CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 10 juillet 2025, n° 23/00535
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU10 JUILLET 2025
(n° 119 /2025, 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 23/00535 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG4QE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 novembre 2022- Tribunal judiciaire de PARIS (loyers commerciaux) - RG n° 20/13178
APPELANTE
S.C.I. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE GARIC
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 26] sous le n° 443 466 305
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 19]
Représentée et assistée par Me Jean-Christophe BLANCHIN, avocat au barreau de Paris, toque : A0410, substitué à l'audience par Me Immad HAOUAS du même cabinet
INTIMÉE
S.A.R.L. VH DISTRIBUTION
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 26] sous le n° 441 757 168
Prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 16]
[Localité 18]
Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de Paris, toque : G0334
Assistée de Me Violette WAXIN de la Selas CABINET THEILLAC-CAVARROC, avocat au barreau de Paris, toque : A550
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 mars 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Xavier Blanc, président de chambre
Mme Stéphanie Dupont, conseillère
Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Xavier Blanc, président de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé en date du 27 décembre 2012, la société civile immobilière Garic (la SCI Garic) a donné à bail commercial en renouvellement à la société Motte Picquet Distribution, aux droits de laquelle est venue la société V.H Distribution, divers locaux destinés à l'activité de « supérette alimentaire et vente de tous produits généralement vendus dans ce type de commerce (...) » et dépendant d'un ensemble immobilier situé [Adresse 17], pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er octobre 2011 pour se terminer le 30 septembre 2020, moyennant un loyer annuel initial en principal de 180.000 euros hors taxes et hors charges.
En application de la clause d'indexation prévue au bail liant les parties, le loyer s'élève à la somme de 205.019,31 euros hors charges et hors taxes depuis le 1er octobre 2020.
Par acte d'huissier en date du 5 juin 2020, la SCI Garic a fait signifier à la société V.H Distribution un congé avec offre de renouvellement du bail pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2021, moyennant un loyer annuel en principal de 250.000 euros hors taxes et hors charges.
Par assignation du 21 décembre 2020, la société V.H Distribution, se prévalant des termes de son mémoire préalable du 19 octobre 2020, a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer renouvelé à la somme de 103.000 euros hors taxes et hors charges, correspondant à la valeur locative inférieure au montant du loyer plafonné et subsidiairement en désignation d'un expert judiciaire avec mission d'estimer la valeur locative.
Par mémoire en réponse notifié le 2 février 2021, la SCI Garic a sollicité la fixation du loyer du bail renouvelé le 1er janvier 2021 à la somme en principal de 200.459,28 euros par an.
Par jugement avant-dire droit du 30 mars 2021, le juge des loyers commerciaux a constaté par l'effet de la proposition de renouvellement délivrée le 5 juin 2020 et de son acceptation par la preneuse, le principe du renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2021 et ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [H] [J] aux fins de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er janvier 2021.
L'expert judiciaire a déposé son rapport au greffe le 3 février 2022, retenant une valeur locative au 1er janvier 2021 égale à la somme de 160.000 euros et un loyer plafonné de 199.406,36 euros.
Par jugement du 8 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a en substance :
fixé à la somme annuelle de 164.000 euros en principal par an le loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2021 entre la société V.H Distribution et la SCI Garic ;
dit que les arriérés des loyers échus à compter du 1er janvier 2021 porteront intérêts au taux légal à compter du jugement ;
dit que les intérêts échus et dus au moins pour une année entière produiront des intérêts, en application de l'article 1343-2 du code civil ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
partagé les dépens par moitié entre les parties, qui incluront le coût de l'expertise judiciaire ;
débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 20 décembre 2022, la SCI Garic a interjeté appel du jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 février 2025.
MOYENS ET PRETENTIONS
Aux termes de ses conclusions notifiées le 13 mai 2024, la SCI Garic, appelante, demande à la cour de :
réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
fixé à la somme annuelle de 164.000 euros en principal par an, le loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2021 ;
dit que les arriérés de loyers échus à compter du 1er janvier 2021 porteront intérêts au taux légal, à compter du présent jugement ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
partagé les dépens par moitié entre les parties, qui incluront le coût de l'expertise judiciaire ;
débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
débouter la société V.H Distribution de son appel incident et de toutes ses demandes ;
Et statuant à nouveau :
fixer le loyer annuel du bail renouvelé à effet du 1er janvier 2021, à la somme hors taxes et hors charges de 199.406,36 euros par an en principal, les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées, sauf modifications législatives ou réglementaires ;
condamner la société V.H Distribution à rembourser à la SCI Garic, la somme de 115.743,37 euros versée au titre de l'exécution provisoire du jugement du 8 novembre 2022, avec intérêt au taux légal à compter du 7 février 2023 ;
dire que les intérêts des arriérés de loyer échus à compter du 1er janvier 2021 porteront intérêts au taux légal à compte de chaque échéance trimestrielle ;
dire que les intérêts échus et dus au moins pour une année entière produiront des intérêts en application de l'article 1.343-2 du code civil ;
condamner la société V.H Distribution aux entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;
condamner la société V.H Distribution au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 21 novembre 2023, la société V.H Distribution, intimée, demande à la cour de :
débouter la SCI Garic de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
recevoir l'intimée en son appel incident,
infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2021 à la somme de 164.000 euros par an en principal ;
débouté la société V.H Distribution de sa demande de condamnation de la bailleresse SCI Garic au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ordonné le partage des dépens incluant les frais d'expertise par moitié entre les deux parties ;
Ce faisant,
fixer le loyer à 97.000 € HT HC (quatre-vingt-dix-sept mille euros hors taxes hors charges) par an à compter du 1er janvier 2021, avec intérêts au taux légal sur le trop-perçus depuis cette date, à compter de chaque échéance, outre capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
condamner la bailleresse à régler à la société V.H Distribution une somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société bailleresse en tous les dépens de première instance et d'appel, en ce compris la totalité des frais d'expertise, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRET
Il est constant que la SCI Garic et la société V.H Distribution se sont accordées sur le renouvellement du contrat de bail les liant, à compter du 1er janvier 2021.
En revanche, elles sont en désaccord sur le montant du loyer du bail ainsi renouvelé.
Sur le montant du loyer du bail renouvelé
Selon l'article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative, qui doit être déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Par ailleurs, il résulte de l'article L. 145-34 du même code, qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés à l'article L. 145-33 1° à 4°, le taux de variation du loyer du bail renouvelé, dont la durée n'excède pas neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré et qu'en cas de valeur locative inférieure au plafond fixé par ce texte, c'est cette valeur locative qui s'applique et non le loyer plafond résultant de l'application de l'indice.
En l'espèce, la locataire estime que la valeur locative des locaux, objet du bail en cause, est inférieure au loyer plafond, réclamant la fixation du loyer du bail renouvelé à ladite valeur locative, tandis que la bailleresse estime que cette valeur locative est supérieure au loyer plafond pour solliciter, en l'absence de cause de déplafonnement, la fixation du loyer du bail renouvelé au plafond, dont le montant de 199.406,36 euros en principal n'est pas discuté par les parties.
Sur la valeur locative en renouvellement
La détermination de la valeur locative définie à l'article L. 145-33 du code de commerce se fait conformément aux dispositions des articles R. 145-2 et suivants du même code.
Selon l'article R. 145-3 du code précité, 'les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.'
Sur l'emplacement et les caractéristiques du bien loué
L'appelante soutient que les locaux loués sont situés dans un quartier commerçant et peuplé du [Localité 7], à proximité du métro, que leur emplacement est très favorable, avec une clientèle à fort pouvoir d'achat, l'expert ayant relevé une bonne commercialité, ainsi qu'une très bonne situation géographique, que l'installation d'un supermarché Monoprix à proximité n'aurait pas d'impact sur la valeur locative des locaux en cause et au contraire viendrait illustrer la bonne commercialité du quartier, que de plus, les locaux de 501,65 m2U, bien aménagés et accessibles, présenteraient une configuration certes irrégulière, mais compensée par un agencement optimisé, l'aire de vente située en rez-de-chaussée « haut » étant facilement accessible par deux escaliers et un élévateur pour personnes à mobilité réduite.
L'intimée fait valoir au contraire que les locaux loués se situent au sein d'un emplacement de commercialité moyenne, fréquenté par une clientèle de quartier, peu animé le soir et le week-end en l'absence de tout pôle attractif particulier et n'offrant que peu de perspectives de développement au commerce exercé, que la qualité de l'emplacement telle que décrite par l'expert devrait être relativisée compte tenu du fait que dans le secteur proche, on peut relever la présence de plusieurs supermarchés ou magasins d'alimentation, que le commerce de la société V.H Distribution aurait connu une perte de chiffre d'affaires au cours de l'épidémie de Covid 19 et ce, en raison de son emplacement au sein d'une zone touristique et de bureaux qui ont été et sont toujours, désertés en raison notamment du télétravail, que le linéaire de façade présenté comme important par l'expert judiciaire serait en réalité habituel, voir faible comparé aux supermarchés voisins, que la situation légèrement en retrait par rapport à la façade amoindrirait substantiellement leur visibilité du fait de la présence de balcons situés en surplomb, que les locaux situés à « l'entresol » en fond de boutique pâtiraient d'une hauteur sous plafond particulièrement faible et seraient très peu fréquentés par la clientèle, utilisant en outre très peu le monte-charge. L'intimée estime en conséquence qu'il devra être tenu compte de ces différents éléments dans la détermination de la valeur locative des locaux en cause.
En l'espèce, par des motifs pertinents et détaillés, que la cour adopte, le tribunal a rappelé les constats opérés par l'expert concernant l'emplacement et les caractéristiques des locaux, soulignant notamment leur bonne situation géographique dans un quartier mixte d'habitation, de commerces et de bureaux, doté d'une population à fort pouvoir d'achat, dans une large artère arborée à double sens de circulation automobile et à proximité d'une station de métro desservi par trois lignes. Leur configuration comprend deux niveaux : un rez-de-chaussée et un rez-de-chaussée « haut » accessible par deux escaliers de sept marches et un élévateur pour personnes à mobilité réduite, ces deux niveaux proposant deux aires de vente accessibles à la clientèle, outre des locaux sociaux, des vestiaires, des WC, une réserve, des chambres froides positive et négative, un local de cuisson et des locaux techniques.
