CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 10 juillet 2025, n° 23/07106
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 10 JUILLET 2025
(n° 120 /2025, 18 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 23/07106 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHPDN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mars 2023- tribunal judiciaire de Paris (18ème chambre, 2ème section)- RG n° 19/10510
APPELANTE
S.C.I. SCI DE LA PICHARDIERE
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le n° 391 381 506
Agissant poursuite et diligence de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : B1055
Assistée de Me Delphine ANTOINE substituant Me Martine CHOLAY, avocat au barreau de Paris, toque : B242
INTIMÉE
S.A.S. ULYSSE
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le n° 823 950 928
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée et assistée par Me Yoram KOUHANA, avocat au barreau de Paris, toque : C1132
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 septembre 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
Mme Stéphanie Dupont, conseillère
Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous-seing privé à effet au 1er décembre 2016, la SCI de la Pichardière a donné à bail à la société Ulysse des locaux à usage commercial situés [Adresse 4] à Paris 14ème, pour une durée de 9 ans, contre le paiement d'un loyer annuel en principal de 34 800 euros payables trimestriellement et d'avance. Les locaux sont à destination de l'exercice d'activités de « plate-forme de distribution de boissons, stockage », à l'exclusion de toute autre. Les locaux correspondent aux lots n°s 637, 638, 639 et 640 (bâtiment C, rez-de-chaussée) d'un ensemble immobilier situé [Adresse 4] à [Localité 11] est soumis au statut de la copropriété.
Par acte extrajudiciaire du 15 février 2017, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 11] a fait sommation à la société Ulysse d'avoir à cesser sans délai toute exploitation commerciale des locaux loués.
Par acte du 29 novembre 2017, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dont dépendent les locaux en cause a assigné la SCI de la [Adresse 12] devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, aux fins notamment de résilier le bail commercial, et de voir condamner in solidum la SCI de la [Adresse 12] et la société Ulysse au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts. Par jugement du 24 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande de résiliation du bail commercial formée par le syndicat des copropriétaires ainsi que la SCI de la [Adresse 12], condamné le syndicat des copropriétaires à payer 3.000 euros de dommages et intérêts à la société Ulysse outre 2.000 euros au titre des frais irrépétibles et rejeté les autres demandes des parties. Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de ce jugement, la procédure est toujours en cours devant la 2ème chambre pôle 4 de la cour d'appel de Paris.
Par acte extrajudiciaire du 9 mai 2019, la SCI de la [Adresse 12] a fait délivrer à la société Ulysse un commandement visant la clause résolutoire de payer la somme de 30 934,22 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges.
Par acte extrajudiciaire du 9 juillet 2019, la SCI de la [Adresse 12] a fait délivrer à la société Ulysse un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à respecter ses obligations relatives aux règles de sécurité incendie, aux prescriptions administratives et aux autorisations nécessaires à l'exercice de son activité.
Par acte extrajudiciaire du 17 juillet 2019, la SCI de la [Adresse 12] a fait délivrer à la société Ulysse un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à constituer une garantie bancaire à première demande conformément aux termes du bail.
Le 30 juillet 2019, les époux [T] ont cédé à la société DB Invest leurs parts de la SCI de la Pichardière.
Par actes séparés du 1er août 2019, la société Ulysse a assigné la SCI de la Pichardière devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de contester les commandements délivrés le 9 juillet 2019 et le 17 juillet 2019. Les affaires ont été jointes.
Par acte du 9 septembre 2019, la SCI de la [Adresse 12] a assigné la société Ulysse devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail.
Par ordonnance en date du 25 mai 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a notamment :
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du bail sur le fondement du commandement visant la clause résolutoire du 9 mai 2019 sur le règlement des loyers impayés, mais a condamné la société Ulysse à payer la somme provisionnelle de 22.477,76 euros sur les arriérés locatifs, en 18 mensualités de 1.248 euros chacune ;
- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail sur le fondement du commandement du 17 juillet 2019 visant l'obligation contractuelle d'avoir à remettre une garantie bancaire à première demande étaient réunies ;
- suspendu rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire du bail à condition que la société Ulysse remette la garantie autonome à première demande telle que prévue dans le bail dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance ;
- dit que, faute pour la société Ulysse de remettre à la SCI de la Pichardière ladite garantie autonome à première demande dans le délai d'un mois et huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception, la clause sera acquise et produira son plein et entier effet, et qu'il pourra être procédé à l'expulsion immédiate de la société Ulysse qui devra payer une indemnité mensuelle d'occupation égale au dernier loyer ;
- condamné la société Ulysse au paiement d'une provision de 22.477,76 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 3ème trimestre 2019 et accordé dix huit mois de délais de paiement.
L'ordonnance, signifiée le 26 juin 2020, est devenue définitive en l'absence de recours.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 4 août 2020, la SCI de la [Adresse 12] a mis en demeure la société Ulysse d'avoir à remettre sans délai la garantie bancaire autonome à première demande, puis par acte extrajudiciaire du 30 septembre 2020, la SCI de la [Adresse 12] a fait délivrer un commandement aux fins de quitter les lieux avec signification de la déchéance du terme.
Par jugement du 10 novembre 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris, saisi par la société Ulysse, a notamment accordé à la société Ulysse un délai de 24 mois, soit jusqu'au 10 novembre 2022 inclus pour libérer les lieux en cause délai subordonné au paiement ponctuel et régulier de l'indemnité d'occupation visée dans l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris du 25 mai 2020, disant qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à sa date exacte, le délai sera caduc et l'expulsion pourra être poursuivie.
Le 16 novembre 2020, la société Ulysse a obtenu auprès de la Caisse d'Epargne une garantie à première demande de 18.493,12 euros en faveur de la SCI de la [Adresse 12] que cette dernière a mis en application obtenant par la banque le paiement de 16.049,61 euros le 23 novembre 2023.
Par jugement du 22 mars 2023, le tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré irrecevable l'exception de litispendance formée par la société Ulysse ;
- déclaré nul le commandement délivré le 9 juillet 2019 par la SCI de la Pichardière visant la clause résolutoire ;
- dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de la société Ulysse de ce chef ;
- dit n'y avoir lieu à enjoindre à la SCI de la [Adresse 12] d'avoir à prendre toutes les mesures nécessaires à l'encontre du syndicat des copropriétaires dudit immeuble afin que les normes de sécurité incendie et prescriptions administratives soient respectées dans l'immeuble, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
- déclaré nul le commandement délivré le 17 juillet 2019 visant la clause résolutoire ;
- dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de la société Ulysse de ce chef ;
- condamné la société Ulysse à payer à la SCI de la Pichardière la somme de 16.049,82 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges dû, terme du premier trimestre 2022 inclus, selon décompte arrêté au 10 janvier 2022 ;
- débouté la société Ulysse de sa demande de condamnation à l'encontre de la SCI de la Pichardière à lui payer la somme de 16.500 euros, à titre de dommages et intérêts au regard de la provision sur charges ;
- débouté la société Ulysse de sa demande de délais ;
- condamné la SCI de la Pichardière à payer à la société Ulysse la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- débouté la société Ulysse de sa demande tendant à condamner la SCI de la [Adresse 12] à enjoindre au syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] Paris [Adresse 3] de poser une boîte aux lettres au nom de la demanderesse sous astreinte ;
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;
- dit n'y avoir lieu à condamner sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 14 avril 2023, la SCI de la [Adresse 12] a interjeté appel partiel du jugement. Il s'agit du présent litige.
Parallèlement, par jugement du 25 mai 2023, le juge de l'exécution saisi par la société Ulysse a annulé le commandement de quitter les lieux que la SCI de la [Adresse 12] lui a délivré le 30 novembre 2022 et rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Ulysse.
Par ordonnance du 18 janvier 2024, le conseiller de la mise en état saisi par la société Ulysse a :
- rejeté la demande de la société Ulysse aux fins de voir déclarer incompétente la chambre 5 du pôle 3 de la cour de céans au profit de la chambre 2 du pôle 4 de la même cour pour statuer sur le litige dont elle est saisie ;
- dit n'y avoir lieu de solliciter la redistribution de l'affaire auprès du Président de la Cour ;
- déclaré irrecevables devant le conseiller de la mise en état les autres demandes relatives au fond du litige formées par la société Ulysse ;
- renvoyé l'affaire pour clôture à l'audience du conseiller de la mise en état du 12 juin 2024 en fixant un calendrier de procédure ;
- débouté la société Ulysse de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre du présent incident ;
- condamné la société Ulysse à payer une somme de 3.000 euros à la SCI de la Pichardière en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre du présent incident ;
- rejeté les autres demandes formées au titre du présent incident ;
- condamné la société Ulysse aux dépens du présent incident.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Dans ses dernières conclusions déposées le 13 mai 2024, la SCI de la Pichardière, appelante, demande à la cour de :
Réformer le jugement attaqué en ce qu'il a :
- déclaré nul le commandement délivré le 9 juillet 2019 par la SCI de la Pichardière visant la clause résolutoire ;
- déclaré nul le commandement délivré le 17 juillet 2019 visant la clause résolutoire ;
- condamné la société Ulysse à payer à la SCI de la Pichardière la seule somme de 16.049,82 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges dû, terme du premier trimestre 2022 inclus, selon décompte arrêté au 10 janvier 2022, et rejette pour le surplus les demandes de la SCI de la Pichardière de condamnation au paiement de la société Ulysse ;
- rejeté la demande de la SCI de la Pichardière de condamner la société Ulysse sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
- juger la SCI de la Pichardière recevable et bien fondée en ses demandes ;
- juger que la société Ulysse n'a jamais constitué la garantie bancaire à première demande stipulée dans le contrat de bail ;
- juger que la société Ulysse n'a pas respecté ses obligations relatives au respect des normes de sécurité et des prescriptions administratives ;
- juger que la société Ulysse est occupante sans droit ni titre du local commercial sis [Adresse 6] ;
- juger que la société Ulysse a d'ores et déjà bénéficié de délais octroyés par le juge des référés qu'elle n'a pas respectés ;
Par conséquent,
- débouter la société Ulysse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail à effet du 1er décembre 2016 et portant sur les locaux sis [Adresse 5] ;
- fixer à la somme de 17.400 € HT l'indemnité d'occupation trimestrielle due par la société Ulysse ou par tous occupants de son chef, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clefs au propriétaire ;
- condamner la société Ulysse à payer à la SCI de la Pichardière la somme de 17.400 € HT, outre les charges, à titre d'indemnité d'occupation trimestrielle à compter de la résiliation du contrat de bail et jusqu'à libération effective des lieux loués par la remise des clefs au propriétaire ;
- ordonner, sous astreinte de 150 euros par jour de retard quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, l'expulsion immédiate et sans délai de la société Ulysse et de tous occupants de son chef des lieux sis [Adresse 4] à [Adresse 10] [Localité 1], avec l'assistance de la force publique, si besoin est, avec séquestration du mobilier sur place ou au garde meuble à ses frais et risques ;
- ordonner le transport et la séquestration des biens meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira à Madame ou Monsieur le Président de désigner, aux frais, risques et périls du défendeur, et ce en garantie de toutes sommes qui pourront être dues, selon les modalités fixées par les articles L. 433-1, L. 433-2, R. 433-1 et suivants du code de procédure civile ;
- juger que la SCI de la Pichardière pourra conserver à titre d'indemnité conventionnelle et forfaitaire le montant du dépôt de garantie ;
En tout état de cause,
- juger que la Cour n'est saisie d'aucun chef du dispositif du jugement du 22 mars 2023 au titre de l'appel incident de la société Ulysse, lequel n'est pas valablement formé au regard de l'article 909 et 954 du code de procédure civile ;
En conséquence,
- déclarer définitif le jugement rendu le 22 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il :
- déclare irrecevable l'exception de litispendance formée par la société Ulysse ;
- dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de la société Ulysse ;
- dit n'y avoir lieu à enjoindre à la SCI de la Pichardière d'avoir à prendre toutes les mesures nécessaires à l'encontre du syndicat (') ;
- dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de la société Ulysse ;
- déboute la société Ulysse de sa demande de condamnation à l'encontre de la SCI de la Pichardière à lui payer la somme de 16.500 euros, à titre de dommages et intérêts (') ;
- déboute la société Ulysse de sa demande de délais ;
- condamne la SCI de la Pichardière à payer à la société Ulysse la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- déboute la société Ulysse de sa demande tendant à condamner la SCI de la Pichardière à enjoindre au syndicat (') ;
- débouter la société Ulysse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Ulysse à verser à la SCI de la Pichardière la somme de 67.556,08 euros au titre des loyers et charges impayés ;
- condamner la société Ulysse à payer à la SCI de la Pichardière la somme de 10.000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Ulysse aux entiers dépens, en ceux compris tous les frais d'huissiers relatifs aux commandements de payer délivrés.
Dans ses dernières conclusions déposées le 5 octobre 2023, la société Ulysse, intimée, demande à la cour de :
A. Sur le commandement visant la clause résolutoire délivré le 9. 7. 2019
In limine litis,
- constater qu'une instance est pendante la 2eme Chambre du Pole 4 de la cour d'appel de Paris, enregistrée sous RG N° 22/14022 devant statuer sur la prétendue violation des normes de sécurités incendies, des prescriptions administratives et des autorisations nécessaires à l'exercice dudit commerce ;
- se déclarer incompétent au profit de la 2eme Chambre du Pole 4 de la cour d'appel de Paris, enregistrée sous RG N° 22/14022 pour statuer sur la prétendue violation des normes de sécurités incendies, des prescriptions administratives et des autorisations nécessaires à l'exercice dudit commerce ;
- débouter la SCI de la Pichardière de ses demandes visées dans son commandement visant la clause résolutoire insérée au bail.
