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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 10 juillet 2025, n° 22/01397

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/01397

10 juillet 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 10 JUILLET 2025

(n° 114 /2025, 28 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/01397 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFCEF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 décembre 2021- Tribunal judiciaire de PARIS (18ème chambre, 2ème section) - RG n° 18/07488

APPELANTE

S.C.I. SCI GERINO

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 5] sous le n° 789 491 313

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de Paris, toque : G0334

Assistée de Me Marie TAVERNE substituant Me Philippe BIARD de l'Association Biard Bouscatel & Associés, avocat au barreau de Paris, toque R146

INTIMÉE

S.A.S. A LA LEGION D'HONNEUR exerçant sous l'enseigne : LE SOLFERINO

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 5] sous le n° 562 071 134

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELARL TBA, avocat au barreau de Paris, toque : P0241

Assistée de Me Jean-François MONIER substituant Me Charles-Edouard BRAULT, membre du Cabinet BRAULT & Associés, avocat au barreau de Paris, toque : J082

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 février 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Stéphanie Dupont, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis Ardisson, président de chambre

Mme Stéphanie Dupont, conseillère

Mme Marie Girousse, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Denis Ardisson, président de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 28 décembre 1998, la société du [Adresse 2] a donné à bail en renouvellement à la société Café Bar Restaurant A la Légion d'honneur, aujourd'hui dénommée A la Légion d'honneur, des locaux commerciaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 6], composés d'un local commercial en rez-de-chaussée et de deux caves, à usage de café-restaurant-brasserie et, à titre accessoire, vente à emporter de sandwichs et petite restauration, à l'exclusion de tout produit de type « fast-food ».

Par acte sous-seing privé du 26 janvier 2007, la société Gecina, venue au droits de la société du [Adresse 2], a donné à bail en renouvellement au même locataire les mêmes locaux, pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2007, moyennant un loyer annuel en principal de 64.953,45 euros payable trimestriellement et d'avance.

L'article 9 de cet acte stipule : 'Le présent renouvellement intervient aux clauses et conditions du bail expiré, dont une copie est annexée à toutes fins audit acte, en ce qu'elles ne sont pas contraires à ce qui précède.'

Le 14 décembre 2012, la société SCI Gerino (ci-après la SCI Gerino) a acquis les lieux loués par la société A la Légion d'honneur.

Par acte extrajudiciaire du 29 juin 2015, la SCI Gerino a mis fin au bail avec offre de renouvellement à compter du 1er janvier 2016, sollicitant la fixation du loyer annuel à la somme en principal de 244.500 euros, à laquelle la société locataire s'est opposée sollicitant le plafonnement du loyer en renouvellement et sa fixation à la somme de 74.101,63 euros. En l'absence d'accord des parties, la SCI Gerino a saisi le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris par assignation du 19 novembre 2015 aux fins de voir fixer le montant du loyer renouvelé.

Par jugement du 29 août 2019, le juge des loyers commerciaux a fixé le loyer en renouvellement, à compter du 1er janvier 2016, à la somme en principal de 74.101,63 euros par an, décision dont la SCI Gerino a formé appel.

Par arrêt du 29 septembre 2021, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement entrepris sauf sur le quantum du loyer et statuant à nouveau sur ce chef, a fixé à 73.482,83 euros en principal par an, à compter du 1er janvier 2016, le loyer du bail renouvelé.

Parallèllement au litige sur la fixation du loyer du bail renouvelé, depuis l'acquisition des lieux le 14 décembre 2012 par la SCI Gerino, d'autres litiges sont nés entre la société bailleresse et la société locataire concernant notamment la reddition des charges locatives, la réalisation de travaux d'accessibilité des locaux aux personnes à mobilité réduite (PMR) et l'indexation du loyer.

Par acte d'huissier de justice du 21 juin 2018, la société A la Légion d'honneur a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la SCI Gerino aux fins essentielles de voir réputée non-écrite la clause d'indexation stipulée au bail du 26 janvier 2007 et obtenir en conséquence la restitution des loyers trop versés, outre le remboursement des provisions sur charges versées sur les 5 dernières années, faute de justificatif des charges afférentes aux locaux loués.

Par jugement du 9 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

déclaré non-écrite la clause d'indexation du loyer stipulée dans le bail commercial du 26 janvier 2007,

condamné la société SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur :

la somme de 39.457 euros TTC au titre des loyers indexés trop perçus pour la période allant du 1 juillet 2013 au 31 décembre 2015,

la somme de 3.566,25 euros au titre du trop-versé sur le dépôt de garantie,

la somme de 2.747,99 euros, au titre des loyers, des provisions sur charges et de la TVA trop-perçus pour la période allant du 1 janvier 2014 au 31 décembre 2015,

déclaré la demande de la société A la Légion d'honneur de condamnation de la société SCI Gerino à la restitution des sommes trop-perçues au titre des provisions sur charges recevable,

déclaré prescrite la demande de régularisation des charges 2012 formée par la société SCI Gerino,

condamné la société SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur la somme de 16.358,75 euros au titre de la régularisation des charges pour la période allant de 2012 à 2019 inclus,

dit que chacune des condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre de la société SCI Gerino sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2018, date de l'assignation,

dit que les intérêts dus pour plus d'une année sur les condamnations précitées porteront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1 octobre 2016,

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à voir condamner la société SCI Gerino « à (lui) restituer toutes sommes éventuellement versées à titre de loyers, charges et taxes au titre de la période du 15 mars au 14 juin 2020, outre quatre jours supplémentaires au titre de la période de fermeture cumulée du fait du couvre-feu du 17 au 29 octobre 2020, et pour la période du 30 octobre 2020 au 8 juin 2021 »,

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à voir « condamner la SCI à lui restituer toute somme éventuellement trop versée à titre de loyers indexés pour la période du 1 janvier 2016 jusqu'au jour du jugement à intervenir. »

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande de dommages et intérêts « en réparation du préjudice causé par le manquement de la SCI Gerino à exécuter de bonne foi le contrat de bail pour la période expirée le 8 juin 2021 »,

déclaré sans objet la demande de la société A la Légion d'honneur tendant à voir « juger que la société A la légion d'honneur n'est pas tenue au remboursement à la SCI de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères »

condamné la société A la Légion d'honneur à payer à la société SCI Gerino la somme de 93.958,14 euros TTC au titre des loyers échus au 2ème trimestre 2021 inclus,

dit que la compensation s'opérera de plein droit entre les créances réciproques de la société SCI GERINO et de la société A la Légion d'honneur à hauteur de la somme la plus faible,

ordonné à la société SCI Gerino de communiquer à la société A la Légion d'honneur dans un délai d'un mois suivant la signification de la présente décision, des quittances trimestrielles comportant les mentions prescrites par le II de l'article 289 du CGI et le I de l'article 242 nonies A de l'annexe II au CGI, pour la période allant du 1er trimestre 2013 au 1er trimestre 2020, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai précédemment accordé et pendant un délai de deux mois,

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande de versement en compte séquestre à l'Ordre des avocats de toutes sommes dues à titre de loyers et provisions sur charges jusqu'à la remise de factures conformes au titre des périodes considérées,

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à voir « ordonner à la SCI Gerino de remettre à la Société A la légion d'honneur des factures de loyers, provisions sur charges et régularisations de charges conformes pour la période du 1 janvier 2013 au 30 septembre 2020 » sous astreinte,

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à se voir restituer la TVA perçue sur la période du 1 janvier 2016 au 31 décembre 2018 avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2019, de sa demande tendant à se voir autoriser « à ne verser aucune TVA sur les loyers et charges dus jusqu'à communication de factures en bonne et due forme par la bailleresse »

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande de condamnation de la société SCI Gerino au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive,

dit que les travaux de mise en conformité aux règles d'accessibilité des personnes à mobilité réduite des locaux loués au [Adresse 2] à Paris 7ème incombent à la société SCI Gerino,

pour le surplus, avant dire droit sur le fond, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, désigné un expert avec mission notamment de donner son avis sur les travaux nécessaires à la mise en conformité des locaux aux normes d'accessibilité des personnes à mobilité réduite, de les décrire, de les chiffrer et d'estimer leur durée et d'évaluer la perte d'exploitation découlant éventuellement de l'exécution des travaux de mise en conformité ainsi que l'éventuel préjudice de jouissance de la locataire.

La SCI Gerino et la société A la Légion d'honneur ont toutes les deux interjeté appel de ce jugement, la première par déclaration du 16 janvier 2022 et la seconde par déclaration du 3 février 2022.

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 novembre 2022.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 janvier 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 21 janvier 2025, la SCI Gerino demande à la cour de :

- déclarer la SCI Gerino recevable et bien fondée en son appel à l'encontre du jugement rendu le 09 décembre 2021 par la 18e chambre 2ème section du tribunal judiciaire de Paris sous numéro RG 18/07488 ;

Sur la clause d'indexation :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclarée non-écrite la clause d'indexation du loyer ;

- Ce faisant, dire que les parties ont manifesté leur accord sur l'adaptation, au besoin, de la clause d'indexation par application de l'indice diviseur du 2ème trimestre de l'année N-1 ;

- Subsidiairement déclarer non écrite la seule mention « l'indice de référence étant celui publié à la date annuelle d'indexation » et dire la clause d'indexation conventionnelle valable pour le surplus et applicable entre les parties.