Le premier juge a en outre relevé que selon l'expert, l'ensemble des locaux est en état d'usage et la configuration des lieux est irrégulière.
Au vu des éléments qui précèdent, en l'absence de moyens nouveaux développés en cause d'appel, et après examen des pièces soumises à son appréciation, la cour retient que le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, en estimant à juste titre que la locataire ne justifiait pas de la qualité moyenne de la commercialité de l'emplacement et ne démontrait pas davantage avoir subi une baisse de chiffre d'affaires du fait de l'épidémie de Covid 19, étant surabondamment relevé par la cour que l'expert a noté la très bonne adéquation entre l'emplacement des locaux et l'activité de supermarché qui y est exercée.
Sur la pondération des surfaces
L'expert, approuvé par le premier juge, a appliqué deux méthodes pour déterminer la surface pondérée des locaux, aboutissant à une surface de 369 m²P par application de la méthode « base moyenne surface » et une surface de 240 m²B par application de la méthode « base boutique ».
L'appelante et l'intimée contestent ces résultats, étant précisé qu'elles ne discutent pas la surface utile totale des locaux de 501,65 m2, retenue par le premier juge et calculée par l'expert sur la base d'un certificat de surface privative du cabinet AUDIT DTI.
Concernant la surface obtenue par l'application de la méthode « moyenne surface », l'appelante critique l'abattement de 40 % appliqué à l'aire de vente situé en rez-de-chaussée « haut », jugé excessif, alors que selon ladite méthode, la totalité de la surface de vente située au rez-de-chaussée est normalement pondérée à 1. Si l'appelante admet qu'il n'est pas contestable de devoir pondérer la surface située au rez-de-chaussée « haut » par rapport à celle situé au rez-de-chaussée, elle devrait se voir appliquer un coefficient de 0,80 plutôt que 0,60, car ladite surface est visible et accessible depuis la surface de vente du rez-de-chaussée et se situe dans son prolongement, d'autant que de surcroît, elle se distingue d'un entresol ou d'un vrai premier étage. L'application de ce coefficient porterait la surface totale pondérée à 387 m²P au lieu de la surface de 369 m2P proposée par l'expert et retenue par le juge.
Au soutien de ses prétentions, l'intimée fait valoir qu'il convient de se référer aux préconisations de la Nouvelle Méthode Générale de Pondération (MGP) et estime, sur cette base, que les coefficients de 0,30 et 0,20 respectivement appliqués par l'expert aux locaux sociaux et au dégagement de la sortie de secours situés au rez-de-chaussée, seraient trop élevés et qu'il conviendrait de leur appliquer les coefficients de 0,20 et 0,10. De même, le coefficient de 0,60 pour l'aire de vente située en rez-de-chaussée « haut » devrait être abaissé à 0,40 et la pondération du surplus des locaux situés au même niveau devrait être abaissée à 0,15 eu lieu de 0,25, dans la mesure où selon la MGP, les locaux situés en étage se pondèrent entre 0,40 et 0,50 et en mezzanine entre 0,30 et 0,40 et que les « annexes diverses reliées » se pondèrent entre 0,10 et 0,20 et les locaux techniques entre 0 et 0,10 lorsqu'elles se trouvent en étage. Cela porterait la surface pondérée avec la méthode « moyenne surface » à 337 m2P au lieu de 369 m2P.
En l'espèce, en l'absence de moyens nouveaux développés en cause d'appel et après examen des éléments de faits ainsi que des pièces soumises à son appréciation, la cour retient que le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause en estimant que les locaux sociaux, aménagés et reliés à l'aire de vente, et le dégagement de la sortie de secours situés au rez-de-chaussée, accessibles à la clientèle, justifiaient d'adopter la fourchette haute préconisée par la MGP, soit les coefficients de 0,30 pour les premiers et 0,20 pour le second, l'intimée ne démontrant pas qu'il y ait lieu d'adopter des coefficients plus bas. Le premier juge doit également être approuvé pour avoir adopté le coefficient de 0,60 pour l'aire de vente située au rez-de-chaussée « haut » et le coefficient de 0,25 pour le surplus des surfaces situées au même niveau, sans qu'il soit justifié ni de les baisser, ni de les augmenter. En effet, si ce niveau ne correspond pas à un véritable premier étage ou un entresol, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les coefficients normalement préconisés pour ces étages, il n'en demeure pas moins vrai qu'il est nécessaire de gravir sept marches ou d'emprunter un monte-charge pour atteindre cette surface, rendant son accès moins fluide. En conséquence, il y a lieu de confirmer les coefficients adoptés par le premier juge, qui sera approuvé pour avoir retenu la surface totale de 369 m2P par application de ladite méthode.
Concernant la surface obtenue par l'application de la méthode « boutique », l'appelante soutient que la MGP laisse un pouvoir souverain d'appréciation aux experts pour pondérer chaque zone d'une aire de vente et entend contester les coefficients ainsi proposés par l'expert judiciaire et approuvés par le premier juge pour la zone 2 située au rez-de-chaussée et l'aire de vente située en rez-de-chaussée « haut ». Pour la zone 2, située entre 5 et 10 mètres à partir de la vitrine au rez-de-chaussée, une pondération de 1 devrait selon l'appelante être adoptée au lieu de 0,80, dans la mesure où cette zone est aussi importante que la zone 1 dans l'activité de supérette, sachant en outre qu'en l'espèce, la configuration des lieux fait que la zone 1 est consacrée au snacking, au bar à salade et à l'espace caisses, de sorte que l'activité de supérette ne commence réellement qu'en zone 2. Pour ce qui est du rez-de-chaussée « haut », une pondération de 0,40 au lieu de 0,30 devrait être adoptée, car cet espace se situe dans le prolongement de la zone de vente principale et sa commercialité est supérieure à une zone de vente qui se trouverait en premier étage ou en premier sous-sol. Ainsi, la surface pondérée en base « boutique » devrait être portée à 256 m²B au lieu de 240 m2B, surface retenue par l'expert et adoptée par le premier juge.
L'intimée estime pour sa part que l'expert, approuvé par le juge, n'aurait pas fait correctement application des préconisations de la MGP. Selon elle, rien ne justifierait d'écarter ces dernières et elle estime qu'il conviendrait d'adopter le coefficient de 0,30 pour les locaux situés au rez-de-chaussée en zone 4, le coefficient de 0,25 pour les locaux sociaux compte tenu de leur faible surface et de leur usage, et enfin le coefficient de 0,10 pour le dégagement et l'issue de secours. Pour ce qui est, enfin, du rez-de-chaussée « haut », le coefficient de 0,25 pour le surplus des locaux devrait être baissé à 0,20, toujours selon la MGP qui préconise de pondérer les « annexes diverses reliées en étages » entre 0,10 et 0,20. La surface pondérée avec la méthode « boutique » serait ainsi ramenée à 224 m²B au lieu de 240 m2B.
En l'espèce, au vu de ce qui précède, la cour retient que le premier juge, par des motifs précis et détaillés auxquels elle renvoie, a fait une exacte appréciation des éléments de faits et des pièces à lui soumises, au regard du type d'activité exercée et des explications pertinentes données par l'expert judiciaire.
Il sera simplement ajouté que, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'activité en zone 1, fût -elle consacrée au snacking, au bar à salade et à l'espace caisses, n'en demeure pas moins une activité de vente de produits alimentaires « et vente de tous produits généralement vendus dans ce type de commerce » et que l'activité de vente de produits d'épicerie au rez-de-chaussée haut ne justifie pas l'application d'un coefficient 1 , dès lors que la clientèle doit gravir sept marches pour y accéder, et ce, alors qu'il s'agit d'un commerce où la clientèle est généralement chargée de marchandises.
En conséquence, il convient d'approuver le premier juge d'avoir retenu les coefficients de pondération proposés par l'expert judiciaire et d'avoir estimé la surface à 240 m2B par application de la méthode « boutique ».
Sur les références de loyers
Selon l'article R. 145-7 du code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage par unité de surface permettant de déterminer la valeur locative du loyer du bail renouvelé, concernent des locaux équivalents eu égard aux caractéristiques propres au local, à la destination des lieux autorisée par le bail et aux facteurs locaux de commercialité pour le commerce considéré. A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Concernant l'estimation de la valeur locative en base « moyenne surface », l'expert propose neuf éléments de comparaison comprenant des locations nouvelles, des renouvellements amiables et des fixations judiciaires, pour retenir un prix unitaire de 500 euros/m2P que les parties contestent. A la demande de la preneuse, l'expert judiciaire a également pris en considération quatre références complémentaires relatives à des fixations judiciaires intervenues dans les 7ème et 15ème arrondissements de [Localité 26] entre 2008 et 2017.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir qu'après analyse des seules références retenues par l'expert lui paraissant pertinentes, comme étant à la fois proches du bail en cause en terme de date de prise d'effet, de situation géographique et de commercialité des emplacements, il conviendrait selon elle d'ajuster la valeur locative au mètre carré pondéré en base « moyenne surface » à 550 euros/m²P, estimation qui se trouve corroborée par le rapport amiable de M. [I] qu'elle verse aux débats, portant ainsi la valeur locative totale avant correctifs à la somme de 212.850 euros (550 euros/m2P x 387m2P).