Subsidiairement et sur le fond,
- déclarer la société Ulysse recevable et bien fondée en ses demandes,
- débouter la SCI de la Pichardière de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer en tout point le jugement rendu le 22 mars 2023 en ce qu'il a déclaré nul le commandement signifié le 9 juillet 2019 ; celui-ci ayant été délivré « de mauvaise foi par le bailleur »,
Y faisant droit,
- constater que le commandement visant la clause résolutoire délivré le 9 juillet 2019 ne précise pas la nature des travaux devant être effectués pour mettre en état les locaux loués avec les normes de sécurité incendie, dans le délai d'un mois ;
- constater que le commandement visant la clause résolutoire délivré le 9 juillet 2019 ne permet pas de déterminer à quelle prescription administrative la société Ulysse aurait manqué ;
- constater que la société Ulysse a obtenu les autorisations nécessaires et préalables pour l'exercice de son activité commerciale définie au bail (« plateforme de distributeur de Boissons, stockage ») ;
- dire et juger le commandement visant la clause résolutoire délivré le 9 juillet 2019 nul et de nul effet ;
Surabondamment,
- constater que le rapport [C] n'est pas joint au commandement visant la clause résolutoire délivré le 9 juillet 2019, lequel ne fait aucun renvoi ;
- constater que le rapport [C] se limite à des constatations établies à l'extérieur du local pour lesquels la société Ulysse ne peut effectuer aucuns travaux réparatoires.
En conséquence,
- enjoindre à la SCI de la [Adresse 12] d'avoir à prendre toutes les mesures nécessaires (mises en demeure, sommation, assignation') à l'encontre du Syndicat des copropriétaires dudit immeuble afin que les normes de sécurité incendie et prescriptions administratives soient respectées dans l'immeuble ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification du Jugement à intervenir.
Plus subsidiairement,
- dire et juger que ces prétendues non-conformités ne constituent pas des manquements suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail aux torts de la société Ulysse.
À titre infiniment subsidiaire,
- constater que la SCI de la Pichardière a dissimulé la non-conformité des locaux aux règles de sécurité incendie et aux prescriptions administratives ;
- dire et juger que la SCI de la Pichardière a manqué à son obligation de délivrance des locaux loués ;
- prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de la SCI de la Pichardière ;
- condamner la SCI de la Pichardière à payer à la société Ulysse la somme de 491.832,58 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du bail aux torts de la SCI de la Pichardière ;
B. Sur le commandement visant la clause résolutoire délivré le 17.7.2019,
- confirmer en tout point le jugement rendu le 22 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a constaté que le commandement délivré le 17 juillet 2019 avait été délivré de mauvaise foi par le Bailleur ;
Y faisant droit,
- constater la mauvaise foi de la SCI de la Pichardière dans la délivrance du commandement visant la clause résolutoire délivré le 17 juillet 2019 ;
- dire et juger que la SCI de la [Adresse 12] a renoncé à la constitution de la garantie autonome à première demande en restituant le 5 février 2018 le chèque de garantie d'un montant de 17.400 euros à raison des « multiples affaires » empêchant toute exploitation sereine par la société Ulysse des locaux loués ;
- constater de l'aveu de la SCI de la [Adresse 12] que le chèque de garantie d'un montant de 17.400 euros n'a pas été encaissé par la bailleresse dans un délai de 45 jours de la prise d'effet du bail, mais restituée par celle-ci ;
- constater l'absence de mise en demeure ni même de courriels de la SCI de la [Adresse 12] depuis la prise d'effet du bail du 1 er décembre 2016 au commandement délivré le 17 juillet 2019 en vue de voir constituer ladite garantie bancaire à première demande ;
- dire et juger que le commandement signifié le 17 juillet 2019 a été délivré de mauvaise foi par la SCI de la [Adresse 12] ;
- dire et juger que le commandement signifié le 17 juillet 2019 est nul et de nul effet.
Subsidiairement,
- constater que la société Ulysse a séquestré le 23 juillet 2020 sur le compte Carpa de son Conseil la somme de 18.493,12 euros représentant six mois de loyer HT et donc le montant nécessaire à la constitution de la garantie bancaire à première demande ;
- constater que cette séquestration a été effectuée dans le délai d'un mois de la signification de l'Ordonnance du 25 mai 2020, intervenue le 26 juin 2020 ;
- constater que la société Ulysse a sollicité auprès de son Établissement Bancaire la Société Générale la mise en place de cette garantie bancaire depuis au moins juillet 2020 ;
- constater que la défaillance dans la mise en place de cette garantie est exclusivement imputable à la Société Générale qui s'est retranché derrière les « délais de traitement », puis les « congés », pour enfin clôturer le compte de la société Ulysse ;
- dire et juger que la constitution de cette garantie bancaire à première demande dans le délai d'un mois a été entravée par la Société Générale et constitue en tant que tel un cas de force majeur ;
- constater que la garantie autonome à première demande est constituée entre les mains de la Caisse d'Épargne des Hauts de France depuis le 16 novembre 2020 ;
Y faisant droit,
- proroger les délais accordés par le juge des référés dans son ordonnance du 25 mai 2020 jusqu'au 16 novembre 2020 pour constituer la garantie bancaire à première demande ;
- constater la mauvaise foi de la SCI de la [Adresse 12] qui a refusé toute résolution amiable et notamment la mise en place d'une convention de séquestre auprès de la Carpa ;
- constater l'intention de nuire de la SCI de la Pichardière ;
C. Sur la demande reconventionnelle de la SCI de la Pichardière en paiement des loyers et charges d'un montant de 38.668,62 euros,
- débouter la SCI de la Pichardière de sa demande en paiement de la somme de 38.668,62 euros au titre des loyers et charges ;
- constater l'absence de justificatif quant à l'augmentation de 300 % de la provision sur charges réclamée depuis le 2T2020 ;
- constater que la SCI de la [Adresse 12] tente de faire répercuter sur le compte de son locataire, la société Ulysse, toutes les charges de copropriété et non les seules charges récupérables ;
- constater que la SCI de la Pichardière n'a jamais délivré un état récapitulatif annuel à la société Ulysse des charges annuels au mépris des dispositions de l'article L. 145-40-2 du code de commerce ;
Y faisant droit,
- dire et juger que la provision sur charges trimestrielles ne peut excéder 450 euros,
Subsidiairement,
- constater l'augmentation brutale et déloyale de la provision sur charges de +300 % entre 2017, date de la prise à bail des locaux et le 2T2020,
Y faisant droit,
- condamner la SCI de la [Adresse 12] à payer à la société Ulysse la somme de 22.500 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette augmentation brutale et déloyale.
Surabondamment,
- constater que :
- la taxe foncière 2021 et 2022 d'un montant respectif de 4.939 euros et 5.185 euros ne sont pas justifiées par la SCI de la Pichardière ;
- le rappel de charge au titre du 2T2020 d'un montant de 5.678,58 euros n'est pas justifié ;
Subsidiairement, accorder un délai de 24 mois à la société Ulysse pour apurer la prétendue dette locative pour tenir compte de la bonne foi de la société Ulysse qui respecte scrupuleusement l'ordonnance de référé du 25.5.2020 et dont la situation financière demeure complexe dans le contexte actuel.
D. En tout état de cause,
- débouter la SCI de la Pichardière de sa demande en paiement de la somme de 38.668,62 euros au titre des loyers et charges ;
- condamner la SCI de la Pichardière a versé à la société Ulysse la somme de 223.625,11 euros à titre de dommages et intérêts au titre des manquements de la SCI de la Pichardière à son obligation de délivrance conforme des locaux et de jouissance paisible de celui-ci ;
- réduire le montant du loyer annuel de 50 % jusqu'à mise en place d'une boite aux lettres au nom de la société Ulysse ;
- dire et juger que la clause résolutoire n'a pu jouer ;
- condamner la SCI de la Pichardière à verser à la société Ulysse la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SCI de la Pichardière aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1. Sur la procédure
Il résulte des dispositions combinées des articles 909 et 954 du code de procédure civile que l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident, que les conclusions de l'intimé doivent notamment comprendre l'énoncé des chefs de jugement critiqués, que les conclusions d'intimées ne comportant pas de prétention tendant à l'infirmation d'un chef du dispositif du jugement attaqué ne constituent pas un appel incident valable à l'égard de ce chef de dispositif de sorte que la cour ne peut que le confirmer s'il n'est pas critiqué par l'autre partie.
La SCI de la [Adresse 12] fait valoir que la société Ulysse ne demande dans le dispositif de ses conclusions la réformation d'aucun chef du jugement déféré.
Il convient d'observer que l'intimée demande pour l'essentiel la confirmation du jugement déféré notamment quant aux commandements de payer.
La société Ulysse n'a pas demandé l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable son exception de litispendance, de sorte que ce chef de jugement sera confirmé.
S'agissant des autres demandes de l'intimée, il sera examiné ci-dessous pour chacune d'elle s'il s'agit d'un appel incident et si l'infirmation du chef de jugement concerné a été sollicitée.
S'agissant de la demande faite à la Cour prétendument « in limine litis » par la société Ulysse de « se déclarer incompétent au profit de la 2ème chambre du pôle 4 de la d'appel Cour pour statuer sur la prétendue violation des normes de sécurité incendies, des prescriptions administratives et des autorisations nécessaires à l'exercice dudit commerce » au motif qu'une instance est pendante sur ce point devant la 2ème chambre de cette juridiction, le conseiller de la mise en état a déjà statué par ordonnance du 18 janvier 2024 rappelant que les dispositions relatives aux exceptions d'incompétence et de litispendance ne sont pas applicables lorsque deux chambres d'une même juridiction sont saisies et qu'il n'y a pas lieu de procéder à la redistribution de l'affaire. La société Ulysse n'est donc pas recevable à soulever de nouveau l'incompétence devant la cour statuant au fond. Cette demande sera déclarée irrecevable.
2. Sur le commandement visant la clause résolutoire délivré le 9 juillet 2019
Selon l'article L. 145-41 alinéa1 du code de commerce, 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai' et selon l'article L. 141-17 du même code, sont nulles les clauses ayant pour effet de faire échec à l'article L. 145-41.
Compte tenu de la gravité des effets d'une clause résolutoire, ses conditions d'application sont strictes et doivent être toutes réunies. La clause ne peut être invoquée qu'en cas de manquement à une stipulation expresse du bail et non en cas de faute quelconque du locataire ne concernant pas une obligation ou une interdiction stipulée au bail. La mise en demeure de cesser l'infraction au bail doit être précise afin de réellement permettre au locataire de régulariser la situation ainsi que l'a souhaité le législateur. Elle doit donc informer clairement le locataire du manquement qui lui est reproché ou le mettre en demeure d'exécuter une obligation déterminée. Conformément à l'article 1315 du code civil, c'est au bailleur de rapporter la preuve de la persistance de l'infraction pour que la clause résolutoire soit acquise.
Par ailleurs, l'application de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial est soumise aux exigences de la bonne foi contractuelle posées par l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 dont le principe est repris à l'article 1104 du même code, de sorte qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré sans respecter cette exigence ne peut recevoir effet.
Ainsi que le rappelle le jugement déféré avec précision, auquel il est renvoyé sur ce point, le contrat de bail en cause contient une clause résolutoire conforme aux dispositions de l'article L. 145-41 précité, qui vise notamment le défaut d'exécution d'une seule des charges et conditions du bail, de paiement exact d'un seul terme de loyer ou accessoire et le manquement à une des dispositions légales ou réglementaires régissant le statut des baux commerciaux et qui rappelle différentes clauses dont celle dans laquelle le preneur déclare que les locaux sont adaptés à son activité, qu'il fera son affaire personnelle des autorisations nécessaires à l'exercice de son activité, qu'il aura la charge des travaux notamment de sécurité prescrits par l'autorité administrative.
En l'espèce, le commandement visant la clause résolutoire du bail délivré le 9 juillet 2019, reproduit différentes stipulations notamment la clause résolutoire du contrat de bail, dont un exemplaire complet est joint à l'acte. Il mentionne que méconnaissant gravement ses obligations résultant du bail, la société Ulysse n'a pas respecté « ses obligations relatives aux règles de sécurité incendie, aux prescriptions administratives et aux autorisations nécessaires à l'exercice de son activité » puis lui fait commandement « de se conformer aux dispositions du bail susvisées » lui déclarant qu'à défaut de respecter ces dispositions du contrat de bail dans le délai d'un mois, la bailleresse entend se prévaloir de la clause résolutoire de ce bail.
Contrairement à ce que soutient la SCI de la [Adresse 12], il ne ressort pas des termes de ce commandement que la société Ulysse aurait dû, dans le délai d'un mois, mandater un technicien afin d'établir les travaux à effectuer afin de se mettre aux normes et d'effectuer lesdits travaux. C'est à la bailleresse qu'incombe la charge de préciser dans le commandement les obligations non respectées par la locataire et les interventions à réaliser par elle dans le délai d'un mois. Or tel n'est pas le cas en l'espèce. Elle ne peut soutenir que la locataire aurait dû se référer au rapport établi par le Cabinet [C] à la demande du syndic de l'immeuble, non joint au commandement et dont elle dit par ailleurs dans ses conclusions qu'il ne peut être accordé de crédit « à ce rapport fondé sur un postulat erroné ».
Au regard de ces éléments, à juste titre et par une motivation à laquelle il convient de renvoyer, le jugement déféré a refusé de donner effet à ce commandement, dont le manque de précision et la généralité du propos ne permettent pas au preneur de connaître la nature et l'étendue des obligations visées ni par conséquent, de les exécuter dans le délai d'un mois, ce manque de précision délibéré caractérisant, en outre, la mauvaise foi. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré nul le commandement délivré le 9 juillet 2019.
En conséquence, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de la société Ulysse sur ce point puisqu'elles sont sans objet dès lors qu'il a été fait droit à la demande principale de confirmation.
