CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 11 juillet 2025, n° 25/03193
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 11 JUILLET 2025
(n° / 2025, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/03193 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CK232
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 janvier 2025 -Tribunal de commerce de CRETEIL - RG n° 2024L02376
APPELANTE
S.A.R.L. UNIQUE BEAUTY INDIAN, société à responsabilité limitée, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIL sous le numéro 803 773 902,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque : D2090,
INTIMÉES
S.A.S. [M], prise en la personne de Maître [E] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL UNIQUE BEAUTY INDIAN, désignée par jugement du tribunal de commerce de CRETEIL du 22 janvier 2025,
Dont l'étude est située [Adresse 3]
[Localité 6]
S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [J] [O], en qualité d'administrateur judiciaire de la SARL UNIQUE BEAUTY INDIAN, désignée par jugement du tribunal de commerce de CRETEIL du 10 janvier 2024,
Dont l'étude est située [Adresse 2]
[Localité 4]
Représentées et assistées de Me Benjamin BAYI de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque B 873,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er juillet 2025, en audience publique, par la cour, composée de:
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
Monsieur François VARICHON, conseiller,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Constance LACHEZE dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de proécdure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La société à responsabilité limitée Unique Beauty Indian créée en 2014 exploite un salon de beauté à [Localité 7] (94).
Sur assignation du pôle de recouvrement spécialisé de Créteil et par jugement du 10 janvier 2024, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard, nommé la SAS [M] en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL AJAssociés en qualité d'administrateur judiciaire.
Par une première requête du 15 mai 2024, l'administrateur judiciaire a sollicité la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire, aux motifs d'absence de coopération du dirigeant et de visibilité sur la comptabilité de la société, puis retiré sa demande à l'audience. Par jugement du 10 juillet 2024, le tribunal de commerce de Créteil a ordonné le renouvellement de la période d'observation jusqu'au 10 janvier 2025.
Par requête du 23 décembre 2024, l'administrateur judiciaire a à nouveau sollicité la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire, faisant état de son absence de contact avec le dirigeant de la société débitrice, d'un solde de trésorerie créditeur de 11 068,31 euros, de son ignorance quant au suivi de l'exploitation et quant au paiement des charges courantes, ainsi que d'un appel d'offre de reprise.
Par jugement du 22 janvier 2025 dont appel, le tribunal de commerce de Créteil a mis fin à la période d'observation, prononcé la liquidation judiciaire de la société Unique Beauty Indian, mis fin à la mission de l'administrateur judiciaire, nommé la SAS [M] prise en la personne de Me [E] [M] en qualité de liquidateur judiciaire et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Par déclaration d'appel du 8 février 2025, la société Unique Beauty Indian a relevé appel de ce jugement intimant la SAS [M] prise en la personne de Me [E] [M] en qualité de mandataire et de liquidateur judiciaire et la SELARL AJAssociés prise en la personne de Me [J] [O] en qualité d'administrateur judiciaire.
Par dernières conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 10 juin 2025, la société Unique Beauty Indian demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du 22 janvier 2025 rendu par le tribunal de commerce de Créteil en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- Débouter la SAS [M] ès qualités et la SELARL Ajassocies ès qualités de leurs demandes ;
- Arrêter son plan de continuation ;
- Dire qu'elle devra rembourser l'intégralité de son passif vérifié et admis en 5 annuités d'égal montant, le versement de la première annuité devant intervenir la veille de la date d'anniversaire du plan.
Par dernières conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 16 juin 2025, la SAS [M], prise en la personne de Me [E] [M], agissant en qualité de liquidateur judiciaire et la SELARL AJAssociés, prise en la personne de Me [J] [O], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Unique Beauty Indian demandent à la cour de :
- Leur donner acte de ce qu'elles s'en remettent à l'appréciation de la cour quant à la demande de la société Unique Beauty Indian aux fins d'obtenir l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 22 janvier 2025 ;
- Condamner la société Unique Beauty Indian à payer à la SAS [M], ès qualités, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Unique Beauty Indian à payer à la SELARL AJAssociés, ès-qualités, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Unique Beauty Indian aux entiers dépens.