Sur les comptes entre les parties :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI Gerino à payer à la société A la légion d'honneur :

la somme de 39.457 euros TTC au titre des loyers indexés trop perçus pour la période allant du 1 juillet 2013 au 31 décembre 2015,

la somme de 3.566,25 euros au titre du trop-versé sur le dépôt de garantie,

la somme de 2.747,99 euros, au titre des loyers, des provisions sur charges et de la TVA trop-perçus pour la période allant du 1 janvier 2014 au 31 décembre 2015 ;

- l'infirmer également en ce qu'il a condamné la société A la légion d'honneur à payer à la SCI Gerino la somme de « 93.958,14 euros TTC » au titre des loyers échus au 2ème trimestre 2021 inclus ;

- Ce faisant, condamner la société A la légion d'honneur à verser à la SCI Gerino, après compensation entre créances et dettes respectives des parties, la somme de 228.914,50 euros au titre de son arriéré locatif arrêté au 4ème trimestre 2024, sauf à parfaire ;

- Subsidiairement : désigner un expert judiciaire avec mission d'établir les comptes entre les parties ;

Sur les loyers et accessoires échus pendant la crise sanitaire :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société A la légion d'honneur de ses demandes, d'exonération de loyer pendant les fermetures liées à la crise sanitaire, et de condamnation de la SCI Gerino à dommages et intérêts sur le fondement de l'obligation de bonne foi ;

Sur les quittances :

- juger que la SCI Gerino a satisfait aux termes du jugement dont appel en communiquant les quittances pour la période du 1er trimestre 2013 au 1er trimestre 2020 ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société A la légion d'honneur de sa demande de communication de factures ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société A la légion d'honneur de sa demande tendant à voir condamner la SCI Gerino à restituer la TVA ;

Sur les travaux de mise aux normes :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les travaux de mise en conformité des locaux loués aux règles d'accessibilité des Personnes à Mobilité Réduite incombent à la SCI Gerino ;

- ce faisant, dire que le bail en vigueur entre les parties a valablement transféré au locataire la charge des travaux de mise en conformité des locaux.

Sur les intérêts et la capitalisation :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que chacune des condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre de la SCI Gerino sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2018 date de l'assignation, et l'infirmer également en ce qu'il a dit que les intérêts dus pour plus d'une année porteront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

- ce faisant, dire n'y avoir lieu à intérêts au taux légal ni anatocisme ; Subsidiairement assortir les condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre de la société A la légion d'honneur des mêmes intérêts à compter du 08/01/2019 avec capitalisation s'il y a lieu,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société A la légion d'honneur de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Sur les frais et dépens :

- condamner la société A la légion d'honneur aux entiers dépens d'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, outre verser à la SCI Gerino une somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, dont distraction dans les conditions de l'article 699 du même code.

Le cas échéant, sur les autres demandes :

- débouter la société A la légion d'honneur de toutes demandes, fins et conclusions plus amples et contraires aux présentes.

La SCI Gerino fait valoir :

Sur la clause d'indexation,

- que la société locataire soutient que la clause d'indexation a créé une distorsion lors de l'indexation applicable au 1er janvier 2015 de sorte que les indexations opérées de 2008 à 2014 ne posent pas de difficultés ;

- que le tribunal a retenu l'existence d'une distorsion d'un trimestre entre la période de variation de l'indice et la période de variation du loyer à compter de l'indexation à effet du 1er janvier 2015 ; que le tribunal en a déduit que la clause d'indexation devait être réputée non-écrite dans son ensemble ;

- que le tribunal a ainsi procédé à une interprétation erronée des stipulations du bail et de l'intention des parties dès lors que :

- en 2014, l'INSEE a modifié la date de publication usuelle de ses indices en avançant la publication de ces indices ce qui est à l'origine de la distorsion relevée par le tribunal,

- cette distorsion n'était donc pas recherchée par les parties lors de la conclusion du bail,

- il suffit pour mettre fin à la distorsion de prendre en considération dans le calcul du loyer indexé non pas le dernier indice publié à la date de l'indexation comme écrit dans le bail mais l'indice du 2ème trimestre de l'année précédant la date de l'indexation comme c'était le cas avant la modification par l'INSEE de la date de publication de ses indices et comme c'était la volonté des parties lors de la conclusion du bail,

- la locataire, par lettre recommandée de son conseil du 23 juillet 2015, a manifesté son accord pour appliquer à l'indexation à effet du 1er janvier 2015 l'indice du 2ème trimestre 2014,

- que le tribunal a ainsi statué en méconnaissance de la jurisprudence constante de la Cour de cassation qui s'oppose à ce que la clause d'indexation soit déclarée non-écrite dans son ensemble lorsque seule la partie à l'origine de la distorsion peut être neutralisée ;

- qu'en l'espèce, il est possible d'isoler la mention qui serait jugée comme créatrice d'une distorsion et de déclarer non-écrite la mention suivante : 'l'indice de référence étant celui publié à la date annuelle d'indexation' ; que le mécanisme de l'indexation organisé par le contrat peut valablement opérer sans cette mention puisque la clause prévoit que le loyer variera chaque année, à la date anniversaire du bail proportionnellement à la variation de l'indice national du coût de la construction ; que la référence à l'indexation proportionnelle du loyer confirme la volonté des parties de ne pas créer de distorsion entre la période de variation de l'indice et la période de variation du loyer ;

Sur la reddition des charges de copropriété,

- que les parties s'accordent désormais pour que les charges récupérables sur la locataire soient limitées aux charges dites 'locatives' ou 'récupérables visées à l'article 23 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 applicable aux baux d'habitation, au prorata des tantièmes de copropriété afférents aux lots loués ;

- qu'elle n'entend pas contester les comptes opérés par le premier juge au titre de la régularisation des charges pour la période allant de 2012 à 2019 inclus ;

- que la somme de 16.358,75 euros peut être mis au solde créditeur de la société locataire ;

- qu'en revanche, le jugement devra être infirmé en ce qu'il a assorti la condamnation au paiement de cette somme des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2018 et ordonné la capitalisation des intérêts ;

Sur les loyers et accessoires échus pendant la crise sanitaire,

- qu'il est désormais constant, depuis trois arrêts rendus par la Cour de cassation le 30 juin 2022 (Civ. 3ème, 30 juin 2022, n° 21-20.127 ; n° 21-20.190 ; n° 21-19.989) que le bailleur n'a pas manqué à son obligation de délivrance pendant les périodes de fermeture administrative liées au Covid-19, que le preneur ne peut se prévaloir de la force majeure pour ne pas payer ses loyers pendant cette période et que la fermeture des commerces ne peut être assimiliée à une perte de la chose louée ;

- qu'elle n'a pas manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat de bail à l'occasion de la crise sanitaire ; qu'elle n'a pas adressé de commandement de payer à sa locataire qui a cessé unilatéralement le paiement des loyers dus pendant la crise sanitaire ;

Sur la communication des quittances,

- qu'elle s'est conformée au jugement querellé en adressant au conseil de la société A la Légion d'honneur, par courrier officiel du 16 février 2022, les quittances des règlements trimestriels reçus pendant la période allant du 1er trimestre 2013 au 1er trimestre 2020 ;

- que la société A la Légion d'honneur sollicite en complément la communication de factures de loyers, provisions sur charges et régularisation de charges pour la période du 1er janvier 2013 jusqu'à l'arrêt à intervenir ; que cette demande est formulée dans un but persécuteur ;

Sur la demande de restitution de la TVA,

- qu'elle reverse bien la TVA perçue à l'administration fiscale,

Sur les travaux de mise en accessibilité,

- que le bailleur peut valablement, par une clause du bail, transférer au locataire la charge de travaux ordonnés par la loi ou par une autorité administrative, ce qui est le cas en l'espèce,

- que l'article 2 du bail et le paragraphe X de l'article charges et conditions contiennent des stipulations claires qui ont mis à la charge de la locataire les travaux de mise en conformité des locaux avec les normes d'accessibilité des personnes à mobilité réduite dans les établissements recevant du public ; que l'expert désigné dans le cadre de la procédure relative à la fixation du prix du bail renouvelé avait d'ailleurs tenu compte de ce transfert de charge à la locataire pour estimer la valeur locative des locaux ;

- que la somme sollicitée à ce titre par la locataire est exorbitante pour s'élever à 231.392 euros HT pour les travaux proprement dits et à 168.750 euros HT pour la perte d'exploitation ; que les travaux envisagés par la locataire excèdent de simples travaux de mise en conformité des locaux et constituent en réalité des travaux complets de réaménagement de l'établissement de la locataire ;

- que l'expert désigné par le jugement querellé a évalué les travaux de mise en conformité à 23.267,95 € TTC et la perte d'exploitation à 17.078,01 € ;

Sur les intérêts, les frais et dépens,

- que la société A la Légion d'honneur a saisi le tribunal de grande instance de Paris, 13 jours seulement après que l'expert judiciaire a estimé la valeur locative des locaux à la somme de 136.000 euros alors qu'elle sollicitait la fixation du loyer à la somme de 74.101,63 euros HT et HC par an ; qu'elle multiplie les demandes fantaisistes et infondées ;

- que la condamnation à intérêts capitalisés prononcée par les premiers juges est inéquitable puisqu'elle ne vise que la SCI bailleresse ;

