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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 3, 10 juillet 2025, n° 24/18367

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/18367

10 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 10 JUILLET 2025

(n° 298 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/18367 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKJLZ

Décision déférée à la cour : ordonnance du 07 octobre 2024 - président du TJ de [Localité 13] - RG n° 24/52547

APPELANT

Monsieur [T] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant Me Bruno DE GASTINES de la SELARL BRUNO DE GASTINES & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. AMG WAGRAM, RCS de [Localité 13] n°919479287, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Philippe JULIEN de la SELEURL PJU CONSEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 juin 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Michel RISPE, président de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 906 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Michel RISPE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Marylène BOGAERS

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par contrat du 1er juin 2011, les consorts [Y] ont donné à bail à la société Elgi un local commercial situé au [Adresse 5] à [Localité 14], pour une durée de neuf ans, à compter du 1er octobre 2011, moyennant un loyer hors taxes de 65.000 euros. Le bail a été renouvelé tacitement à compter du 1er juin 2020.

La société Elgi faisant l'objet d'une procédure collective, par une ordonnance du 13 juillet 2023, le juge commissaire a autorisé son liquidateur à céder le fonds de commerce exploité par la société Elgi au [Adresse 5] à [Localité 14], à M. [H], avec faculté de substitution au profit de toute société à constituer dont il sera le gérant et demeurera le garant solidaire, pour un prix net vendeur de 33.000 euros, hors charges et hors taxes, dont 24.000 euros au titre des actifs incorporels et 9.000 euros au titre des actifs corporels.

Le 5 septembre 2023, M. [H] s'est introduit de son chef dans les locaux dont s'agit, avec l'aide d'un serrurier qui a procédé au remplacement de la serrure en commandant l'accès, dont les clés ont été remises le 4 octobre suivant au liquidateur de la société Elgi.

Par acte du 25 octobre 2023, l'acte de cession de fonds de commerce a été régularisé entre le liquidateur de la société Elgi et la société AMG Wagram, qui s'est substituée à M. [H] et dont l'acte précise qu'elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris.

Par acte de commissaire de justice du 27 novembre 2023, les consorts [Y] ont fait délivrer à la société AMG Wagram un congé à effet au 31 mai 2024, avec dénégation du bénéfice des statuts des baux commerciaux et donc sans offre d'indemnité d'éviction, au motif d'un défaut d'inscription au registre du commerce et des sociétés.

Par acte de commissaire de justice du 19 décembre 2023, les consorts [Y] ont fait délivrer à la société AMG Wagram un commandement de payer visant la clause résolutoire en matière commerciale.

Le 21 décembre 2023, la société AMG Wagram a chargé un commissaire de justice de dresser un constat concernant les dommages affectant les locaux loués ainsi que les parties communes conséquemment à un dégât des eaux. Le procès-verbal a été établi par ce commissaire de justice le 27 décembre suivant. Les consorts [Y], qui avaient été invités par lettre simple et lettre recommandée à participer à ces opérations, ne se sont pas présentés.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 décembre 2023, faisant valoir qu'elle avait été dans l'impossibilité, dès l'origine, d'exploiter le local compte tenu de son état, la société AMG Wagram a mis en demeure les consorts [Y] de lui communiquer, dans un délai de huit jours, le prévisionnel des travaux de réfection pour permettre une exploitation normale du local et de lui confirmer la suspension de l'exigibilité du paiement des loyers dans l'attente de leur exécution complète.

Saisi par actes de commissaire de justice des 22 et 26 décembre 2023, par une décision du 3 juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a ordonné une expertise notamment afin d'examiner les désordres, malfaçons ou inachèvements allégués dans l'assignation émanant du syndicat des copropriétaires ainsi que dans les conclusions déposées le 2 mai 2024 par la société AMG Wagram, affectant les parties communes de l'immeuble et le local commercial situé au rez-de-chaussée.

Au cours de cette procédure est survenu, le 27 janvier 2024, le décès d'[Z] [Y] aux droits de laquelle vient M. [Y], désormais seul propriétaire des locaux.

