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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 10 juillet 2025, n° 22/06409

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/06409

10 juillet 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 10 JUILLET 2025

(n° 115/2025, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/06409 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRRG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 mars 2022- Tribunal judiciaire de Melun (Ch 1 Cab 1 Cont Civil Gal Contentieux) - RG n° 20/01956

APPELANTES

Mme [J] [K] veuve [E] [M]

née le 26 juin 1980 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Mme [D] [U] [S] [E] [M], prise en la personne de son représentant légal Mme [J] [K] veuve [E] [M]

née le 04 mars 2004 à [Localité 7] (94)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Mme [V], [W], [I] [E] [M] prise en la personne de son représentant légal Mme [J] [K] veuve [E] [M]

née le 30 mars 2005 à [Localité 7] (94)

[Adresse 1]

[Localité 2]

S.A.S.U. DALY, exerçant sous le nom commercial 'CHEZ DALY LLK'

Immatriculée au R.C.S. de Melun sous le n° 888 852 522

Agissant poursuites et diligences de sa présidente en exercice, Mme [J] [K] veuve [E] [M], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentés par Me Thierry JOVE DEJAIFFE de la SELARL JOVE-LANGAGNE-BOISSAVY-AVOCATS, avocat au barreau de Melun

INTIMÉE

S.C.I. SCI [Adresse 5]

Immatriculée au R.C.S. de Melun sous le n° 881 434 104

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérick JUNGUENET de la SELARL DBCJ AVOCATS, avocat au barreau de Melun, toque : M30

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 juin 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Stéphanie Dupont, conseillère

Mme Hélène Bussière, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

La SCI [Adresse 5] a acquis plusieurs lots de copropriété d'un immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 2] (Seine et Marne) par jugement d'adjudication du tribunal judiciaire de Melun en date du 6 février 2020.

La SCI Omnifonciere 6 a donné à bail commercial le 1er décembre 2016, un local formant le lot n° 1 à la société Kaffee Club. Le bail a été cédé à M. [P] [E] [M] par acte du 7 décembre 2018.

Par acte du 1er janvier 2019, la SCI Omnifonciere 6 a donné à bail commercial à M. [E] [M], un second local dans le même immeuble.

Par lettre du 3 janvier 2019, la SCI Omnifonciere 6 a autorisé M. [E] [M] à exercer dans les locaux donnés à bail le 1er janvier 2019, une activité de réception d'événements festifs. Par lettre en date du 27 mars 2020, le conseil de la SCI [Adresse 5] a mis en demeure le preneur de respecter la clause de destination du local prévue au bail du 1er janvier 2019.

Par exploit d'huissier en date du 2 juin 2020, la SCI [Adresse 5] a attrait M. [P] [E] [M] devant le Tribunal judiciaire de Melun.

M. [E] [M] est décédé le 13 juillet 2020. Par assignation en intervention forcée signifiée le 2 novembre 2020, la SCI [Adresse 5] a attrait devant le présent tribunal, Mmes [J] [K] veuve de M. [E] [M] et leurs filles mademoiselle [D] [E] [M], Mademoiselle [V] [E] [M] ainsi que la SAS Daly, dirigée par Mmes [K].

Par jugement du 15 mars 2022, le Tribunal judiciaire de Melun a, en substance, prononcé la résiliation du bail du 1er janvier 2019, ordonné à Mmes [J] [K], [D] [E] [M], et la SAS Daly ainsi que toute personne de leurs chefs, de quitter les locaux appartenant à la SCI [Adresse 5] sis [Adresse 5] ' [Localité 2], dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai et au besoin avec le concours de la force publique, faute de délaissement volontaire des lieux dans le délai d'un mois de la signification du jugement, condamné in solidum Mmes [J] [K] veuve [E] [M] et la SAS Daly à payer à la SCI [Adresse 5] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens d'appel.

MOYENS ET PRETENTIONS

Aux termes de ses conclusions notifiées le 11 mai 2022, Mme [J] [K], Mme [D] [E] [M], Mme [V] [E] [M] et S.A.S. Daly, appelantes, demandent à la cour de':

- recevoir les demanderesses en leurs conclusions, les y dire bien fondées';

En conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Melun en date du 15 mars 2022';

- condamner la SCI [Adresse 5] à la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, les appelants font valoir que le document appelé «'avenant'» au bail signé le 1er janvier 2019 est en réalité un nouveau bail à part entière, portant sur des superficies supplémentaires. S'agissant de deux baux distincts, les procès-verbaux d'huissier établis les 4 février 2021 et 9 février 2021 n'ont aucun caractère probant au regard des dispositions relatives à la fermeture des fonds de commerce de restauration. Par ailleurs, l'huissier ne s'est jamais porté sur les lieux pour constater un manquement aux règlements édictés pour faire face à la pandémie Covid 19. Les appelants indiquent avoir toujours exercé dans le milieu de la restauration, tout en respectant la réduction de l'activité imposée pendant la pandémie. Aucune visite des huissiers mandatés par la SCI [Adresse 5] n'a été entreprise sur les lieux pour constater un changement de destination. La clause de destination du bail du 1er janvier 2019 ne concerne que la partie du lot formant une superficie de 390 m² et non celle de 180 m² désignée dans le premier bail. Or, seule la salle de 390 m² a fait l'objet d'un contrat de location temporaire à une association. Dès lors, la résiliation judiciaire du bail ne pouvait porter que sur le bail du 1er janvier 2019. La SCI [Adresse 5] a fait preuve de mauvaise foi en amalgamant les deux lots. Enfin, bien que la SCI [Adresse 5] n'ait pas participé à la rédaction des actes, ils lui sont opposables et, notamment, l'article 4 du deuxième bail selon lequel «'le preneur utilisera les lieux dans le cadre de son activité'». Les appelants n'ayant commis aucune faute contractuelle, il convient d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Melun.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 16 mars 2023, la S.C.I. [Adresse 5], intimée, demande à la cour de':

À titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Melun le 15 mars 2022 en ce que celui-ci a prononcé la résiliation judiciaire du bail conclu le 1er janvier 2019 pour non-respect de la clause de destination du local';

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour d'appel de céans venait à infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du bail conclu le 1er janvier 2019 pour non-respect de la clause de destination du local :

- prononcer la résiliation judiciaire du bail conclu le 1er janvier 2019 pour défaut de paiement des loyers aux termes convenus';

En tout état de cause,

- confirmer le jugement déféré en ce que celui-ci a ordonné à Mmes. [J] [K] veuve [E] [M], [V] [E] [M], [D] [E] [M] et la SAS Daly ainsi que de toute personne de leurs chefs, de quitter les locaux appartenant à la SCI [Adresse 5] sis [Adresse 5] ' [Localité 2], dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai et au besoin avec le concours de la force publique, faute de délaissement volontaire des lieux dans le délai d'un mois de la signification du jugement, et dit que les meubles et objets meublants se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution';

- confirmer les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,';

Y ajoutant,

- condamner la partie appelante aux entiers dépens de l'instance d'appel';

allouer à la SCI [Adresse 5] une somme de 3.000 euros sur le de l'article 700 du code de procédure civile, toujours au titre de cette procédure d'appel.

Au soutien de ses prétentions, la SCI [Adresse 5] oppose que':

A titre principal, sur la résiliation judiciaire du bail pour non-respect de la clause de destination du bail, selon l'article 1728 du code civil et la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Cass. Ass. plen., 03 mai 1956, JCP G 1956. II. 9345), le preneur ne peut exercer dans les lieux loués que l'activité prévue au bail, au risque d'encourir la résiliation judiciaire du bail si la procédure de déspécialisation prévue aux articles L. 145-47 et suivants du code de commerce n'a pas été respectée. Or, le bail du 1er janvier 2019 stipule une destination de stockage et distribution de produits non alimentaires. Toutefois, s consorts [E] [M] y exercent habituellement une activité de restauration, à laquelle s'est ajoutée une activité de bar-dansant puis de «'bar à chicha'». Ces derniers ne peuvent se prévaloir d'une autorisation de l'ancien propriétaire ou de l'acte de cession du bail du 7 décembre 2018, celle-ci n'ayant jamais été portée à la connaissance de la SCI [Adresse 5] ou annexés au cahier des conditions de vente. Par ailleurs, la connaissance par la SCI [Adresse 5] des démarches effectuées par le preneur en vue d'un changement de destination ne saurait s'analyser en un accord tacite à cette modification. Les soirées dansantes organisées au sein des locaux violent tant les stipulations du bail que la législation applicable aux établissements recevant du public en période de Covid 19. En outre, ces soirées étant organisées par des sociétés tierces, les consorts [E] [M] sous-louent sans doute les locaux sans autorisation de la SCI [Adresse 5], ce qui justifie la résiliation judiciaire du bail. Enfin, il sera souligné que, par décision du 4 octobre 2022, le Premier Président de la cour d'appel de Paris a débouté les appelants de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire, estimant l'absence de démonstration d'un moyen sérieux d'annulation du jugement entrepris et, par décision du 14 mars 2023, le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Melun les a déboutés d'une demande de nullité et de délais consécutive à la délivrance d'un commandement de quitter les lieux en date du 17 mai 2022, considérant que les consorts [E] [M] n'avaient pas respecté les conditions du bail.

A titre subsidiaire, sur la résiliation judiciaire du bail pour défaut de paiement des loyers aux termes convenus, il existe une dette de loyer à hauteur de 90.532 € suivant décompte à jour du 17 mai 2022. Cela constitue un manquement grave des preneurs à leur obligation de s'acquitter des loyers aux termes convenus imposés par l'article 1728 du code civil, justifiant la résiliation judiciaire du bail.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

SUR CE,

Sur la résiliation judiciaire du bail

Au regard des dispositions de l'article 1728 du code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales, d'une part, user de la chose louée raisonnablement et conformément à la destination du bail, d'autre part, payer le loyer.

Le bail du 1er décembre 2016, signé entre la société Omnifoncière 6 et la société Kaffée club concerne le lot commercial numéro 679 et de copropriété numéros 1, 17, 18, 20 et 21, pour une superficie de 180 m² et prévoit, en son article 1.1, que le preneur est tenu, notamment, d'occuper les lieux loués paisiblement et à l'usage exclusif précisé à l'article 6.2 pour l'exercice de son activité à savoir un usage de locaux pour le lot 1 et de parking pour les autres lots. En cause d'appel, les statuts de la société Kaffée club n'étant pas versés aux débats, il sera référé à l'extrait K Bis versé par l'intimé dont il ressort que l'activité de cette dernière est «'vente de café, déjeuner, pâtisserie sur place ou à emporter'».

L'avenant au bail commercial, en date du 1er janvier 2019, signé entre entre la société Omnifoncière 6 et M. [P] [E] [M] concerne le lot commercial numéro 679 et de copropriété numéros 2, 21, 22, 23, 24 et 30, pour une superficie de 390 m² et prévoit, aux conditions particulières du contrat, que les locaux sont à usage de «'stockage et distribution de produits non alimentaires ''.

Il est constant que la SCI [Adresse 5] a acquis par adjudication les lots litigieux et que le dire n° 3 versé aux cahiers des charges de la vente distingue un lot 1 décrit comme un local d'activité industrielle comprenant, notamment, un grand espace vide, deux pièces sur façade et une cuisine et un lot 2 décrit comme un local d'activité industrielle comprenant, notamment, une salle de restaurant.

Il est tout aussi constant que M. [P] [E] [M] a obtenu une autorisation de changement de destination des locaux litigieux à usage de bureaux en restauration et il ressort de son K Bis qu'il exerce une activité de «'traiteur, organisateur d'événements, restauration traditionnelle, thé'».

Il s'infère de ces éléments que, comme relevé par la cour d'appel, pôle 1-chambre 5, dans une ordonnance en date du 4 octobre 2022, M. [P] [E] [M], aux droits duquel viennent les appelants bénéficie bien de deux baux distincts aux termes des dispositions desquels l'activité exercée en leur sein autorisait la restauration mais aussi l'organisation d'événements de sorte que l'organisation de soirées, telles que constatées par procès-verbaux des 4 et 9 février 2021, des 8, 9, 11, 12, 13, 18, 19, 22, 23 25 septembre 2012 ne contrevient pas à la destination des lieux. En revanche, les nuisances en ayant résulté pour les autres occupants de l'immeuble, dont les plaintes à la SCI [Adresse 5] s'échelonnent entre le 15 septembre 2020 et le 18 mai 2021 et les constants opérés dans certains des procès-verbaux susmentionnés, sont de nature à caractériser un manquement récurrent du locataire à ses obligations. En outre, tel que souligné par l'intimée, la dette locative n'a cessé de s'aggraver, tel que cela ressort des décomptes locatifs versés aux débats, et se monte à la somme de 90.532 euros selon décompte arrêté au 17 mai 2022.

Au regard des manquements graves et répétés du locataire à ses obligations, c'est à bon droit que le tribunal a prononcé la résiliation du bail du 1er janvier 2019. Il sera confirmé de ce chef et en ce qu'il a, par voie de conséquence, ordonné l'expulsion des locataires avec toutes conséquences de droit.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Succombant en leurs prétentions, Mmes [J] [K], [D] [E] [M] et la SAS Daly seront condamnés in solidum à payer la SCI [Adresse 5] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter dans les mêmes conditions la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Melun le 15 mars 2022 en toutes ses dispositions';

Y ajoutant ,

Condamne in solidum Mmes [J] [K], [D] [E] [M] et la SAS Daly à payer la SCI [Adresse 5] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne in solidum Mmes [J] [K], [D] [E] [M] et la SAS Daly à supporter la charge des dépens d'appel

La greffière, La présidente,

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