L'intimée considère que l'estimation de l'expert est discutable, le prix de 500 euros/m²P lui semblant surestimé compte tenu de l'emplacement et de l'activité exercée dans les locaux, les références citées par l'expert étant éloignées, certaines étant particulièrement lointaines comme étant à plus de quatre kilomètres. Compte tenu des disparités au sein des arrondissement de la capitale et faute d'éléments de comparaison proches, l'intimée estime justifié de ne retenir que la seule référence citée par l'expert et située dans le même arrondissement - au [Adresse 14] - où un prix de 400 euros/m²P a été fixé judiciairement. A titre complémentaire, elle cite de nouveau les quatre références de fixations judiciaires dans les 15ème et 7ème arrondissements avec des activités similaires, déjà prise en considération à sa demande par l'expert, lesquelles confirmeraient qu'un maximum de 400 euros/m²P en base « moyenne surface » serait plus approprié.
La cour rappelle que pour déterminer la valeur locative conformément aux textes précédemment cités, il importe de ne pas se contenter d'un nombre trop restreint de références, étant préférable d'élargir le choix des éléments de comparaison afin d'apprécier l'attractivité de l'emplacement tout en procédant aux corrections nécessaires pour tenir compte de l'activité, des caractéristiques des locaux et du bail en cause.
Au titre d'éléments de comparaison relatifs à des commerces au voisinage du [Localité 9], situés dans des axes de commercialité comparable, l'expert a fourni les références suivantes :
- Trois locations nouvelles :
[Adresse 27] [Localité 20] [Adresse 1] : bail à compter du 1er août 2017, supermarché Franprix de 800 m2P, à environ 200 mètres du métro [Localité 24] militaire, au loyer reconstitué de 365 euros/m2P ;
[Localité 28] [Adresse 6] : bail à compter du 1er mai 2014, supermarché Monop' de 400 m2P à environ 500 mètres du métro Gaité, au loyer de 538 euros/m2P ;
[Localité 31] [Adresse 5] : bail à compter du 1er juillet 2014, supermarché Monop' de 465 m2P au voisinage immédiat du [Adresse 21], au loyer de 710 euros/m2P.
- Trois renouvellements amiables :
[Localité 31] [Adresse 11] : bail renouvelé au 1er janvier 2011, supermarché Franprix de 387 m2/P à env. 300 mètres du métro Trocadéro, au loyer de 413 euros/m2P ;
[Localité 30] [Adresse 4] : bail renouvelé au 1er janvier 2019, supermarché [Adresse 22], à env. 100 mètres du métro Lourmel, d'une surface de 830,13 m2P, au loyer de 657 euros/m2 ;
[Localité 31] [Adresse 13] : bail renouvelé au 1er janvier 2019, Supermarché G20, de 277 m2P, au voisinage de la [Adresse 35], au loyer de 770 euros/m2.
- Trois fixations judiciaires :
[Localité 28] [Adresse 3] : bail renouvelé à compter du 1er janvier 2014, supermarché Carrefour City de 247,80 m2P, à env. 200 mètres de la Gare [25], pour un loyer en renouvellement de 350 euros/m2 ;
[Localité 32] [Adresse 12] : bail renouvelé à compter du 1er janvier 2016, supermarché [Adresse 23] de 1.133 m2P, à env. 500 mètres du métro Ternes, au loyer en renouvellement de 360 euros/m2P ;
[Localité 30] [Adresse 14] : bail révisé au 24 avril 2009, supermarché Dia de 306 m2P, à env. 600 mètres du métro [Localité 33], pour un loyer révisé de 400 euros/m2.
C'est par des motifs précis et pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge a retenu un prix unitaire de 500 euros/m2P approuvant en cela les propositions de l'expert judiciaire en base « moyenne surface », au regard de l'ensemble des éléments énoncés ci-dessus, des caractéristiques, de la destination et de l'emplacement des lieux loués, des valeurs de références précitées, appréciées en tenant compte de la date de prise d'effet des baux considérés, de la situation des locaux, de leur surface, de l'activité et des caractéristiques des locaux.
Contrairement à ce que soutient l'intimée, il n'y a pas lieu d'écarter a priori des références situées dans un périmètre plus éloigné du commerce considéré, dès lors qu'elles apparaissent pertinentes en termes de comparaison au regard notamment de la nature du commerce exercé, d'une commercialité équivalente du quartier ou des caractéristiques des locaux.
C'est donc à bon droit que le premier juge a fixé à 184.500 euros le montant annuel de la valeur locative en base « moyenne surface » (500 euros/m2P x 369 m2P).
Concernant l'estimation de la valeur locative en base « boutique », l'expert propose neuf éléments de comparaison comprenant, comme précédemment, des locations nouvelles, des renouvellements amiables et des fixations judiciaires, ainsi que cinq références complémentaires de renouvellements amiables et une location nouvelle dans un secteur proche, à la demande de la preneuse durant les opérations d'expertise, pour retenir un prix unitaire de 750 euros/m2B, que les parties contestent.
Selon l'appelante, la référence la plus pertinente parmi celles proposées par l'expert serait celle du [Adresse 15] à [Localité 29], qui se porte à 897 euros/m²B, qu'elle propose d'ajuster à 850 euros/m²B, les autres références citées dans le rapport d'expertise judiciaire étant jugées trop anciennes et les références citées par l'intimée étant considérées comme trop éloignées en termes d'activité, d'emplacement et de surface, ce qui porterait la valeur locative totale à la somme de 217.600 euros (850 euros/m2B x 256m2B) en base « boutique ». La moyenne des deux estimations permettrait ainsi de fixer la valeur locative des locaux en cause à 215.225 euros avant correctifs.
L'intimée fait valoir pour sa part, que le prix de 750 euros/m²B retenu par l'expert serait au contraire un peu élevé compte tenu de l'emplacement et de l'activité exercée. De plus, l'une des références citées par l'expert incluant un droit d'entrée, il conviendrait de l'écarter. La moyenne des huit autres références proposées par l'expert s'élevant à 605,50 euros/m²B, l'intimée estime qu'elle se trouve bien en-dessous de celle finalement retenue à hauteur de 750 euros/m2B et entend mettre de nouveau en avant les cinq références situées dans un secteur proche et déjà proposées en cours d'expertise, dont il ressortirait qu'un prix unitaire « boutique » de 600 euros/m²B constituerait un maximum.
Il convient de rappeler, ainsi qu'il a déjà été indiqué ci-dessus, que pour déterminer la valeur locative conformément aux textes précédemment cités, il importe de ne pas se contenter d'un nombre trop restreint de références, étant préférable d'élargir le choix des éléments de comparaison, afin d'apprécier l'attractivité de l'emplacement tout en procédant aux corrections nécessaires pour tenir compte des caractéristiques des locaux et du bail en cause. Il ne saurait donc être fait droit à la prétention de l'appelante, consistant à ne se prévaloir que d'une référence en vue de fixer la valeur locative des locaux en cause, en base « boutique ».
En outre, à titre d'éléments de comparaison relatifs à des boutiques situées pour la plupart dans le [Localité 8] arrondissement, sur des axes de commercialité comparable, l'expert a retenu à juste titre les références suivantes, outre les six références proposées par la preneuse :
- deux locations nouvelles situées dans le [Localité 8] et le 7ème arrondissement, à proximité des lieux loués, respectivement relatives à des activités de restauration rapide et de vente d'articles de sport, d'une surface de 116 et 31 m2B, pour des loyers de 728 euros/m2B reconstitué pour tenir compte d'un droit d'entrée et de 851 euros/m2B ;
- trois renouvellements amiables relatifs à des commerces situés dans le [Localité 10], dont deux [Adresse 34], concernant des commerces de restauration, d'agence bancaire et de tabac, dont les surfaces sont respectivement de 58 m2B, 65,70 m2B et 28,10 m2B et dont les prix vont de 475 à 897 euros/m2B ;
- quatre fixations judiciaires relatives à des boutiques situées dans le [Localité 8] arrondissement, concernant des commerces de teinturerie-pressing, de pharmacie et deux agences bancaires, dont les surfaces se situent entre 69,25 m2B et 174,74 m2B et dont les loyers en renouvellement vont de 450 à 550 euros/m2B.
En l'absence de moyens nouveaux développés en cause d'appel et, au regard des caractéristiques, de la destination et de l'emplacement des lieux loués, des valeurs de références précitées, appréciées en tenant compte de la date de prise d'effet des baux considérés, de la situation des locaux, de leur surface, de l'activité et des caractéristiques des locaux, il convient de se référer à la motivation du jugement déféré que la cour fait sienne, selon laquelle l'expert a retenu à juste titre un prix unitaire de 750 /m2B en base « boutique », le jugement déféré ayant déjà à bon droit répondu aux contestations des parties, lesquelles ne démontent pas plus en cause d'appel qu'en premier instance le caractère sous-évalué ou surévalué de la valeur locative ainsi calculée.
C'est donc à juste titre que le premier juge a fixé à 180.000 euros le montant annuel de la valeur locative en base « boutique » des locaux en cause (750 euros/m2B x 240 m2B).
Ainsi, il convient d'approuver le premier juge pour avoir fixé la valeur locative des lieux loués à la somme annuelle de 182.250 euros avant correctif correspondant à la moyenne des deux valeurs retenues ci-dessus (184.500 euros et 180.000 euros).
Sur les correctifs
Selon l'article R. 145-8 du code de commerce : ' Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.'
Le premier juge, suivant les recommandations de l'expert, a appliqué à la valeur locative ci-dessus fixée plusieurs correctifs au titre des charges attachées à la qualité de propriétaire, mais transférées sur la preneuse par des clauses du bail, relatives à la taxe foncière, sous forme d'une déduction au réel et relative aux travaux de mise en conformité, sous forme d'un abattement de 5 %.
L'appelante et l'intimée contestent ces correctifs ainsi que leurs montants.
Sur le correctif relatif à la taxe foncière
Sur le fondement du texte précité, le premier juge, sur proposition de l'expert judiciaire, a déduit de la valeur locative la somme de 13.516 euros au titre de la taxe foncière 2020, à laquelle la somme de 3.932 euros a été réintégrée au titre de la taxe sur les ordures ménagères, qui correspond à un service dont seule la preneuse bénéficie. Ainsi, à ce titre, c'est un montant de 9.584 euros qui a été déduit de la valeur locative par le premier juge (13.516 ' 3.932).