Par acte du 28 mars 2024, la société AMG Wagram a fait assigner M. [Y], à titre personnel et en qualité d'ayant-droit de feue [Z] [Y], devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de l'entendre :

constater que la paiement de la somme de 19.540,36 euros visée au commandement de payer du 19 décembre 2023 correspondant à l'arriéré de loyer pouvait faire l'objet d'une contestation sérieuse,

en conséquence, suspendre le paiement des loyers à compter du 13 juillet 2023, date de l'entrée en jouissance, jusqu'à la réalisation des travaux de réparation et de réfection ;

débouter M. [Y] de sa demande concernant l'acquisition de la clause résolutoire de plein droit à défaut du paiement des loyers.

Par acte du 8 avril 2024, la société M. [Y] a fait assigner la société AMG Wagram devant le même juge des référés aux fins de l'entendre :

constater l'acquisition de la clause résolutoire inséré au bail du 1er juin 2011,

ordonner l'expulsion de la société AMG Wagram du local commercial sis au [Adresse 5] à [Localité 14] ' au rez-de-chaussée droite ;

condamner cette dernière à payer une provision de 36.342,77 euros au titre des loyers échus au 1er mars 2024 et une indemnité d'occupation jusqu'à la restitution du local ainsi que 1.600 euros au titre des frais non-compris dans les dépens.

Après jonction des deux procédures enregistrées ensuite de ces assignations, par ordonnance contradictoire du 7 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront,

suspendu rétroactivement l'obligation de la société AMG Wagram au paiement des loyers portant sur le local sis [Adresse 3] au titre du bail, à la date du 13 juillet 2023, et jusqu'à complète réalisation des travaux de réparation et de réfection des locaux les rendant exploitables constatée par un homme de l'art habilité à cet effet,

invité les parties à rencontrer :

[N] [F], conciliateur de justice

[Adresse 1]

[Localité 9]

[Courriel 11]

0609216216

et à prendre contact directement avec lui par mail,

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de restitution des loyers versés par la société AMG Wagram,' dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire,

dit n'y avoir leu à référé sur la demande reconventionnelle d'expulsion de la société AMG Wagram des locaux loués,

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de fixation de l'indemnité d'occupation au montant du dernier loyer contractuel,

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de condamnation à titre provisionnelle du preneur au titre des loyers charges et taxes impayés,

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de conservation du dépôt de garantie,

dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [Y] au paiement des dépens.

Par déclaration du 28 octobre 2024, M. [Y] a relevé appel de l'ensemble des chefs du dispositif de cette décision.

Par ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 2 juin 2025, M. [Y] a demandé à la cour de :

infirmer l'ordonnance,

statuant à nouveau,

déclarer irrecevable en son appel incident la société AMG Wagram et en tous les cas la dire mal fondée,

débouter la société AMG Wagram de ses demandes qui ne sont pas justifiées en fait et en droit,

constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail du 1er juin 2011,

en conséquence, déclarer la société AMG Wagram sans droits ni titres des locaux dont il s'agit à compter du 24 janvier 2024,

ordonner l'expulsion de la société AMG Wagram et de tous occupants de son chef des locaux en cause, à compter de la signification de la décision à intervenir et autoriser celui-ci à prendre possession desdits locaux avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin est,

condamner à titre provisionnel la société AMG Wagram à lui payer la somme de 87.381,77 euros au titre du solde des loyers, charges et taxes arrêté au 31 janvier 2025 ainsi que les indemnités d'occupation,

autoriser celui-ci à appréhender le dépôt de garantie, lequel se compensera en tant que de besoin avec toutes les condamnations prononcées,

fixer à compter du 1er février 2025 l'indemnité d'occupation au montant du dernier loyer, charges, taxes et accessoires réclamés jusqu'à justification de la libération totale des lieux et la remise des clés,

condamner à titre provisionnel la société AMG Wagram à lui payer la somme de 10.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice résultant d'une restitution en mauvais état de réparations locatives,

condamner la société AMG Wagram au paiement de la somme de 5.000 euros conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamner en tous les dépens dont les frais de commandement, de la présente assignation et de ses suites.