- que compte-tenu des spécificités et de la complexité des débats ainsi que de la compensation entre les créances et dettes réciproques des parties, la SCI Gerino est fondée à solliciter que les condamnations pécuniaires ne soient pas assorties d'intérêts capitalisés.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 20 janvier 2025, la société A la Légion d'honneur demande à la cour de :

- déclarer la société A la Légion d'honneur recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit,

- déclarer la société SCI Gerino mal fondée en son appel incident et la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

sur l'exonération de loyers et charges en période de fermeture administrative :

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tenant à voir condamner la Société SCI Gerino « à (lui) restituer toutes sommes éventuellement versées à titre de loyers, charges et taxes au titre de la période du 15 mars au 14 juin 2020, outre quatre jours supplémentaires au titre de la période de fermeture cumulée du fait du couvre-feu du 17 au 29 octobre 2020, et pour la période du 30 octobre 2020 au 8 juin 2021 »,

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande de dommages et intérêts « en réparation du préjudice causé par le manquement de la SCI Gerino à exécuter de bonne foi le contrat de bail pour la période expirée le 8 juin 2021 »,

sur la clause d'indexation :

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à voir « condamner la SCI à lui restituer toute somme éventuellement trop versée à titre de loyers indexés pour la période du 1er janvier 2016 jusqu'au jour du jugement à intervenir »,

sur les comptes :

condamné la société A la Légion d'honneur à payer à la Société SCI Gerino la somme de 93.958,14 € TTC au titre des loyers échus au 2ème trimestre 2021 inclus,

sur la communication de factures et quittances :

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande de versement en compte séquestre à l'Ordre des avocats de toutes sommes dues à titre de loyers et provisions sur charges jusqu'à la remise de factures conformes au titre des périodes considérées,

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à voir « ordonner à la SCI GERINO de remettre à la société A la Légion d'honneur des factures de loyers, provisions sur charges et régularisations de charges conformes pour la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2020 » sous astreinte,

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à se voir restituer la TVA perçue sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 avec les intérêts au taux légal à compter du 6 février 2019, de sa demande tendant à se voir autoriser « à ne verser aucune TVA sur les loyers et charges dus jusqu'à communication de factures en bonne et due forme par la bailleresse »,

sur la demande de dommages et intérêts :

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande de condamnation de la société SCI Gerino au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive et inexécution tardive de ses obligations notamment en matière d'apurement de charges.

Statuant à nouveau des chefs du jugement critiqués,

sur la clause d'indexation :

- condamner la SCI Gerino à restituer à la société A la Légion d'honneur toute somme trop versée à titre de loyers indexés au-delà de la somme de 73.482,83 euros par an en principal pour la période du 1er janvier 2016 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir.

- débouter la SCI Gerino de ses demandes de condamnation au paiement de loyers indexés jusqu'au 4ème trimestre 2024 et pour toute autre période postérieure,

sur l'exonération de loyers et charges en période de fermeture administrative :

- dire que la société A la Légion d'honneur est totalement exonérée du paiement des loyers et des charges sur la période du 15 mars au 14 juin 2020, outre quatre jours en octobre 2020 au titre de la fermeture cumulée du fait de couvre-feu du 17 au 29 octobre 2020 et à compter du 30 octobre 2020 jusqu'au 8 juin 2021, sauf à parfaire,

A titre principal :

- dire que la société A la Légion d'honneur est en droit de ne pas verser les sommes appelées à titre de loyers, charges et accessoires :

pour la période du 15 mars au 14 juin 2020, s'élevant à la somme de 18.572,59 € HT/HC suivant arrêt du 29 septembre 2021, outre les charges et taxes,

pour la période du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020, s'élevant à la somme de 12.579,94 € HT/HC suivant arrêt du 29 septembre 2021, outre quatre jours supplémentaires au titre de la période de fermeture cumulée du fait du couvre-feu du 17 au 29 octobre 2020, soit 798,73 € HT, outre les charges et taxes,

pour la période du 1er janvier au 8 juin 2021 s'élevant à la somme de 32.300,15 € HT/HC,

- condamner la SCI Gerino à restituer à la société A la Légion d'honneur la somme totale de 64.251,41 € et toutes sommes versées à titre de loyers, charges et taxes au titre de la période du 15 mars au 14 juin 2020, outre quatre jours supplémentaires au titre de la période de fermeture cumulée du fait du couvre-feu du 17 au 29 octobre 2020, et pour la période du 30 octobre 2020 au 8 juin 2021,

- ordonner la compensation avec toutes sommes dues par le preneur,

A titre subsidiaire,

- condamner la SCI Gerino à verser à la Société A la Légion d'honneur la somme de 64.251,41 € à tire de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement de la SCI Gerino à exécuter de bonne foi le contrat de bail pour la période expirée le 8 juin 2021,

sur les comptes :

- condamner la SCI Gerino à restituer à la société A la Légion d'honneur la somme sauf à parfaire de 2.154,29 € au titre des comptes de loyers et charges arrêtés au 31 décembre 2024 sans préjudice d'autres règlements non comptabilisés et sans préjudice des autres demande du preneur relatives notamment à la restitution du trop versé de 2.749,99 € du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 retenu par le jugement, à l'exonération des loyers Covid demandée à hauteur de 64.251,41 €, à la restitution de TVA à hauteur de 45.926,53 € aux dommages et intérêts pour régularisation tardive ou absence de régularisation de charges à hauteur de 20.000 €,

- débouter la SCI Gerino de toute demande de condamnation au paiement de provisions sur charges de 2020 à 2022, au paiement de la somme de 228.914,50 € et au titre des comptes locatifs et la condamner à verser à la Société A la légion d'honneur toutes sommes dues après établissement des comptes locatifs de loyers et charges entre les parties,

- Si la cour estimait nécessaire une expertise sur les comptes entre les parties, l'ordonner aux frais avancés de la SCI Gerino,

y ajoutant,

- condamner la SCI Gerino à restituer à la société A la Légion d'honneur les sommes de :

2.139,30 € au titre de la régularisation des charges pour l'année 2020,

2.750,78 € au titre de la régularisation des charges pour l'année 2021,

1.488,16 € au titre de la régularisation des charges pour l'année 2022,

- dire que la société A la Légion d'honneur est redevable de la somme de 566,34 € au titre de la régularisation des charges pour l'année 2023,

- actualisant les comptes par suite de l'arrêt du 29 septembre 2021 et réformant le jugement sur le quantum des sommes dues, condamner la SCI Gerino à verser à la société A la Légion d'honneur la somme de 1.433,90 € arrêtée au 15 octobre 2021 à titre de trop versé sur dépôt de garantie,

sur la communication de factures et quittances :

- ordonner à la SCI Gerino de remettre à la société A la Légion d'honneur des quittances trimestrielles et factures de loyers, provisions sur charges et régularisations de charges conformes pour la période du 1er janvier 2013 jusqu'à l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- ordonner sous la même astreinte à la SCI Gerino de remettre à la société A la Légion d'honneur des avoirs comptables et factures au titre de la régularisation des charges pour les années 2021, 2022 et 2023,

- autoriser la société A la Légion d'honneur à verser en séquestre à l'Ordre des avocats de Paris ou à la Caisse des dépôts et consignations toutes sommes dues à la SCI Gerino à titre de loyers et provisions sur charges et ce jusqu'à la remise de factures conformes au titre des périodes considérées,

- condamner la SCI Gerino, sur le fondement de la répétition de l'indu et subsidiairement sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à restituer à la société A la Légion d'honneur la TVA indument perçue sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, soit la somme globale de 45.926,53 euros (dont 16.543,87 € au titre de 2016, 16.543,87 € au titre de 2017 et 12.838,79 € au titre de 2018) avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2019, et subsidiairement à verser la même somme 45.926,53 euros à titre de dommages et intérêts à la Société A la légion d'honneur, cette dernière se réservant d'agir en restitution de toutes sommes indument versées à titre de TVA pour la période commençant à courir à compter du 1er janvier 2019,

- autoriser la société A la Légion d'honneur à ne verser aucune TVA sur les loyers et charges dus jusqu'à communication de factures en bonne et due forme par la bailleresse,

sur la demande de dommages et intérêts :

- condamner la SCI Gerino à verser à la Société A la Légion d'honneur une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la régularisation tardive de charges et l'absence communication de factures,

en tout état de cause :

- confirmer le jugement pour le surplus,

- débouter la SCI Gerino de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions plus amples ou contraires,

- condamner la SCI Gerino à payer à la Société A la Légion d'honneur une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la SCI Gerino aux entiers dépens de l'instance d'appel, étant rappelé que les frais irrépétibles et dépens de première instance sont réservés, et ce, pour ceux d'appel avec distraction au profit de Maître Eric Allerit, membre de la Selarl Taze-Bernard-Allerit, admise à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société A la Légion d'honneur fait valoir :

Sur la clause d'indexation,

- que le tribunal a, à bon droit; déclaré non écrite la clause d'indexation stipulée au bail par une motivation que la société A la Légion d'honneur fait sienne ; que le mode de calcul de l'indexation figurant à l'article 5.2 du bail crée en lui-même une distorsion entre la période de variation de l'indice et la période de variation du loyer, prohibée par l'article L. 112-1 du code monétaire et financier ;