L'instruction a été clôturé par ordonnance du 17 juin 2025.
SUR CE,
La société Unique Beauty Indian estime que son passif déclaré s'élève à la somme totale de 103 194,38 euros dont 31 965,83 euros de passif échu, 5 130 euros de créance provisionnelle et 66 098,55 euros de passif contesté, qu'ainsi, et bien que les créances déclarées n'aient pas été vérifiées, son passif définitif pourrait s'élever à 40 770 euros, que selon les organes de la procédure, elle disposerait d'une trésorerie de 12 000 euros, que son activité durant la période d'observation n'avait pas généré de nouveau passif ayant continué à payer son bailleur et ses deux salariés, qu'à l'audience du 8 janvier 2025, elle a demandé une prorogation exceptionnelle de la période d'observation pour lui permettre de présenter un plan de continuation, qu'elle propose désormais de verser sur une période de 5 ans un dividende annuel de 10 000 euros, que son prévisionnel d'activité démontre sa capacité à faire face à ses charges courantes et à disposer des fonds nécessaires à affecter à l'exécution de son plan d'apurement, que son gérant M. [G] s'est engagé à se porter caution solidaire à hauteur de 10 000 euros et à remettre une somme de 6 000 euros à valoir sur la première annuité de son plan de continuation.
Les organes de la procédure font valoir que le passif déclaré s'élève à la somme de 116 474,29 dont 50 275,74 euros à titre définitif au 5 mars 2025, que les salariés ont été licenciés par le liquidateur judiciaire conformément à son obligation légale, qu'un passif postérieur de 6 552 euros a été créé auprès de l'URSSAF dont la société appelante n'a jamais justifié du règlement, que s'agissant d'adopter un éventuel plan de redressement, la cour n'est pas valablement saisie de cette demande car il n'était demandé en première instance que la prolongation exceptionnelle de la période d'observation, qu'en cas d'infirmation, la cour ne peut que renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Créteil, que l'appelante ne communique pas les comptes de l'année 2024 ni de prévisionnel sérieux ou cohérent et ne justifie aucunement de sa capacité à financer l'activité, que le prévisionnel produit fait état d'un chiffre d'affaires annuel de 160 000 euros qui ne correspond pas aux chiffres d'affaires antérieurs (en 2023 : 79 000 euros), que la trésorerie visée de 63 806 euros ne correspond pas au solde dont dispose la société de près de 10 000 euros, que les comptes 2023 et 2024 récemment communiqués devant la cour montrent des résultats d'exploitation de -3 300 euros et -5 300 euros et des pertes de mêmes montants, que les chiffres d'affaires envisagés pour 2025 à 2027 sont très optimistes (entre 87 000 et 105 000 euros) et la société n'explique pas comment elle pourrait les réaliser compte tenu du fait que le fonds de commerce a fermé au prononcé de la liquidation judiciaire, que la société Unique Beauty Indian ne communique aucune preuve de disponibilité des fonds annoncés par le dirigeant pour faire face aux dettes postérieures et à la première annuité de son projet de plan, qu'ainsi, compte tenu du montant du passif, les organes de la procédure s'en rapportent à l'appréciation de la cour quant à l'infirmation du jugement mais qu'en l'état les éléments communiqués à ce jour demeurent insuffisants et ne permettent pas de préparer un projet de plan.
Selon l'article L. 631-1 du code de commerce, la procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation.
Aux termes de l'article L. 631-15, premier alinéa du II., du code de commerce, à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
En l'espèce, l'état des créances déclarées s'élève à la somme de 116 474,29 euros et le dirigeant de la société Unique Beauty Indian a contesté trois d'entre elles, celles de l'URSSAF de 33 774 euros (créance déclarée à titre provisionnel), de 30 000 euros (déclarée à titre de « régul ») et de 2 424 euros. A ce jour, et avant toute vérification du passif déclaré par le juge-commissaire, l'état définitif du passif échu s'élève à la somme minimale de 50 275,74 euros.