Par ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 mai 2025, la société AMG Wagram a demandé à la cour de :

confirmer l'ordonnance rendue en ce qu'elle a :

- renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront,

- suspendu rétroactivement l'obligation de la société AMG Wagram au paiement des loyers portant sur le local sis [Adresse 3] au titre du bail, à la date du 13 juillet 2023 et jusqu'à complète réalisation des travaux de réparation et de réfection des locaux les rendant exploitables constatée par un homme de l'art habilité à cet effet,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle d'expulsion de la société AMG Wagram,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de fixation de l'indemnité d'occupation au montant du dernier loyer contractuel,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de condamnation de la société AMG Wagram au paiement à titre provisionnelle des loyers et charges impayés,

l'infirmer uniquement en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à la demande de restitution des loyers versés par la société AMG Wagram,

y faisant droit et statuant à nouveau,

sur le paiement des loyers à compter de l'entrée en jouissance,

constater que le paiement de la somme de 19 540,36 euros visée au commandement de payer en date du 19 décembre 2023 et de la demande de paiement à titre provisionnel des arriérés de loyers par le bailleur, soulève une contestation sérieuse,

en conséquence, suspendre le paiement des loyers portant sur le local sis [Adresse 3] au titre du bail, rétroactivement à compter du 13 juillet 2023, date d'entrée en jouissance de celle-ci, et ce jusqu'à complète réalisation de travaux de réparation et de réfection par le bailleur, achèvement des travaux qui devra être prononcé par un homme de l'art habilité à cet effet,

débouter M. [Y] à titre personnel et en qualité d'ayant droit, de toute demande visant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail du 1er octobre 2011 pour défaut de paiement,

débouter M. [Y] à titre personnel et en qualité d'ayant droit de toute demande visant à faire condamner celle-ci au paiement des arriérés de loyers,

débouter M. [Y] à titre personnel et en qualité d'ayant droit, de toute demande d'expulsion,

sur les loyers et déjà acquittés par celle-ci depuis l'entrée en jouissance,

condamner par provision M. [Y] à titre personnel et en qualité d'ayant droit, à lui restituer la somme de 12.501 euros correspondant au montant des loyers et charges payés par elle depuis le 13 juillet 2023,

en tout état de cause,

débouter M. [Y] à titre personnel et en qualité d'ayant droit de ses demandes,

débouter M. [Y] de sa demande de condamnation au paiement par provision de la somme de 10.000 euros au titre de la remise en l'état du local, cette demande étant nouvelle en cause d'appel,

débouter M. [Y] de ses demandes de condamnation du preneur à régler la somme de 87.381,77 euros au titre des loyers,

débouter M. [Y] de sa demande relative à l'acquisition de la clause résolutoire,

condamner solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 juin 2025.

Sur ce,

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il sera rappelé que les demandes tendant à voir donner acte, constater, juger ou encore dire et juger, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais des moyens au soutien de celles-ci en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ces chefs.

En outre, selon une jurisprudence constante, les juges ne sont pas tenus de répondre à un simple argument, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni encore de répondre à une simple allégation dépourvue d'offre de preuve.

Sur la demande de suspension de l'obligation de paiement du loyer

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Selon l'article 835, alinéa 1er, du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend de celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Aux termes de l'article L.145-41 du code de commerce, 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'.

Selon l'article 1355, alinéa 1er, du même code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Aux termes de l'article'1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail .

En application de l'article 1219 du code civil, 'Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave'.

Ainsi, lorsque le local qui est l'objet du contrat de bail est impropre à l'usage auquel il est destiné, le preneur est fondé à soulever l'exception d'inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance (cf. notamment Cass. 3ème Civ., 27 fév. 2020, n° 18-20.865). Il appartient alors au locataire de caractériser l'impossibilité à laquelle il est confronté d'exploiter les lieux (cf. notamment Cass. 3ème Civ., 6'juill. 2023, n°'22-15.923 ).

