaient dans la société Pathel industrie et ses filiales (le groupe Pathel), pour un montant de 10.000.000 euros.

Parallèlement, les sociétés [H] et Hydroscand ont conclu un contrat de prestations de services par lequel la société [H] s'est engagée pour une période de trois ans à assister et conseiller la société Hydroscand dans l'administration quotidienne du groupe Pathel. Ce contrat de prestations de services a pris fin le 30 juin 2024.

Le contrat de cession contient une clause de non-concurrence applicable pendant une période de trois ans à compter de la fin de contrat de prestations de services, soit jusqu'au 30 juin 2027.

Le 22 octobre 2024, la société [H] a constitué la société Klein, dont elle est la présidente et l'unique associée. Cette société a pour objet social la « fabrication et commercialisation de robinetterie industrielle. » Elle a acquis le 31 octobre 2024 le fonds de commerce de la société Secci, titulaire de la marque Klein.

Le 1er janvier 2025, la société [H] est devenue présidente de la société BSI, dont elle a racheté les actions. La société BSI a pour objet social le « négoce de fournitures de robinetterie générale et d'instrumentation pour l'industrie et les installateurs et toutes activités annexes ou connexes s'y rapportant. »

Se plaignant de ce qu'en ayant créé la société Klein et racheté la société BSI, dont l'activité est concurrente de celle de la société Hydroscand, et en ayant débauché et embauché deux salariés de la société Pathel industrie la société [H] a violé la clause de non-concurrence du contrat de cession, les sociétés Hydroscand et Pathel industrie ont, par exploit du 17 janvier 2025, assigné la société [H] devant le juge des référés du tribunal des activités économiques de Paris, aux fins de :

faire injonction sous astreinte de 1.000 euros par jours de retard à compter du huitième jour suivant la notification de l'ordonnance, à la société [H] de cesser la concurrence interdite à laquelle elle se livre et à cette fin :

modifier l'objet social des statuts de la société Klein, afin que celui-ci reflète l'interdiction de concurrence et en particulier l'interdiction de fabriquer et de commercialiser tous tuyaux et flexibles, notamment en inox destinés à l'industrie en général et tout accessoire s'y rapportant ;

cesser, en sa qualité de mandataire social (Présidente) de Klein, tout acte de promotion, vente ou marketing portant sur les produits visés par l'activité commerciale interdite par l'engagement de non-concurrence pris au bénéfice des sociétés demanderesses, et donner instruction écrite en ce sens à l'ensemble de ses préposés en attirant leur attention sur le fait que la société Klein est soumise à un engagement de non-concurrence lui interdisant de promouvoir et vendre tous tuyaux flexibles en inox destinés à l'industrie en général et tout accessoire s'y rapportant ;

publier dans les huit jours de la notification le dispositif de l'ordonnance du président du tribunal de céans, sur le compte Linkedln de Klein, dans son intégralité ;

condamner la société [H] au paiement d'une provision d'un montant de 250.000 euros.

Par ordonnance contradictoire du 26 mars 2025, le juge des référés du tribunal des activités économiques de Paris a :

débouté la société [H] de sa demande d'irrecevabilité,

dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes des sociétés Pathel industrie et Hydroscand,

rejeté la demande de jonction avec l'instance n° RG 2025017833 ;

condamné la société Hydroscand à régler à la société [H] la somme de 250.000 euros à titre de provision ;

condamné les sociétés Hydroscand et Pathel industrie à payer chacune à la société [H] la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

condamné in solidum les sociétés société Hydroscand et Pathel industrie aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 56,09 euros TTC dont 9,14 euros de TVA. ;

Par déclaration du 15 avril 2025, les sociétés Pathel industrie et Hydroscand ont relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 17 avril 2025, elles ont été autorisées à assigner à jour fixe la société [H].