- que les moyens de défense de la SCI Gerino sont inopérants ; que les termes du contrat sont clairs et dénués d'ambiguïté et ne nécessitent pas d'être interprétés : le nouvel indice est celui publié à la date annuelle d'indexation et non celui du 2ème trimestre de l'année précédant la date d'indexation ; que la variabilité de la date de publication de l'indice du coût de la construction était une circonstance connue à la date de conclusion du bail renouvelé ;

- qu'il ne résulte pas du courrier du conseil de la locataire du 23 juillet 2015 une renonciation claire et non équivoque à se prévaloir du caractère non-écrit de la clause d'indexation stipulée au bail ; que la novation ne se présume pas ; que le bailleur n'a pas manifesté son accord à l'adaptation de la clause d'indexation ;

- qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de modifier le contrat et de remplacer l'indice de référence stipulé au bail, ce qui reviendrait à réécrire le contrat ;

- que la clause d'indexation deviendrait inapplicable s'il n'était réputé non écrit, comme le sollicite la SCI Gerino, que la mention relative à la détermination de l'indice de référence ou indice multiplicateur ; que la clause d'indexation est indivisible et doit être déclarée non-écrite dans son ensemble ;

- qu'une variation proportionnelle s'entend d'une variation 'en rapport avec' ou 'en fonction de' l'évolution d'un indice qui reste à déterminer ;

- que du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2015, la société A la Légion d'honneur a trop versé la somme de 39.457 euros au titre de l'indexation des loyers ;

- que depuis le 15 octobre 2021, date de la signification de l'arrêt du 29 septembre 2021 qui a définitivement statué sur le prix du bail renouvelé, le dépôt de garantie a été porté à 18.370,71€ de sorte que la SCI Gerino doit restituer à titre de trop versé sur le dépôt de garantie la somme de 1433,90 euros (19.804,61 euros - 18.370,71 euros) ;

- que le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences du caractère non-écrit de la clause d'indexation en déboutant la société A la Légion d'honneur de sa demande de condamnation de la bailleresse à lui restituer toute sommes trop versée à titre de loyers indexés pour la période postérieure du 1er janvier 2016 ; que de nombreux réglements du preneur sont intervenus depuis le 1er janvier 2026 ;

Sur les loyers trop-versés par rapport aux loyers appelés,

- que la société A la Légion d'honneur a également effectué des règlements au delà des sommes appelées par la SCI Gerino en 2014 et 2015 pour un montant de 2.747,99 euros ;

Sur les loyers et charges pendant la fermeture administrative liée à la crise sanitaire,

- que la société A la Légion d'honneur n'a pas pu jouir des locaux loués conformément à leur destination pour y recevoir sa clientèle ; qu'elle a subi uneperte de chiffre d'affaires de 74 % ; qu'elle peut être exonérée de ses loyers pour les périodes concernées sur le fondement de l'article 1722 du code civil ;

- qu'en application de l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi, prévue à l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 applicable en l'espèce, il existe une obligation de renégociation du contrat devenu profondément déséquilibré ; que l'ordonnance n° 2016-131 a introduit la possibilité d'une adaptation ou d'une révision du contrat, pour les contrats postérieurs au 1er octobre 2016, en cas de circonstances imprévisibles rendant son exécution excessivement onéreuse ; que la SCI Gerino a fait preuve d'une attitude fautive, caractérisant un manquement grave et délibéré à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat, en refusant toute discussion sur les modalités de paiement du loyer (remise ou report) alors que la situation était exceptionnelle et que la locataire était privée de la jouissance des locaux ;

Sur la régularisation des charges,

- que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la SCI Gerino à lui payer la somme de 16.358,75 euros au titre de la régularisation des charges 2012 à 2019 ;

- que la SCI Gerino est débitrice de la somme de 2.139, 30 euros au titre des charges 2020, de la somme de 2.750,78 euros au titre des charges 2021 et de la somme de 1.488,16 euros au titre des charges 2022 ;

- que la SCI Gerino sera également condamnée sous astreinte à communiquer les factures et avoirs comptables au titre de la régularisation des charges 2021 à 2022 ;

- que la somme de 566,34 euros devra être imputée sur les sommes dues par la SCI Gerino ; que la SCI Gerino devra également être condamnée sous astreinte à communiquer une facture au titre de la régularisation des charges 2023 ;

Sur les comptes entre les parties,

- que la SCI Gerino omet de comptabiliser dans son décompte un règlement de la société A la Légion d'honneur d'un montant de 25.095 euros en 2021 ;

- que le tribunal a condamné la société A la Légion d'honneur à payer à la SCI Gerino la somme de 93.958,14 euros TTC au titre des cloyers, charges et provisions sur charges échus au 2ème trimestre 2021 inclus ; que le tribunal n'a pas tenu compte du loyer du bail renouvelé fixé par arrêt du 29 septembre 2021, qu'il doit donc être déduit 4.084,80 TTC de cette somme ; qu'en outre le tribunal n'a pas tenu compte de règlements effectués par la locataire et non-comptabilisés par la bailleresse ;

Sur les factures et quittances,

- que la SCI Gerino se borne à délivrer de simples avis d'échéance, ce qui fait courir un risque fiscal à la société A la Légion d'honneur , qu'un bailleur appelant des loyers et de la TVA doit émettre des factures et quittances ;

- que le tribunal a insuffisament motivé sa décision s'agissant du rejet de sa demande de communication de factures ; que le code général des impôts fait obligation au preneur d'être en possession de factures et non de quittances pour pouvoir exercer son droit à déduction de la TVA ;

Sur la restitution de la TVA,

- qu'en application des articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-1231 applicable en l'espèce, ce qui a été indûment payé est sujet à répétition ;

- que sur ce fondement, le bailleur est tenu de restituer au preneur la somme indûment perçue au titre de la TVA appelée sur les loyers lorsqu'il ne justifie pas avoir opté pour l'assujettissement à la TVA, peu important que le locataire n'ait pas fait l'objet d'un redressement fiscal ;

- que la SCI Gerino ne peut appeler de la TVA et la société A la Légion d'honneur la récupérer que sur production de factures comportant les mentions prévues à l'article 242 nonies A de l'annexe 2 du code général des impôts ; que le bailleur ne peut percevoir de la TVA en empêchant sa locataire de la déduire faute de produire des factures conformes à la législation fiscale ;

- que la SCI Gerino a perçu indûment de la TVA sans la reverser au trésor public ;

- qu'à défaut, la SCI Gerino engage sa reponsabilité sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

Sur les travaux d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite,

- qu'il est constatnt qu'en application des articles 1719 et 1720 du code civil, les travaux prescrits par l'autorité administrative sont, sauf stipulation contraire expresse, à la charge du bailleur ; que les articles II, X et XI du bail n'ont pas transféré au preneur la charge des travaux de mise en conformité des locaux avec les normes d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite, même prescrits par l'autorité administrative, dès lors que ces travaux ne sont pas des réparations au sens de l'article II du bail et que l'article X est imprécis ;

- qu'en outre, l'article L. 145-35 du code de commerce laisse à la charge du bailleur, les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ;

- que l'expert judiciaire mandaté pour donner son avis sur le prix du bail renouvelé n'est pas habilité à donner un avis juridique sur la charge des travaux de mise en conformité ; qu'il ne s'est pas spécifiquement prononcé sur les travaux d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite ;

Sur les intérêts,

- que la SCI Gerino ne soulève aucun moyen de droit au soutien de sa demande tendant à ne pas voir appliquer les intérêts au taux légal avec capitalisation,

- que l'allocation d'intérêts sur d'éventuelles condamnations qui seraient prononcées au profit de la SCI Gerino ne pourra courir qu'à compter de sa demande, soir en l'occurence ses conclusions du 14 avril 2022 ;

Sur la demande de dommages et intérêts,

- que la SCI Gerino a fait preuve et continue de faire preuve de résistance abusive dans la régularisation des charges et la communication de quittances et factures ; que le preneur a attendu 10 ans pour que les premières régularisations de charges de son nouveau bailleur soient faites ; qu'il en résulte un préjudice pour la société A la Légion d'honneur contrainte d'assigner de vérifier sans cesse les calculs de la bailleresse ainsi que de relancer pour obtenir des factures ; qu'il en résulte une préjudice moral, une perte de temps et d'énergie qu'il convient de réparer en lui allouant 20.000 euros de dommages et intérêts.

Il convient, en application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer aux conclusions des parties, pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

1- Sur les demandes relatives à la clause d'indexation,

1-1 Sur la demande tendant à voir la clause d'indexation déclarée non écrite

Selon l'article L.112-1 du code monétaire et financier, est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution sucessive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée d'écoulant entre chaque révision.

En l'espèce, l'article 5.2 du bail renouvelé, en date du 26 janvier 2007 et à effet du 1er janvier 2007, stipule :

«Clause d'échelle mobile

Le loyer ci-dessus fixé sera soumis à indexation annuelle qui ne pourra, en aucun cas être confondu avec la révision légale des loyers. En conséquence, ledit loyer sera augmenté ou diminué de plein droit et sans l'accomplissement d'aucune formalité, chaque année, à la date anniversaire du bail proportionnellement à la variation de l'indice national du coût de la construction publié par l'I.N.S.E.E (base 100 au 4ème trimestre 1953).

L'indice de base sera le dernier indice publié lors de la prise d'effet du bail, soit l'indice du 2 trimestre 2006 soit 1366, l'indice de référence étant celui publié à la date annuelle d'indexation.»