Au cas présent, pour faire droit à la demande de suspension rétroactive à compter du 13 juillet 2023, date d'entrée en jouissance du preneur conformément à l'ordonnance du juge commissaire et jusqu'à l'achèvement des travaux de complète réfection, le premier juge a retenu qu'il ressortait des écritures des parties et des pièces versées aux débats et notamment du constat de commissaire de justice du 27 décembre 2023, que le local est absolument inexploitable en l'état, qu'il n'est pas hors d'air, que les relevés d'humidité dans les murs attestent de taux d'humidité importants dans l'ensemble du local et la présence de moisissures, que l'installation électrique est anarchique et court à proximité directe de murs fortement infiltrés, que les poutraisons et les solives visibles sont oxydées au sous-sol, que les enfoncements dans les murs de la salle principale révèlent l'absence d'isolation thermique du local et dans les parties communes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], que le mur séparatif avec le local litigieux révèle des taux d'humidité de 72 à 74 %.

A hauteur d'appel, M. [Y] fait valoir que compte tenu des circonstances dans lesquelles la cession du bail est intervenue, la société AMG Wagram ne dispose que des droits essentiels à l'exploitation du fonds et que, sauf en cas de dol ou de dissimulation fautive, la cession judiciaire s'effectue en principe en l'état, limitant le recours contre le mandataire liquidateur ou le cédant. Il soutient que la société AMG Wagram est donc irrecevable à agir sans se fonder sur le trouble de jouissance dont il serait responsable.

Mais, dans le dispositif de ses conclusions M. [Y] ne soulève pas une fin de non-recevoir à l'encontre des prétentions adverses, dont il se borne à discuter en réalité le bien fondé.

Et, c'est vainement que M. [Y] croit pouvoir se prévaloir d'une exonération de son obligation de délivrance en invoquant l'acte de cession du 25 octobre 2023 en ce qu'il prévoit que le cessionnaire prendra les actifs corporels et incorporels composant le fonds dans l'état où ils se trouvent, sans pouvoir exiger une quelconque indemnité de la part du liquidateur, ès qualités, pour quelque cause que ce soit. En effet, il est constant que l'acte dont s'agit, auquel M. [Y] n'est pas partie, a pour objet la cession à la société AMG Wagram du fonds de commerce, qui comprend le droit au bail afférent aux locaux litigieux et qu'il y est explicitement précisé, comme l'a observé de façon tout à fait pertinente le premier juge, que 'Transfert du Bail Repris - En conséquence de ce qui précède, le Cessionnaire est de plein droit successeur dans les droits et obligations du Cédant comme preneur du Bail Repris' (cf. page 10 du contrat).

M. [Y] soutient encore que l'appréciation du premier juge serait erronée alors que les éléments probatoires qui lui étaient soumis sont postérieurs à la réalisation de travaux de démolition effectués par le preneur qui s'est introduit illicitement dans les locaux dès le 5 septembre 2023, en sorte que le manquement à l'obligation de délivrance ne pouvait pas lui être imputé. Il se réfère pour établir l'état des locaux antérieurement aux travaux effectués par le preneur au rapport d'estimation de l'agence Nestenn daté du 2 février 2022, qui selon lui, montre le restaurant et contredit les affirmations de la société AMG Wagram.

La cour relève que le rapport établi par l'agence Nestenn mentionne clairement qu'il a pour objet de fournir une simple estimation de la valeur du bien , valable pendant deux mois, et qu'il ne peut être assimilé à une expertise outre qu'il n'a pas vocation à servir dans un dossier contentieux ou judiciaire. En tout état de cause, le rapport ne contient aucune précision quant à l'état des locaux, à l'exception des suivantes au rang des points positifs : '[Localité 10] adresse, Immeuble ancien, Avec extraction, [Localité 12] sous-sol, Grande Cave', et au titre des points négatifs : 'Cave non saine, Assainie, Sans Extraction'.

Outre que ces éléments apparaissent en partie parfaitement contradictoires, ils ne peuvent étayer la thèse de M. [Y] qui impute les désordres constatés aux travaux de démolition entrepris par la suite par le preneur actuel, ou encore à son prédécesseur. En effet, il résulte de nombreuses pièces versées et des premières constatations opérées par l'expert judiciaire que les désordres sont liés à un dégât des eaux ancien et qui, manifestement, perdure depuis plusieurs années, outre qu'est en cause l'étanchéité du local donné à bail.