Afin de tenter de démontrer qu'elle est en mesure d'apurer ce passif dans le cadre d'un plan d'apurement, la société débitrice produit en cause d'appel sa liasse fiscale au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2023 qui montre des capitaux propres négatifs de -40 264 euros (pour un capital social de 1 000 euros), un chiffre d'affaires de 79 618 euros et un résultat net négatif de -1 335 euros.
S'agissant de ses résultats au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2024, le montant des capitaux propres est de -47 609 euros, le chiffre d'affaires est de 76 507 euros et le résultat net demeure négatif à hauteur de -5 345 euros (étant relevé incidemment que le résultat de l'exercice précédent qui est reporté n'est pas de -1 335 euros mais de -3 335 euros).
La société Unique Beauty Indian produit ensuite son prévisionnel de résultat validé par son expert-comptable, d'un montant de 4 559 euros pour 2025, 9 891 euros pour 2026 et de 17 252 euros pour 2027, pour des chiffres d'affaires respectivement de 87 000 euros, 95 000 euros et 105 000 euros.
Toutefois, outre le fait que ce prévisionnel n'est manifestement pas en adéquation avec les résultats antérieurs, la société Unique Beauty Indian n'explique pas comment elle compte parvenir à atteindre ses objectifs, alors qu'il ressort du rapport des organes de la procédure que lorsqu'elle a augmenté son chiffre d'affaires en 2023, elle a aussi augmenté corrélativement ses charges liées à la masse salariale entrainant une perte sur son résultat d'exploitation (page 5 du rapport du 23 décembre 2024) et que deux des quatre salariés ont démissionné en mars et avril 2024 mais que son résultat net n'a pas pour autant augmenté tandis que son chiffre d'affaires a baissé sur l'exercice 2024.
Force est de constater que la réduction de la masse salariale, dont l'augmentation en 2023 pouvait à la lecture du rapport du mandataire liquidateur expliquer les difficultés de l'entreprise sur l'exercice 2023, n'a pas eu d'effet positif sur le résultat net en fin d'exercice suivant.
En outre, le coût induit par les salaires et charges sociales de 48 840 euros en 2024 est repris quasiment à l'identique (49 000 euros) dans le prévisionnel d'activité des années suivantes, seul le chiffre d'affaires apparaissant en augmentation dans le prévisionnel, sans que l'on comprenne la raison de cette augmentation ni pour quelle raison elle n'est pas intervenue au cours de la période d'observation qui a duré une année.
Le montant négatif de ses capitaux propres de plus de 40 000 euros montre que les résultats négatifs des années 2023 et 2024 ne sont pas isolés, rendant son prévisionnel d'autant moins crédible.
Par ailleurs, si la société Unique Beauty Indian justifie avoir réglé les échéances de son bail commercial, le rapport du mandataire judiciaire Me [M] fait état d'une créance de l'URSSAF postérieure au jugement d'ouverture de 6 552 euros entre janvier et juillet 2024, dont il n'est pas justifié du règlement à hauteur d'appel.
Enfin, la caution de son dirigeant n'est pas de nature à rassurer sur ses capacités à apurer sa dette locative tout en réglant ses charges courantes en ce qu'elle se limite à 10 000 euros pour toute dette née durant la période d'observation et à 10 000 euros pour toute dette née postérieurement à l'arrêt de la cour et dans l'hypothèse où cette dernière infirmerait le jugement du 10 janvier 2024 (sic).
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société Unique Beauty Indian n'apparaît pas en mesure d'apurer ses dettes dans le cadre d'un plan de redressement tout en continuant à régler ses charges courantes, quand bien même le passif définitif se limiterait aux sommes déclarées qui n'ont pas été contestées (soit 50 275,74 euros) et en dépit du caractère modéré de ce passif.
En conséquence, le jugement sera confirmé.
Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Aucune considération d'équité ne justifie de faire droit aux demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que les organes de la procédure seront déboutés de leurs demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective,
Déboute la SAS [M], ès qualités, et la SELARL AJAssociés, ès qualités, de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 11 JUILLET 2025
(n° / 2025, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/03193 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CK232
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 janvier 2025 -Tribunal de commerce de CRETEIL - RG n° 2024L02376
APPELANTE
S.A.R.L. UNIQUE BEAUTY INDIAN, société à responsabilité limitée, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIL sous le numéro 803 773 902,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque : D2090,
INTIMÉES
S.A.S. [M], prise en la personne de Maître [E] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL UNIQUE BEAUTY INDIAN, désignée par jugement du tribunal de commerce de CRETEIL du 22 janvier 2025,
Dont l'étude est située [Adresse 3]
[Localité 6]
S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [J] [O], en qualité d'administrateur judiciaire de la SARL UNIQUE BEAUTY INDIAN, désignée par jugement du tribunal de commerce de CRETEIL du 10 janvier 2024,
Dont l'étude est située [Adresse 2]
[Localité 4]
Représentées et assistées de Me Benjamin BAYI de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque B 873,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er juillet 2025, en audience publique, par la cour, composée de:
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
Monsieur François VARICHON, conseiller,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Constance LACHEZE dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de proécdure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La société à responsabilité limitée Unique Beauty Indian créée en 2014 exploite un salon de beauté à [Localité 7] (94).
Sur assignation du pôle de recouvrement spécialisé de Créteil et par jugement du 10 janvier 2024, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard, nommé la SAS [M] en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL AJAssociés en qualité d'administrateur judiciaire.
Par une première requête du 15 mai 2024, l'administrateur judiciaire a sollicité la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire, aux motifs d'absence de coopération du dirigeant et de visibilité sur la comptabilité de la société, puis retiré sa demande à l'audience. Par jugement du 10 juillet 2024, le tribunal de commerce de Créteil a ordonné le renouvellement de la période d'observation jusqu'au 10 janvier 2025.
Par requête du 23 décembre 2024, l'administrateur judiciaire a à nouveau sollicité la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire, faisant état de son absence de contact avec le dirigeant de la société débitrice, d'un solde de trésorerie créditeur de 11 068,31 euros, de son ignorance quant au suivi de l'exploitation et quant au paiement des charges courantes, ainsi que d'un appel d'offre de reprise.
Par jugement du 22 janvier 2025 dont appel, le tribunal de commerce de Créteil a mis fin à la période d'observation, prononcé la liquidation judiciaire de la société Unique Beauty Indian, mis fin à la mission de l'administrateur judiciaire, nommé la SAS [M] prise en la personne de Me [E] [M] en qualité de liquidateur judiciaire et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Par déclaration d'appel du 8 février 2025, la société Unique Beauty Indian a relevé appel de ce jugement intimant la SAS [M] prise en la personne de Me [E] [M] en qualité de mandataire et de liquidateur judiciaire et la SELARL AJAssociés prise en la personne de Me [J] [O] en qualité d'administrateur judiciaire.
Par dernières conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 10 juin 2025, la société Unique Beauty Indian demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du 22 janvier 2025 rendu par le tribunal de commerce de Créteil en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- Débouter la SAS [M] ès qualités et la SELARL Ajassocies ès qualités de leurs demandes ;
- Arrêter son plan de continuation ;
- Dire qu'elle devra rembourser l'intégralité de son passif vérifié et admis en 5 annuités d'égal montant, le versement de la première annuité devant intervenir la veille de la date d'anniversaire du plan.
Par dernières conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 16 juin 2025, la SAS [M], prise en la personne de Me [E] [M], agissant en qualité de liquidateur judiciaire et la SELARL AJAssociés, prise en la personne de Me [J] [O], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Unique Beauty Indian demandent à la cour de :
- Leur donner acte de ce qu'elles s'en remettent à l'appréciation de la cour quant à la demande de la société Unique Beauty Indian aux fins d'obtenir l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 22 janvier 2025 ;
- Condamner la société Unique Beauty Indian à payer à la SAS [M], ès qualités, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Unique Beauty Indian à payer à la SELARL AJAssociés, ès-qualités, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Unique Beauty Indian aux entiers dépens.