Les moyens soutenus par la SCI Gerino ne font que réitérer sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte et auxquels elle renvoie.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants.

En premier lieu, il est acquis que depuis le 1er janvier 2015, étant rappelé que la date anniversaire du bail est le 1er janvier de chaque année, l'application des stipulations du bail concernant l'indexation du loyer entraîne une distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre la date de prise d'effet du bail (1er janvier 2007) et la date d'indexation (1er janvier de chaque année). La période de variation de l'indice est supérieure d'un trimestre à la durée s'écoulant entre la date de prise d'effet du bail et la date d'indexation. Cette distorsion s'explique pas le fait que l'indice de base est l'indice du 2ème trimestre 2006 alors que depuis le 1er janvier 2015, le dernier indice publié au 1er janvier de chaque année est celui du 3ème trimestre de l'année précédente.

Contrairement à ce que soutient la SCI Gerino, cette distorsion n'est pas fortuite et ne provient pas d'un facteur extérieur à la clause. Elle trouve son origine dans la rédaction même de la clause d'indexation dès lors que les parties n'ont pas désigné le trimestre et l'année de l'indice de référence ou indice multiplicateur à prendre en considération dans le calcul du loyer indexé mais ont laissé la détermination de cet indice à l'aléa de la publication de l'indice par l'INSEE, étant observé qu'il n'est pas fait état par la SCI Gerino d'une réglementation quelconque imposant à l'INSEE une date précise pour la publication de ses indices.

Par ailleurs, la cour ne saurait interpréter les stipulations contractuelles, à l'aune de la commune intention des parties, pour dire que les parties souhaitaient que l'indice de référence soit chaque année celui du 2ème trimestre de l'année précédente, alors que les termes de la clause d'indexation, selon lesquels l'indice de référence est celui publié à la date annuelle d'indexation, sont clairs et dénués de toute ambiguïté.

En deuxième lieu, la lettre du 23 juillet 2015, adressée par l'avocat de la société A la Légion d'honneur à la SCI Gerino, dont les termes utiles sont rappelés dans le jugement querellé, ne constitue pas un accord des parties pour substituer, comme indice de référence dans le calcul du loyer indexé, l'indice du 2ème trimestre de l'année précédant la date d'indexation au dernier indice publié à la date d'indexation. Certes, dans cette lettre, après avoir rappelé que la bailleresse n'a pas procédé à la dernière indexation du loyer, la société A la Légion d'honneur demande à la SCI Gerino de corriger le montant du loyer appelé pour tenir compte du loyer indexé au 1er janvier 2015, qu'elle calcule en prenant en considération l'indice du 2ème trimestre 2014 comme indice de référence. Mais, étant observé que cet indice lui était favorable en conduisant à une diminution du loyer, ni la société A la Légion d'honneur ne fait référence à l'existence d'une distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre la date de prise d'effet du bail et la date d'indexation, ni elle n' indique qu'elle substitue l'indice du 2ème trimestre 2014 à l'indice stipulé au bail. Cette lettre, à laquelle au demeurant la SCI Gerino n'a pas répondu, n'aborde donc pas expressément la question de la validité de la clause d'indexation ou celle d'une modification de la clause d'indexation du loyer figurant au bail. Elle ne saurait donc être considérée comme manifestant un accord des parties sur une modification de la clause contractuelle d'indexation du loyer.

En troisième lieu, il n'est pas possible de seulement déclarer non écrite la partie suivante de la clause d'indexation : ' l'indice de référence étant celui publié à la date annuelle d'indexation', comme le sollicite la SCI Gerino. En effet, sans cette mention, la clause d'indexation ne peut plus être appliquée faute de détermination de l'indice multiplicateur dans le calcul du loyer indexé. Contrairement à ce que soutient la SCI Gerino, la proportionnalité et la durée de la période de variation de l'indice sont deux notions distinctes de sorte qu'en l'absence de détermination de l'indice de référence et en l'absence d'indication de la période de variation de l'indice, ce qui est le cas en l'espèce, la référence à la proportionnalité ne suffit pas à rendre efficace la clause d'indexation du bail.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré non-écrite la clause d'indexation du loyer stipulée dans le bail commercial du 26 janvier 2007.

1-2 Sur les conséquences du caractère non écrit de la clause d'indexation du bail

1-2-1 Sur la restitution des sommes indûment versées par la locataire au titre des loyers indexés

En application des articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ce qui a été payé indûment est sujet à répétition.

Désormais, l'article 1302 du code civil dispose que tout paiement suppose une dette et que ce qui a été reçu sans être dû est sujet à répétition.

Le premier juge a été saisi par assignation du 21 juin 2018.

Du 3ème trimestre 2013 au 31 décembre 2015, il résulte des avis d'échéance produits aux débats par la SCI Gerino, que celle-ci a appelé des loyers pour un montant total de 195.288, 28 euros HT et de 234.187,44 euros TTC, soit

- 19.804,62 euros HT au titre du 3ème trimestre 2013,

- 19.804,62 euros HT au titre du 4ème trimestre 2013,

- 77.839,52 euros HT au titre de l'année 2014,

- 77.839,52 euros HTau titre de l'année 2015,

alors que les loyers n'étaient exigibles que pour un montant de 162.383, 62 euros HT et de 194.730,44 euros TTC, en prenant en compte le loyer annuel de 64.953,45 euros HT stipulé dans le bail.

Il est acquis que les loyers appelés par la SCI Gerino sur cette période ont été payés par la société A la Légion d'honneur.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur la somme de 39.457 euros TTC (= 234.187,44 euros TTC - 194.730,44 euros TTC) au titre des loyers indexés trop perçus pour la période allant du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2015.

Le tribunal a débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à voir condamner la SCI Gerino à lui restituer toute somme éventuellement trop versée à titre de loyers indexés pour la période du 1er janvier 2016 jusqu'au au jour du jugement à intervenir au motif que la société A la Légion d'honneur ne justifiait pas de l'existence de sommes indues au titre des loyers indexés pour la période commençant à courir à compter du 1er janvier 2016.

Toutefois, il résulte des pièces produites aux débats par la SCI Gerino qu'après le 1er janvier 2016, la bailleresse a appelé des loyers indexés, que la société A la Légion d'honneur a réglés, ce qui a généré des sommes trop versées.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à voir condamner la SCI Gerino à lui restituer toute somme éventuellement trop versée à titre de loyers indexés pour la période du 1er janvier 2016 jusqu'au au jour du jugement à intervenir.

La cour opérera les comptes entre les parties au titre des loyers indexés versés après le 1er janvier 2016 dans le paragraphe à venir intitulé sur les comptes entre les parties.

1-2-2 Sur la restitution de la somme indûment versée au titre du dépôt de garantie

Le tribunal a condamné la SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur la somme de 3.566, 25 euros au titre du trop versé sur le dépôt de garantie.

La SCI Gerino et la société A la Légion d'honneur sollicitent l'infirmation de ce chef du jugement et la société A la Légion d'honneur, actualisant les comptes à la suite de la fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2016, par arrêt du 29 septembre 2021, demande la condamnation de la SCI Gerino à lui verser à la somme de 1.433, 90 euros à ce titre.

Il est acquis que la société A la Légion d'honneur a versé à la SCI Gerino la somme de 19.804, 61 euros à titre de dépôt de garantie, soit 18.936,82 euros transmis par l'ancien bailleur à la SCI Gerino lors de l'acquisition par cette dernière des locaux auxquels s'ajoute la somme de 867,79 euros, réclamée par la SCI Gerino le 11 janvier 2013 au titre de l'ajustement du dépôt de garantie à la suite de l'indexation du loyer qu'elle avait opéré au 1er janvier 2013.

Or, aux termes du bail renouvelé du 26 janvier 2007 , le dépôt de garantie est égal à 3 mois de loyer. Le loyer ayant été fixé à la somme de 73.482,83 euros HT par arrêt du 29 septembre 2021, le dépôt de garantie est désormais de 18.370,71€.

La SCI Gerino doit donc restituer la somme de 1433, 90 euros à la société A la Légion d'honneur à titre de trop versé sur le dépôt de garantie.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur la somme de 3.566,25 euros au titre du trop-versé sur le dépôt de garantie et statuant à nouveau, de condamner la SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur la somme de 1433, 90 euros au titre du trop-versé sur le dépôt de garantie.

2- Sur la demande au titre des loyers, provisions et TVA trop-versés pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015

En application des articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ce qui a été payé indûment est sujet à répétition.

Le tribunal a condamné la SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur la somme de 2.747,99 euros au titre des loyers, des provisions sur charges et de la TVA trop-perçus pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

La SCI Gerino demande l'infirmation de ce chef du jugement sans toutefois contester devoir cette somme dans la partie discussion de ses conclusions.

Il résulte des pièces produites aux débats qu'au cours de cette période, les règlements de la société A la Légion d'honneur ont excédé les sommes appelées par la SCI Gerino au titre des loyers et provisions sur charges.