C'est dès lors vainement que M. [Y] tente d'imputer les désordres aux travaux de démolition effectués par la société AMG Wagram. C'est encore en vain qu'il les impute à la société Elgi, qui a réalisé l'ensemble des aménagements utiles à l'exploitation du restaurant, alors qu'il n'est pas discuté que l'expert commis a relevé un taux d'humidité de 100 % des murs de la cuisine plus de 20 mois après la fermeture de ce restaurant.

De plus, un rapport de l'entreprise de plomberie [X] mandatée par M. [Y] et qui est intervenue sur place le 18 avril 2023, fait état des éléments suivants : 'Accès du compagnon plombier à la copropriété.

Dans l'entrée de l'immeuble à droite dans le hall en bas des escaliers, présence d'infiltrations d'eau au niveau du sol.

Derrière l'escalier se trouve la cuisine du restaurant Elgi , le sol présente un carrelage étanche mais le mur adossé à l'escalier n'est pas étanche et présente un ballon d'ECS et le système d'arrosage de nettoyage de la cuisine, visiblement lors du nettoyage cuisine le mur se retrouve détrempé et l'eau s'infiltre dans le hall de l'immeuble.

Le restaurant doit prévoir une étanchéité totale de ce mur'.

De même, par une lettre de mise en demeure du 17 juillet 2023, le syndic de la copropriété fait part aux consorts [Y] qu'il est informé de la situation locative et juridique de l'exploitation de leur local commercial, notamment, par la récente nomination d'un mandataire judiciaire en charge de liquider et mettre à bail l'exploitation de celui-ci. Il leur rappelle qu'il est formellement interdit d'envisager une activité de restaurant au sein de ce local, démuni de tout conduit d'extraction des fumées de cuisson, hormis pour de la restauration froide sans aucune cuisson.

Enfin, il précise : 'nous vous rappelons également que l'étanchéité de votre local est toujours défaillante car les derniers travaux que vous avez entrepris ne sont pas suffisants, ils ne doivent pas être limités à l'étanchéité du sol mais aussi des murs qui fait défaut, et ce, depuis plusieurs mois. Cette situation est inadmissible et montre un défaut d'entretien de votre bien et toutes les conséquences d'aggravations des charges qui en découlent ...'.

Il apparaît encore que l'expert a émis un avis favorable à la mise en cause au cours des opérations de la mesure d'instruction de la société [X], qui a été chargée courant 2022 par le bailleur de réaliser des travaux d'étanchéité.

Aussi, de ce qui précède et en l'état des éléments en débat, il est manifeste que la société AMG Wagram n'est pas en mesure d'exploiter les locaux pris à bail, à usage de restaurant, faute de pouvoir mettre en fonction la cuisine et d'ouvrir la salle de restauration au public, sans que n'aient été préalablement entrepris d'indispensables travaux de réfection.

C'est donc à juste titre que le premier juge a suspendu rétroactivement l'obligation de la société AMG Wagram, substituant M. [H], au paiement des loyers portant sur le local situé [Adresse 3] au titre du bail, à effet du 13 juillet 2023, date d'entrée en jouissance du preneur conformément à l'ordonnance du juge-commissaire et jusqu'à complète réalisation des travaux de réparation et de réfection des locaux les rendant exploitables, constatée par un homme de l'art habilité à cet effet.

Il s'ensuit que la décision entreprise doit recevoir confirmation de ce chef.

Sur la demande relative à l'acquisition de la clause résolutoire

La cour se réfère aux dispositions ci-avant rappelées. De plus, il résulte de l'article L.145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les'juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par'une'décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de'plein'droit d'un contrat de bail commercial en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Au cas présent, M. [Y] se prévaut de la clause résolutoire insérée au bail, prétendant qu'elle a joué de plein droit par les effets du commandement de payer délivré le 19 décembre 2023, dès lors que la société AMG Wagram n'a pas payé les causes du commandement, ni sollicité des délais pour s'acquitter de sa dette.