L'appelante conteste la déduction relative à la taxe foncière refacturée par la bailleresse à la preneuse. Elle soutient que cette refacturation de la taxe foncière est une pratique systématique dans les baux commerciaux parisiens, notamment ceux destinés aux supérettes et qu'il ne s'agit dès lors pas d'une clause exorbitante du droit commun permettant une déduction. En outre, les références de loyers retenues par l'expert concerneraient des baux où la taxe foncière est également supportée par le preneur, en conséquence, cet abattement serait injustifié et devrait être annulé afin de ne pas lui faire subir un double abattement. Subsidiairement, si la cour devait maintenir cet abattement, le montant de celui-ci ne saurait dépasser la somme de 9.584 euros, après déduction de la taxe sur les ordures ménagères, comme l'a décidé le premier juge.
L'intimée fait valoir que le juge des loyers a appliqué une déduction correspondant à la taxe foncière réelle pour l'année 2020, soit 9.584 euros après déduction de la taxe sur les ordures ménagères, mais que cette taxe est particulièrement élevée par rapport aux surfaces concernées. À titre de comparaison, elle cite un supermarché Auchan situé à 250 mètres paie un montant similaire pour une surface cinq fois plus grande. De plus, la taxe foncière étant en constante augmentation (hausse de + 45 % sur la part communale en 2023), la déduction retenue devrait être actualisée à 13.047 euros pour 2023. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'appelante, la jurisprudence constante reconnaît que les charges transférées du bailleur au locataire doivent impacter la valeur locative. Ainsi, l'intimée demande que la déduction de la taxe foncière soit réévaluée à 13.047 euros, montant connu au jour des présentes et constituant un minimum compte tenu de la hausse constante et immanquable de cette taxe. A défaut, elle sollicite que ce correctif soit appliqué sous forme forfaitaire à hauteur de 10 % de la valeur locative (soit en l'espèce 13.460 euros).
Il est constant que le redevable fiscal de la taxe foncière est le propriétaire. La clause mettant en l'espèce cette taxe à la charge de la preneuse est donc une clause exorbitante constituant un facteur de diminution de la valeur locative. Les affirmations, au demeurant non établies, selon lesquelles cette clause serait usuelle pour le type de commerce exploité dans les lieux loués et les éléments de référence concerneraient des baux mettant à la charge du locataire le coût de la taxe foncière, sont donc inopérantes pour s'opposer à la prise en compte de ce facteur de diminution de la valeur locative.
Quant au montant à déduire, l'intimée n'est pas fondée à soutenir que la déduction relative à la taxe foncière devrait faire l'objet d'une réévaluation, dans la mesure où il convient de déterminer la valeur locative à la date de renouvellement, soit le 1er janvier 2021, de sorte que c'est bien le montant de la dernière taxe foncière connue à ce jour qu'il faut déduire, étant précisé au demeurant que le montant sollicité par l'intimée n'est pas corroboré par la pièce qu'elle produit aux débats.
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a estimé qu'il y avait lieu de déduire la somme de 9.584 euros du montant de la valeur locative au titre de la taxe foncière.
- Sur le correctif relatif aux travaux de mise en conformité
Sur le fondement de l'article précédemment cité, le premier juge, sur proposition de l'expert judiciaire, a déduit de la valeur locative un abattement de 5 % au titre de la mise à la charge de la preneuse des travaux de mise en conformité.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que les baux pris en référence par l'expert prévoient déjà cette prise en charge par le locataire, de sorte que la déduction d'un abattement à ce titre reviendrait à la prendre en compte une deuxième fois. En conséquence, aucun abattement ne devrait être appliqué. À titre subsidiaire, l'abattement de 5 % retenu par l'expert paraît excessif à l'appelante, qui en sollicite la réduction à 1 %, conformément à la jurisprudence.
L'intimée fait valoir au contraire que le taux 5 %, lui semble insuffisant compte tenu de la lourdeur croissante des normes sanitaires et d'accessibilité à respecter. À titre d'exemple, au cours du bail expiré, le locataire a dû financer l'installation d'un ascenseur pour l'accès des personnes à mobilité réduite à la partie « haute » du rez-de-chaussée. La jurisprudence admettrait un abattement plus élevé dans ce cas. La cour d'appel de Paris aurait ainsi retenu un abattement de 15 % pour un commerce alimentaire soumis à des obligations similaires. Il est donc demandé de confirmer l'application d'un correctif, mais d'augmenter l'abattement à un minimum de 8 % pour mieux refléter les contraintes spécifiques de l'activité exercée.
Les travaux de mise en conformité relevant en principe de l'obligation de délivrance pesant sur le propriétaire, un tel transfert justifie une minoration de la valeur locative. C'est donc à bon droit que le premier juge a estimé qu'il convenait de déduire un abattement de 5 % à ce titre, lequel tient compte du fait que les travaux relevant de l'article 606 du code civil sont en tout état de cause à la charge du bailleur, étant précisé, d'une part, qu'il est inopérant de la part de l'appelante de se prévaloir de la présence de cette clause dans la majorité des références retenues par l'expert, sans d'ailleurs en justifier et, d'autre part, que ni l'appelante ni l'intimée ne démontrent en quoi il conviendrait de réduire ou d'augmenter le montant de cet abattement.
Outre les deux correctifs appliqués par le premier juge, l'intimée sollicite de la cour l'application d'un correctif lié à la présence, dans le bail, d'une clause d'accession.
Sur un correctif au titre de la clause d'accession
L'article 9 du bail objet du présent litige stipule que : « Tous embellissements, améliorations et installations faits par le preneur dans les lieux loués resteront à la fin du présent bail la propriété du bailleur, sans indemnité de sa part, ce dernier se réservant le droit de demander le rétablissement des lieux dans leur état primitif aux frais du preneur ».
L'intimée fait valoir à titre reconventionnel que la clause d'accession susvisée justifierait l'application d'un abattement d'au moins 10 % sur la valeur locative.
L'appelante fait valoir que si le bail prévoit une clause d'accession sans indemnité pour les améliorations faites par le preneur et que l'intimée, en appel, demande un abattement de 10 % à ce titre, elle n'apporte aucun élément de preuve suffisante des travaux réalisés, ni qu'ils auraient modifiés la valeur locative des locaux litigieux. Aucun justificatif technique ou financier n'étant apporté, et les travaux mentionnés relevant d'une simple mise aux normes, cette demande tardive et infondée devrait être rejetée.
En l'espèce, il n'y a pas lieu de prévoir un abattement au titre de la clause d'accession, l'existence d'améliorations réalisées par le preneur n'étant pas démontrée par l'intimée et ne résultant pas des travaux qui ont pu être réalisés par celles-ci pour adapter les locaux au commerce en cause.
L'intimée sera en conséquence débouté de cette demande.
Sur la prise en considération du taux d'effort
L'intimée soutient enfin qu'il serait indispensable de prendre en considération le taux d'effort, qui correspond au rapport entre le montant annuel du loyer et le chiffre d'affaires HT réalisé dans les locaux loués, en vue d'établir la valeur locative de ces derniers, et que retenir une valeur locative de 164.000 euros, comme l'a fixé le premier juge, reviendrait à imposer à la preneuse un taux d'effort de 6,5 % ce qui serait proprement insupportable pour l'activité exercée.
Or, c'est à juste titre que l'appelante oppose à l'intimée que le taux d'effort ne constitue qu'une règle de bonne gestion, laquelle ne saurait en aucun cas être prise en considération pour la fixation de la valeur locative des locaux loués lors d'un renouvellement. La prise en compte d'un tel élément reviendrait à ajouter à la loi un élément supplémentaire de détermination de la valeur locative.
Il convient en conséquence de débouter l'intimée de cette demande.
Il ressort de l'ensemble des éléments qui précèdent qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé le montant du loyer annuel du bail renouvelé le 1er janvier 2021 à la valeur locative, soit la somme arrondie de 164.000 euros en principal (182.250 ' 9.584 - 5%), cette somme étant inférieure au montant du loyer plafond non contesté de 199.406,36 euros.
2. Sur les demandes accessoires
Il ressort de l'article R. 145-23 du code de commerce, que la compétence du juge des loyers pour trancher les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé est exclusive du prononcé d'une condamnation.
La présente procédure vise donc uniquement à fixer le montant du loyer, étant toutefois rappelé que la décision définitive fixant le montant du loyer constituera un titre exécutoire.
La cour n'ayant pas plus de pouvoirs que le juge des loyers commerciaux, il n'y a pas lieu à statuer sur la demande de condamnation développée par l'appelante. Au demeurant, le jugement étant confirmé, l'appelante n'est pas fondée à solliciter le remboursement des sommes qu'elle a versées au titre de l'exécution provisoire.
En outre, c'est à juste titre que, dans le jugement déféré, le juge des loyers, compétent en application du texte susvisé pour statuer sur les contestations relatives à la fixation du prix du bail renouvelé, a rappelé que les intérêts au taux légal sont dus sur le différentiel à restituer entre le loyer effectivement acquitté et le loyer tel que fixé par le jugement, à compter de celui-ci pour les loyers échus avant cette date, puis au fur et à mesure à chacune des échéances pour les loyers échus après cette date et qu'il a dit que les intérêts échus et dus au moins pour une année entière produiront des intérêts, en application de l'article 1343-2 du code civil.
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur ces points.
Il convient également de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.
La SCI Garic dont les demandes ont été rejetées sera condamnée à payer à la société V.H. Distribution la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel. Elle sera déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 10.000 euros fondée sur ce texte.
Les autres demandes seront rejetées
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mis à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 8 novembre 2022 (RG 20/13178) en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SCI Garic à payer à la société V.H. Distribution la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Déboute la SCI Garic de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Garic aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Maître Bellichach, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes.
La greffière, Le président,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU10 JUILLET 2025
(n° 119 /2025, 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 23/00535 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG4QE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 novembre 2022- Tribunal judiciaire de PARIS (loyers commerciaux) - RG n° 20/13178
APPELANTE
S.C.I. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE GARIC
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 26] sous le n° 443 466 305
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 19]
Représentée et assistée par Me Jean-Christophe BLANCHIN, avocat au barreau de Paris, toque : A0410, substitué à l'audience par Me Immad HAOUAS du même cabinet
INTIMÉE
S.A.R.L. VH DISTRIBUTION
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 26] sous le n° 441 757 168
Prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 16]
[Localité 18]
Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de Paris, toque : G0334
Assistée de Me Violette WAXIN de la Selas CABINET THEILLAC-CAVARROC, avocat au barreau de Paris, toque : A550
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 mars 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Xavier Blanc, président de chambre
Mme Stéphanie Dupont, conseillère
Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Xavier Blanc, président de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé en date du 27 décembre 2012, la société civile immobilière Garic (la SCI Garic) a donné à bail commercial en renouvellement à la société Motte Picquet Distribution, aux droits de laquelle est venue la société V.H Distribution, divers locaux destinés à l'activité de « supérette alimentaire et vente de tous produits généralement vendus dans ce type de commerce (...) » et dépendant d'un ensemble immobilier situé [Adresse 17], pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er octobre 2011 pour se terminer le 30 septembre 2020, moyennant un loyer annuel initial en principal de 180.000 euros hors taxes et hors charges.
En application de la clause d'indexation prévue au bail liant les parties, le loyer s'élève à la somme de 205.019,31 euros hors charges et hors taxes depuis le 1er octobre 2020.
Par acte d'huissier en date du 5 juin 2020, la SCI Garic a fait signifier à la société V.H Distribution un congé avec offre de renouvellement du bail pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2021, moyennant un loyer annuel en principal de 250.000 euros hors taxes et hors charges.
Par assignation du 21 décembre 2020, la société V.H Distribution, se prévalant des termes de son mémoire préalable du 19 octobre 2020, a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer renouvelé à la somme de 103.000 euros hors taxes et hors charges, correspondant à la valeur locative inférieure au montant du loyer plafonné et subsidiairement en désignation d'un expert judiciaire avec mission d'estimer la valeur locative.
Par mémoire en réponse notifié le 2 février 2021, la SCI Garic a sollicité la fixation du loyer du bail renouvelé le 1er janvier 2021 à la somme en principal de 200.459,28 euros par an.
Par jugement avant-dire droit du 30 mars 2021, le juge des loyers commerciaux a constaté par l'effet de la proposition de renouvellement délivrée le 5 juin 2020 et de son acceptation par la preneuse, le principe du renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2021 et ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [H] [J] aux fins de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er janvier 2021.
L'expert judiciaire a déposé son rapport au greffe le 3 février 2022, retenant une valeur locative au 1er janvier 2021 égale à la somme de 160.000 euros et un loyer plafonné de 199.406,36 euros.
Par jugement du 8 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a en substance :
fixé à la somme annuelle de 164.000 euros en principal par an le loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2021 entre la société V.H Distribution et la SCI Garic ;
dit que les arriérés des loyers échus à compter du 1er janvier 2021 porteront intérêts au taux légal à compter du jugement ;
dit que les intérêts échus et dus au moins pour une année entière produiront des intérêts, en application de l'article 1343-2 du code civil ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
partagé les dépens par moitié entre les parties, qui incluront le coût de l'expertise judiciaire ;
débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 20 décembre 2022, la SCI Garic a interjeté appel du jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 février 2025.
MOYENS ET PRETENTIONS
Aux termes de ses conclusions notifiées le 13 mai 2024, la SCI Garic, appelante, demande à la cour de :
réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
fixé à la somme annuelle de 164.000 euros en principal par an, le loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2021 ;
dit que les arriérés de loyers échus à compter du 1er janvier 2021 porteront intérêts au taux légal, à compter du présent jugement ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
partagé les dépens par moitié entre les parties, qui incluront le coût de l'expertise judiciaire ;
débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
débouter la société V.H Distribution de son appel incident et de toutes ses demandes ;
Et statuant à nouveau :
fixer le loyer annuel du bail renouvelé à effet du 1er janvier 2021, à la somme hors taxes et hors charges de 199.406,36 euros par an en principal, les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées, sauf modifications législatives ou réglementaires ;
condamner la société V.H Distribution à rembourser à la SCI Garic, la somme de 115.743,37 euros versée au titre de l'exécution provisoire du jugement du 8 novembre 2022, avec intérêt au taux légal à compter du 7 février 2023 ;
dire que les intérêts des arriérés de loyer échus à compter du 1er janvier 2021 porteront intérêts au taux légal à compte de chaque échéance trimestrielle ;
dire que les intérêts échus et dus au moins pour une année entière produiront des intérêts en application de l'article 1.343-2 du code civil ;
condamner la société V.H Distribution aux entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;
condamner la société V.H Distribution au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 21 novembre 2023, la société V.H Distribution, intimée, demande à la cour de :
débouter la SCI Garic de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
recevoir l'intimée en son appel incident,
infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2021 à la somme de 164.000 euros par an en principal ;
débouté la société V.H Distribution de sa demande de condamnation de la bailleresse SCI Garic au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ordonné le partage des dépens incluant les frais d'expertise par moitié entre les deux parties ;
Ce faisant,
fixer le loyer à 97.000 € HT HC (quatre-vingt-dix-sept mille euros hors taxes hors charges) par an à compter du 1er janvier 2021, avec intérêts au taux légal sur le trop-perçus depuis cette date, à compter de chaque échéance, outre capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
condamner la bailleresse à régler à la société V.H Distribution une somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société bailleresse en tous les dépens de première instance et d'appel, en ce compris la totalité des frais d'expertise, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRET
Il est constant que la SCI Garic et la société V.H Distribution se sont accordées sur le renouvellement du contrat de bail les liant, à compter du 1er janvier 2021.
En revanche, elles sont en désaccord sur le montant du loyer du bail ainsi renouvelé.
Sur le montant du loyer du bail renouvelé
Selon l'article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative, qui doit être déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Par ailleurs, il résulte de l'article L. 145-34 du même code, qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés à l'article L. 145-33 1° à 4°, le taux de variation du loyer du bail renouvelé, dont la durée n'excède pas neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré et qu'en cas de valeur locative inférieure au plafond fixé par ce texte, c'est cette valeur locative qui s'applique et non le loyer plafond résultant de l'application de l'indice.
En l'espèce, la locataire estime que la valeur locative des locaux, objet du bail en cause, est inférieure au loyer plafond, réclamant la fixation du loyer du bail renouvelé à ladite valeur locative, tandis que la bailleresse estime que cette valeur locative est supérieure au loyer plafond pour solliciter, en l'absence de cause de déplafonnement, la fixation du loyer du bail renouvelé au plafond, dont le montant de 199.406,36 euros en principal n'est pas discuté par les parties.
Sur la valeur locative en renouvellement
La détermination de la valeur locative définie à l'article L. 145-33 du code de commerce se fait conformément aux dispositions des articles R. 145-2 et suivants du même code.
Selon l'article R. 145-3 du code précité, 'les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.'
Sur l'emplacement et les caractéristiques du bien loué
L'appelante soutient que les locaux loués sont situés dans un quartier commerçant et peuplé du [Localité 7], à proximité du métro, que leur emplacement est très favorable, avec une clientèle à fort pouvoir d'achat, l'expert ayant relevé une bonne commercialité, ainsi qu'une très bonne situation géographique, que l'installation d'un supermarché Monoprix à proximité n'aurait pas d'impact sur la valeur locative des locaux en cause et au contraire viendrait illustrer la bonne commercialité du quartier, que de plus, les locaux de 501,65 m2U, bien aménagés et accessibles, présenteraient une configuration certes irrégulière, mais compensée par un agencement optimisé, l'aire de vente située en rez-de-chaussée « haut » étant facilement accessible par deux escaliers et un élévateur pour personnes à mobilité réduite.
L'intimée fait valoir au contraire que les locaux loués se situent au sein d'un emplacement de commercialité moyenne, fréquenté par une clientèle de quartier, peu animé le soir et le week-end en l'absence de tout pôle attractif particulier et n'offrant que peu de perspectives de développement au commerce exercé, que la qualité de l'emplacement telle que décrite par l'expert devrait être relativisée compte tenu du fait que dans le secteur proche, on peut relever la présence de plusieurs supermarchés ou magasins d'alimentation, que le commerce de la société V.H Distribution aurait connu une perte de chiffre d'affaires au cours de l'épidémie de Covid 19 et ce, en raison de son emplacement au sein d'une zone touristique et de bureaux qui ont été et sont toujours, désertés en raison notamment du télétravail, que le linéaire de façade présenté comme important par l'expert judiciaire serait en réalité habituel, voir faible comparé aux supermarchés voisins, que la situation légèrement en retrait par rapport à la façade amoindrirait substantiellement leur visibilité du fait de la présence de balcons situés en surplomb, que les locaux situés à « l'entresol » en fond de boutique pâtiraient d'une hauteur sous plafond particulièrement faible et seraient très peu fréquentés par la clientèle, utilisant en outre très peu le monte-charge. L'intimée estime en conséquence qu'il devra être tenu compte de ces différents éléments dans la détermination de la valeur locative des locaux en cause.
En l'espèce, par des motifs pertinents et détaillés, que la cour adopte, le tribunal a rappelé les constats opérés par l'expert concernant l'emplacement et les caractéristiques des locaux, soulignant notamment leur bonne situation géographique dans un quartier mixte d'habitation, de commerces et de bureaux, doté d'une population à fort pouvoir d'achat, dans une large artère arborée à double sens de circulation automobile et à proximité d'une station de métro desservi par trois lignes. Leur configuration comprend deux niveaux : un rez-de-chaussée et un rez-de-chaussée « haut » accessible par deux escaliers de sept marches et un élévateur pour personnes à mobilité réduite, ces deux niveaux proposant deux aires de vente accessibles à la clientèle, outre des locaux sociaux, des vestiaires, des WC, une réserve, des chambres froides positive et négative, un local de cuisson et des locaux techniques.
Le premier juge a en outre relevé que selon l'expert, l'ensemble des locaux est en état d'usage et la configuration des lieux est irrégulière.
Au vu des éléments qui précèdent, en l'absence de moyens nouveaux développés en cause d'appel, et après examen des pièces soumises à son appréciation, la cour retient que le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, en estimant à juste titre que la locataire ne justifiait pas de la qualité moyenne de la commercialité de l'emplacement et ne démontrait pas davantage avoir subi une baisse de chiffre d'affaires du fait de l'épidémie de Covid 19, étant surabondamment relevé par la cour que l'expert a noté la très bonne adéquation entre l'emplacement des locaux et l'activité de supermarché qui y est exercée.
Sur la pondération des surfaces
L'expert, approuvé par le premier juge, a appliqué deux méthodes pour déterminer la surface pondérée des locaux, aboutissant à une surface de 369 m²P par application de la méthode « base moyenne surface » et une surface de 240 m²B par application de la méthode « base boutique ».
L'appelante et l'intimée contestent ces résultats, étant précisé qu'elles ne discutent pas la surface utile totale des locaux de 501,65 m2, retenue par le premier juge et calculée par l'expert sur la base d'un certificat de surface privative du cabinet AUDIT DTI.
Concernant la surface obtenue par l'application de la méthode « moyenne surface », l'appelante critique l'abattement de 40 % appliqué à l'aire de vente situé en rez-de-chaussée « haut », jugé excessif, alors que selon ladite méthode, la totalité de la surface de vente située au rez-de-chaussée est normalement pondérée à 1. Si l'appelante admet qu'il n'est pas contestable de devoir pondérer la surface située au rez-de-chaussée « haut » par rapport à celle situé au rez-de-chaussée, elle devrait se voir appliquer un coefficient de 0,80 plutôt que 0,60, car ladite surface est visible et accessible depuis la surface de vente du rez-de-chaussée et se situe dans son prolongement, d'autant que de surcroît, elle se distingue d'un entresol ou d'un vrai premier étage. L'application de ce coefficient porterait la surface totale pondérée à 387 m²P au lieu de la surface de 369 m2P proposée par l'expert et retenue par le juge.
Au soutien de ses prétentions, l'intimée fait valoir qu'il convient de se référer aux préconisations de la Nouvelle Méthode Générale de Pondération (MGP) et estime, sur cette base, que les coefficients de 0,30 et 0,20 respectivement appliqués par l'expert aux locaux sociaux et au dégagement de la sortie de secours situés au rez-de-chaussée, seraient trop élevés et qu'il conviendrait de leur appliquer les coefficients de 0,20 et 0,10. De même, le coefficient de 0,60 pour l'aire de vente située en rez-de-chaussée « haut » devrait être abaissé à 0,40 et la pondération du surplus des locaux situés au même niveau devrait être abaissée à 0,15 eu lieu de 0,25, dans la mesure où selon la MGP, les locaux situés en étage se pondèrent entre 0,40 et 0,50 et en mezzanine entre 0,30 et 0,40 et que les « annexes diverses reliées » se pondèrent entre 0,10 et 0,20 et les locaux techniques entre 0 et 0,10 lorsqu'elles se trouvent en étage. Cela porterait la surface pondérée avec la méthode « moyenne surface » à 337 m2P au lieu de 369 m2P.
En l'espèce, en l'absence de moyens nouveaux développés en cause d'appel et après examen des éléments de faits ainsi que des pièces soumises à son appréciation, la cour retient que le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause en estimant que les locaux sociaux, aménagés et reliés à l'aire de vente, et le dégagement de la sortie de secours situés au rez-de-chaussée, accessibles à la clientèle, justifiaient d'adopter la fourchette haute préconisée par la MGP, soit les coefficients de 0,30 pour les premiers et 0,20 pour le second, l'intimée ne démontrant pas qu'il y ait lieu d'adopter des coefficients plus bas. Le premier juge doit également être approuvé pour avoir adopté le coefficient de 0,60 pour l'aire de vente située au rez-de-chaussée « haut » et le coefficient de 0,25 pour le surplus des surfaces situées au même niveau, sans qu'il soit justifié ni de les baisser, ni de les augmenter. En effet, si ce niveau ne correspond pas à un véritable premier étage ou un entresol, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les coefficients normalement préconisés pour ces étages, il n'en demeure pas moins vrai qu'il est nécessaire de gravir sept marches ou d'emprunter un monte-charge pour atteindre cette surface, rendant son accès moins fluide. En conséquence, il y a lieu de confirmer les coefficients adoptés par le premier juge, qui sera approuvé pour avoir retenu la surface totale de 369 m2P par application de ladite méthode.
Concernant la surface obtenue par l'application de la méthode « boutique », l'appelante soutient que la MGP laisse un pouvoir souverain d'appréciation aux experts pour pondérer chaque zone d'une aire de vente et entend contester les coefficients ainsi proposés par l'expert judiciaire et approuvés par le premier juge pour la zone 2 située au rez-de-chaussée et l'aire de vente située en rez-de-chaussée « haut ». Pour la zone 2, située entre 5 et 10 mètres à partir de la vitrine au rez-de-chaussée, une pondération de 1 devrait selon l'appelante être adoptée au lieu de 0,80, dans la mesure où cette zone est aussi importante que la zone 1 dans l'activité de supérette, sachant en outre qu'en l'espèce, la configuration des lieux fait que la zone 1 est consacrée au snacking, au bar à salade et à l'espace caisses, de sorte que l'activité de supérette ne commence réellement qu'en zone 2. Pour ce qui est du rez-de-chaussée « haut », une pondération de 0,40 au lieu de 0,30 devrait être adoptée, car cet espace se situe dans le prolongement de la zone de vente principale et sa commercialité est supérieure à une zone de vente qui se trouverait en premier étage ou en premier sous-sol. Ainsi, la surface pondérée en base « boutique » devrait être portée à 256 m²B au lieu de 240 m2B, surface retenue par l'expert et adoptée par le premier juge.
L'intimée estime pour sa part que l'expert, approuvé par le juge, n'aurait pas fait correctement application des préconisations de la MGP. Selon elle, rien ne justifierait d'écarter ces dernières et elle estime qu'il conviendrait d'adopter le coefficient de 0,30 pour les locaux situés au rez-de-chaussée en zone 4, le coefficient de 0,25 pour les locaux sociaux compte tenu de leur faible surface et de leur usage, et enfin le coefficient de 0,10 pour le dégagement et l'issue de secours. Pour ce qui est, enfin, du rez-de-chaussée « haut », le coefficient de 0,25 pour le surplus des locaux devrait être baissé à 0,20, toujours selon la MGP qui préconise de pondérer les « annexes diverses reliées en étages » entre 0,10 et 0,20. La surface pondérée avec la méthode « boutique » serait ainsi ramenée à 224 m²B au lieu de 240 m2B.
En l'espèce, au vu de ce qui précède, la cour retient que le premier juge, par des motifs précis et détaillés auxquels elle renvoie, a fait une exacte appréciation des éléments de faits et des pièces à lui soumises, au regard du type d'activité exercée et des explications pertinentes données par l'expert judiciaire.
Il sera simplement ajouté que, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'activité en zone 1, fût -elle consacrée au snacking, au bar à salade et à l'espace caisses, n'en demeure pas moins une activité de vente de produits alimentaires « et vente de tous produits généralement vendus dans ce type de commerce » et que l'activité de vente de produits d'épicerie au rez-de-chaussée haut ne justifie pas l'application d'un coefficient 1 , dès lors que la clientèle doit gravir sept marches pour y accéder, et ce, alors qu'il s'agit d'un commerce où la clientèle est généralement chargée de marchandises.
En conséquence, il convient d'approuver le premier juge d'avoir retenu les coefficients de pondération proposés par l'expert judiciaire et d'avoir estimé la surface à 240 m2B par application de la méthode « boutique ».
Sur les références de loyers
Selon l'article R. 145-7 du code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage par unité de surface permettant de déterminer la valeur locative du loyer du bail renouvelé, concernent des locaux équivalents eu égard aux caractéristiques propres au local, à la destination des lieux autorisée par le bail et aux facteurs locaux de commercialité pour le commerce considéré. A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Concernant l'estimation de la valeur locative en base « moyenne surface », l'expert propose neuf éléments de comparaison comprenant des locations nouvelles, des renouvellements amiables et des fixations judiciaires, pour retenir un prix unitaire de 500 euros/m2P que les parties contestent. A la demande de la preneuse, l'expert judiciaire a également pris en considération quatre références complémentaires relatives à des fixations judiciaires intervenues dans les 7ème et 15ème arrondissements de [Localité 26] entre 2008 et 2017.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir qu'après analyse des seules références retenues par l'expert lui paraissant pertinentes, comme étant à la fois proches du bail en cause en terme de date de prise d'effet, de situation géographique et de commercialité des emplacements, il conviendrait selon elle d'ajuster la valeur locative au mètre carré pondéré en base « moyenne surface » à 550 euros/m²P, estimation qui se trouve corroborée par le rapport amiable de M. [I] qu'elle verse aux débats, portant ainsi la valeur locative totale avant correctifs à la somme de 212.850 euros (550 euros/m2P x 387m2P).
L'intimée considère que l'estimation de l'expert est discutable, le prix de 500 euros/m²P lui semblant surestimé compte tenu de l'emplacement et de l'activité exercée dans les locaux, les références citées par l'expert étant éloignées, certaines étant particulièrement lointaines comme étant à plus de quatre kilomètres. Compte tenu des disparités au sein des arrondissement de la capitale et faute d'éléments de comparaison proches, l'intimée estime justifié de ne retenir que la seule référence citée par l'expert et située dans le même arrondissement - au [Adresse 14] - où un prix de 400 euros/m²P a été fixé judiciairement. A titre complémentaire, elle cite de nouveau les quatre références de fixations judiciaires dans les 15ème et 7ème arrondissements avec des activités similaires, déjà prise en considération à sa demande par l'expert, lesquelles confirmeraient qu'un maximum de 400 euros/m²P en base « moyenne surface » serait plus approprié.
La cour rappelle que pour déterminer la valeur locative conformément aux textes précédemment cités, il importe de ne pas se contenter d'un nombre trop restreint de références, étant préférable d'élargir le choix des éléments de comparaison afin d'apprécier l'attractivité de l'emplacement tout en procédant aux corrections nécessaires pour tenir compte de l'activité, des caractéristiques des locaux et du bail en cause.
Au titre d'éléments de comparaison relatifs à des commerces au voisinage du [Localité 9], situés dans des axes de commercialité comparable, l'expert a fourni les références suivantes :
- Trois locations nouvelles :
[Adresse 27] [Localité 20] [Adresse 1] : bail à compter du 1er août 2017, supermarché Franprix de 800 m2P, à environ 200 mètres du métro [Localité 24] militaire, au loyer reconstitué de 365 euros/m2P ;
[Localité 28] [Adresse 6] : bail à compter du 1er mai 2014, supermarché Monop' de 400 m2P à environ 500 mètres du métro Gaité, au loyer de 538 euros/m2P ;
[Localité 31] [Adresse 5] : bail à compter du 1er juillet 2014, supermarché Monop' de 465 m2P au voisinage immédiat du [Adresse 21], au loyer de 710 euros/m2P.
- Trois renouvellements amiables :
[Localité 31] [Adresse 11] : bail renouvelé au 1er janvier 2011, supermarché Franprix de 387 m2/P à env. 300 mètres du métro Trocadéro, au loyer de 413 euros/m2P ;
[Localité 30] [Adresse 4] : bail renouvelé au 1er janvier 2019, supermarché [Adresse 22], à env. 100 mètres du métro Lourmel, d'une surface de 830,13 m2P, au loyer de 657 euros/m2 ;
[Localité 31] [Adresse 13] : bail renouvelé au 1er janvier 2019, Supermarché G20, de 277 m2P, au voisinage de la [Adresse 35], au loyer de 770 euros/m2.
- Trois fixations judiciaires :
[Localité 28] [Adresse 3] : bail renouvelé à compter du 1er janvier 2014, supermarché Carrefour City de 247,80 m2P, à env. 200 mètres de la Gare [25], pour un loyer en renouvellement de 350 euros/m2 ;
[Localité 32] [Adresse 12] : bail renouvelé à compter du 1er janvier 2016, supermarché [Adresse 23] de 1.133 m2P, à env. 500 mètres du métro Ternes, au loyer en renouvellement de 360 euros/m2P ;
[Localité 30] [Adresse 14] : bail révisé au 24 avril 2009, supermarché Dia de 306 m2P, à env. 600 mètres du métro [Localité 33], pour un loyer révisé de 400 euros/m2.
C'est par des motifs précis et pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge a retenu un prix unitaire de 500 euros/m2P approuvant en cela les propositions de l'expert judiciaire en base « moyenne surface », au regard de l'ensemble des éléments énoncés ci-dessus, des caractéristiques, de la destination et de l'emplacement des lieux loués, des valeurs de références précitées, appréciées en tenant compte de la date de prise d'effet des baux considérés, de la situation des locaux, de leur surface, de l'activité et des caractéristiques des locaux.
Contrairement à ce que soutient l'intimée, il n'y a pas lieu d'écarter a priori des références situées dans un périmètre plus éloigné du commerce considéré, dès lors qu'elles apparaissent pertinentes en termes de comparaison au regard notamment de la nature du commerce exercé, d'une commercialité équivalente du quartier ou des caractéristiques des locaux.
C'est donc à bon droit que le premier juge a fixé à 184.500 euros le montant annuel de la valeur locative en base « moyenne surface » (500 euros/m2P x 369 m2P).
Concernant l'estimation de la valeur locative en base « boutique », l'expert propose neuf éléments de comparaison comprenant, comme précédemment, des locations nouvelles, des renouvellements amiables et des fixations judiciaires, ainsi que cinq références complémentaires de renouvellements amiables et une location nouvelle dans un secteur proche, à la demande de la preneuse durant les opérations d'expertise, pour retenir un prix unitaire de 750 euros/m2B, que les parties contestent.
Selon l'appelante, la référence la plus pertinente parmi celles proposées par l'expert serait celle du [Adresse 15] à [Localité 29], qui se porte à 897 euros/m²B, qu'elle propose d'ajuster à 850 euros/m²B, les autres références citées dans le rapport d'expertise judiciaire étant jugées trop anciennes et les références citées par l'intimée étant considérées comme trop éloignées en termes d'activité, d'emplacement et de surface, ce qui porterait la valeur locative totale à la somme de 217.600 euros (850 euros/m2B x 256m2B) en base « boutique ». La moyenne des deux estimations permettrait ainsi de fixer la valeur locative des locaux en cause à 215.225 euros avant correctifs.
L'intimée fait valoir pour sa part, que le prix de 750 euros/m²B retenu par l'expert serait au contraire un peu élevé compte tenu de l'emplacement et de l'activité exercée. De plus, l'une des références citées par l'expert incluant un droit d'entrée, il conviendrait de l'écarter. La moyenne des huit autres références proposées par l'expert s'élevant à 605,50 euros/m²B, l'intimée estime qu'elle se trouve bien en-dessous de celle finalement retenue à hauteur de 750 euros/m2B et entend mettre de nouveau en avant les cinq références situées dans un secteur proche et déjà proposées en cours d'expertise, dont il ressortirait qu'un prix unitaire « boutique » de 600 euros/m²B constituerait un maximum.
Il convient de rappeler, ainsi qu'il a déjà été indiqué ci-dessus, que pour déterminer la valeur locative conformément aux textes précédemment cités, il importe de ne pas se contenter d'un nombre trop restreint de références, étant préférable d'élargir le choix des éléments de comparaison, afin d'apprécier l'attractivité de l'emplacement tout en procédant aux corrections nécessaires pour tenir compte des caractéristiques des locaux et du bail en cause. Il ne saurait donc être fait droit à la prétention de l'appelante, consistant à ne se prévaloir que d'une référence en vue de fixer la valeur locative des locaux en cause, en base « boutique ».
En outre, à titre d'éléments de comparaison relatifs à des boutiques situées pour la plupart dans le [Localité 8] arrondissement, sur des axes de commercialité comparable, l'expert a retenu à juste titre les références suivantes, outre les six références proposées par la preneuse :
- deux locations nouvelles situées dans le [Localité 8] et le 7ème arrondissement, à proximité des lieux loués, respectivement relatives à des activités de restauration rapide et de vente d'articles de sport, d'une surface de 116 et 31 m2B, pour des loyers de 728 euros/m2B reconstitué pour tenir compte d'un droit d'entrée et de 851 euros/m2B ;
- trois renouvellements amiables relatifs à des commerces situés dans le [Localité 10], dont deux [Adresse 34], concernant des commerces de restauration, d'agence bancaire et de tabac, dont les surfaces sont respectivement de 58 m2B, 65,70 m2B et 28,10 m2B et dont les prix vont de 475 à 897 euros/m2B ;
- quatre fixations judiciaires relatives à des boutiques situées dans le [Localité 8] arrondissement, concernant des commerces de teinturerie-pressing, de pharmacie et deux agences bancaires, dont les surfaces se situent entre 69,25 m2B et 174,74 m2B et dont les loyers en renouvellement vont de 450 à 550 euros/m2B.
En l'absence de moyens nouveaux développés en cause d'appel et, au regard des caractéristiques, de la destination et de l'emplacement des lieux loués, des valeurs de références précitées, appréciées en tenant compte de la date de prise d'effet des baux considérés, de la situation des locaux, de leur surface, de l'activité et des caractéristiques des locaux, il convient de se référer à la motivation du jugement déféré que la cour fait sienne, selon laquelle l'expert a retenu à juste titre un prix unitaire de 750 /m2B en base « boutique », le jugement déféré ayant déjà à bon droit répondu aux contestations des parties, lesquelles ne démontent pas plus en cause d'appel qu'en premier instance le caractère sous-évalué ou surévalué de la valeur locative ainsi calculée.
C'est donc à juste titre que le premier juge a fixé à 180.000 euros le montant annuel de la valeur locative en base « boutique » des locaux en cause (750 euros/m2B x 240 m2B).
Ainsi, il convient d'approuver le premier juge pour avoir fixé la valeur locative des lieux loués à la somme annuelle de 182.250 euros avant correctif correspondant à la moyenne des deux valeurs retenues ci-dessus (184.500 euros et 180.000 euros).
Sur les correctifs
Selon l'article R. 145-8 du code de commerce : ' Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.'
Le premier juge, suivant les recommandations de l'expert, a appliqué à la valeur locative ci-dessus fixée plusieurs correctifs au titre des charges attachées à la qualité de propriétaire, mais transférées sur la preneuse par des clauses du bail, relatives à la taxe foncière, sous forme d'une déduction au réel et relative aux travaux de mise en conformité, sous forme d'un abattement de 5 %.
L'appelante et l'intimée contestent ces correctifs ainsi que leurs montants.
Sur le correctif relatif à la taxe foncière
Sur le fondement du texte précité, le premier juge, sur proposition de l'expert judiciaire, a déduit de la valeur locative la somme de 13.516 euros au titre de la taxe foncière 2020, à laquelle la somme de 3.932 euros a été réintégrée au titre de la taxe sur les ordures ménagères, qui correspond à un service dont seule la preneuse bénéficie. Ainsi, à ce titre, c'est un montant de 9.584 euros qui a été déduit de la valeur locative par le premier juge (13.516 ' 3.932).
L'appelante conteste la déduction relative à la taxe foncière refacturée par la bailleresse à la preneuse. Elle soutient que cette refacturation de la taxe foncière est une pratique systématique dans les baux commerciaux parisiens, notamment ceux destinés aux supérettes et qu'il ne s'agit dès lors pas d'une clause exorbitante du droit commun permettant une déduction. En outre, les références de loyers retenues par l'expert concerneraient des baux où la taxe foncière est également supportée par le preneur, en conséquence, cet abattement serait injustifié et devrait être annulé afin de ne pas lui faire subir un double abattement. Subsidiairement, si la cour devait maintenir cet abattement, le montant de celui-ci ne saurait dépasser la somme de 9.584 euros, après déduction de la taxe sur les ordures ménagères, comme l'a décidé le premier juge.
L'intimée fait valoir que le juge des loyers a appliqué une déduction correspondant à la taxe foncière réelle pour l'année 2020, soit 9.584 euros après déduction de la taxe sur les ordures ménagères, mais que cette taxe est particulièrement élevée par rapport aux surfaces concernées. À titre de comparaison, elle cite un supermarché Auchan situé à 250 mètres paie un montant similaire pour une surface cinq fois plus grande. De plus, la taxe foncière étant en constante augmentation (hausse de + 45 % sur la part communale en 2023), la déduction retenue devrait être actualisée à 13.047 euros pour 2023. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'appelante, la jurisprudence constante reconnaît que les charges transférées du bailleur au locataire doivent impacter la valeur locative. Ainsi, l'intimée demande que la déduction de la taxe foncière soit réévaluée à 13.047 euros, montant connu au jour des présentes et constituant un minimum compte tenu de la hausse constante et immanquable de cette taxe. A défaut, elle sollicite que ce correctif soit appliqué sous forme forfaitaire à hauteur de 10 % de la valeur locative (soit en l'espèce 13.460 euros).
Il est constant que le redevable fiscal de la taxe foncière est le propriétaire. La clause mettant en l'espèce cette taxe à la charge de la preneuse est donc une clause exorbitante constituant un facteur de diminution de la valeur locative. Les affirmations, au demeurant non établies, selon lesquelles cette clause serait usuelle pour le type de commerce exploité dans les lieux loués et les éléments de référence concerneraient des baux mettant à la charge du locataire le coût de la taxe foncière, sont donc inopérantes pour s'opposer à la prise en compte de ce facteur de diminution de la valeur locative.
Quant au montant à déduire, l'intimée n'est pas fondée à soutenir que la déduction relative à la taxe foncière devrait faire l'objet d'une réévaluation, dans la mesure où il convient de déterminer la valeur locative à la date de renouvellement, soit le 1er janvier 2021, de sorte que c'est bien le montant de la dernière taxe foncière connue à ce jour qu'il faut déduire, étant précisé au demeurant que le montant sollicité par l'intimée n'est pas corroboré par la pièce qu'elle produit aux débats.
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a estimé qu'il y avait lieu de déduire la somme de 9.584 euros du montant de la valeur locative au titre de la taxe foncière.
- Sur le correctif relatif aux travaux de mise en conformité
Sur le fondement de l'article précédemment cité, le premier juge, sur proposition de l'expert judiciaire, a déduit de la valeur locative un abattement de 5 % au titre de la mise à la charge de la preneuse des travaux de mise en conformité.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que les baux pris en référence par l'expert prévoient déjà cette prise en charge par le locataire, de sorte que la déduction d'un abattement à ce titre reviendrait à la prendre en compte une deuxième fois. En conséquence, aucun abattement ne devrait être appliqué. À titre subsidiaire, l'abattement de 5 % retenu par l'expert paraît excessif à l'appelante, qui en sollicite la réduction à 1 %, conformément à la jurisprudence.
L'intimée fait valoir au contraire que le taux 5 %, lui semble insuffisant compte tenu de la lourdeur croissante des normes sanitaires et d'accessibilité à respecter. À titre d'exemple, au cours du bail expiré, le locataire a dû financer l'installation d'un ascenseur pour l'accès des personnes à mobilité réduite à la partie « haute » du rez-de-chaussée. La jurisprudence admettrait un abattement plus élevé dans ce cas. La cour d'appel de Paris aurait ainsi retenu un abattement de 15 % pour un commerce alimentaire soumis à des obligations similaires. Il est donc demandé de confirmer l'application d'un correctif, mais d'augmenter l'abattement à un minimum de 8 % pour mieux refléter les contraintes spécifiques de l'activité exercée.
Les travaux de mise en conformité relevant en principe de l'obligation de délivrance pesant sur le propriétaire, un tel transfert justifie une minoration de la valeur locative. C'est donc à bon droit que le premier juge a estimé qu'il convenait de déduire un abattement de 5 % à ce titre, lequel tient compte du fait que les travaux relevant de l'article 606 du code civil sont en tout état de cause à la charge du bailleur, étant précisé, d'une part, qu'il est inopérant de la part de l'appelante de se prévaloir de la présence de cette clause dans la majorité des références retenues par l'expert, sans d'ailleurs en justifier et, d'autre part, que ni l'appelante ni l'intimée ne démontrent en quoi il conviendrait de réduire ou d'augmenter le montant de cet abattement.
Outre les deux correctifs appliqués par le premier juge, l'intimée sollicite de la cour l'application d'un correctif lié à la présence, dans le bail, d'une clause d'accession.
Sur un correctif au titre de la clause d'accession
L'article 9 du bail objet du présent litige stipule que : « Tous embellissements, améliorations et installations faits par le preneur dans les lieux loués resteront à la fin du présent bail la propriété du bailleur, sans indemnité de sa part, ce dernier se réservant le droit de demander le rétablissement des lieux dans leur état primitif aux frais du preneur ».
L'intimée fait valoir à titre reconventionnel que la clause d'accession susvisée justifierait l'application d'un abattement d'au moins 10 % sur la valeur locative.
L'appelante fait valoir que si le bail prévoit une clause d'accession sans indemnité pour les améliorations faites par le preneur et que l'intimée, en appel, demande un abattement de 10 % à ce titre, elle n'apporte aucun élément de preuve suffisante des travaux réalisés, ni qu'ils auraient modifiés la valeur locative des locaux litigieux. Aucun justificatif technique ou financier n'étant apporté, et les travaux mentionnés relevant d'une simple mise aux normes, cette demande tardive et infondée devrait être rejetée.
En l'espèce, il n'y a pas lieu de prévoir un abattement au titre de la clause d'accession, l'existence d'améliorations réalisées par le preneur n'étant pas démontrée par l'intimée et ne résultant pas des travaux qui ont pu être réalisés par celles-ci pour adapter les locaux au commerce en cause.
L'intimée sera en conséquence débouté de cette demande.
Sur la prise en considération du taux d'effort
L'intimée soutient enfin qu'il serait indispensable de prendre en considération le taux d'effort, qui correspond au rapport entre le montant annuel du loyer et le chiffre d'affaires HT réalisé dans les locaux loués, en vue d'établir la valeur locative de ces derniers, et que retenir une valeur locative de 164.000 euros, comme l'a fixé le premier juge, reviendrait à imposer à la preneuse un taux d'effort de 6,5 % ce qui serait proprement insupportable pour l'activité exercée.
Or, c'est à juste titre que l'appelante oppose à l'intimée que le taux d'effort ne constitue qu'une règle de bonne gestion, laquelle ne saurait en aucun cas être prise en considération pour la fixation de la valeur locative des locaux loués lors d'un renouvellement. La prise en compte d'un tel élément reviendrait à ajouter à la loi un élément supplémentaire de détermination de la valeur locative.
Il convient en conséquence de débouter l'intimée de cette demande.
Il ressort de l'ensemble des éléments qui précèdent qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé le montant du loyer annuel du bail renouvelé le 1er janvier 2021 à la valeur locative, soit la somme arrondie de 164.000 euros en principal (182.250 ' 9.584 - 5%), cette somme étant inférieure au montant du loyer plafond non contesté de 199.406,36 euros.
2. Sur les demandes accessoires
Il ressort de l'article R. 145-23 du code de commerce, que la compétence du juge des loyers pour trancher les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé est exclusive du prononcé d'une condamnation.
La présente procédure vise donc uniquement à fixer le montant du loyer, étant toutefois rappelé que la décision définitive fixant le montant du loyer constituera un titre exécutoire.
La cour n'ayant pas plus de pouvoirs que le juge des loyers commerciaux, il n'y a pas lieu à statuer sur la demande de condamnation développée par l'appelante. Au demeurant, le jugement étant confirmé, l'appelante n'est pas fondée à solliciter le remboursement des sommes qu'elle a versées au titre de l'exécution provisoire.
En outre, c'est à juste titre que, dans le jugement déféré, le juge des loyers, compétent en application du texte susvisé pour statuer sur les contestations relatives à la fixation du prix du bail renouvelé, a rappelé que les intérêts au taux légal sont dus sur le différentiel à restituer entre le loyer effectivement acquitté et le loyer tel que fixé par le jugement, à compter de celui-ci pour les loyers échus avant cette date, puis au fur et à mesure à chacune des échéances pour les loyers échus après cette date et qu'il a dit que les intérêts échus et dus au moins pour une année entière produiront des intérêts, en application de l'article 1343-2 du code civil.
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur ces points.
Il convient également de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.
La SCI Garic dont les demandes ont été rejetées sera condamnée à payer à la société V.H. Distribution la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel. Elle sera déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 10.000 euros fondée sur ce texte.
Les autres demandes seront rejetées
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mis à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 8 novembre 2022 (RG 20/13178) en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SCI Garic à payer à la société V.H. Distribution la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Déboute la SCI Garic de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Garic aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Maître Bellichach, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes.
La greffière, Le président,