Ainsi, il résulte de la pièce n° 28 produite aux débats par la SCI Gerino les éléments suivants :

Sommes appelées par la SCI Gerino

Sommes réglées par la société A la Légion d'honneur

2014

98.128, 32 euros

99.597, 67 euros

2015

97.984, 56 euros

99.263, 20 euros

Il s'évince de ces éléments que sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, la société A la Légion d'honneur a versé 2.747,99 euros de plus que les sommes appelées par la SCI Gerino.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur la somme somme de 2747, 99 euros, au titre des loyers, des provisions sur charges et de la TVA trop-perçus pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

La cour observe que cette condamnation ne fait pas double emploi avec la condamnation au titre des loyers indexés trop perçus pour la période allant du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2015 dès lors que le montant de la condamnation au titre des loyers indexés trop perçus a été déterminé en tenant compte des loyers appelés par la SCI Gerino et non des sommes réellements versées par la société A la Légion d'honneur.

3- Sur les demandes relatives aux loyers échus pendant la période de crise sanitaire,

3-1 Sur la demande d'exonération des loyers échus pendant la période de crise sanitaire

Aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et de l'en faire jouir paisiblement pendant la durée du bail.

Par ailleurs, l'article 1722 du code civil dispose que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.

Les moyens soutenus par l'appelante ne font que réitérer sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte et auxquelles elle renvoie.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants.

Il est désormais constant que les mesures gouvernementales de lutte contre l'épidémie de covid-19, qui ont notamment restreint les déplacements des Français en 2020 et 2021, ne sont pas constitutives d'une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance de la chose louée dès lors que l'effet de ces mesures pendant la période de leur application, en l'espèce l'impossibilité de recevoir la clientèle dans les locaux loués puis la diminution de la clientèle du fait de la restriction des horaires d'ouverture des locaux, n'est pas imputable au bailleur ( 3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.127 ; 3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-19.889 ; 3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.190 ).

Il est également constant que l'effet des mesures gouvernementales de lutte contre l'épidémie de covid-19 ne peut pas être assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil (3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.127 ; 3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-19.889 ; 3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.190), la perte de la chose louée n'étant pas constituée par la perte totale ou partielle de la clientèle pendant la période d'application des mesures gouvernementales.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à voir condamner la SCI Gerino à lui restituer les sommes versées à titre de loyers, charges et taxes au titre de la période du 15 mars au 14 juin 2020 outre 4 jours supplémentaires au titre de la période de fermeture cumulée du fait du couvre-feu du 17 au 29 octobre 2020 et pour la période du 30 octobre 2020 au 8 juin 2021.

3-2 Sur la demande de dommages et intérêts d'un montant égal au montant des loyers échus pendant la période de crise sanitaire

L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 applicable au bail renouvelé du 26 janvier 2007, dispose que les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi.

Par lettre recommandée du 2 avril 2020, la société A la Légion d'honneur, après avoir rappelé l'interdiction d'accueillir du public dans les locaux loués résultant des mesures gouvernementales de lutte contre la propagation du virus covid-19; ordonnées par arrêtés des 14 et 15 mars 2020, invoquant la force majeure et l'inexécution par la bailleresse de son obligation de délivrance, informe la SCI Gerino qu'elle est amené à 'surseoir au règlement des échéances des loyers dont l'échéance arrive à terme durant la période de fermeture obligatoire décrétée par le Gouvernement' et qu'elle estime qu'elle 'doit être déchargée du paiement des loyers et charges à compter du 15 mars 2020 et tant que nous ne seront pas en mesure d'exploiter à nouveau le local conformément à sa destination'.

La SCI Gerino n'a pas répondu à cette lettre mais n'a toutefois pas fait délivrer de commandement de payer visant la clause résolutoire à la société A la Légion d'honneur relatif aux loyers échus pendant la crise sanitaire, se bornant à former une demande reconventionnelle en paiement de l'arriéré locatif dans le cadre de l'instance introduite depuis le 25 juin 2018 devant le tribunal judiciaire de Paris.

Contrairement à ce que soutient la société A la Légion d'honneur, l'absence de réponse de la SCI Gerino à cette lettre et le fait que la SCI Gerino n'ait accordé ni exonération partielle ni report de paiement des loyers échus pendant la période de crise sanitaire ne caractérisent pas la mauvaise foi de la SCI Gerino dans l'exécution du bail conclu entre les parties.

En effet, il doit être rappelé que la SCI Gerino n'était pas responsable de la fermeture des locaux loués et de l'impossibilité pour la société A la Légion d'honneur de les exploiter, qu'elle subissait, comme sa locataire les circonstances qualifiées d'exceptionnelles par la société A la Légion d'honneur et qu'elle n'a pas profité de ces circonstances pour solliciter la résiliation du bail.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement de la SCI Gerino à exécuter de bonne foi le contrat de bail pour la période expirée le 8 juin 2021.

4- Sur la régularisation des charges

4-1 Sur la régulariation des charges des années 2012 à 2019

Le tribunal a condamné la SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur la somme de 16.358,75 euros au titre de la régularisation des charges pour la période allant de 2012 à 2019 inclus.

Ce chef du jugement n'est pas soumis à la cour.

4-2 Sur la régularisation des charges des années 2020 à 2023

Il ressort des conclusions des parties, concordantes sur ces points, et des pièces produites aux débats que :

- la SCI Gerino est redevable envers la société A la Légion d'honneur des sommes suivantes :

2139,30 euros au titre de la régularisation des charges 2020,

2750,78 euros au titre de la régularisation des charges 2021,

- la société A la Légion d'honneur est redevable envers la SCI Gerino de la somme suivante :

566,34 euros au titre de la régularisation des charges 2023.

Concernant les charges 2022, le désaccord entre les parties n'est qu'apparent et résulte d'une manière différente de présenter les comptes entre les parties.

En effet, la société A la Légion d'honneur soutient que la SCI Gerino est redevable de la somme de 1488,16 euros au titre de la régularisation des charges 2022, soit la différence entre les sommes versées à titre de provision (1383,58 euros x 4 = 5534,32 euros) et les charges récupérables justifiés à hauteur de 4046,16 euros.

Quant à la SCI Gerino, elle estime que la société A la Légion d'honneur lui doit la somme de 646,16 euros au titre de la régularisation des charges 2022 car elle déduit par ailleurs un trop versé de provision pour charges de 2134,32 euros. Sans cette déduction, la SCI Gerino est bien redevable de la somme de 1488,16 euros envers la société A la Légion d'honneur au titre de la régularisation des charges.

En conséquence, ajoutant au jugement querellé, il convient de :

- condamner la SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur les sommes de :

2139,30 euros au titre de la régularisation des charges 2020,

2750,78 euros au titre de la régularisation des charges 2021,

1488,16 euros au titre de la régularisation des charges 2022,

- condamner la société A la Légion d'honneur à payer à la SCI Gerino la somme de :

566,34 euros au titre de la régularisation des charges 2023.

La demande de condamnation de la société A la Légion d'honneur à payer à la SCI Gerino la somme de 566,34 euros au titre de la régularisation des charges 2023 est incluse dans la demande de la SCI Gerino tendant à la condamnation de la société A la Légion d'honneur à lui payer la somme de 228.914,50 euros.

5- Sur la demande de restitution de TVA

En application des articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ce qui a été payé indûment est sujet à répétition.

Désormais, l'article 1302 du code civil dispose que tout paiement suppose une dette et que ce qui a été reçu sans être dû est sujet à répétition.

Par ailleurs, il doit être rappelé qu' en application de l'article 260 2° du code général des impôts, le bailleur de locaux nus peut opter pour l'assujettissement des loyers à la TVA.

En l'espèce, il résulte des articles 4 du bail du 28 décembre 1998 et 9 du bail du 26 janvier 2007 que le paiement de la TVA par le preneur est stipulé au bail.

La SCI Gerino, en produisant ses déclarations de TVA à l'administration fiscale pour les années 2016 à 2018, établit que les loyers étaient assujettis à la TVA à cette période, période pour laquelle la société A la Légion d'honneur sollicite la restitution de la TVA versée à la SCI Gerino.

Dans ces conditions, sans preuve que les loyers n'étaient pas assujettis à la TVA du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, et alors que le paiement de la TVA par le preneur était stipulé au bail, le moyen soulevé par la société A la Légion d'honneur, tiré des manquements de la société bailleresse dans l'établissement des factures de loyers et de charges n'est pas de nature à établir que le paiement de la TVA par la société locataire n'était pas dû.

En outre, sans preuve de n'avoir pas déduit la TVA versée à la SCI Gerino, dont le montant figurait sur les avis d'échéance adressés par la bailleresse à la locataire, et sans preuve d'avoir subi un redressement fiscal concernant ses déclarations de TVA, la société A la Légion d'honneur n'établit pas avoir subi un préjudice consécutif aux manquements de la SCI Gerino dans l'établissement des factures de loyers et de charges.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à se voir restituer la TVA versée du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2019 ainsi que de sa demande tendant à se voir autoriser à ne verser aucune TVA sur les loyers et charges dus jusqu'à communication de factures en bonne et due forme par la bailleresse et y ajoutant, il convient de débouter la société A la Légion d'honneur de sa demande de condamnation de la SCI Gerino au paiement de la somme de 45.926,33 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant au montant de la TVA versée du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018. .

6- Sur la demande de commnunication de quittances et de factures

C'est par des motifs pertinents et exacts, que la cour adopte et auxquels elle renvoie, étant précisé que la société A la Légion d'honneur ne fait que réitérer les moyens soutenus devant les premiers juges, que ces derniers ont :

- ordonné à la SCI Gerino de communiquer à la société A la Légion d'honneur, dans un délai d'un mois suivant la signification du jugement, des quittances trimestrielles comportant les mentions prescrites par le II de l'article 289 du code général des impôts et le I de l'article 242 nonies A de l'annexe II du même code, pour la période allant du 1er trimestre 2013 au 1er trimestre 2020, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai sus-indiqué et pendant un délai de deux mois ;

- débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande de versement en compte séquestre à l'ordre des avocats de toutes sommes dues à titre de loyers et provisions sur charges jusqu'à la remise de factures conformes,

- débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à voir ordonner à la SCI Gerino de lui remettre des factures de loyers, provisions sur charges et régularisations de charges conformes pour la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2020, sous astreinte.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les éléments suivants.

La production à l'administration fiscale d'une quittance comportant les mentions prescrites par le II de l'article 289 du code général des impôts et le I de l'article 242 nonies A de l'annexe II du même code, à savoir notamment l'indication du taux de la TVA et du montant de la TVA est suffisante pour opérer déduction de la TVA. Il est d'ailleurs observé que la société A la Légion d'honneur ne fait état d'aucun litige avec l'administration fiscale concernant les déductions de TVA qu'elle opère à raison de la TVA versée à la SCI Gerino.

La SCI Gerino a exécuté le premier jugement et communiqué à la société A la Légion d'honneur des quittances trimestrielles pour la période allant du 1er trimestre 2013 au 1er trimestre 2020.

Par ailleurs, il résulte des pièces produites aux débats que depuis le 2ème trimestre 2020, la SCI Gerino, directement ou par l'intermédiaire de son mandataire, établit des factures des loyers et provisions sur charges qu'elle appelle. La société A la Légion d'honneur produit même les avoirs établis par le mandataire de la SCI Gerino au titre de la régularisation des charges des années 2021, 2022.

Il ne manque que la facture relative la régularisation des charges de l'année 2023.

En conséquence, il convient de confirmer les chefs du jugement rappelés en début de paragraphe et de débouter la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à voir ordonner à la SCI Gerino de lui remettre des quittances trimestrielles et factures de loyers, provisions sur charges et régularisations de charges pour la période postérieure au 2ème trimestre 2020 inclus ainsi que de sa demande tendant à voir ordonner à la SCI Gerino de lui remettre des avoirs comptables et factures au titre de la régularisation des charges pour les années 2021 et 2022.

Il sera uniquement fait droit à la demande de la société A la Légion d'honneur tendant à voir ordonner à la SCI Gerino de lui remettre la facture relative à la régularisation des charges de l'année 2023.

Il ne sera néanmoins pas prononcé d'astreinte, qui n'apparait pas nécessaire à l'exécution de la décision de la cour au vu des efforts consentis par la SCI Gerino depuis le premier jugement pour remettre à sa locataire quittances et factures.

7- Sur les comptes entre les parties

Chaque partie produit un décompte des sommes dues, arrêté au 31 décembre 2024, la SCI Gerino dans la partie discussion de ses conclusions, la société A la Légion d'honneur dans la pièce 60-1 produite aux débats.

Aucun de ces décomptes n'est entièrement exploitable. Celui de la SCI Gerino intègre au titre des loyers dus les loyers indexés alors que la clause d'indexation du loyer a été déclarée non écrite. Le décompte de la société A la Légion d'honneur intègre les charges et les sommes versées au titre du dépôt de garantie alors que les régularisations de charges et le trop-versé au titre du dépôt de garantie font l'objet de condamnations à paiement distinctes.

La méthodologie suivie par la cour tient compte des éléments suivants.

En premier lieu, il doit être rappelé que compte-tenu des condamnations prononcées au titre des loyers indexés trop perçus pour la période allant du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2015, au titre des loyers et provisions sur charges trop versés pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 ainsi qu'au titre des régularisations de charges des années 2012 à 2015, les comptes entre les parties jusqu'au 31 décembre 2015 ont déjà été opérés.

La cour ne procédera donc aux comptes entre les parties qu'à partir du 1er janvier 2016.

En second lieu, dans la mesure où les régularisations de charges des années 2016 à 2023 et le trop-versé du dépôt de garantie font l'objet de condamnations à paiement distinctes, les comptes ne porteront que sur les loyers des années 2016 à 2024 et sur les provisions sur charges de l'année 2024 pour éviter tout doublon.

Sur les loyers dus pour la période allant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2024 et les provisions sur charges dus pour l'année 2024

Par arrêt du 29 septembre 2021, le loyer annuel a été fixé à 73.482,83 euros HT, soit 88.179, 40 euros TTC.

Les loyers dus pour la période allant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2024 s'élèvent donc à 793.614,60 euros TTC ( 88.179, 40 euros TTC x 9 ans).

En calculant ainsi les loyers dus par la société A la Légion d'honneur pour la période allant du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2023, la cour fait droit à la demande de la société A la Légion d'honneur tendant à ce que la SCI Gerino soit condamnée à lui restituer toute sommes trop versée à titre de loyers indexés au delà de la somme de 73.482,83 euros par an pour la période du 1er janvier 2016 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir.

Au titre de l'année 2024, des provisions sur charges ont été appelées à hauteur de 3.400 euros, soit 850 euros par trimestre.

La société A la Légion d'honneur est donc débitrice au titre des loyers échus du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2014 et des provisions sur charges pour la seule année 2024 de la somme totale de 797.014,60 euros.

Sur les sommes réglées par la société A la Légion d'honneur pour la période allant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2024

Il ressort des décomptes produits par les parties que celles-ci s'accordent sur les règlements effectués par la société A la Légion d'honneur à l'exception d'un règlement de 25.095 euros. La société A la Légion d'honneur fait figurer dans son décompte un règlement par chèque d'un montant de 25.095 euros au titre du loyer du 4ème trimestre 2020 que la SCI Gerino omet.

La société A la Légion d'honneur produit la copie de ce chèque, notamment son verso sur lequel figure l'endossement de la SCI Gerino. Elle produit également une copie de son relevé de compte qui prouve que ce chèque, daté du 15 décembre 2020, a été encaissé le 27 avril 2021.

Il sera donc tenu compte de ce réglement.

Du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2024, la société A la Légion d'honneur a donc versé à la SCI Gerino la somme totale de 768.419,55 euros.

Il doit être déduit de cette somme, les règléments effectués sur la période au titre des provisions sur charges. En effet, pour opérer les régularisations des charges des années 2016 à 2023 et prononcer des condamnations à paiement, le tribunal et la cour ont considéré que les provisions sur charges des années 2016 à 2023 avaient été réglées.

Il résulte de l'examen des pièces produites aux débats que la société A la Légion d'honneur a versé à titre de provision sur charges :

- 4577,12 euros en 2016

- 4577,12 euros en 2017

- 5719,63 euros en 2018

- 5534,32 euros en 2019

- 5534,32 euros 2020

- 5534,32 euros en 2021

- 5534,32 euros en 2022

- 3400 euros en 2023,

soit 40.411,15 euros.

La société A la Légion d'honneur a donc réglé au titre des loyers dus pour la période allant du 1er décembre 2016 au 31 décembre 2014 et des provisions sur charges de l'année 2024 la somme de 728.008,40 euros (= 768.419,55 euros - 40.411,15 euros).

La société A la Légion d'honneur est donc débitrice envers la SCI Gerino de la somme de 69.006,20 euros (= 797.014,60 euros - 728.008,40 euros) au titre des loyers échus pour la période allant du 1er décembre 2016 au 31 décembre 2024 et des provisions sur charges de l'année 2024.

Il convient de déduire de cette somme la somme de 500 € due par la SCI Gerino à la société A la Légion d'honneur au titre de l'astreinte prononcée dans le jugement querellé. Dans ses dernières conclusions, la SCI Gerino admet être redevable de cette somme envers la société A la Légion d'honneur (page 23 de ses conclusions) et l'intégre dans son décompte.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société A la Légion d'honneur à payer à la SCI Gerino la somme de 93.958,14 euros TTC au titre des loyers échus du 2ème trimestre 2021 inclus et de la condamner à payer à la SCI Gerino la somme de 68.506,20 euros TTC au titre des loyers échus pour la période allant du 1er décembre 2016 au 31 décembre 2024 et des provisions sur charges de l'année 2024.

8 - Sur les intérêts

L'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 applicable en l'espèce, dispose que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

Par ailleurs, l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131, dispose que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.

En application de ces dispositions, les premiers juges ont dit que chacune des condamnations prononcées à l'encontre de la SCI Gerino serait assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2018, date de l'assignation, et que les intérêts dus pour plus d'une année sur les condamnations précitées porteraient eux-mêmes intérêts.

Les moyens soulevés par la SCI Gerino à l'appui de sa demande d'infirmation de ces chefs du jugement, tirés de l'équité et de la complexité de l'affaire, ne sont pas de nature à faire obstacle à l'application des articles 1153 et 1154 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a dit que chacune des condamnations prononcées à l'encontre de la SCI Gerino serait assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2018, date de l'assignation, et que les intérêts dus pour plus d'une année sur les condamnations précitées porteraient eux-mêmes intérêts.