Aujourd'hui la société AMG WAGRAM n'a réglé à son bailleur que le somme de 12.501 euros.

Cependant, dès lors que la décision entreprise est confirmée quant à la suspension rétroactive de l'obligation de la société AMG Wagram de payer les loyers à effet du 13 juillet 2023, la décision entreprise doit également recevoir confirmation en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de M. [Y] tendant à constater l'acquisition de la clause résolutoire et celles subséquentes ainsi que concernant le paiement provisionnel de l'arriéré locatif.

Sur la demande de condamnation de la société AMG Wagram au paiement d'une provision au titre de la remise en état des locaux.

Aux termes des articles 564 et suivants du code procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Cependant, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

L'article 566 dispose que les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

Au cas présent, alors que M. [Y] demande pour la première fois en cause d'appel, la condamnation de la société AMG Wagram au paiement par provision de la somme de 10.000 euros au titre de la réparation du préjudice qu'elle lui a causé en démolissant les aménagements fait par la société Elgi et en restituant un local en ruine, c'est à juste titre que cette société soulève l'irrecevabilité de telles prétentions en vertu des dispositions précitées.

Aussi, la demande de ce chef formée par M. [Y] sera déclarée irrecevable.

Sur la condamnation au paiement d'une provision au titre de la répétition de l'indu

En application de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile que le président du tribunal judiciaire peut, dans les limites de la compétence du tribunal, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Au cas présent, la société intimée demande, par voie d'infirmation de la décision du premier juge, la condamnation provisionnelle de M. [Y] à lui restituer la somme de 12.501 euros, correspondant au montant des loyers et charges payés par elle depuis le 13 juillet 2023.

Pour écarter cette demande, le premier juge a retenu que la demande de restitution nécessitait un examen en profondeur des éléments de la cause qui excède les pouvoirs du juge des référés.

Mais, d'une part, il n'est pas contesté que la société AMG Wagram a effectivement versé une somme d'un même montant à M. [Y] au titre des loyers échus. D'autre part, la décision a prononcé la suspension rétroactive l'obligation au paiement des loyers de la société AMG Wagram, depuis la date d'entrée en jouissance fixée au 13 juillet 2023, conformément à l'ordonnance du juge-commissaire.

Dès lors que, comme le fait valoir la société AMG Wagram, ces sommes ont été versées sans contrepartie puisque le local ne pouvait être exploité et en conséquence de la suspension rétroactive à l'obligation de paiement du loyer, il y a lieu de condamner M. [Y] à lui verser à titre provisionnel la somme de 12.501 euros.

La décision entreprise sera donc infirmée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Il sera rappelé que la définition des dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution résulte des dispositions de l'article 695 du code de procédure civile, sans qu'il appartienne au juge de la modifier ni d'y ajouter, notamment s'agissant d'y inclure tel ou tel frais.

En application de l'article 696 alinéa 1er du même code, de principe, les dépens doivent être mis à la charge de la partie perdante.

Et, en application de l'article 700 du même code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie, la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Partie perdante, M. [Y], à titre personnel et en qualité d'ayant droit d'[Z] [Y], sera condamné aux dépens d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, M. [Y], à titre personnel et en qualité d'ayant droit d'[Z] [Y], sera condamné à payer à la société AMG Wagram la somme de trois mille (3.000) euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision au titre de la restitution des loyers versés par la société AMG Wagram, l'infirmant de ce chef ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne par provision M. [Y], à titre personnel et en qualité d'ayant droit d'[Z] [Y], à payer à la société AMG Wagram la somme de 12.501 euros à titre de provision au titre de la restitution des loyers et charges payés par elle depuis le 13 juillet 2023,

et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de M. [Y] tendant à la condamnation de la société AMG Wagram au paiement d'une provision au titre de la remise en état des locaux ;

Condamne M. [Y] à titre personnel et en qualité d'ayant droit d'[Z] [Y] aux dépens d'appel ;

Condamne à titre personnel et en qualité d'ayant droit d'[Z] [Y] à payer à la société AMG Wagram la somme de trois mille (3.000) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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