L'instruction a été clôturé par ordonnance du 17 juin 2025.
SUR CE,
La société Unique Beauty Indian estime que son passif déclaré s'élève à la somme totale de 103 194,38 euros dont 31 965,83 euros de passif échu, 5 130 euros de créance provisionnelle et 66 098,55 euros de passif contesté, qu'ainsi, et bien que les créances déclarées n'aient pas été vérifiées, son passif définitif pourrait s'élever à 40 770 euros, que selon les organes de la procédure, elle disposerait d'une trésorerie de 12 000 euros, que son activité durant la période d'observation n'avait pas généré de nouveau passif ayant continué à payer son bailleur et ses deux salariés, qu'à l'audience du 8 janvier 2025, elle a demandé une prorogation exceptionnelle de la période d'observation pour lui permettre de présenter un plan de continuation, qu'elle propose désormais de verser sur une période de 5 ans un dividende annuel de 10 000 euros, que son prévisionnel d'activité démontre sa capacité à faire face à ses charges courantes et à disposer des fonds nécessaires à affecter à l'exécution de son plan d'apurement, que son gérant M. [G] s'est engagé à se porter caution solidaire à hauteur de 10 000 euros et à remettre une somme de 6 000 euros à valoir sur la première annuité de son plan de continuation.
Les organes de la procédure font valoir que le passif déclaré s'élève à la somme de 116 474,29 dont 50 275,74 euros à titre définitif au 5 mars 2025, que les salariés ont été licenciés par le liquidateur judiciaire conformément à son obligation légale, qu'un passif postérieur de 6 552 euros a été créé auprès de l'URSSAF dont la société appelante n'a jamais justifié du règlement, que s'agissant d'adopter un éventuel plan de redressement, la cour n'est pas valablement saisie de cette demande car il n'était demandé en première instance que la prolongation exceptionnelle de la période d'observation, qu'en cas d'infirmation, la cour ne peut que renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Créteil, que l'appelante ne communique pas les comptes de l'année 2024 ni de prévisionnel sérieux ou cohérent et ne justifie aucunement de sa capacité à financer l'activité, que le prévisionnel produit fait état d'un chiffre d'affaires annuel de 160 000 euros qui ne correspond pas aux chiffres d'affaires antérieurs (en 2023 : 79 000 euros), que la trésorerie visée de 63 806 euros ne correspond pas au solde dont dispose la société de près de 10 000 euros, que les comptes 2023 et 2024 récemment communiqués devant la cour montrent des résultats d'exploitation de -3 300 euros et -5 300 euros et des pertes de mêmes montants, que les chiffres d'affaires envisagés pour 2025 à 2027 sont très optimistes (entre 87 000 et 105 000 euros) et la société n'explique pas comment elle pourrait les réaliser compte tenu du fait que le fonds de commerce a fermé au prononcé de la liquidation judiciaire, que la société Unique Beauty Indian ne communique aucune preuve de disponibilité des fonds annoncés par le dirigeant pour faire face aux dettes postérieures et à la première annuité de son projet de plan, qu'ainsi, compte tenu du montant du passif, les organes de la procédure s'en rapportent à l'appréciation de la cour quant à l'infirmation du jugement mais qu'en l'état les éléments communiqués à ce jour demeurent insuffisants et ne permettent pas de préparer un projet de plan.
Selon l'article L. 631-1 du code de commerce, la procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation.
Aux termes de l'article L. 631-15, premier alinéa du II., du code de commerce, à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
En l'espèce, l'état des créances déclarées s'élève à la somme de 116 474,29 euros et le dirigeant de la société Unique Beauty Indian a contesté trois d'entre elles, celles de l'URSSAF de 33 774 euros (créance déclarée à titre provisionnel), de 30 000 euros (déclarée à titre de « régul ») et de 2 424 euros. A ce jour, et avant toute vérification du passif déclaré par le juge-commissaire, l'état définitif du passif échu s'élève à la somme minimale de 50 275,74 euros.