Dans leurs dernières conclusions remise et notifiées à la cour le 4 juin 2025, les sociétés Pathel industrie et Hydroscand demandent à la cour de :

les déclarer recevables en leur appel de l'ordonnance rendue le 26 mars 2025 par le président du tribunal des activités économiques de Paris ;

y faisant droit :

infirmer l'ordonnance rendue le 26 mars 2025 par le président du tribunal des activités économiques de Paris en ce qu'elle a :

dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes des société Pathel industrie et la société Hydroscand,

rejeté la demande de jonction avec l'instance n° RG 2025017833 ;

condamné la société Hydroscand à régler à la société [H] la somme de 250.000 euros à titre de provision ;

condamné les société Hydroscand et société Pathel industrie à payer chacune à la société [H] la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties.

condamné in solidum les sociétés société Hydroscand et société Pathel industrie aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 56,09 euros TTC dont 9,14 euros de TVA ;

statuant à nouveau :

faire injonction sous astreinte de 1.000 euros par jours de retard à compter du huitième jour suivant la notification de l'ordonnance, à la société [H] de cesser la concurrence interdite à laquelle elle se livre et à cette fin :

modifier l'objet social des statuts de la société Klein et de la société BSI, afin que ceux-ci reflètent l'interdiction de concurrence et en particulier l'interdiction de fabriquer et de commercialiser les produits couvert par l'activité objet de la clause de non-concurrence, ceci en ajoutant à l'objet social la précision suivante : « à l'exception de la fabrication et la distribution (a) de tuyaux et flexibles industriels pour liaisons souples et systèmes de distribution de tous fluides ainsi que (b) de raccords et d'accessoires pour tuyaux industriels et de flexibles hydrauliques » ;

cesser, en sa qualité de mandataire social (Présidente) de Klein et de BSI, tout acte de promotion, vente ou marketing portant sur les produits visés par l'activités commerciale interdite par l'engagement de non-concurrence pris au bénéfice des sociétés appelantes, et donner instruction écrite en ce sens à l'ensemble de ses préposés en attirant leur attention sur le fait que la société Klein et la société BSI sont soumises à un engagement de non concurrence interdisant de promouvoir et vendre tous tuyaux flexibles en inox destinés à l'industrie en général et tout accessoire s'y rapportant ;

cesser d'employer M. [X] au sein de la société BSI ou tout autre société contrôlée par la société [H] ;

désigner un expert judiciaire de la spécialité expertise comptable et évaluation de préjudice avec pour mission de :

convoquer et entendre les parties et leurs explications et de répondre à leurs dires et observations ;

entendre tous témoins ;

se faire communiquer par les parties tout document, toute donnée et toute déclaration écrite ou orale qu'il estimerait utile à l'accomplissement de sa mission ;

se rendre au siège des sociétés [H], Klein et BSI et se faire communiquer :

l'ensemble des actes et tout document par lesquels [H] a créé la société Klein et acquis la propriété du fonds de commerce SECCI ainsi que les actes et tout document par lesquels [H] a acquis les actions de la société BSI et toute autre pièce comptable et identifier si ces transactions ont été négociées alors que [H] était liée par un contrat de prestation de services aux appelantes ;

l'ensemble des factures et de toute autre pièce comptable au 1er janvier 2024 et jusqu'au 30 juin 2027 justifiant des flux financiers entre les sociétés Klein et BSI, identifier les clients facturés et les produits facturés et lister les concordances avec les clients et produits couverts par la clause de non concurrence liant [H], ou toute société qu'elle détiendrait, aux appelantes ;

l'ensemble des contrats de travail et éventuel avenant et tout document attestant des rémunérations et charges sociales payées par les sociétés [H], Klein et BSI pour l'emploi ou pour un mandat social au bénéfice de MM. [X] et [G] ;

l'ensemble des documents afférents à des véhicules de fonctions mis à disposition par les sociétés [H], BSI ou Klein au bénéfice de MM. [X] et [G] ;

l'ensemble des documents comptables afférents à des investissement en 2024 et 2025 réalisés par les sociétés [H], BSI ou Klein dans des équipements industriels de gravure laser, de certification normative ou de soudure ou tout autre équipement similaire à ceux existant au sein des sociétés Pathel et Hydroscand ;

évaluer les préjudices consécutifs à tout acte de concurrence (achat de fonds de commerce ou de parts sociales, captation de clientèle, débauchage de salariés ou tout autre acte mis en lumière dans le cadre de l'expertise) commis par les sociétés [H], Klein et BSI et ce en violation des engagements de non-concurrence et de loyauté contenus dans les contrats de cession d'actions des sociétés Pathel et [N] ;

de manière générale, identifier tout élément permettant au tribunal d'apprécier les actes de concurrence mentionnés au précédent tiret ;

mesurer l'incidence de tout changement de valorisation des stocks de Pathel sur les exercices 2022 et 2023 sur les compléments de prix prévus par le Contrat de cession d'actions de Pathel du 8 décembre 2022 ;

identifier toute dépense, surcoût exposé par les appelantes pour protéger leurs intérêts à la suite des violations identifiées et en évaluer le montant ;

dire que l'expert sera saisi et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 236 et suivants du code de procédure civile ;

dire que l'expert devra adresser un pré-rapport aux parties dans un délai de cinq mois suivant sa saisine aux fins de recueillir leurs observations ;

dire que l'expert devra déposer au greffe du tribunal son rapport dans un délai de six mois suivant sa saisine en un original et une copie, après en avoir envoyé un exemplaire à chaque partie ;

fixer le montant de la consignation à valoir sur les honoraires de l'expert désigné ;

débouter la société [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions et notamment sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner la société Hydroscand à lui régler la somme de 250.000 euros à titre de provision ;

condamner la société [H] à leur payer 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; et

condamner la société [H] aux dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 3 juin 2025, la société [H] demande à la cour, de :

à titre principal,

confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal des activités économiques de Paris le 26 mars 2025, en ce qu'elle a :

dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes des société Pathel industrie et la société Hydroscand,

rejeté la demande de jonction avec l'instance n° RG 2025017833 ;

condamné la société Hydroscand à régler à la société [H] la somme de 250.000 euros à titre de provision ;

condamné les société Hydroscand et société Pathel industrie à payer chacune à la société [H] la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties.

condamné in solidum les sociétés société Hydroscand et société Pathel industrie aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 56,09 euros TTC dont 9,14 euros de TVA ;

infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal des activités économiques de Paris le 26 mars 2025, en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande d'irrecevabilité,

en conséquence,

débouter les sociétés Hydroscand et Pathel industrie de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

déclarer l'action des sociétés Hydroscand et Pathel industrie irrecevable, faute d'avoir mis en 'uvre la clause de conciliation préalable ;

en tout état de cause,

condamner les sociétés Hydroscand et Pathel industrie à lui payer chacune la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner in solidum les sociétés Hydroscand et Pathel industrie aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE, LA COUR

Sur la fin de non-recevoir

La société [H] soulève à titre liminaire l'irrecevabilité de l'action engagée par les sociétés Hydroscand et Pathel industrie, au motif qu'elles n'ont pas respecté la clause de conciliation obligatoire et préalable à la saisie du juge prévue à l'article 21 du contrat de cession d'actions et à l'article 8.8 du contrat de prestations de service.

Les appelantes répliquent qu'en cas d'urgence, de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, notions dans lesquelles l'urgence est sous-jacente, la procédure de médiation ou de conciliation obligatoire ne fait pas obstacle à la saisine du juge des référés.

Elles ajoutent qu'en tout état de cause cette prétendue irrégularité est régularisable en cours d'instance et a été régularisée puisque les parties se sont rapprochées par un échange de courriers officiels en date du 4 février et du 10 mars 2025, et ce sans parvenir à une résolution amiable de leur différend.

L'article 21 du contrat de cession d'actions prévoit que « (') Tout différend né entre les parties au sujet de son interprétation, sa validité, son application, son exécution ou son inexécution, sera à défaut de résolution amiable devant intervenir dans les trente jours ouvrés à compter du différend qui aura été notifié par l'une ou l'autre des parties dans les conditions de forme dictées à l'article 22, soumis par la partie la plus diligente à la compétence exclusive du tribunal de commerce de Paris, sauf compétence obligatoire autre. »

L'article 8.8 du contrat de prestations de services prévoit que « Les parties tenteront de régler à l'amiable tout différend découlant du présent contrat ou en relation avec celui-ci ('). »

Il est de principe en jurisprudence que les dispositions légales ou contractuelles instituant une procédure de conciliation préalable et obligatoire ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent.

L'action des sociétés Hydroscand et Pathel industrie tendant à la cession d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation d'un engagement contractuel de non-concurrence, elle est recevable même sans recours préalable à la conciliation prévue au contrat.

La fin de non-recevoir sera rejetée, l'ordonnance étant confirmée de ce chef.

Sur le fond du référé

En application de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

En application de l'article 873 du même code, il peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime c'est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Les appelantes arguent d'une violation manifeste par la société [H] de la clause de non-concurrence prévue au contrat de cession d'actions.

Elles soutiennent en substance :

Que la société Klein, créée par la société [H] pendant la période d'application de la clause de non-concurrence, exerce une activité concurrente tant au niveau de la vente de flexibles qu'au niveau de la robinetterie industrielle, qui sont tous des produits couverts par la clause ; qu'elle est également en concurrence frontale, dans la mesure où elle effectue également une activité d'assemblage et de soudage d'accessoires, exactement au même titre que Pathel industrie ;

Que la société BSI, acquise par la société [H] pendant la période d'application de la clause de non-concurrence, exerce elle aussi une activité directement concurrente de celle de Pathel industrie, ainsi qu'il ressort de la comparaison de leur objet social et de leurs catalogues qui permettent de se rendre compte que de nombreux produits commercialisés par BSI sont des produits similaires à ceux vendus par Pathel, Elle souligne que selon son objet social BSI vend bien à des clients industriels ;

Qu'en outre BSI a embauché illicitement deux salariés de Pathel industrie, le directeur commercial (M. [G]) et un responsable commercial (M. [X]), ce qui a eu pour effet de désorganiser considérablement l'équipe de vente de Pathel industrie qui était composée de cinq personnes lors de la cession.

Qu'en outre la société Marsali a commis une intrusion dans le système informatique de Pathel : jusqu'au 30 novembre 2024 soit durant 5 mois après avoir quitté Pathel et alors qu'il avait déjà créé Klein et racheté Secci et BSI, M. [D] s'est connecté au serveur de Pathel pour consulter des fichiers constituant des secrets d'affaires afin d'en faire bénéficier ses nouvelles sociétés ; il a même changé la valeur des stocks dans les comptes de l'entreprise, ce qui a un impact direct sur le paiement du complément de prix de la cession.

La société [H] conteste avoir violé la clause de non-concurrence, reprochant aux appelantes d'en faire une interprétation extensive quant à l'activité du groupe Pathel telle que définie au contrat de cession, à savoir la fabrication et la vente de « tuyaux et flexibles industriels pour liaisons souples et systèmes de distribution de tous fluides ainsi que de raccords et d'accessoires pour tuyaux industriels et de flexibles hydrauliques ». Elle fait valoir que depuis sa constitution la société Klein ne fabrique pas ni ne vend ce type de produits mais exclusivement des vannes, spécifiquement des vannes à soupape à soufflet qui sont des produits non flexibles et non souples, avec une fonction totalement différente, et que Pathel ne commercialise pas. Elle rappelle que son objet social est bien différent de celui du groupe Pathel puisqu'il est « la fabrication et la commercialisation de robinetterie industrielle ». Elle relève que le catalogue dont se prévalent les appelantes date de 2020, précisant que c'était celui de la société Secci et que ce n'est plus celui de la société Klein en 2025.

S'agissant de la société BSI, elle expose que celle-ci vend des canalisations fixes et accessoires pour plombiers chauffagistes comme en atteste son catalogue ; qu'elle n'a pas vocation à vendre à des industriels ; qu'elle ne vend pas de flexibles onduleux en inox pour l'industrie mais tout au plus des flexibles de douche.

Sur le débauchage de salariés, elle indique que M. [G] n'est pas employé de BSI mais d'une société CIA PRO, et que s'agissant de M. [X], il doit être rappelé que le débauchage de salariés n'est interdit que pour exercer une activité concurrente, ce qui n'est pas le cas, qu'il n'est pas non plus démontré que BSI aurait incité ce salarié à quitter Pathel.

Sur l'intrusion dans les systèmes informatiques de Pathel industrie, elle réplique que les faits dénoncés sont imputables à M. [D], qui n'est pas à la cause, et non à la société [H], qu'en outre ils ne sont pas démontrés.

La clause de non-concurrence litigieuse est ainsi rédigée :

« A compter de la Date de Réalisation pendant toute la durée du Contrat de Prestations de services, puis pendant une période de 36 mois à compter de la fin du Contrat de Prestations de Services, le Cédant et le Dirigeant s'engagent à ne pas :

a) Collaborer ou travailler, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, pour le compte d'une entreprise exerçant une Activité Concurrente ;

b) Exercer une Activité Concurrente, soit à titre personnel, soit par l'intermédiaire d'une Personne créée à cet effet ou déjà existante ;

c) (')

d) Solliciter, démarcher, débaucher, embaucher, directement ou indirectement, les salariés ou dirigeants des Sociétés Pathel notamment aux fins de les inciter à quitter l'une des Sociétés Pathel ou à s'en détourner ;

e) Démarcher activement tout client ou fournisseur du groupe du Cessionnaire, d'un Affilié du Cessionnaire, ou d'une des Sociétés Pathel, ni inciter tout client ou fournisseur ou tenter de le persuader de mettre un terme ou de modifier, de quelque manière que ce soit, ses relations avec les Sociétés Pathel ;

f) Inciter ou tenter de persuader toute personne physique ou morale qui est ou a été un consultant, directeur, dirigeant, distributeur, client, fournisseur ou agent d'une des Sociétés Pathel, à mettre un terme ou à suspendre ses relations d'affaires avec l'une des Sociétés Pathel pour le compte d'une entreprise exerçant une Activité Concurrente.

g) (') »

Aux termes du contrat, l'« Activité » désigne l'activité du groupe Pathel telle que désignée au préambule du contrat : « Le groupe Pathel est spécialisé dans la fabrication et la distribution de tuyaux et flexibles industriels pour liaisons souples et systèmes de distribution de tous fluides ainsi que de raccords et d'accessoires pour tuyaux industriels et de flexibles hydrauliques. »

L'« Activité concurrente » est ainsi définie : « toute activité ayant un lien direct ou indirect, en tout ou partie, avec l'Activité, ainsi que la détention directe ou indirecte d'une participation dans une Personne exerçant une activité ayant un lien direct ou indirect, en tout ou partie, avec l'Activité. »

Il doit d'abord être relevé, à la lecture de ces clauses et sans nécessité de les interpréter, que les parties n'ont pas entendu circonscrire l'activité concurrente à la fabrication et la distribution de produits identiques à ceux fabriqués et commercialisés par le groupe Pathel, dès lors qu'une activité présentant un lien même indirect avec celle de la société cédée est considérée comme étant concurrentielle et contrevenant ainsi à la clause de non-concurrence.

Or, force est de constater que l'activité des sociétés Klein et BSI, telle que définie par leurs statuts, est très voisine de celle du groupe Pathel.

En effet, selon leurs extraits Kbis actualisés, la société Klein a pour activité la « fabrication et commercialisation de robinetterie industrielle », la société BSI ayant pour sa part une activité de « négoce de fournitures de robinetterie générale et d'instrumentation pour l'industrie et les installations et toutes activités annexes s'y rapportant. », étant observé que la seconde ne destine pas ses produits qu'aux plombiers comme elle le soutient, mais aussi à l'industrie comme son objet social le précise.

Dans ces conditions, il ne peut être valablement soutenu par la société [H] que dès lors que les sociétés Klein et BSI ne fabriquent ni ne commercialisent des tuyaux et flexibles industriels pour liaisons souples et systèmes de distribution de tous fluides, elles n'exercent pas une activité concurrente de celle du groupe Pathel, étant d'ailleurs rappelé que l'activité de celui-ci, telle que définie au contrat, recouvre aussi la fabrication et la commercialisation de « raccords et accessoires pour tuyaux industriels et flexibles hydrauliques. »

Au demeurant, il résulte du procès-verbal de constat internet établi le 6 janvier 2025 par un commissaire de justice à la requête des sociétés appelantes que le catalogue de la société Klein propose non seulement des vannes mais aussi des flexibles inox du même type que ceux vendus par le groupe Pathel. Ce catalogue date effectivement de 2020, comme le souligne la société [H], mais celle-ci ne produit pas de catalogue actualisé duquel il ressortirait que la société Klein ne commercialise plus ces flexibles. Si l'expert-comptable de la société Klein atteste que la société n'a réalisé aucune vente de produit appartenant à la famille des tuyaux onduleux inox depuis la création de la société le 28 octobre 2024, et que sur l'attestation de l'expert-comptable de la société Secci (dont le fonds a été racheté par la société Klein), il est fait état en 2024 d'un chiffre d'affaires limité à 3263 euros et inférieur à celui des années précédentes, ces données ne permettent pas de s'assurer que le produit n'est plus commercialisé par la société Klein, laquelle ne justifie pas l'avoir retiré de son catalogue, étant rappelé que lors de son constat internet du 6 janvier 2025 le commissaire de justice a eu accès au catalogue de 2020 qui est donc toujours diffusé et propose à la vente le produit litigieux.

En outre, comme le soulignent les appelantes, les vannes que la société Klein commercialiserait exclusivement sont composées d'éléments tels que des raccords à brides, qui sont également vendus par la société Hydroscand dans le cadre de son activité protégée par la clause de non-concurrence, de fabrication et commercialisation de raccords et accessoires de tuyauteries.

Est ainsi caractérisé, avec l'évidence requise en référé, l'exercice par la société Klein d'une activité à tout le moins indirectement concurrente de celle du groupe Pathel, rachetée par la société Hydroscand.

Concernant la société BSI, l'examen comparatif des catalogues de vente des sociétés Pathel industrie et BSI établit que la seconde commercialise de nombreux produits similaires à ceux de la première dans le cadre de l'activité, protégée par la clause de non-concurrence, de raccords et d'accessoires pour tuyaux industriels et de flexibles hydrauliques, tels que des filtres laiton, des vannes à sphère, des vannes à papillon, des vannes à opercule, des raccords en fonte, des clapets de retenue, des brides à collerette etc., étant rappelé que selon son objet social la société BSI commercialise bien pour l'industrie.

S'agissant du débauchage de salariés, si la société [H] conteste l'embauche de M. [G] par la société Klein, produisant un contrat de travail de cette personne avec une société tierce CIA PRO, elle ne conteste pas que M. [X], ancien responsable commercial de la société Pathel industrie, a été embauché par la société BSI. La sommation interpellative que les sociétés Patel industrie et Hydroscand ont fait délivrer à cette personne au siège social de la société BSI le confirme. Or, cette embauche d'un salarié de la société Pathel industrie au profit de la société BSI exerçant une activité concurrente constitue une violation manifeste de la clause de non-concurrence (paragraphe d) de la clause).

Ces éléments suffisent à caractériser la violation de la clause de non-concurrence par la société [H] et le trouble manifestement illicite qui est résulté, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen tiré de l'intrusion de M. [D] dans les systèmes informatiques de la société Pathel industrie.

En revanche, ne sont pas suffisamment déterminées, quant aux actes de concurrence dénoncés, les mesures sollicitées pour qu'il soit mis fin au trouble subi, l'interdiction de commercialisation et de modification subséquente de l'objet social des sociétés Klein et BSI ne pouvant porter de manière générale, sans se heurter à d'inévitables difficultés d'exécution, sur « la fabrication et la distribution de tuyaux et flexibles industriels pour liaisons souples et systèmes de distribution de tous fluides ainsi que de raccords et d'accessoires pour tuyaux industriels et de flexibles hydrauliques. ». Ne pourrait être ordonnée que la cessation de la commercialisation de produits déterminés entrant dans le champ de l'activité protégée, qu'il revient aux appelantes de déterminer et ce qu'elles ne font pas.

Quant à la cessation du contrat de travail de M. [X], le juge des référés n'a pas le pouvoir d'ordonner la résiliation d'un contrat de travail ni de prendre une mesure entraînant la rupture de celui-ci (Soc., 15 mai 2007, pourvoi n° 06-48.110, diffusé).

S'agissant de la mesure d'expertise, elle est sollicitée par les appelantes aux fins de détermination de l'étendue des actes de concurrence et d'évaluation de leur préjudice.

Or, s'il entre bien dans la mission d'un expert judiciaire de définir et de chiffrer le préjudice résultant d'actes de concurrence interdite, il n'entre pas dans ses pouvoirs de déterminer les actes de concurrence eux-mêmes, s'agissant d'une appréciation juridique des faits. Il revient aux appelantes de déterminer précisément ces actes avant de faire évaluer leur préjudice. La mission de l'expert est en l'état indéterminable.

Il convient de relever sur ce point qu'une ordonnance a été rendue le 31 mars 2025 par le président du tribunal des activités économiques de Lyon à la requête des sociétés Pathel industrie et Hydroscand, qui fait droit à leur demande d'une mesure d'instruction in futurum destinée à démontrer les violations contractuelles et actes de concurrence illicites commis par les sociétés [H], Klein et BSI. Une assignation en référé-rétractation a été délivrée aux sociétés Pathel industrie et Hydroscand par la société [H] pour une audience devant se tenir le 18 juin 2025.

Aussi il ne peut être jugé, dans le cadre de présente instance en référé, que de la réalité d'un trouble manifestement illicite subi par les sociétés appelantes du fait de la violation de la clause de non-concurrence par la société [H], la cour disant n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes des sociétés Pathel industrie et Hydroscand.

Sur la demande reconventionnelle de provision formée par la société [H]

L'intimée sollicite à titre reconventionnel la condamnation de la société Hydroscand, en tant que cessionnaire, à lui payer une provision de 250.000 euros correspondant à la deuxième tranche du séquestre prévu à la convention de cession, libérable à compter du 1er janvier 2025.

Le contrat de cession prévoit à son article 3.4.2 le paiement par le cédant sur un compte séquestre d'une partie du prix de cession, d'un montant égal à 750.000 euros libérable par tranches, la première d'un montant de 250.000 euros ayant d'ores et déjà été libérée, les appelantes s'opposant à la libération de la deuxième, arguant de contestations sérieuses tenant à la violation par la société [H] de son obligation de non-concurrence et du préjudice en résultant pour le cessionnaire.

Ainsi, dans un courrier du 3 février 2025, les sociétés Pathel industrie et Hydroscand informaient la société [H], via leurs conseils, qu'elles s'opposeraient à toute restitution des sommes séquestrées en vertu de la convention de séquestre en conséquence des fraudes commises par la société [H], ayant l'intention d'obtenir au terme de la période d'interdiction de concurrence, notamment la différence de valeur entre le prix de cession payé pour les actions de Pathel et la valeur de Pathel en suite des violations du contrat, ainsi que le dédommagement de la portion de prix payée en contrepartie des engagements de non-concurrence incorporée dans le prix de cession.

L'article 3.4.2 du contrat de cession stipule que le montant de 750.000 euros séquestré a pour objet de garantir le paiement par le cédant au cessionnaire de toute indemnisation ou montant qui serait dû par le cédant et le dirigeant au titre de la garantie visée à l'article 8 du contrat (« garantie d'actif et de passif du cédant et du dirigeant »).

La convention de garantie stipule avoir pour objet de préciser les déclarations et garanties faites par le cédant et le dirigeant au profit du cessionnaire, ainsi que les modalités d'indemnisation du cessionnaire en cas de survenance d'un préjudice tel que ce terme est défini ci-après.

Cette définition du préjudice comprend notamment « les conséquences pécuniaires effectivement mises à la charge d'une Société Pathel et/ou du Cessionnaire (') ou plus généralement toutes conséquences dommageables résultant d'une inexactitude ou violation de l'une des Déclarations et Garanties souscrites par le Garant au sein des présentes et des obligations du Contrat. » (souligné par la cour)

La somme séquestrée garantit ainsi, notamment, les conséquences dommageables pour le cessionnaire d'une violation des obligations du contrat de cession par le cédant.

Il s'ensuit que les sociétés Pathel industrie et Hydroscand, qui se prévalent d'un préjudice financier résultant de la violation par la société [H] de son obligation de non-concurrence, laquelle est reconnue par la cour, opposent une contestation sérieuse à la demande de la société [H] tendant à la libération de la deuxième fraction du séquestre.

L'intimée sera en conséquence déboutée de sa demande de provision, l'ordonnance entreprise étant infirmée de ce chef.

Sur les mesures accessoires

Le sens du présent arrêt commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et dépens, exposés tant en première instance qu'en appel. L'ordonnance déférée sera infirmée de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir et dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise et sur les demandes de mesures destinées à mettre fin au trouble manifestement illicite,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que les sociétés Pathel industrie et Hydroscand subissent un trouble manifestement illicite résultant de la violation par la société [H] de la clause de non-concurrence prévue au contrat de cession d'actions conclu par les parties,

Dit cependant n'y avoir lieu à référé sur les mesures sollicitées pour qu'il soit mis fin au trouble ainsi que sur la demande d'expertise,

Déboute la société [H] de sa demande de provision,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et dépens, exposés tant en première instance qu'en appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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