Ajoutant au jugement querellé, compte-tenu de la demande formée à hauteur d'appel par la SCI Gerino, il convient d'assortir la condamnation pécuniaire prononcée à l'encontre de la société A la Légion d'honneur au titre de l'arriéré des loyers échus pendant la période allant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2024 des interêts au taux légal.

En l'absence de production des conclusions notifiées le 8 janvier 2019 par la SCI Gerino en première instance, permettant à la cour de connaître le montant de la condamnation à paiement sollicitée par la SCI Gerino à cette date, étant observé que l'arriéré locatif est apparu à l'occasion de la période postérieure à la crise sanitaire de 2020-2021 les intérêts ne sauraient commencer à courir à compter de cette date comme le sollicite la société A la Légion d'honneur.

Les intérêts commenceront à courir à compter du jugement de première instance qui avait condamné la société A la Légion d'honneur à payer à la SCI Gerino une somme supérieure, soit à compter du 9 décembre 2021.

Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131, à compter du 14 avril 2022, date de la demande de capitalisation formée par la SCI Gerino dans ses conclusions d'appel.

9- Sur la demande de dommages et intérêts

L'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'espèce, la société A la Légion d'honneur soutient que la SCI Gerino a fait preuve de résistance abusive dans la régularisation des charges et la communication de quittances et factures et qu'elle a subi un préjudice, qu'elle évalue à 20.000 euros, en ce que l'attitude la SCI Gerino l'a contrainte à assigner, à vérifier les calculs de la bailleresse et à la relancer pour obtenir quittances et factures. Elle fait également valoir que la situation conflictuelle avec son bailleur a entraîné pour elle un préjudice moral, une perte de temps et d'énergie.

Toutefois, il doit être observé que le litige entre les parties n'a pas eu d'influence sur l'image ou la réputation de la société A la Légion d'honneur de sorte que celle-ci n'a pas subi de préjudice moral.

Quant à la perte de temps et d'énergie pour vérifier les calculs de la bailleresse et la relancer afin d'obtenir quittances et factures, il est relevé que le temps et l'énergie sont des ressources habituellement mises en oeuvre dans le cadre de la gestion d'une société, que la vérification des appels de loyers et charges de la bailleresse et le cas échéant, les relances pour obtenir quittances et factures n'excèdent pas une gestion normale de la société.

Dans ces conditions, il n'est pas apporté la preuve d'un préjudice de la société A la Légion d'honneur, distinct des frais irrépétibles et des intérêts de retard par ailleurs sollicités par cette dernière.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande de condamnation de la SCI Gerino au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.

10 - Sur les travaux d'accessibilité des locaux aux personnes à mobilité réduite

En application de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Il est néanmoins constant que le bailleur, à qui incombe la charge des travaux de réparations, autres que les réparations locatives, peut, par une clause claire et précise du bail dont la portée doit être interprétée restrictivement, en transférer la charge au preneur (3e Civ., 16 mars 2023, pourvoi n° 21-25.106).

En l'espèce, les locaux sont loués à usage de café-restaurant-brasserie et, à titre accessoire, vente à emporter de sandwichs et petite restauration, à l'exclusion de tout produit de type « fast-food », ce qui implique la réception d'un public dans les locaux loués.

Il incombe donc en application de l'article 1719 du code civil à la SCI Gerino de délivrer à la société A la Légion d'honneur des locaux conformes à la réglementation sur l'accessibilité des locaux aux personnes à mobilité réduite.

La SCI Gerino estime que les stipulations du bail ont transféré la charge de ces travaux à la société A la Légion d'honneur.

Il convient donc de procéder à l'examen des stipulations contractuelles invoquées par la société A la Légion d'honneur, à savoir l'article 2 du bail et le X de l'article 6 du bail.

Le bail stipule :

'Article 2 - destination-autorisations

(...)

La destination contractuelle ci-dessus stipulée n'implique de la part du bailleur aucune garantie quant au respect de toute autorisation ou condition administrative nécessaire, à quelque titre que ce soit, pour l'exercice de toute ou partie des dites activités.

Le preneur fera, en conséquence, son affaire personnelle, à ses frais, risques et périls, de l'obtention de toutes autorisation nécessaire ainsi que du paiement de toute somme, redevance taxe, impôt, droit quelconque, afférent aux activités exercées dans les lieux loués et à l'utilisation des locaux.'

'Article 6 - charges et conditions

(...)

X. Le preneur remplira vis-à-vis de toutes administrations publiques toutes formalités légales ou règlementaires qui sont prescrites ou viendraient à être prescrites, à raison de son occupation et de son exploitation et il obtiendra aux mêmes fins les autorisations administratives nécessaires, de manière que le bailleur ne soit pas recherché à ce sujet, ce dernier ne pourra encourir aucune responsabilité en cas de refus ou de retard dans l'obtention de ces nouvelles autorisations.

Il fera effectuer à ses frais, risques et périls et conservera à sa charge tous les travaux, aménagements, installations et constructions qui seraient prescrits ou viendraient à être prescrits par une législation ou une réglementation quelconque, de façon que le bailleur ne soit jamais inquiété à ce sujet.'

L'article 2 du bail est relatif aux autorisations, le cas échéant, nécessaires à l'exercice de l'activité autorisée aux termes du bail dans les locaux. Il n'opère aucun transfert de travauxà la charge du preneur de sorte qu'il n'est pas de nature à exonérer la SCI Gerino de son obligation de délivrer à la société A la Légion d'honneur les locaux loués en état de servir à l'usage prévu au bail.

Il en est de même de la première phrase du X de l'article 6 du bail.

La deuxième phrase du X de l'article 6 du bail opère bien un transfert de travaux, qui incombent normalement au bailleur, à la charge du preneur. Toutefois, les termes de cette clause sont trop généraux pour exonérer la SCI Gerino de son obligation de délivrance. En effet, la société A la Légion d'honneur ne pouvait pas prévoir, à la lecture de cette clause qui ne vise pas spécifiquement la mise en conformité des locaux avec la réglementation relative à l'accessibilité des établissements recevant du public aux personnes à mobilité réduite, qu'il lui reviendrait d'assumer le coût de tels travaux de mise en conformité.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a dit que les travaux de mise en conformité des locaux loués aux règles d'accessibilité des personnes à mobilité réduite incombent à la SCI Gerino.

Les chefs du jugement concernant l'expertise ne sont pas soumis à la cour.

11 - Sur les frais irrépétibles et les dépens

La première instance n'ayant pas pris fin avec le jugement du 9 décembre 2021, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a réservé les dépens et les demandes des parties formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Gerino qui succombe principalement dans la procédure d'appel est condamnée aux dépens de la procédure d'appel qui ne comprennent pas les frais de l'expertise ordonnée en première instance. Le sort des frais de l'expertise dépendra de la condamnation aux dépens prononcée par le tribunal judiciaire de Paris dans son jugement après expertise.

Par ailleurs, l'équité commande de condamner la SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur la somme de 7.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par cette dernière à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort ;

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 9 décembre 2021 (RG n°18/07488) en ce qu'il a :

condamné la société SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur la somme de 3.566, 25 euros au titre du trop-versé sur le dépôt de garantie,

débouté la société A la Légion d'honneur de sa demande tendant à voir condamner la société SCI Gerino à lui restituer 'toutes sommes éventuellement trop versée à titre de loyers indexés pour la période du 1er janvier 2016 jusqu'au jour du jugement à intervenir',

condamné la société A la Légion d'honneur à payer à la société SCI Gerino la somme de 93.958,14 euros TTC au titre des loyers échus au 2ème trimestre 2021 inclus,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 9 décembre 2021 (RG n° 18/07488) en ses autres dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur la somme de 1433, 90 euros à titre de trop versé sur le dépôt de garantie.,

Condamne la société A la Légion d'honneur à payer à la société SCI Gerino la somme de 68.506,20 euros TTC au titre de l'arriéré des loyers échus pour la période allant du 1er décembre 2016 au 31 décembre 2024 et des provisions sur charges de l'année 2024, le compte étant arrêté au 31 décembre 2024, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2021,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131, à compter du 14 avril 2022,

Y ajoutant,

Condamne la société SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur les sommes de :

2.139,30 euros au titre de la régularisation des charges de l'année 2020,

2.750,78 euros au titre de la régularisation des charges de l'année 2021,

1488,16 euros au itre de la régularisation des charges de l'année 2022,

Condamne la société A la Légion d'honneur à payer à la société SCI Gerino la somme de 566,34 euros au titre de la régularisation des charges pour l'année 2023,

Ordonne à la société SCI Gerino de communiquer à la société A la Légion d'honneur la facture de la régularisation des charges de l'année 2023,

Dit n'y avoir lieu à assortir cette injonction d'une astreinte,

Déboute la société A la Légion d'honneur de ses autres demandes de communication de quittances et factures postérieurs à la date du jugement entrepris,

Déboute la société A la Légion d'honneur de sa demande de condamnation de la la SCI Gerino à lui payer à la somme de 45.926,33 euros à titre de dommages et intérêts correspondant la la TVA versée du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018,

Condamne la société SCI Gerino aux dépens de la procédure d'appel, qui ne comprennent pas les frais d'expertise ordonnée dans le jugement entrepris, dont distraction au profit de Maître Eric Allerit, membre de la Selarl Taze-Bernard-Allerit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société SCI Gerino à payer à la société A la Légion d'honneur la somme de 7.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par cette dernière en appel,

La greffière, Le président,

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