3. Sur le commandement visant la clause résolutoire délivré le 17 juillet 2019
En l'espèce, par acte d'huissier délivré le 17 juillet 2019 à la société Ulysse, visant la clause résolutoire du bail , la SCI de la [Adresse 12] a rappelé la clause du bail selon laquelle le preneur s'engage à remettre au bailleur au plus tard 45 jours après la prise d'effet du bail, une garantie autonome à première demande d'un établissement bancaire français en garantie de la bonne exécution des clauses et conditions du bail en cause, d'un montant de six mois de loyer hors taxes, pendant la durée du bail outre six mois, a observé qu'en méconnaissance de ses obligations, la société Ulysse n'a pas respecté son obligation de constitution d'une garantie à première demande et lui a fait commandement « de se conformer aux dispositions du bail susvisées ».
Le jugement déféré a rappelé à juste titre qu'en application de l'article 488 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé définitive du 25 mai 2020 constatant l'acquisition de la clause résolutoire n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée. Elle ne s'impose donc pas à la juridiction statuant au fond. La jurisprudence de la Cour de cassation dont se prévaut l'appelante est inapplicable en l'espèce puisqu'elle concerne l'impossibilité d'octroyer de nouveaux délais lorsqu'il en a déjà été accordé en référé. Il ne se déduit pas de cette jurisprudence l'impossibilité pour le juge du fond de statuer sur la validité d'un commandement ayant fait l'objet de délais suspensifs en référé.
Le jugement déféré, à la motivation duquel il convient de renvoyer sur ce point, a considéré à juste titre que la preuve n'était rapportée d'une renonciation dépourvue d'équivoque de la bailleresse à la clause de garantie à première demande, les termes sibyllins du courrier de Monsieur [T], précédent gérant de la SCI bailleresse, adressé le 5 février 2018, auquel était joint un chèque de 17.400 euros établi par la société Ulysse, ne pouvant s'analyser comme une renonciation expresse de la bailleresse à la constitution d'une garantie bancaire prévue au bail.
Il se déduit toutefois du dernier paragraphe de la clause du bail relative à la garantie bancaire autonome à première demande selon lequel : « Afin de garantir au bailleur la remise de cette garantie à première demande, le preneur remet ce jour un chèque d'un montant de dix-sept mille quatre cents euros (17.400 €) que le bailleur s'engage à ne pas encaisser. A défaut de remise de la garantie bancaire dans les quarante-cinq (45) jours civils à compter de la date d'effet du bail, le bailleur pourra, de plein droit, encaisser ledit chèque à titre d'indemnité forfaitaire. Le bailleur pourra, si bon lui semble, faire application de la clause résolutoire figurant au présent bail », que la restitution du chèque de 17.400 euros par la bailleresse en février 2018 démontre qu'à cette date, cette dernière n'a pas entendu faire application des sanctions contractuelles et qu'elle a choisi de restituer le chèque de 17.400 euros plutôt que de l'encaisser à titre d'indemnité forfaitaire contractuelle sanctionnant le défaut de garantie bancaire.
Par ailleurs, ainsi que l'a justement exposé le jugement déféré à la motivation détaillée duquel il convient de renvoyer, il ressort des éléments du dossier et notamment des échanges de courriers et des attestations se corroborant entre elles que la locataire a connu des difficultés d'exploitation du fait de l'attitude du syndicat des copropriétaires le privant volontairement d'une boîte aux lettres et de la distribution du courrier par le gardien, rendant difficile la livraison de marchandises, lui ayant délivré le 17 février 2019 une sommation de cesser tout exploitation commerciale, puis l'ayant assignée avec sa bailleresse le 29 novembre 2017 pour obtenir la résiliation du bail, procédure toujours en cours en appel ; qu'en outre, la locataire a subi des infiltrations notamment en 2018 et 2019 dans ses locaux où elle venait de réaliser d'importants travaux d'aménagement ; que par courriel du 19 décembre 2018, Monsieur [T] gérant de la SCI de la [Adresse 12] a donné instruction à son mandataire de « suspendre la perception du loyer pour le moment sans rajouter de nouvelles procédures » et a remis à la société Ulysse une attestation datée du 12 janvier 2019 mentionnant : « devant les difficultés financières de la société Ulysse, le versement des loyers a été suspendu par un accord des deux parties. Une nouvelle évaluation est prévue dans les trois prochains mois» du preneur, prévoyant une réévaluation de la situation ; que par courriel adressé le 7 août 2020 au conseil de la bailleresse pour proposer une garantie autonome par la CARPA auprès de laquelle la somme de 18.493 euros était séquestrée, celui de la locataire a exposé les difficultés rencontrées auprès des banques pour obtenir rapidement une garantie à première demande soulignant les effets des restrictions sanitaires liées au COVID sur son activité.
Il est inopérant de la part de la SCI de la [Adresse 12] de faire valoir que les fuites émanant des parties communes ont cessé ; que la locataire a été destinataire des courriers procéduraux nonobstant l'absence de boîte aux lettres ; que cette dernière connaissait la configuration des locaux et leur accès difficile. En effet, les difficultés d'exploitation résultant notamment de l'attitude de la copropriété et des infiltrations d'eau sont réelles et établies.
De même, il est inopérant de faire valoir l'absence d'obligation légale d'adresser une mise en demeure avant la délivrance d'un commandement, l'absence de mise en demeure ayant été relevée dans le jugement déféré non pas comme un manquement à une obligation légale mais comme caractérisant la soudaineté de la délivrance du commandement litigieux après deux années sans observation de la part de la bailleresse quant au défaut de garantie bancaire.
Dans ce contexte d'exploitation difficile et de difficultés financières prises en compte par la bailleresse - qui a suspendu l'encaissement de loyer en 2019, a restitué le chèque de 17.400 euros remis dans l'attente de la garantie bancaire en 2018 puis n'a pas réclamé pendant deux ans et demi l'exécution de la clause de garantie à première demande, ni même à l'occasion de la délivrance des commandements visant la clause résolutoire du bail des 9 mai 2019 et 9 juillet 2019 - la délivrance soudaine le 17 juillet 2019, sans demande amiable préalable, d'un commandement visant la clause résolutoire du bail, de satisfaire à l'exigence d'une garantie bancaire correspondant à six mois de loyers, dans le délai d'un mois, trop court pour constituer un dossier et obtenir la réponse d'une banque, a été effectuée de mauvaise foi ainsi que l'a relevé à juste titre le jugement déféré.
Il est inopérant de se prévaloir du fait que la locataire n'aurait pas été assez diligente et n'a pas satisfait à l'obligation de fournir une garantie bancaire malgré le délai octroyé par l'ordonnance de référé du 25 mai 2020 puisque la bonne foi de la bailleresse doit s'appliquer à la date de délivrance du commandement litigieux.
C'est donc à juste titre que ce jugement a déclaré ce commandement de nul effet a refusé de constater l'acquisition de la clause résolutoire. Il convient, en conséquence, de rejeter la demande d'expulsion de la locataire ainsi que les demandes subséquentes notamment en paiement d'une indemnité d'éviction. Le jugement sera confirmé de ces chefs. Dès lors que le commandement du 17 juillet 2017 a été déclaré de nul effet, la demande de prorogation des délais pour satisfaire aux obligations visées par ce commandement est sans objet. Il n'y a pas lieu d'y faire droit.
En conséquence, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de la société Ulysse de ce chef. Dès lors qu'il a été fait droit à la demande principale de la locataire, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande subsidiaire aux fins de voir prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de la SCI de la [Adresse 12] ni sur la demande subséquente en paiement d'une somme de 491.832,58 euros à titre de dommages et intérêts.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'injonction d'installer une boîte aux lettres puisqu'elle n'est pas reprise au dispositif des conclusions de l'intimée. La demande de la société Ulysse aux fins de voir réduire le montant du loyer annuel de 50 % jusqu'à la mise en place d'une boîte aux lettres au nom de la SAS Ulysse n'étant pas justifiée, elle sera rejetée.
4.Sur la demande aux fins d'enjoindre sous astreinte à la SCI de la [Adresse 12] de prendre des mesures à l'encontre du syndicat des copropriétaires
Le jugement déféré a « dit n'y avoir lieu à enjoindre à la SCI de la Pichardière d'avoir à prendre toutes les mesures nécessaires à l'encontre du syndicat des copropriétaires dudit immeuble afin que les normes de sécurité incendie et prescriptions administratives soient respectées dans l'immeuble, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ».
La société Ulysse n'a pas sollicité la réformation de ce chef de jugement. Elle ne peut donc reformuler la même demande d'injonction qui a déjà été rejetée, au demeurant à juste titre.
5.Sur la dette locative
Le jugement déféré n'a fait que partiellement droit à la demande en paiement de la SCI de la [Adresse 12] d'une somme de 38.668,62 euros au titre de l'arriéré et de charges et lui a alloué un montant de 16.049,82 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges dus au premier trimestre 2022 inclus après avoir déduit différentes sommes correspondant à des charges et taxes non justifiées.
La SCI de la [Adresse 12] sollicite en appel la somme de 67.556,08 euros arrêtée au 1er janvier 2024. La société Ulysse conteste à plusieurs titres devoir la somme réclamée, notamment en ce qu'elle ne serait pas justifiée par les pièces produites.
5.1. Sur le montant du loyer
La société Ulysse demande à la cour de ramener le loyer à son montant contractuel initial de 34.800 euros par an au motif que la bailleresse n'apporte aucun justificatif du calcul de cette augmentation.
Aux termes des stipulations du contrat de bail relatives au loyer et à la clause d'échelle mobile, le preneur s'engage à payer au domicile du bailleur le loyer et ses accessoires en quatre termes de paiement d'avance, les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre, étant précisé que « le loyer sera augmenté ou diminué automatiquement et sans aucune formalité de plein droit chaque année, à partir du 01/12/2016 selon les variations de l'indice des loyers commerciaux publié trimestriellement par l'INSEE (') il est précisé que l'indice de référence de la première indexation sera celui du 2ème trimestre 2016 soit 107,40 ».
Il en résulte qu'il incombe à la locataire de calculer elle-même l'indexation à l'aide des indices publiés et de l'appliquer spontanément lors du paiement à l'échéance, la bailleresse n'ayant pas l'obligation d'expliciter le calcul qu'elle a effectué dans l'appel de loyer. La société Ulysse qui dispose de tous les éléments de calcul ne démontre pas que la bailleresse aurait commis une erreur quant au montant des sommes réclamées. Il n'apparaît pas non plus à la cour qu'une erreur en défaveur de la locataire aurait été commise.
Dès lors, il n'y a pas lieu de ramener au montant contractuel initial les sommes facturées par la bailleresse dans le relevé de loyer produit par la bailleresse
5.2 Sur le montant des charges.
Selon l'article 1134 devenu 1103 du code civil, le contrat faisant la loi entre les parties, le bailleur d'un local à usage commercial ne peut solliciter de son preneur le paiement, en sus du loyer, que des sommes clairement et expressément visées au bail comme devant peser sur le preneur. L'article L. 145-40-2 du code de commerce dispose que le contrat de bail doit comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts et taxes liés à ce bail et l'indication de leur répartition entre le bailleur et le preneur ; que dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat précise la répartition des charges entre eux, cette répartition étant fonction de la surface d'exploitation. Il résulte notamment des articles R.145-35 et suivants que ne peuvent être imputés au locataire les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil, celles relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mise en conformité à la réglementation si elles relèvent des grosses réparations susvisées, les honoraires de gestion des loyers du bien objet du bail, les charges, taxes et travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d'autres locataires.
Selon l'article R. 145-35 du code de commerce, ne peuvent être imputées au locataire commercial les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que celles relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations, les impôts et taxes dont le redevable légal est le bailleur, exceptées la taxe foncière, les taxes additionnelles à cette taxe ainsi que les impôts, taxes et redevances liées à l'usage du bien immobilier ou à un service dont bénéficie le locataire.
Par ailleurs, il résulte de ces textes que l'absence de régularisation des charges dans les conditions prévues dans un bail commercial rend sans cause les appels trimestriels de provision à valoir sur le paiement de charges, dont le locataire peut dès lors obtenir remboursement à moins que le bailleur dans l'instance judiciaire en remboursement, ne justifie du quantum des charges effectivement récupérables sur le preneur.
Il ressort des dispositions du bail et de l'inventaire annexé notamment que le preneur remboursera au bailleur sa quote-part de toutes les charges, prestations, taxes et dépenses de toutes natures afférentes aux locaux loués, ses consommations personnelles d'électricité, gaz et d'eau et sa quote-part afférente aux dépenses d'eau pour les services généraux de l'immeuble, les taxes foncières et d'ordures ménagères, les travaux d'entretien, mise aux normes de relevant pas de l'article 606 précité et maintenance relatives aux locaux loués et parties communes ; que le bailleur conservera à sa charge les grosses réparations de l'article 606 et honoraires associés, les travaux de mises aux normes et liés à la vétusté lorsqu'ils relèvent de grosses réparations de l'article 606.
Il en résulte que la bailleresse peut facturer l'ensemble des charges de copropriétés mises à sa charge par le syndic au titre des locaux loués, sauf celles relatives aux travaux visés à l'article 606 précité, la locataire n'étant pas fondée à distinguer selon le type de charges si elle en bénéficie directement.
C'est donc à tort que la société Ulysse reproche à sa bailleresse de ne pas lui avoir facturer les seules charges mentionnées comme « locatives », apparaissant sur le relevé de compte établi par le syndic, cette mention ne concernant que les locaux d'habitation et ne s'imposant pas aux locaux commerciaux. De ce fait, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la locataire au paiement de 16.500 euros au titre de sa dette locative au 1er trimestre 2022, condamnation qui n'a pris en compte que les seules dettes dites « locatives » sur les relevés du syndic.
La démonstration n'étant pas faite que certaines sommes prises en compte par la bailleresse au titre des charges de copropriété relèveraient de l'article 606, l'affirmation de la locataire selon laquelle les travaux de plomberie exposés par la copropriété relèveraient de l'article 606 ou les honoraires de procédure ne seraient pas facturables à la locataire n'étant pas justifiée, c'est à juste titre que le montant total des charges de copropriété a été pris en compte par la bailleresse dans le compte de régularisation annuelle.
Le contrat de bail prévoit que le preneur versera une provision sur charges annuelle minimale de 1.800 euros soit 450 euros mensuels, montant réajustable chaque année en fonction du montant réel de l'année précédente le bailleur devant effectuer un arrêté annuel des comptes et une régularisation dans un délai de trois mois suivant la reddition des comptes de copropriété, ce délai étant fixé au 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle le compte est établi.
Dans ses conclusions, la SCI de la [Adresse 12] se contente de réclamer le solde figurant sur son décompte sans présenter de calcul explicite des sommes facturées par référence aux pièces produites. Elle a toutefois produit en appel de nouvelles pièces, notamment, les factures de charges apparaissant sur les comptes annuels de copropriété pour les années 2018, 2019 et 2020.
La cour a pu déduire des pièces produites que, sur le décompte de loyers effectué par le gestionnaire de la bailleresse, la société Sofincal, arrêté au 1er janvier 2024 présentant un solde de 67.556,08 euros, figurent trois régularisations de charges :
- le 1er avril 2020, un « rappel charges » de 5.678,58 euros pour la période du 12 octobre 2017 au 31 décembre 2018 :
ce montant apparaît sur l'avis de régularisation de charges pour la période du 1er octobre 2017 au 31 décembre 2018, ainsi que la mention que la prochaine provision s'élèverait à 1.500 euros. Or sur le compte de copropriété de l'année 2018 les charges afférentes aux locaux s'élèvent à un total de 6.051,43 euros dont il convient de déduire les quatre provisions trimestrielles de 450 euros, soit un solde débiteur de 4.251,43 euros, seul montant justifié, étant rappelé que la locataire n'est pas fondée à se prévaloir du montant de 3.405,96 euros figurant sur le relevé du syndic au titre des charges locatives. Il s'en déduit qu'a été trop facturée une somme de 1.427,15 euros (5678,58 - 4.251,43) ;
- le 1er avril 2022, un « solde charges » de 8.083,62 euros pour l'année 2019 :
selon le compte de régularisation du syndic pour l'année 2019, le total des charges afférentes au local en cause s'élève à 9.883,62 euros. Sur son décompte de régularisation du 25 janvier 2022, la société Sofincal en a déduit les provisions d'un montant total de 1.800 euros, de sorte que le montant de 8.083,62 euros a été facturé à juste titre ;
- le 1er juillet 2022, un « solde charges » correspondant à un trop payé de -2.209,78 euros pour l'année 2020 :
selon le compte de régularisation du syndic pour l'année 2020, le total des charges afférentes au local en cause s'élève à 2.740,22 euros. Sur son décompte de régularisation du 24 janvier 2022, la société Sofincal en a déduit les provisions d'un montant total de 4.950 euros, de sorte qu'un montant de 2.209,78 euros a été déduit à juste titre sur le relevé de compte.
La société Ulysse reproche à la bailleresse de ne pas avoir procédé à ces régularisations de charges et d'avoir facturé des provisions de 1.500 euros alors que ces provisions n'auraient pu excéder 450 euros. Elle sollicite la restitution des charges versées depuis 2020 pour un montant total de 22.500 euros.
La bailleresse n'a pas procédé à la régularisation des charges qui lui incombe contractuellement pour les années 2021 et suivantes. Cependant, elle produit les comptes de régularisation annuels effectués par le syndic pour l'année 2021 (5.242 euros) et 2022 (5.745 euros), soit un total réellement dû de 10.987 euros.
Dès lors que les provisions versées pour ces deux années, soit une somme de 10.400 euros (1.500 x 6 +2 x 700) sont inférieures à la somme réellement due, la locataire ne peut en demander le remboursement. De même, dès lors que le contrat s'impose aux parties conformément, la demande de la société Ulysse aux fins de voir dire que désormais les provisions trimestrielles ne peuvent excéder 450 euros sera rejetée.
Au regard du dernier compte annuel de charges connu avant 2023, il ne peut être reproché à la bailleresse d'avoir facturé une somme de 700 euros par trimestre en 2023 et pour le premier trimestre 2024, la locataire ne peut donc pas en solliciter le remboursement.
S'agissant des taxes foncières, sur le décompte locatif, la bailleresse a facturé les sommes suivantes :
- le 01/01/20 : 4.728 euros
- le 07/01/21 : 4.939 euros
- le 01/01/22 :5.185 euros
- le 01/01/23 : 5.413 euros
- le 01/01/24 : 7.791 euros .
Or, il n'est produit que les justificatifs de taxe foncière relatifs aux années 2021 (pièce 55 : 5.185 euros), 2022 (pièce 55 bis : 5.413 euros) et 2023 (pièce 55 bis : 7.791 euros). Les avis de taxes foncières étant intégralement produits en appel pour ces trois années, les observations de la locataire sur l'insuffisance des justificatifs pour les années 2021 et 2022 ne sont pas justifiées. En l'absence de justificatifs, les sommes facturées pour les autres années au titre de la taxe foncière mais non justifiées doivent être déduites du solde locatif, soit un total de 9.667 euros (4.728 + 4.039).
Par ailleurs, il convient de déduire du décompte locatif la somme de 1.500 euros débitée le 1er octobre 2020 au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui ne constitue pas une dette locative et qui fait d'ores et déjà l'objet d'un titre exécutoire.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la dette locative de loyers, charges et taxes arrêtée au 1er trimestre 2024 inclus s'élève à 54.962 euros (67.556,08 - 1.427,15 - 9.667 - 1.500).
Il convient, en conséquence d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Ulysse à payer à la SCI de la [Adresse 12] la somme de 16.049,82 euros au titre de dette locative arrêtée au premier trimestre 2002 inclus et de condamner la société Ulysse à payer à la SCI de la [Adresse 12] la somme de 54.962 euros au titre de sa dette locative de loyers, charges et taxes arrêtée au 1er trimestre 2024 inclus.
Malgré l'importance de la dette locative, en l'absence d'éléments justifiant la capacité de la société Ulysse à honorer des paiements échelonnés outre le loyer courant, il n'y a pas lieu de lui allouer les délais de paiement sollicités. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Ulysse de sa demande de délais de paiement.
Dès lors que les comptes ont été rectifiés ci-dessus et révèlent qu'aucune somme n'a été trop perçue au titre des charges et qu'il persiste une dette locative, la demande subsidiaire de la société Ulysse aux fins de voir condamner sa bailleresse en paiement de 22.500 euros en réparation du préjudice que lui aurait causé l'augmentation de la provision sur charges n'est pas justifiée. Cette demande sera rejetée. Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Ulysse de sa demande en paiement de 16.500 euros de « dommages et intérêts au regard de la provision sur charges » et de débouter cette société de sa demande à ce titre portée à 22.500 euros en appel.
5.Sur la demande en paiement de 223.625,11 euros de dommages et intérêts formée la société Ulysse
Il résulte notamment des articles 1719 et suivants du code civil que le bailleur a pour obligation essentielle de délivrer au preneur la chose louée, de l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, de faire toutes les réparations nécessaires autres que locatives pendant la durée du bail et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail, que le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance des lieux loués.
Le jugement déféré a condamné la SCI de la [Adresse 12] au paiement de 8.000 euros à la société Ulysse à titre de dommages et intérêts en réparation des fautes commises par la bailleresse résultant de la délivrance des commandements litigieux, des dégâts des eaux et des difficultés causées par le syndicat des copropriétaires. Aucune partie ne demande l'infirmation de cette disposition. La SCI de la Pichardière demande à la cour de la déclarer définitive. En l'absence de demande d'infirmation, cette disposition du jugement sera confirmée.
La société Ulysse demande à titre de dommages et intérêts la somme de 223.625,11 euros mais ne caractérise pas l'existence d'un nouveau préjudice depuis le prononcé du jugement déféré.
La société Ulysse demande la condamnation de sa bailleresse à lui payer la somme de 223.625,11 euros correspondant au remboursement de l'intégralité des loyers versés par elle entre décembre 2017 et octobre 2019 (fin des travaux) outre celui de la moitié des loyers payés entre novembre 2019 et décembre 2023 inclus.
Il lui incombe de démontrer la faute, en particulier le manquement à l'obligation de délivrance, reprochée à sa bailleresse, le préjudice dont elle fait état et le lien de causalité entre cette faute et le préjudice prétendus.
S'agissant des dégâts des eaux subis par la société Ulysse, ainsi que l'a justement observé le jugement déféré, les pièces imprécises produites par la locataire ne démontrent pas un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance, ni que celle-ci aurait manqué à ses diligences auprès du syndicat des copropriétaires malgré les demandes qui lui ont été faites. Il ressort du procès-verbal d'assemblée générale produit que c'est la copropriété qui a pris en charge les travaux relatifs à la descente et la dalle en béton fuyardes. Selon les explications de la société Ulysse, les travaux de réparation ont été terminés à tout le moins en octobre 2019. Au surplus, il ressort des stipulations du bail que la preneuse a renoncé à tout recours contre sa bailleresse et à toute demande de réduction de loyer notamment « en cas d'humidité, infiltrations, dégâts des eaux dus à des accidents causés par le gel (')des pluies anormalement abondantes, l'engorgement des canalisations, ainsi que des fuites ou infiltrations pouvant provenir de canalisations communes masquées par un coffrage établi par le bailleur (') en cas de troubles apportés à la jouissance des lieux loués ou de dégradations ou destructions dans lesdits lieux par le fait de tiers, quelle que soit leur qualité, le preneur devant agir directement contre eux sans pouvoir mettre en cause le bailleur ». La société Ulysse n'est pas fondée à soutenir que la bailleresse ne pourrait se prévaloir de cette clause de non recours qui n'est pas de nature à faire obstacle à l'obligation de délivrance en l'espèce.
Il ne ressort cependant pas des éléments produits, des photographies, du constat d'huissier du 18 mai 2019- révélant notamment des traces de coulure, des infiltrations, une fuite du plancher haut, ainsi que de l'eau stagnante- et de celui du 26 novembre 2019- révélant à la suite de précipitations des stigmates d'humidité ainsi qu'un goutte à goutte- une totale impossibilité d'utiliser les locaux mais au contraire que la pièce principale d'entreposage a des traces d'écoulement mais ne paraît pas la plus affectée. Les locaux paraissent donc avoir été partiellement utilisés. La société Ulysse se contente d'affirmer que les désordres et humidités répétés au cours de l'année 2019 ont « nécessairement partiellement entravé son exploitation du local » mais ne donne pas de précisions quant au siège du préjudice subi, à l'importance de la surface impactée au regard de la surface totale ni à la durée des préjudices décrits.
Elle ne rapporte pas la preuve lui incombant qu'elle est fondée à solliciter la réparation d'une faute contractuelle de sa bailleresse du fait des dégâts des eaux subis ni de l'ampleur et la nature du préjudice dont elle demande réparation. Elle indique, en tout état de cause, que les travaux ayant mis fin aux infiltrations ont été terminés le 31 octobre 2019.
Dès lors qu'elle ne démontre pas l'absence de diligence de sa bailleresse à l'égard du syndic, la société Ulysse n'est pas fondée à reprocher à cette dernière l'attitude du syndicat des copropriétaires qui a d'ailleurs été condamné par le jugement du 24 juin 2022 frappé d'appel à lui payer la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Par ailleurs, elle ne rapporte pas la preuve que la délivrance des commandements irréguliers visant la clause résolutoire lui aurait causé un préjudice financier excédant sa prise en compte dans l'allocation de 8.000 euros dans le jugement. Au demeurant, les dommages et intérêts sollicités en appel calculés en fonction du montant du loyer sont fondés sur le préjudice d'exploitation résultant des dégâts des eaux et des problèmes de livraison résultant de l'attitude du syndicat des copropriétaires.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la SCI de la Pichardière à payer à la société Ulysse la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts et cette dernière sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée en appel.
7. Sur les autres demandes
En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n=y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir Ajuger@ , « dire et juger » ou « constater », lorsqu=elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens, frais irrépétibles et à l'exécution provisoire.
L'équité justifie de laisser à la charge de chacune des parties ses dépens et frais irrépétibles relatifs à la procédure d'appel. Il convient de les débouter de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Ulysse ;
Infirme le jugement rendu le 22 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Paris (RG 19/10510) dans le litige opposant la société Ulysse et la SCI de la Pichardière en ce qu'il a condamné la société Ulysse à payer à la SCI de la [Adresse 12] la somme de 16.049,82 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges dû, terme du premier trimestre 2022 inclus, selon décompte arrêté au 10 janvier 2022 ;
Le confirme en toutes ses autres dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la SCI de la Pichardière de sa demande aux fins d'expulsion de la société Ulysse ainsi que des demandes subséquentes notamment en paiement d'une indemnité d'éviction et aux fins de conserver le dépôt de garantie ;
Condamne la société Ulysse à payer à la SCI de la Pichardière la somme de 54.962 euros au titre de sa dette locative de loyers, charges et taxes arrêtée au 1er trimestre 2024 inclus ;
Déboute la société Ulysse aux fins de voir dire que les provisions trimestrielles ne peuvent excéder 450 euros ;
Déboute la société Ulysse de sa demande subsidiaire aux fins de voir condamner la SCI de la Pichardière à lui payer la somme de 22.500 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'augmentation de la provision sur charges ;
Déboute la société Ulysse de sa demande aux fins de voir condamner la SCI de la Pichardière à lui payer la somme de 223.625,11 euros de dommages et intérêts au titre de ses manquements à son obligation de délivrance conforme des locaux et de jouissance paisible ;
Déboute la société Ulysse de sa demande aux fins de voir réduire le montant du loyer annuel de 50 % jusqu'à la mise en place d'une boîte aux lettres au nom de la SAS Ulysse ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes ;
Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposé dans le cadre de la procédure d'appel.
La greffière, La présidente,
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 10 JUILLET 2025
(n° 120 /2025, 18 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 23/07106 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHPDN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mars 2023- tribunal judiciaire de Paris (18ème chambre, 2ème section)- RG n° 19/10510
APPELANTE
S.C.I. SCI DE LA PICHARDIERE
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le n° 391 381 506
Agissant poursuite et diligence de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : B1055
Assistée de Me Delphine ANTOINE substituant Me Martine CHOLAY, avocat au barreau de Paris, toque : B242
INTIMÉE
S.A.S. ULYSSE
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le n° 823 950 928
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée et assistée par Me Yoram KOUHANA, avocat au barreau de Paris, toque : C1132
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 septembre 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
Mme Stéphanie Dupont, conseillère
Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous-seing privé à effet au 1er décembre 2016, la SCI de la Pichardière a donné à bail à la société Ulysse des locaux à usage commercial situés [Adresse 4] à Paris 14ème, pour une durée de 9 ans, contre le paiement d'un loyer annuel en principal de 34 800 euros payables trimestriellement et d'avance. Les locaux sont à destination de l'exercice d'activités de « plate-forme de distribution de boissons, stockage », à l'exclusion de toute autre. Les locaux correspondent aux lots n°s 637, 638, 639 et 640 (bâtiment C, rez-de-chaussée) d'un ensemble immobilier situé [Adresse 4] à [Localité 11] est soumis au statut de la copropriété.
Par acte extrajudiciaire du 15 février 2017, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 11] a fait sommation à la société Ulysse d'avoir à cesser sans délai toute exploitation commerciale des locaux loués.
Par acte du 29 novembre 2017, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dont dépendent les locaux en cause a assigné la SCI de la [Adresse 12] devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, aux fins notamment de résilier le bail commercial, et de voir condamner in solidum la SCI de la [Adresse 12] et la société Ulysse au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts. Par jugement du 24 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande de résiliation du bail commercial formée par le syndicat des copropriétaires ainsi que la SCI de la [Adresse 12], condamné le syndicat des copropriétaires à payer 3.000 euros de dommages et intérêts à la société Ulysse outre 2.000 euros au titre des frais irrépétibles et rejeté les autres demandes des parties. Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de ce jugement, la procédure est toujours en cours devant la 2ème chambre pôle 4 de la cour d'appel de Paris.
Par acte extrajudiciaire du 9 mai 2019, la SCI de la [Adresse 12] a fait délivrer à la société Ulysse un commandement visant la clause résolutoire de payer la somme de 30 934,22 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges.
Par acte extrajudiciaire du 9 juillet 2019, la SCI de la [Adresse 12] a fait délivrer à la société Ulysse un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à respecter ses obligations relatives aux règles de sécurité incendie, aux prescriptions administratives et aux autorisations nécessaires à l'exercice de son activité.
Par acte extrajudiciaire du 17 juillet 2019, la SCI de la [Adresse 12] a fait délivrer à la société Ulysse un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à constituer une garantie bancaire à première demande conformément aux termes du bail.
Le 30 juillet 2019, les époux [T] ont cédé à la société DB Invest leurs parts de la SCI de la Pichardière.
Par actes séparés du 1er août 2019, la société Ulysse a assigné la SCI de la Pichardière devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de contester les commandements délivrés le 9 juillet 2019 et le 17 juillet 2019. Les affaires ont été jointes.
Par acte du 9 septembre 2019, la SCI de la [Adresse 12] a assigné la société Ulysse devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail.
Par ordonnance en date du 25 mai 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a notamment :
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du bail sur le fondement du commandement visant la clause résolutoire du 9 mai 2019 sur le règlement des loyers impayés, mais a condamné la société Ulysse à payer la somme provisionnelle de 22.477,76 euros sur les arriérés locatifs, en 18 mensualités de 1.248 euros chacune ;
- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail sur le fondement du commandement du 17 juillet 2019 visant l'obligation contractuelle d'avoir à remettre une garantie bancaire à première demande étaient réunies ;
- suspendu rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire du bail à condition que la société Ulysse remette la garantie autonome à première demande telle que prévue dans le bail dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance ;
- dit que, faute pour la société Ulysse de remettre à la SCI de la Pichardière ladite garantie autonome à première demande dans le délai d'un mois et huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception, la clause sera acquise et produira son plein et entier effet, et qu'il pourra être procédé à l'expulsion immédiate de la société Ulysse qui devra payer une indemnité mensuelle d'occupation égale au dernier loyer ;
- condamné la société Ulysse au paiement d'une provision de 22.477,76 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 3ème trimestre 2019 et accordé dix huit mois de délais de paiement.
L'ordonnance, signifiée le 26 juin 2020, est devenue définitive en l'absence de recours.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 4 août 2020, la SCI de la [Adresse 12] a mis en demeure la société Ulysse d'avoir à remettre sans délai la garantie bancaire autonome à première demande, puis par acte extrajudiciaire du 30 septembre 2020, la SCI de la [Adresse 12] a fait délivrer un commandement aux fins de quitter les lieux avec signification de la déchéance du terme.
Par jugement du 10 novembre 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris, saisi par la société Ulysse, a notamment accordé à la société Ulysse un délai de 24 mois, soit jusqu'au 10 novembre 2022 inclus pour libérer les lieux en cause délai subordonné au paiement ponctuel et régulier de l'indemnité d'occupation visée dans l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris du 25 mai 2020, disant qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à sa date exacte, le délai sera caduc et l'expulsion pourra être poursuivie.
Le 16 novembre 2020, la société Ulysse a obtenu auprès de la Caisse d'Epargne une garantie à première demande de 18.493,12 euros en faveur de la SCI de la [Adresse 12] que cette dernière a mis en application obtenant par la banque le paiement de 16.049,61 euros le 23 novembre 2023.
Par jugement du 22 mars 2023, le tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré irrecevable l'exception de litispendance formée par la société Ulysse ;
- déclaré nul le commandement délivré le 9 juillet 2019 par la SCI de la Pichardière visant la clause résolutoire ;
- dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de la société Ulysse de ce chef ;
- dit n'y avoir lieu à enjoindre à la SCI de la [Adresse 12] d'avoir à prendre toutes les mesures nécessaires à l'encontre du syndicat des copropriétaires dudit immeuble afin que les normes de sécurité incendie et prescriptions administratives soient respectées dans l'immeuble, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
- déclaré nul le commandement délivré le 17 juillet 2019 visant la clause résolutoire ;
- dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de la société Ulysse de ce chef ;
- condamné la société Ulysse à payer à la SCI de la Pichardière la somme de 16.049,82 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges dû, terme du premier trimestre 2022 inclus, selon décompte arrêté au 10 janvier 2022 ;
- débouté la société Ulysse de sa demande de condamnation à l'encontre de la SCI de la Pichardière à lui payer la somme de 16.500 euros, à titre de dommages et intérêts au regard de la provision sur charges ;
- débouté la société Ulysse de sa demande de délais ;
- condamné la SCI de la Pichardière à payer à la société Ulysse la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- débouté la société Ulysse de sa demande tendant à condamner la SCI de la [Adresse 12] à enjoindre au syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] Paris [Adresse 3] de poser une boîte aux lettres au nom de la demanderesse sous astreinte ;
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;
- dit n'y avoir lieu à condamner sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 14 avril 2023, la SCI de la [Adresse 12] a interjeté appel partiel du jugement. Il s'agit du présent litige.
Parallèlement, par jugement du 25 mai 2023, le juge de l'exécution saisi par la société Ulysse a annulé le commandement de quitter les lieux que la SCI de la [Adresse 12] lui a délivré le 30 novembre 2022 et rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Ulysse.
Par ordonnance du 18 janvier 2024, le conseiller de la mise en état saisi par la société Ulysse a :
- rejeté la demande de la société Ulysse aux fins de voir déclarer incompétente la chambre 5 du pôle 3 de la cour de céans au profit de la chambre 2 du pôle 4 de la même cour pour statuer sur le litige dont elle est saisie ;
- dit n'y avoir lieu de solliciter la redistribution de l'affaire auprès du Président de la Cour ;
- déclaré irrecevables devant le conseiller de la mise en état les autres demandes relatives au fond du litige formées par la société Ulysse ;
- renvoyé l'affaire pour clôture à l'audience du conseiller de la mise en état du 12 juin 2024 en fixant un calendrier de procédure ;
- débouté la société Ulysse de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre du présent incident ;
- condamné la société Ulysse à payer une somme de 3.000 euros à la SCI de la Pichardière en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre du présent incident ;
- rejeté les autres demandes formées au titre du présent incident ;
- condamné la société Ulysse aux dépens du présent incident.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Dans ses dernières conclusions déposées le 13 mai 2024, la SCI de la Pichardière, appelante, demande à la cour de :
Réformer le jugement attaqué en ce qu'il a :
- déclaré nul le commandement délivré le 9 juillet 2019 par la SCI de la Pichardière visant la clause résolutoire ;
- déclaré nul le commandement délivré le 17 juillet 2019 visant la clause résolutoire ;
- condamné la société Ulysse à payer à la SCI de la Pichardière la seule somme de 16.049,82 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges dû, terme du premier trimestre 2022 inclus, selon décompte arrêté au 10 janvier 2022, et rejette pour le surplus les demandes de la SCI de la Pichardière de condamnation au paiement de la société Ulysse ;
- rejeté la demande de la SCI de la Pichardière de condamner la société Ulysse sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
- juger la SCI de la Pichardière recevable et bien fondée en ses demandes ;
- juger que la société Ulysse n'a jamais constitué la garantie bancaire à première demande stipulée dans le contrat de bail ;
- juger que la société Ulysse n'a pas respecté ses obligations relatives au respect des normes de sécurité et des prescriptions administratives ;
- juger que la société Ulysse est occupante sans droit ni titre du local commercial sis [Adresse 6] ;
- juger que la société Ulysse a d'ores et déjà bénéficié de délais octroyés par le juge des référés qu'elle n'a pas respectés ;
Par conséquent,
- débouter la société Ulysse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail à effet du 1er décembre 2016 et portant sur les locaux sis [Adresse 5] ;
- fixer à la somme de 17.400 € HT l'indemnité d'occupation trimestrielle due par la société Ulysse ou par tous occupants de son chef, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clefs au propriétaire ;
- condamner la société Ulysse à payer à la SCI de la Pichardière la somme de 17.400 € HT, outre les charges, à titre d'indemnité d'occupation trimestrielle à compter de la résiliation du contrat de bail et jusqu'à libération effective des lieux loués par la remise des clefs au propriétaire ;
- ordonner, sous astreinte de 150 euros par jour de retard quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, l'expulsion immédiate et sans délai de la société Ulysse et de tous occupants de son chef des lieux sis [Adresse 4] à [Adresse 10] [Localité 1], avec l'assistance de la force publique, si besoin est, avec séquestration du mobilier sur place ou au garde meuble à ses frais et risques ;
- ordonner le transport et la séquestration des biens meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira à Madame ou Monsieur le Président de désigner, aux frais, risques et périls du défendeur, et ce en garantie de toutes sommes qui pourront être dues, selon les modalités fixées par les articles L. 433-1, L. 433-2, R. 433-1 et suivants du code de procédure civile ;
- juger que la SCI de la Pichardière pourra conserver à titre d'indemnité conventionnelle et forfaitaire le montant du dépôt de garantie ;
En tout état de cause,
- juger que la Cour n'est saisie d'aucun chef du dispositif du jugement du 22 mars 2023 au titre de l'appel incident de la société Ulysse, lequel n'est pas valablement formé au regard de l'article 909 et 954 du code de procédure civile ;
En conséquence,
- déclarer définitif le jugement rendu le 22 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il :
- déclare irrecevable l'exception de litispendance formée par la société Ulysse ;
- dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de la société Ulysse ;
- dit n'y avoir lieu à enjoindre à la SCI de la Pichardière d'avoir à prendre toutes les mesures nécessaires à l'encontre du syndicat (') ;
- dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de la société Ulysse ;
- déboute la société Ulysse de sa demande de condamnation à l'encontre de la SCI de la Pichardière à lui payer la somme de 16.500 euros, à titre de dommages et intérêts (') ;
- déboute la société Ulysse de sa demande de délais ;
- condamne la SCI de la Pichardière à payer à la société Ulysse la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- déboute la société Ulysse de sa demande tendant à condamner la SCI de la Pichardière à enjoindre au syndicat (') ;
- débouter la société Ulysse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Ulysse à verser à la SCI de la Pichardière la somme de 67.556,08 euros au titre des loyers et charges impayés ;
- condamner la société Ulysse à payer à la SCI de la Pichardière la somme de 10.000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Ulysse aux entiers dépens, en ceux compris tous les frais d'huissiers relatifs aux commandements de payer délivrés.
Dans ses dernières conclusions déposées le 5 octobre 2023, la société Ulysse, intimée, demande à la cour de :
A. Sur le commandement visant la clause résolutoire délivré le 9. 7. 2019
In limine litis,
- constater qu'une instance est pendante la 2eme Chambre du Pole 4 de la cour d'appel de Paris, enregistrée sous RG N° 22/14022 devant statuer sur la prétendue violation des normes de sécurités incendies, des prescriptions administratives et des autorisations nécessaires à l'exercice dudit commerce ;
- se déclarer incompétent au profit de la 2eme Chambre du Pole 4 de la cour d'appel de Paris, enregistrée sous RG N° 22/14022 pour statuer sur la prétendue violation des normes de sécurités incendies, des prescriptions administratives et des autorisations nécessaires à l'exercice dudit commerce ;
- débouter la SCI de la Pichardière de ses demandes visées dans son commandement visant la clause résolutoire insérée au bail.
Subsidiairement et sur le fond,
- déclarer la société Ulysse recevable et bien fondée en ses demandes,
- débouter la SCI de la Pichardière de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer en tout point le jugement rendu le 22 mars 2023 en ce qu'il a déclaré nul le commandement signifié le 9 juillet 2019 ; celui-ci ayant été délivré « de mauvaise foi par le bailleur »,
Y faisant droit,
- constater que le commandement visant la clause résolutoire délivré le 9 juillet 2019 ne précise pas la nature des travaux devant être effectués pour mettre en état les locaux loués avec les normes de sécurité incendie, dans le délai d'un mois ;
- constater que le commandement visant la clause résolutoire délivré le 9 juillet 2019 ne permet pas de déterminer à quelle prescription administrative la société Ulysse aurait manqué ;
- constater que la société Ulysse a obtenu les autorisations nécessaires et préalables pour l'exercice de son activité commerciale définie au bail (« plateforme de distributeur de Boissons, stockage ») ;
- dire et juger le commandement visant la clause résolutoire délivré le 9 juillet 2019 nul et de nul effet ;
Surabondamment,
- constater que le rapport [C] n'est pas joint au commandement visant la clause résolutoire délivré le 9 juillet 2019, lequel ne fait aucun renvoi ;
- constater que le rapport [C] se limite à des constatations établies à l'extérieur du local pour lesquels la société Ulysse ne peut effectuer aucuns travaux réparatoires.
En conséquence,
- enjoindre à la SCI de la [Adresse 12] d'avoir à prendre toutes les mesures nécessaires (mises en demeure, sommation, assignation') à l'encontre du Syndicat des copropriétaires dudit immeuble afin que les normes de sécurité incendie et prescriptions administratives soient respectées dans l'immeuble ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification du Jugement à intervenir.
Plus subsidiairement,
- dire et juger que ces prétendues non-conformités ne constituent pas des manquements suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail aux torts de la société Ulysse.
À titre infiniment subsidiaire,
- constater que la SCI de la Pichardière a dissimulé la non-conformité des locaux aux règles de sécurité incendie et aux prescriptions administratives ;
- dire et juger que la SCI de la Pichardière a manqué à son obligation de délivrance des locaux loués ;
- prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de la SCI de la Pichardière ;
- condamner la SCI de la Pichardière à payer à la société Ulysse la somme de 491.832,58 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du bail aux torts de la SCI de la Pichardière ;
B. Sur le commandement visant la clause résolutoire délivré le 17.7.2019,
- confirmer en tout point le jugement rendu le 22 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a constaté que le commandement délivré le 17 juillet 2019 avait été délivré de mauvaise foi par le Bailleur ;
Y faisant droit,
- constater la mauvaise foi de la SCI de la Pichardière dans la délivrance du commandement visant la clause résolutoire délivré le 17 juillet 2019 ;
- dire et juger que la SCI de la [Adresse 12] a renoncé à la constitution de la garantie autonome à première demande en restituant le 5 février 2018 le chèque de garantie d'un montant de 17.400 euros à raison des « multiples affaires » empêchant toute exploitation sereine par la société Ulysse des locaux loués ;
- constater de l'aveu de la SCI de la [Adresse 12] que le chèque de garantie d'un montant de 17.400 euros n'a pas été encaissé par la bailleresse dans un délai de 45 jours de la prise d'effet du bail, mais restituée par celle-ci ;
- constater l'absence de mise en demeure ni même de courriels de la SCI de la [Adresse 12] depuis la prise d'effet du bail du 1 er décembre 2016 au commandement délivré le 17 juillet 2019 en vue de voir constituer ladite garantie bancaire à première demande ;
- dire et juger que le commandement signifié le 17 juillet 2019 a été délivré de mauvaise foi par la SCI de la [Adresse 12] ;
- dire et juger que le commandement signifié le 17 juillet 2019 est nul et de nul effet.
Subsidiairement,
- constater que la société Ulysse a séquestré le 23 juillet 2020 sur le compte Carpa de son Conseil la somme de 18.493,12 euros représentant six mois de loyer HT et donc le montant nécessaire à la constitution de la garantie bancaire à première demande ;
- constater que cette séquestration a été effectuée dans le délai d'un mois de la signification de l'Ordonnance du 25 mai 2020, intervenue le 26 juin 2020 ;
- constater que la société Ulysse a sollicité auprès de son Établissement Bancaire la Société Générale la mise en place de cette garantie bancaire depuis au moins juillet 2020 ;
- constater que la défaillance dans la mise en place de cette garantie est exclusivement imputable à la Société Générale qui s'est retranché derrière les « délais de traitement », puis les « congés », pour enfin clôturer le compte de la société Ulysse ;
- dire et juger que la constitution de cette garantie bancaire à première demande dans le délai d'un mois a été entravée par la Société Générale et constitue en tant que tel un cas de force majeur ;
- constater que la garantie autonome à première demande est constituée entre les mains de la Caisse d'Épargne des Hauts de France depuis le 16 novembre 2020 ;
Y faisant droit,
- proroger les délais accordés par le juge des référés dans son ordonnance du 25 mai 2020 jusqu'au 16 novembre 2020 pour constituer la garantie bancaire à première demande ;
- constater la mauvaise foi de la SCI de la [Adresse 12] qui a refusé toute résolution amiable et notamment la mise en place d'une convention de séquestre auprès de la Carpa ;
- constater l'intention de nuire de la SCI de la Pichardière ;
C. Sur la demande reconventionnelle de la SCI de la Pichardière en paiement des loyers et charges d'un montant de 38.668,62 euros,
- débouter la SCI de la Pichardière de sa demande en paiement de la somme de 38.668,62 euros au titre des loyers et charges ;
- constater l'absence de justificatif quant à l'augmentation de 300 % de la provision sur charges réclamée depuis le 2T2020 ;
- constater que la SCI de la [Adresse 12] tente de faire répercuter sur le compte de son locataire, la société Ulysse, toutes les charges de copropriété et non les seules charges récupérables ;
- constater que la SCI de la Pichardière n'a jamais délivré un état récapitulatif annuel à la société Ulysse des charges annuels au mépris des dispositions de l'article L. 145-40-2 du code de commerce ;
Y faisant droit,
- dire et juger que la provision sur charges trimestrielles ne peut excéder 450 euros,
Subsidiairement,
- constater l'augmentation brutale et déloyale de la provision sur charges de +300 % entre 2017, date de la prise à bail des locaux et le 2T2020,
Y faisant droit,
- condamner la SCI de la [Adresse 12] à payer à la société Ulysse la somme de 22.500 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette augmentation brutale et déloyale.
Surabondamment,
- constater que :
- la taxe foncière 2021 et 2022 d'un montant respectif de 4.939 euros et 5.185 euros ne sont pas justifiées par la SCI de la Pichardière ;
- le rappel de charge au titre du 2T2020 d'un montant de 5.678,58 euros n'est pas justifié ;
Subsidiairement, accorder un délai de 24 mois à la société Ulysse pour apurer la prétendue dette locative pour tenir compte de la bonne foi de la société Ulysse qui respecte scrupuleusement l'ordonnance de référé du 25.5.2020 et dont la situation financière demeure complexe dans le contexte actuel.
D. En tout état de cause,
- débouter la SCI de la Pichardière de sa demande en paiement de la somme de 38.668,62 euros au titre des loyers et charges ;
- condamner la SCI de la Pichardière a versé à la société Ulysse la somme de 223.625,11 euros à titre de dommages et intérêts au titre des manquements de la SCI de la Pichardière à son obligation de délivrance conforme des locaux et de jouissance paisible de celui-ci ;
- réduire le montant du loyer annuel de 50 % jusqu'à mise en place d'une boite aux lettres au nom de la société Ulysse ;
- dire et juger que la clause résolutoire n'a pu jouer ;
- condamner la SCI de la Pichardière à verser à la société Ulysse la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SCI de la Pichardière aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1. Sur la procédure
Il résulte des dispositions combinées des articles 909 et 954 du code de procédure civile que l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident, que les conclusions de l'intimé doivent notamment comprendre l'énoncé des chefs de jugement critiqués, que les conclusions d'intimées ne comportant pas de prétention tendant à l'infirmation d'un chef du dispositif du jugement attaqué ne constituent pas un appel incident valable à l'égard de ce chef de dispositif de sorte que la cour ne peut que le confirmer s'il n'est pas critiqué par l'autre partie.
La SCI de la [Adresse 12] fait valoir que la société Ulysse ne demande dans le dispositif de ses conclusions la réformation d'aucun chef du jugement déféré.
Il convient d'observer que l'intimée demande pour l'essentiel la confirmation du jugement déféré notamment quant aux commandements de payer.
La société Ulysse n'a pas demandé l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable son exception de litispendance, de sorte que ce chef de jugement sera confirmé.
S'agissant des autres demandes de l'intimée, il sera examiné ci-dessous pour chacune d'elle s'il s'agit d'un appel incident et si l'infirmation du chef de jugement concerné a été sollicitée.
S'agissant de la demande faite à la Cour prétendument « in limine litis » par la société Ulysse de « se déclarer incompétent au profit de la 2ème chambre du pôle 4 de la d'appel Cour pour statuer sur la prétendue violation des normes de sécurité incendies, des prescriptions administratives et des autorisations nécessaires à l'exercice dudit commerce » au motif qu'une instance est pendante sur ce point devant la 2ème chambre de cette juridiction, le conseiller de la mise en état a déjà statué par ordonnance du 18 janvier 2024 rappelant que les dispositions relatives aux exceptions d'incompétence et de litispendance ne sont pas applicables lorsque deux chambres d'une même juridiction sont saisies et qu'il n'y a pas lieu de procéder à la redistribution de l'affaire. La société Ulysse n'est donc pas recevable à soulever de nouveau l'incompétence devant la cour statuant au fond. Cette demande sera déclarée irrecevable.
2. Sur le commandement visant la clause résolutoire délivré le 9 juillet 2019
Selon l'article L. 145-41 alinéa1 du code de commerce, 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai' et selon l'article L. 141-17 du même code, sont nulles les clauses ayant pour effet de faire échec à l'article L. 145-41.
Compte tenu de la gravité des effets d'une clause résolutoire, ses conditions d'application sont strictes et doivent être toutes réunies. La clause ne peut être invoquée qu'en cas de manquement à une stipulation expresse du bail et non en cas de faute quelconque du locataire ne concernant pas une obligation ou une interdiction stipulée au bail. La mise en demeure de cesser l'infraction au bail doit être précise afin de réellement permettre au locataire de régulariser la situation ainsi que l'a souhaité le législateur. Elle doit donc informer clairement le locataire du manquement qui lui est reproché ou le mettre en demeure d'exécuter une obligation déterminée. Conformément à l'article 1315 du code civil, c'est au bailleur de rapporter la preuve de la persistance de l'infraction pour que la clause résolutoire soit acquise.
Par ailleurs, l'application de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial est soumise aux exigences de la bonne foi contractuelle posées par l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 dont le principe est repris à l'article 1104 du même code, de sorte qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré sans respecter cette exigence ne peut recevoir effet.
Ainsi que le rappelle le jugement déféré avec précision, auquel il est renvoyé sur ce point, le contrat de bail en cause contient une clause résolutoire conforme aux dispositions de l'article L. 145-41 précité, qui vise notamment le défaut d'exécution d'une seule des charges et conditions du bail, de paiement exact d'un seul terme de loyer ou accessoire et le manquement à une des dispositions légales ou réglementaires régissant le statut des baux commerciaux et qui rappelle différentes clauses dont celle dans laquelle le preneur déclare que les locaux sont adaptés à son activité, qu'il fera son affaire personnelle des autorisations nécessaires à l'exercice de son activité, qu'il aura la charge des travaux notamment de sécurité prescrits par l'autorité administrative.
En l'espèce, le commandement visant la clause résolutoire du bail délivré le 9 juillet 2019, reproduit différentes stipulations notamment la clause résolutoire du contrat de bail, dont un exemplaire complet est joint à l'acte. Il mentionne que méconnaissant gravement ses obligations résultant du bail, la société Ulysse n'a pas respecté « ses obligations relatives aux règles de sécurité incendie, aux prescriptions administratives et aux autorisations nécessaires à l'exercice de son activité » puis lui fait commandement « de se conformer aux dispositions du bail susvisées » lui déclarant qu'à défaut de respecter ces dispositions du contrat de bail dans le délai d'un mois, la bailleresse entend se prévaloir de la clause résolutoire de ce bail.
Contrairement à ce que soutient la SCI de la [Adresse 12], il ne ressort pas des termes de ce commandement que la société Ulysse aurait dû, dans le délai d'un mois, mandater un technicien afin d'établir les travaux à effectuer afin de se mettre aux normes et d'effectuer lesdits travaux. C'est à la bailleresse qu'incombe la charge de préciser dans le commandement les obligations non respectées par la locataire et les interventions à réaliser par elle dans le délai d'un mois. Or tel n'est pas le cas en l'espèce. Elle ne peut soutenir que la locataire aurait dû se référer au rapport établi par le Cabinet [C] à la demande du syndic de l'immeuble, non joint au commandement et dont elle dit par ailleurs dans ses conclusions qu'il ne peut être accordé de crédit « à ce rapport fondé sur un postulat erroné ».
Au regard de ces éléments, à juste titre et par une motivation à laquelle il convient de renvoyer, le jugement déféré a refusé de donner effet à ce commandement, dont le manque de précision et la généralité du propos ne permettent pas au preneur de connaître la nature et l'étendue des obligations visées ni par conséquent, de les exécuter dans le délai d'un mois, ce manque de précision délibéré caractérisant, en outre, la mauvaise foi. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré nul le commandement délivré le 9 juillet 2019.
En conséquence, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de la société Ulysse sur ce point puisqu'elles sont sans objet dès lors qu'il a été fait droit à la demande principale de confirmation.
3. Sur le commandement visant la clause résolutoire délivré le 17 juillet 2019
En l'espèce, par acte d'huissier délivré le 17 juillet 2019 à la société Ulysse, visant la clause résolutoire du bail , la SCI de la [Adresse 12] a rappelé la clause du bail selon laquelle le preneur s'engage à remettre au bailleur au plus tard 45 jours après la prise d'effet du bail, une garantie autonome à première demande d'un établissement bancaire français en garantie de la bonne exécution des clauses et conditions du bail en cause, d'un montant de six mois de loyer hors taxes, pendant la durée du bail outre six mois, a observé qu'en méconnaissance de ses obligations, la société Ulysse n'a pas respecté son obligation de constitution d'une garantie à première demande et lui a fait commandement « de se conformer aux dispositions du bail susvisées ».
Le jugement déféré a rappelé à juste titre qu'en application de l'article 488 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé définitive du 25 mai 2020 constatant l'acquisition de la clause résolutoire n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée. Elle ne s'impose donc pas à la juridiction statuant au fond. La jurisprudence de la Cour de cassation dont se prévaut l'appelante est inapplicable en l'espèce puisqu'elle concerne l'impossibilité d'octroyer de nouveaux délais lorsqu'il en a déjà été accordé en référé. Il ne se déduit pas de cette jurisprudence l'impossibilité pour le juge du fond de statuer sur la validité d'un commandement ayant fait l'objet de délais suspensifs en référé.
Le jugement déféré, à la motivation duquel il convient de renvoyer sur ce point, a considéré à juste titre que la preuve n'était rapportée d'une renonciation dépourvue d'équivoque de la bailleresse à la clause de garantie à première demande, les termes sibyllins du courrier de Monsieur [T], précédent gérant de la SCI bailleresse, adressé le 5 février 2018, auquel était joint un chèque de 17.400 euros établi par la société Ulysse, ne pouvant s'analyser comme une renonciation expresse de la bailleresse à la constitution d'une garantie bancaire prévue au bail.
Il se déduit toutefois du dernier paragraphe de la clause du bail relative à la garantie bancaire autonome à première demande selon lequel : « Afin de garantir au bailleur la remise de cette garantie à première demande, le preneur remet ce jour un chèque d'un montant de dix-sept mille quatre cents euros (17.400 €) que le bailleur s'engage à ne pas encaisser. A défaut de remise de la garantie bancaire dans les quarante-cinq (45) jours civils à compter de la date d'effet du bail, le bailleur pourra, de plein droit, encaisser ledit chèque à titre d'indemnité forfaitaire. Le bailleur pourra, si bon lui semble, faire application de la clause résolutoire figurant au présent bail », que la restitution du chèque de 17.400 euros par la bailleresse en février 2018 démontre qu'à cette date, cette dernière n'a pas entendu faire application des sanctions contractuelles et qu'elle a choisi de restituer le chèque de 17.400 euros plutôt que de l'encaisser à titre d'indemnité forfaitaire contractuelle sanctionnant le défaut de garantie bancaire.
Par ailleurs, ainsi que l'a justement exposé le jugement déféré à la motivation détaillée duquel il convient de renvoyer, il ressort des éléments du dossier et notamment des échanges de courriers et des attestations se corroborant entre elles que la locataire a connu des difficultés d'exploitation du fait de l'attitude du syndicat des copropriétaires le privant volontairement d'une boîte aux lettres et de la distribution du courrier par le gardien, rendant difficile la livraison de marchandises, lui ayant délivré le 17 février 2019 une sommation de cesser tout exploitation commerciale, puis l'ayant assignée avec sa bailleresse le 29 novembre 2017 pour obtenir la résiliation du bail, procédure toujours en cours en appel ; qu'en outre, la locataire a subi des infiltrations notamment en 2018 et 2019 dans ses locaux où elle venait de réaliser d'importants travaux d'aménagement ; que par courriel du 19 décembre 2018, Monsieur [T] gérant de la SCI de la [Adresse 12] a donné instruction à son mandataire de « suspendre la perception du loyer pour le moment sans rajouter de nouvelles procédures » et a remis à la société Ulysse une attestation datée du 12 janvier 2019 mentionnant : « devant les difficultés financières de la société Ulysse, le versement des loyers a été suspendu par un accord des deux parties. Une nouvelle évaluation est prévue dans les trois prochains mois» du preneur, prévoyant une réévaluation de la situation ; que par courriel adressé le 7 août 2020 au conseil de la bailleresse pour proposer une garantie autonome par la CARPA auprès de laquelle la somme de 18.493 euros était séquestrée, celui de la locataire a exposé les difficultés rencontrées auprès des banques pour obtenir rapidement une garantie à première demande soulignant les effets des restrictions sanitaires liées au COVID sur son activité.
Il est inopérant de la part de la SCI de la [Adresse 12] de faire valoir que les fuites émanant des parties communes ont cessé ; que la locataire a été destinataire des courriers procéduraux nonobstant l'absence de boîte aux lettres ; que cette dernière connaissait la configuration des locaux et leur accès difficile. En effet, les difficultés d'exploitation résultant notamment de l'attitude de la copropriété et des infiltrations d'eau sont réelles et établies.
De même, il est inopérant de faire valoir l'absence d'obligation légale d'adresser une mise en demeure avant la délivrance d'un commandement, l'absence de mise en demeure ayant été relevée dans le jugement déféré non pas comme un manquement à une obligation légale mais comme caractérisant la soudaineté de la délivrance du commandement litigieux après deux années sans observation de la part de la bailleresse quant au défaut de garantie bancaire.
Dans ce contexte d'exploitation difficile et de difficultés financières prises en compte par la bailleresse - qui a suspendu l'encaissement de loyer en 2019, a restitué le chèque de 17.400 euros remis dans l'attente de la garantie bancaire en 2018 puis n'a pas réclamé pendant deux ans et demi l'exécution de la clause de garantie à première demande, ni même à l'occasion de la délivrance des commandements visant la clause résolutoire du bail des 9 mai 2019 et 9 juillet 2019 - la délivrance soudaine le 17 juillet 2019, sans demande amiable préalable, d'un commandement visant la clause résolutoire du bail, de satisfaire à l'exigence d'une garantie bancaire correspondant à six mois de loyers, dans le délai d'un mois, trop court pour constituer un dossier et obtenir la réponse d'une banque, a été effectuée de mauvaise foi ainsi que l'a relevé à juste titre le jugement déféré.
Il est inopérant de se prévaloir du fait que la locataire n'aurait pas été assez diligente et n'a pas satisfait à l'obligation de fournir une garantie bancaire malgré le délai octroyé par l'ordonnance de référé du 25 mai 2020 puisque la bonne foi de la bailleresse doit s'appliquer à la date de délivrance du commandement litigieux.
C'est donc à juste titre que ce jugement a déclaré ce commandement de nul effet a refusé de constater l'acquisition de la clause résolutoire. Il convient, en conséquence, de rejeter la demande d'expulsion de la locataire ainsi que les demandes subséquentes notamment en paiement d'une indemnité d'éviction. Le jugement sera confirmé de ces chefs. Dès lors que le commandement du 17 juillet 2017 a été déclaré de nul effet, la demande de prorogation des délais pour satisfaire aux obligations visées par ce commandement est sans objet. Il n'y a pas lieu d'y faire droit.
En conséquence, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de la société Ulysse de ce chef. Dès lors qu'il a été fait droit à la demande principale de la locataire, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande subsidiaire aux fins de voir prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de la SCI de la [Adresse 12] ni sur la demande subséquente en paiement d'une somme de 491.832,58 euros à titre de dommages et intérêts.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'injonction d'installer une boîte aux lettres puisqu'elle n'est pas reprise au dispositif des conclusions de l'intimée. La demande de la société Ulysse aux fins de voir réduire le montant du loyer annuel de 50 % jusqu'à la mise en place d'une boîte aux lettres au nom de la SAS Ulysse n'étant pas justifiée, elle sera rejetée.
4.Sur la demande aux fins d'enjoindre sous astreinte à la SCI de la [Adresse 12] de prendre des mesures à l'encontre du syndicat des copropriétaires
Le jugement déféré a « dit n'y avoir lieu à enjoindre à la SCI de la Pichardière d'avoir à prendre toutes les mesures nécessaires à l'encontre du syndicat des copropriétaires dudit immeuble afin que les normes de sécurité incendie et prescriptions administratives soient respectées dans l'immeuble, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ».
La société Ulysse n'a pas sollicité la réformation de ce chef de jugement. Elle ne peut donc reformuler la même demande d'injonction qui a déjà été rejetée, au demeurant à juste titre.
5.Sur la dette locative
Le jugement déféré n'a fait que partiellement droit à la demande en paiement de la SCI de la [Adresse 12] d'une somme de 38.668,62 euros au titre de l'arriéré et de charges et lui a alloué un montant de 16.049,82 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges dus au premier trimestre 2022 inclus après avoir déduit différentes sommes correspondant à des charges et taxes non justifiées.
La SCI de la [Adresse 12] sollicite en appel la somme de 67.556,08 euros arrêtée au 1er janvier 2024. La société Ulysse conteste à plusieurs titres devoir la somme réclamée, notamment en ce qu'elle ne serait pas justifiée par les pièces produites.
5.1. Sur le montant du loyer
La société Ulysse demande à la cour de ramener le loyer à son montant contractuel initial de 34.800 euros par an au motif que la bailleresse n'apporte aucun justificatif du calcul de cette augmentation.
Aux termes des stipulations du contrat de bail relatives au loyer et à la clause d'échelle mobile, le preneur s'engage à payer au domicile du bailleur le loyer et ses accessoires en quatre termes de paiement d'avance, les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre, étant précisé que « le loyer sera augmenté ou diminué automatiquement et sans aucune formalité de plein droit chaque année, à partir du 01/12/2016 selon les variations de l'indice des loyers commerciaux publié trimestriellement par l'INSEE (') il est précisé que l'indice de référence de la première indexation sera celui du 2ème trimestre 2016 soit 107,40 ».
Il en résulte qu'il incombe à la locataire de calculer elle-même l'indexation à l'aide des indices publiés et de l'appliquer spontanément lors du paiement à l'échéance, la bailleresse n'ayant pas l'obligation d'expliciter le calcul qu'elle a effectué dans l'appel de loyer. La société Ulysse qui dispose de tous les éléments de calcul ne démontre pas que la bailleresse aurait commis une erreur quant au montant des sommes réclamées. Il n'apparaît pas non plus à la cour qu'une erreur en défaveur de la locataire aurait été commise.
Dès lors, il n'y a pas lieu de ramener au montant contractuel initial les sommes facturées par la bailleresse dans le relevé de loyer produit par la bailleresse
5.2 Sur le montant des charges.
Selon l'article 1134 devenu 1103 du code civil, le contrat faisant la loi entre les parties, le bailleur d'un local à usage commercial ne peut solliciter de son preneur le paiement, en sus du loyer, que des sommes clairement et expressément visées au bail comme devant peser sur le preneur. L'article L. 145-40-2 du code de commerce dispose que le contrat de bail doit comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts et taxes liés à ce bail et l'indication de leur répartition entre le bailleur et le preneur ; que dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat précise la répartition des charges entre eux, cette répartition étant fonction de la surface d'exploitation. Il résulte notamment des articles R.145-35 et suivants que ne peuvent être imputés au locataire les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil, celles relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mise en conformité à la réglementation si elles relèvent des grosses réparations susvisées, les honoraires de gestion des loyers du bien objet du bail, les charges, taxes et travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d'autres locataires.
Selon l'article R. 145-35 du code de commerce, ne peuvent être imputées au locataire commercial les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que celles relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations, les impôts et taxes dont le redevable légal est le bailleur, exceptées la taxe foncière, les taxes additionnelles à cette taxe ainsi que les impôts, taxes et redevances liées à l'usage du bien immobilier ou à un service dont bénéficie le locataire.
Par ailleurs, il résulte de ces textes que l'absence de régularisation des charges dans les conditions prévues dans un bail commercial rend sans cause les appels trimestriels de provision à valoir sur le paiement de charges, dont le locataire peut dès lors obtenir remboursement à moins que le bailleur dans l'instance judiciaire en remboursement, ne justifie du quantum des charges effectivement récupérables sur le preneur.
Il ressort des dispositions du bail et de l'inventaire annexé notamment que le preneur remboursera au bailleur sa quote-part de toutes les charges, prestations, taxes et dépenses de toutes natures afférentes aux locaux loués, ses consommations personnelles d'électricité, gaz et d'eau et sa quote-part afférente aux dépenses d'eau pour les services généraux de l'immeuble, les taxes foncières et d'ordures ménagères, les travaux d'entretien, mise aux normes de relevant pas de l'article 606 précité et maintenance relatives aux locaux loués et parties communes ; que le bailleur conservera à sa charge les grosses réparations de l'article 606 et honoraires associés, les travaux de mises aux normes et liés à la vétusté lorsqu'ils relèvent de grosses réparations de l'article 606.
Il en résulte que la bailleresse peut facturer l'ensemble des charges de copropriétés mises à sa charge par le syndic au titre des locaux loués, sauf celles relatives aux travaux visés à l'article 606 précité, la locataire n'étant pas fondée à distinguer selon le type de charges si elle en bénéficie directement.
C'est donc à tort que la société Ulysse reproche à sa bailleresse de ne pas lui avoir facturer les seules charges mentionnées comme « locatives », apparaissant sur le relevé de compte établi par le syndic, cette mention ne concernant que les locaux d'habitation et ne s'imposant pas aux locaux commerciaux. De ce fait, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la locataire au paiement de 16.500 euros au titre de sa dette locative au 1er trimestre 2022, condamnation qui n'a pris en compte que les seules dettes dites « locatives » sur les relevés du syndic.
La démonstration n'étant pas faite que certaines sommes prises en compte par la bailleresse au titre des charges de copropriété relèveraient de l'article 606, l'affirmation de la locataire selon laquelle les travaux de plomberie exposés par la copropriété relèveraient de l'article 606 ou les honoraires de procédure ne seraient pas facturables à la locataire n'étant pas justifiée, c'est à juste titre que le montant total des charges de copropriété a été pris en compte par la bailleresse dans le compte de régularisation annuelle.
Le contrat de bail prévoit que le preneur versera une provision sur charges annuelle minimale de 1.800 euros soit 450 euros mensuels, montant réajustable chaque année en fonction du montant réel de l'année précédente le bailleur devant effectuer un arrêté annuel des comptes et une régularisation dans un délai de trois mois suivant la reddition des comptes de copropriété, ce délai étant fixé au 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle le compte est établi.
Dans ses conclusions, la SCI de la [Adresse 12] se contente de réclamer le solde figurant sur son décompte sans présenter de calcul explicite des sommes facturées par référence aux pièces produites. Elle a toutefois produit en appel de nouvelles pièces, notamment, les factures de charges apparaissant sur les comptes annuels de copropriété pour les années 2018, 2019 et 2020.
La cour a pu déduire des pièces produites que, sur le décompte de loyers effectué par le gestionnaire de la bailleresse, la société Sofincal, arrêté au 1er janvier 2024 présentant un solde de 67.556,08 euros, figurent trois régularisations de charges :
- le 1er avril 2020, un « rappel charges » de 5.678,58 euros pour la période du 12 octobre 2017 au 31 décembre 2018 :
ce montant apparaît sur l'avis de régularisation de charges pour la période du 1er octobre 2017 au 31 décembre 2018, ainsi que la mention que la prochaine provision s'élèverait à 1.500 euros. Or sur le compte de copropriété de l'année 2018 les charges afférentes aux locaux s'élèvent à un total de 6.051,43 euros dont il convient de déduire les quatre provisions trimestrielles de 450 euros, soit un solde débiteur de 4.251,43 euros, seul montant justifié, étant rappelé que la locataire n'est pas fondée à se prévaloir du montant de 3.405,96 euros figurant sur le relevé du syndic au titre des charges locatives. Il s'en déduit qu'a été trop facturée une somme de 1.427,15 euros (5678,58 - 4.251,43) ;
- le 1er avril 2022, un « solde charges » de 8.083,62 euros pour l'année 2019 :
selon le compte de régularisation du syndic pour l'année 2019, le total des charges afférentes au local en cause s'élève à 9.883,62 euros. Sur son décompte de régularisation du 25 janvier 2022, la société Sofincal en a déduit les provisions d'un montant total de 1.800 euros, de sorte que le montant de 8.083,62 euros a été facturé à juste titre ;
- le 1er juillet 2022, un « solde charges » correspondant à un trop payé de -2.209,78 euros pour l'année 2020 :
selon le compte de régularisation du syndic pour l'année 2020, le total des charges afférentes au local en cause s'élève à 2.740,22 euros. Sur son décompte de régularisation du 24 janvier 2022, la société Sofincal en a déduit les provisions d'un montant total de 4.950 euros, de sorte qu'un montant de 2.209,78 euros a été déduit à juste titre sur le relevé de compte.
La société Ulysse reproche à la bailleresse de ne pas avoir procédé à ces régularisations de charges et d'avoir facturé des provisions de 1.500 euros alors que ces provisions n'auraient pu excéder 450 euros. Elle sollicite la restitution des charges versées depuis 2020 pour un montant total de 22.500 euros.
La bailleresse n'a pas procédé à la régularisation des charges qui lui incombe contractuellement pour les années 2021 et suivantes. Cependant, elle produit les comptes de régularisation annuels effectués par le syndic pour l'année 2021 (5.242 euros) et 2022 (5.745 euros), soit un total réellement dû de 10.987 euros.
Dès lors que les provisions versées pour ces deux années, soit une somme de 10.400 euros (1.500 x 6 +2 x 700) sont inférieures à la somme réellement due, la locataire ne peut en demander le remboursement. De même, dès lors que le contrat s'impose aux parties conformément, la demande de la société Ulysse aux fins de voir dire que désormais les provisions trimestrielles ne peuvent excéder 450 euros sera rejetée.
Au regard du dernier compte annuel de charges connu avant 2023, il ne peut être reproché à la bailleresse d'avoir facturé une somme de 700 euros par trimestre en 2023 et pour le premier trimestre 2024, la locataire ne peut donc pas en solliciter le remboursement.
S'agissant des taxes foncières, sur le décompte locatif, la bailleresse a facturé les sommes suivantes :
- le 01/01/20 : 4.728 euros
- le 07/01/21 : 4.939 euros
- le 01/01/22 :5.185 euros
- le 01/01/23 : 5.413 euros
- le 01/01/24 : 7.791 euros .
Or, il n'est produit que les justificatifs de taxe foncière relatifs aux années 2021 (pièce 55 : 5.185 euros), 2022 (pièce 55 bis : 5.413 euros) et 2023 (pièce 55 bis : 7.791 euros). Les avis de taxes foncières étant intégralement produits en appel pour ces trois années, les observations de la locataire sur l'insuffisance des justificatifs pour les années 2021 et 2022 ne sont pas justifiées. En l'absence de justificatifs, les sommes facturées pour les autres années au titre de la taxe foncière mais non justifiées doivent être déduites du solde locatif, soit un total de 9.667 euros (4.728 + 4.039).
Par ailleurs, il convient de déduire du décompte locatif la somme de 1.500 euros débitée le 1er octobre 2020 au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui ne constitue pas une dette locative et qui fait d'ores et déjà l'objet d'un titre exécutoire.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la dette locative de loyers, charges et taxes arrêtée au 1er trimestre 2024 inclus s'élève à 54.962 euros (67.556,08 - 1.427,15 - 9.667 - 1.500).
Il convient, en conséquence d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Ulysse à payer à la SCI de la [Adresse 12] la somme de 16.049,82 euros au titre de dette locative arrêtée au premier trimestre 2002 inclus et de condamner la société Ulysse à payer à la SCI de la [Adresse 12] la somme de 54.962 euros au titre de sa dette locative de loyers, charges et taxes arrêtée au 1er trimestre 2024 inclus.
Malgré l'importance de la dette locative, en l'absence d'éléments justifiant la capacité de la société Ulysse à honorer des paiements échelonnés outre le loyer courant, il n'y a pas lieu de lui allouer les délais de paiement sollicités. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Ulysse de sa demande de délais de paiement.
Dès lors que les comptes ont été rectifiés ci-dessus et révèlent qu'aucune somme n'a été trop perçue au titre des charges et qu'il persiste une dette locative, la demande subsidiaire de la société Ulysse aux fins de voir condamner sa bailleresse en paiement de 22.500 euros en réparation du préjudice que lui aurait causé l'augmentation de la provision sur charges n'est pas justifiée. Cette demande sera rejetée. Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Ulysse de sa demande en paiement de 16.500 euros de « dommages et intérêts au regard de la provision sur charges » et de débouter cette société de sa demande à ce titre portée à 22.500 euros en appel.
5.Sur la demande en paiement de 223.625,11 euros de dommages et intérêts formée la société Ulysse
Il résulte notamment des articles 1719 et suivants du code civil que le bailleur a pour obligation essentielle de délivrer au preneur la chose louée, de l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, de faire toutes les réparations nécessaires autres que locatives pendant la durée du bail et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail, que le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance des lieux loués.
Le jugement déféré a condamné la SCI de la [Adresse 12] au paiement de 8.000 euros à la société Ulysse à titre de dommages et intérêts en réparation des fautes commises par la bailleresse résultant de la délivrance des commandements litigieux, des dégâts des eaux et des difficultés causées par le syndicat des copropriétaires. Aucune partie ne demande l'infirmation de cette disposition. La SCI de la Pichardière demande à la cour de la déclarer définitive. En l'absence de demande d'infirmation, cette disposition du jugement sera confirmée.
La société Ulysse demande à titre de dommages et intérêts la somme de 223.625,11 euros mais ne caractérise pas l'existence d'un nouveau préjudice depuis le prononcé du jugement déféré.
La société Ulysse demande la condamnation de sa bailleresse à lui payer la somme de 223.625,11 euros correspondant au remboursement de l'intégralité des loyers versés par elle entre décembre 2017 et octobre 2019 (fin des travaux) outre celui de la moitié des loyers payés entre novembre 2019 et décembre 2023 inclus.
Il lui incombe de démontrer la faute, en particulier le manquement à l'obligation de délivrance, reprochée à sa bailleresse, le préjudice dont elle fait état et le lien de causalité entre cette faute et le préjudice prétendus.
S'agissant des dégâts des eaux subis par la société Ulysse, ainsi que l'a justement observé le jugement déféré, les pièces imprécises produites par la locataire ne démontrent pas un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance, ni que celle-ci aurait manqué à ses diligences auprès du syndicat des copropriétaires malgré les demandes qui lui ont été faites. Il ressort du procès-verbal d'assemblée générale produit que c'est la copropriété qui a pris en charge les travaux relatifs à la descente et la dalle en béton fuyardes. Selon les explications de la société Ulysse, les travaux de réparation ont été terminés à tout le moins en octobre 2019. Au surplus, il ressort des stipulations du bail que la preneuse a renoncé à tout recours contre sa bailleresse et à toute demande de réduction de loyer notamment « en cas d'humidité, infiltrations, dégâts des eaux dus à des accidents causés par le gel (')des pluies anormalement abondantes, l'engorgement des canalisations, ainsi que des fuites ou infiltrations pouvant provenir de canalisations communes masquées par un coffrage établi par le bailleur (') en cas de troubles apportés à la jouissance des lieux loués ou de dégradations ou destructions dans lesdits lieux par le fait de tiers, quelle que soit leur qualité, le preneur devant agir directement contre eux sans pouvoir mettre en cause le bailleur ». La société Ulysse n'est pas fondée à soutenir que la bailleresse ne pourrait se prévaloir de cette clause de non recours qui n'est pas de nature à faire obstacle à l'obligation de délivrance en l'espèce.
Il ne ressort cependant pas des éléments produits, des photographies, du constat d'huissier du 18 mai 2019- révélant notamment des traces de coulure, des infiltrations, une fuite du plancher haut, ainsi que de l'eau stagnante- et de celui du 26 novembre 2019- révélant à la suite de précipitations des stigmates d'humidité ainsi qu'un goutte à goutte- une totale impossibilité d'utiliser les locaux mais au contraire que la pièce principale d'entreposage a des traces d'écoulement mais ne paraît pas la plus affectée. Les locaux paraissent donc avoir été partiellement utilisés. La société Ulysse se contente d'affirmer que les désordres et humidités répétés au cours de l'année 2019 ont « nécessairement partiellement entravé son exploitation du local » mais ne donne pas de précisions quant au siège du préjudice subi, à l'importance de la surface impactée au regard de la surface totale ni à la durée des préjudices décrits.
Elle ne rapporte pas la preuve lui incombant qu'elle est fondée à solliciter la réparation d'une faute contractuelle de sa bailleresse du fait des dégâts des eaux subis ni de l'ampleur et la nature du préjudice dont elle demande réparation. Elle indique, en tout état de cause, que les travaux ayant mis fin aux infiltrations ont été terminés le 31 octobre 2019.
Dès lors qu'elle ne démontre pas l'absence de diligence de sa bailleresse à l'égard du syndic, la société Ulysse n'est pas fondée à reprocher à cette dernière l'attitude du syndicat des copropriétaires qui a d'ailleurs été condamné par le jugement du 24 juin 2022 frappé d'appel à lui payer la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Par ailleurs, elle ne rapporte pas la preuve que la délivrance des commandements irréguliers visant la clause résolutoire lui aurait causé un préjudice financier excédant sa prise en compte dans l'allocation de 8.000 euros dans le jugement. Au demeurant, les dommages et intérêts sollicités en appel calculés en fonction du montant du loyer sont fondés sur le préjudice d'exploitation résultant des dégâts des eaux et des problèmes de livraison résultant de l'attitude du syndicat des copropriétaires.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la SCI de la Pichardière à payer à la société Ulysse la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts et cette dernière sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée en appel.
7. Sur les autres demandes
En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n=y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir Ajuger@ , « dire et juger » ou « constater », lorsqu=elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens, frais irrépétibles et à l'exécution provisoire.
L'équité justifie de laisser à la charge de chacune des parties ses dépens et frais irrépétibles relatifs à la procédure d'appel. Il convient de les débouter de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Ulysse ;
Infirme le jugement rendu le 22 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Paris (RG 19/10510) dans le litige opposant la société Ulysse et la SCI de la Pichardière en ce qu'il a condamné la société Ulysse à payer à la SCI de la [Adresse 12] la somme de 16.049,82 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges dû, terme du premier trimestre 2022 inclus, selon décompte arrêté au 10 janvier 2022 ;
Le confirme en toutes ses autres dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la SCI de la Pichardière de sa demande aux fins d'expulsion de la société Ulysse ainsi que des demandes subséquentes notamment en paiement d'une indemnité d'éviction et aux fins de conserver le dépôt de garantie ;
Condamne la société Ulysse à payer à la SCI de la Pichardière la somme de 54.962 euros au titre de sa dette locative de loyers, charges et taxes arrêtée au 1er trimestre 2024 inclus ;
Déboute la société Ulysse aux fins de voir dire que les provisions trimestrielles ne peuvent excéder 450 euros ;
Déboute la société Ulysse de sa demande subsidiaire aux fins de voir condamner la SCI de la Pichardière à lui payer la somme de 22.500 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'augmentation de la provision sur charges ;
Déboute la société Ulysse de sa demande aux fins de voir condamner la SCI de la Pichardière à lui payer la somme de 223.625,11 euros de dommages et intérêts au titre de ses manquements à son obligation de délivrance conforme des locaux et de jouissance paisible ;
Déboute la société Ulysse de sa demande aux fins de voir réduire le montant du loyer annuel de 50 % jusqu'à la mise en place d'une boîte aux lettres au nom de la SAS Ulysse ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes ;
Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposé dans le cadre de la procédure d'appel.
La greffière, La présidente,