Afin de tenter de démontrer qu'elle est en mesure d'apurer ce passif dans le cadre d'un plan d'apurement, la société débitrice produit en cause d'appel sa liasse fiscale au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2023 qui montre des capitaux propres négatifs de -40 264 euros (pour un capital social de 1 000 euros), un chiffre d'affaires de 79 618 euros et un résultat net négatif de -1 335 euros.
S'agissant de ses résultats au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2024, le montant des capitaux propres est de -47 609 euros, le chiffre d'affaires est de 76 507 euros et le résultat net demeure négatif à hauteur de -5 345 euros (étant relevé incidemment que le résultat de l'exercice précédent qui est reporté n'est pas de -1 335 euros mais de -3 335 euros).
La société Unique Beauty Indian produit ensuite son prévisionnel de résultat validé par son expert-comptable, d'un montant de 4 559 euros pour 2025, 9 891 euros pour 2026 et de 17 252 euros pour 2027, pour des chiffres d'affaires respectivement de 87 000 euros, 95 000 euros et 105 000 euros.
Toutefois, outre le fait que ce prévisionnel n'est manifestement pas en adéquation avec les résultats antérieurs, la société Unique Beauty Indian n'explique pas comment elle compte parvenir à atteindre ses objectifs, alors qu'il ressort du rapport des organes de la procédure que lorsqu'elle a augmenté son chiffre d'affaires en 2023, elle a aussi augmenté corrélativement ses charges liées à la masse salariale entrainant une perte sur son résultat d'exploitation (page 5 du rapport du 23 décembre 2024) et que deux des quatre salariés ont démissionné en mars et avril 2024 mais que son résultat net n'a pas pour autant augmenté tandis que son chiffre d'affaires a baissé sur l'exercice 2024.
Force est de constater que la réduction de la masse salariale, dont l'augmentation en 2023 pouvait à la lecture du rapport du mandataire liquidateur expliquer les difficultés de l'entreprise sur l'exercice 2023, n'a pas eu d'effet positif sur le résultat net en fin d'exercice suivant.
En outre, le coût induit par les salaires et charges sociales de 48 840 euros en 2024 est repris quasiment à l'identique (49 000 euros) dans le prévisionnel d'activité des années suivantes, seul le chiffre d'affaires apparaissant en augmentation dans le prévisionnel, sans que l'on comprenne la raison de cette augmentation ni pour quelle raison elle n'est pas intervenue au cours de la période d'observation qui a duré une année.
Le montant négatif de ses capitaux propres de plus de 40 000 euros montre que les résultats négatifs des années 2023 et 2024 ne sont pas isolés, rendant son prévisionnel d'autant moins crédible.
Par ailleurs, si la société Unique Beauty Indian justifie avoir réglé les échéances de son bail commercial, le rapport du mandataire judiciaire Me [M] fait état d'une créance de l'URSSAF postérieure au jugement d'ouverture de 6 552 euros entre janvier et juillet 2024, dont il n'est pas justifié du règlement à hauteur d'appel.
Enfin, la caution de son dirigeant n'est pas de nature à rassurer sur ses capacités à apurer sa dette locative tout en réglant ses charges courantes en ce qu'elle se limite à 10 000 euros pour toute dette née durant la période d'observation et à 10 000 euros pour toute dette née postérieurement à l'arrêt de la cour et dans l'hypothèse où cette dernière infirmerait le jugement du 10 janvier 2024 (sic).
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société Unique Beauty Indian n'apparaît pas en mesure d'apurer ses dettes dans le cadre d'un plan de redressement tout en continuant à régler ses charges courantes, quand bien même le passif définitif se limiterait aux sommes déclarées qui n'ont pas été contestées (soit 50 275,74 euros) et en dépit du caractère modéré de ce passif.
En conséquence, le jugement sera confirmé.
Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Aucune considération d'équité ne justifie de faire droit aux demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que les organes de la procédure seront déboutés de leurs demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective,
Déboute la SAS [M], ès qualités, et la SELARL AJAssociés, ès qualités, de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente