CA Nîmes, 2e ch. C, 10 juillet 2025, n° 24/02333
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/02333 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JIHX
LM
PRESIDENT DU TJ DE [Localité 9]
12 juin 2024 RG :24/00130
[Y]
C/
S.C.I. STECOM
Copie exécutoire délivrée
le
à : Me Srogosz
Me Hild
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section C
ARRÊT DU 10 JUILLET 2025
Décision déférée à la cour : Ordonnance du Président du TJ de [Localité 9] en date du 12 Juin 2024, N°24/00130
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme L. MALLET, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
L. MALLET, Conseillère
S. IZOU, Conseillère
A. BERGER, Conseillère
GREFFIER :
Mme C.DELCOURT, Greffière, lors des débats et Mme V. LAURENT-VICAL lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Mars 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Juin 2025 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
M. [R] [Y]
né le 07 Octobre 1956 à [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par Me Fabrice SROGOSZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉE :
S.C.I. STECOM immatriculée au RCS de [Localité 13] sous le n° 430 421 339 prise en la personne de son gérant en exercice, M. [X] [T]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Valérie HILD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
Affaire fixée en application des dispositions de l'ancien article 905 du code de procédure civile
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme L. MALLET, Conseillère, le 10 Juillet 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 24 février 2017, la SCI Stecomd a donné à bail à M. [R] [Y], garagiste, des locaux sis [Adresse 1], moyennant un loyer mensuel de 1900 euros HT soit 2 280 € TTC.
Au dernier état des relations contractuelles, le loyer mensuel était de 2250 euros TTC, outre 135 euros de taxe foncière.
Faute de paiement des loyers depuis 1er janvier 2024, la SCI Stecomd, par courrier recommandé du 22 mars 2024 non retiré, mettait en demeure M. [R] [Y] de régler sous quinzaine la somme de 7 965 euros représentant trois mois de loyers.
Par acte du 29 avril 2024, la SCI Stecomd a fait assigner en référé M. [R] [Y] devant le président du tribunal judiciaire de Carpentras pour obtenir :
- l'application de la clause résolutoire;
- l'expulsion de M. [R] [Y] ainsi que celle de tous occupants de son chef, du local, au besoin avec le concours de la force publique et l'aide d'un serrurier ;
- le paiement à titre provisionnel de la somme de 10 620 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et accessoires exigibles depuis le 1er janvier 2024, avec intérêts au taux légal ;
- le paiement d'une indemnité d'occupation établie sur la base du dernier loyer de 2520 euros TTC majoré de 1,5 fois, soit 3780 euros/mois à laquelle s'ajouteront les charges ;
- l'acquisition à titre provisionnel du dépôt de garantie ;
- le paiement de la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le paiement des entiers dépens en ce compris les frais de délivrance de la mise en demeure, de la présente assignation et de la signification de l'ordonnance à intervenir;
Par jugement du 3 avril 2024, le tribunal de commerce d'Avignon a ouvert à l'encontre de la SARL Garage de l'Argilas une procédure de liquidation judiciaire et désigné la Sarl étude Balincort ès-qualités de mandataire.
Par ordonnance réputée contradictoire du 12 juin 2024, le président du tribunal judiciaire de Carpentras, statuant en référé, a :
- déclaré acquise la clause résolutoire à compter du 5 avril 2024 ;
- ordonné l'expulsion de M. [R] [Y] ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'aide d'un serrurier, du local situé [Adresse 12] à [Localité 8] ;
- condamné M. [R] [Y] à payer une provision d'un montant en principal de 10 620 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et accessoires exigibles depuis le 1er janvier 2024, avec intérêts au taux légal ;
- condamnés M. [R] [Y] à payer à la SCI Stecomd à titre provisionnel une indemnité d'occupation établie sur la base du dernier loyer de 2520 euros TTC majoré de 1,5 fois, soit 3780 euros/mois à laquelle s'ajouteront les charges;
- jugé acquis à la SCI Stecomd à titre provisionnel le dépôt de garantie ;
- condamné M. [R] [Y] à payer à la SCI Stecomd la somme de 1500 titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné M. [R] [Y] au paiement des entiers dépens en ce compris les frais de la présente assignation.
Par déclaration du 9 juillet 2024, M. [R] [Y] a interjeté appel de cette ordonnance.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 mars 2025, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, M. [R] [Y] demande à la cour, de :
- dire M. [R] [Y] recevable en sa demande de voir déclarer le juge des référés incompétent au profit du juge du fond,
En conséquence,
Réformer l'ordonnance de référé rendue le 12 juin 2024 en toutes ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau,
- dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SCI Stecomd de voir constater la résiliation du bail par suite de l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail à effet au 5 avril 2024, ordonner l'expulsion de M. [R] [Y] des lieux loués avec toutes les conséquences en résultant, de voir condamner M. [R] [Y] à payer une provision d'un montant principal de 10 620 euro au titre des loyers charges et accessoires exigibles au 1er janvier 2024, avec intérêts de retard et condamner M. [R] [Y] à payer à la SCI Stecomd à tire provisionnel une indemnité d'occupation établie sur la base du dernier loyer de 2 520€ TTC majoré de 1,5 fois, soit 3 780 euros/mois laquelle s'ajouteront les charges, juger acquis à 1a SCI Stecomd à titre provisionnel le dépôt de garantie et condamné M. [R] [Y] à payer à la SCI Stecomd la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouter la SCI Stecomd de toutes autres demandes.
- condamner la SCI Stecomd à titre provisionnel à payer à M. [R] [Y] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts.
- la condamner à payer à M. [R] [Y] la somme de 3 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 27 février 2025, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, la SCI Stecomd demande à la cour, de :
Vu l'article 835 du code de procédure civile, 31 et 795 du code de procédure civile,
Vu les articles 1103 et suivants du code civil,
Vu l'article L145-41 du code de commerce,
- juger que la cour n'est saisit d'aucunes prétentions par l'appelant,
- confirmer l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
- condamner M. [R] [Y] à payer à la SCI Stecomd la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner M. [R] [Y] en tous les dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le moyen soulevé par la SCI Stecomd tenant à l'irrecevabilité de l'appel,
La SCI Stecomd soutient :
- que M. [R] [Y] n'a pas d'intérêt à former appel de l'ordonnance du 12 juin 2024 puisqu'il n'a pas fait valoir ses moyens de défense en première instance , et qu'en toute connaissance de cause, il s'est abstenu de se présenter à l'audience bien que régulièrement convoqué, et que la voie de l'appel n'est pas ouverte à la partie défaillante en première instance qui demande à titre principal à la cour de déclarer le jugement non avenu,
- que l'appelant sollicite seulement la réformation de l'ordonnance de référé prononçant la résiliation du bail sans formuler de prétention ni dans le corps de ses conclusions ni surtout dans son dispositif,
- que la SCI Stecomd est bien fondée à soutenir que l'appelant ne saisit pas la cour d'une demande régulière tendant tant à déclarer bien fondé son appel ni à statuer sur des prétentions, lesquelles sont inexistantes.
- qu'il s'en suit qu'en l'absence de formulation de prétention sur les demandes tranchées dans l'ordonnance, la cour n'est saisie d'aucune prétention et la décision de première instance doit être en conséquence confirmée.
Cependant, le fait de ne pas avoir comparu ou constitué avocat en première instance et n'avoir donc pas présenté de moyens de défense en première instance ne peut être un obstacle à l'exercice de la voie de recours puisque toute partie condamnée a intérêt pour interjeter appel dès lors qu'elle n'y a pas renoncé .
Il convient de noter que l'appelant ne demande pas à la cour de déclarer la décision déférée non avenue.
Enfin, contrairement à ce que soutient l'intimée, la demande de M. [R] [Y] de dire n'y avoir lieu à référé en présence d'une contestation sérieuse constitue bien une prétention.
En conséquence, le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel soulevé par la SCI Stecomd sera rejeté.
Sur les demandes de la SCI Stecomd,
Selon l'article 834 du code de procédure civile, « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal peut, dans la limite de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. »
Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile « Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »
L'article 24 du bail du 24 février 2017 stipule : « A défaut de paiement à son échéance exacte d'un seul terme de loyer ou de remboursement de frais charges ou prestations qui en constitue l'accessoire ou d'exécution de.l'une ou l'autre des conditions du présent bail, et 15 jours après une simple mise en demeure de payer ou d'exécuter rester sans effet, et contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause, le présent bail sera résilié de plein droit si ban semble du bailleur sans qu'ils ont besoin dé former une demande en justice. »
Il est constant que le 22 mars 2024, la SCI Stecomd a adressé une mise en demeure
En l'espèce la SCI Stecomd sollicite la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail, la mise en demeure en date du 22 mars 2024 visant la clause résolutoire adressée à M. [Y] d'avoir à régler la somme de 7965 € au titre des loyers impayés étant demeurée vaine, outre les demandes subséquentes d'expulsion, d'indemnité d'occupation et de loyers impayés.
L'appelant réplique qu'il existe une contestation sérieuse au motif que le titulaire du bail est la Sarl Garage de l'Argilas et non M. [Y] pris individuellement et que le bail lui-même rappelle d'ailleurs par une mention manuscrite que le preneur est le «Garage de l'Argilas » comme d'ailleurs, s'agissant du preneur, qu'il s'agit de la « SCI Stecomd ».
Il ajoute que le bail répond aux critères du bail commercial énoncé par l'article L 145-1 du code de commerce puisque les locaux sont affectés à l'exploitation du garage, que son siège social a été transféré par résolution prise en assemblée générale du 24 février 2017, que les loyers commerciaux étaient réglés par ladite société à partir de septembre 2017 et que lors de l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la Sarl Garage de l'Argilas l'arriéré desdits loyers commerciaux a été déclaré au passif de cette dernière société.
Il fait enfin valoir que le bail entre la SCI Stecomd et la société garage de l'Argilas a été résilié par lettre du 30 mai 2024 par le mandataire liquidateur de la société garage de l'Argilas lorsqu'il a été constaté l'arrêt de l'activité de cette dernière et l'absence de reprise du fonds.
La SCI Stecomd soutient au contraire que le bail a été conclu avec le seul M. [Y] et non la Sarl garage de l'Argilas et que le bail litigieux exclu la réglementation des baux commerciaux.
L'analyse du bail litigieux révèle que le preneur comme le bailleur ne sont pas désignés aux paragraphes prévus à cet effet, mais il est mentionné :
« Entre les soussignés''..,, dont le siège social est sis [Adresse 11] représenté (e) par Monsieur [T] [X] SCI STECOMD [Adresse 4],
ci après dénommé « Le bailleur
et''...dont le siège est sis'.représenté(e) par Monsieur [Y] [R], [Adresse 10]
ci après dénommé « Le preneur ».
Cette ambiguïté dans la dénomination des parties est renforcée par divers éléments tenant à la qualification même du bail puisqu'il est établi que les loyers étaient réglés par la Sarl garage de l'Argilas, que les locaux loués sont devenus le 24 février 2017 le siège de la société le même jour que la signature du bail et qu'il n'est pas contesté qu'elle y exerçait son activité.
Par ailleurs, il convient de rappeler qu'en application de l' article L. 145-5 du code de commerce les parties peuvent déroger au statut des baux commerciaux, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs n'excède pas trois ans.
En conséquence, il existe une contestation sérieuse et il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, d'interpréter la volonté des parties, de déterminer la partie contractante, ni d'apprécier la nature du bail.
Infirmant l'ordonnance déférée, et statuant à nouveau, il y a donc lieu de dire qu'il n'y a pas lieu à référé sur les demandes de la SCI Stecomd.
Sur la demande provisionnelle de dommage et intérêts de M. [R] [Y],
L'appelant sollicite la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice moral reprochant à l'intimé d'avoir mis à exécution l'ordonnance déférée.
Cependant, il convient de rappeler que l'ordonnance de référé est exécutoire de plein droit et que M. [Y] a été débouté de sa demande de suspension de l'exécution provisoire par ordonnance du Premier président du 10 janvier 2025.
En conséquence, la demande de ce chef sera rejetée.
Sur les demandes accessoires,
Chacune des parties conservera à sa charge les dépens de première instance et d'appel par elle engagés.
Il n'est pas inéquitable de laisser supporter aux parties leurs frais irrépétibles de première instance appel. Elles seront déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Rejette le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel soulevé par la SCI Stecomd,
Infirme l'ordonnance déférée en l'ensemble de ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la SCI Stecomd,
Déboute M. [R] [Y] de sa demande provisionnelle de dommages et intérêts,
Laisse à chacune des parties les dépens de première instance et d'appel par elle engagés,
Déboute la SCI Stecomd de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [R] [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/02333 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JIHX
LM
PRESIDENT DU TJ DE [Localité 9]
12 juin 2024 RG :24/00130
[Y]
C/
S.C.I. STECOM
Copie exécutoire délivrée
le
à : Me Srogosz
Me Hild
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section C
ARRÊT DU 10 JUILLET 2025
Décision déférée à la cour : Ordonnance du Président du TJ de [Localité 9] en date du 12 Juin 2024, N°24/00130
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme L. MALLET, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
L. MALLET, Conseillère
S. IZOU, Conseillère
A. BERGER, Conseillère
GREFFIER :
Mme C.DELCOURT, Greffière, lors des débats et Mme V. LAURENT-VICAL lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Mars 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Juin 2025 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
M. [R] [Y]
né le 07 Octobre 1956 à [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par Me Fabrice SROGOSZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉE :
S.C.I. STECOM immatriculée au RCS de [Localité 13] sous le n° 430 421 339 prise en la personne de son gérant en exercice, M. [X] [T]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Valérie HILD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
Affaire fixée en application des dispositions de l'ancien article 905 du code de procédure civile
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme L. MALLET, Conseillère, le 10 Juillet 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 24 février 2017, la SCI Stecomd a donné à bail à M. [R] [Y], garagiste, des locaux sis [Adresse 1], moyennant un loyer mensuel de 1900 euros HT soit 2 280 € TTC.
Au dernier état des relations contractuelles, le loyer mensuel était de 2250 euros TTC, outre 135 euros de taxe foncière.
Faute de paiement des loyers depuis 1er janvier 2024, la SCI Stecomd, par courrier recommandé du 22 mars 2024 non retiré, mettait en demeure M. [R] [Y] de régler sous quinzaine la somme de 7 965 euros représentant trois mois de loyers.
Par acte du 29 avril 2024, la SCI Stecomd a fait assigner en référé M. [R] [Y] devant le président du tribunal judiciaire de Carpentras pour obtenir :
- l'application de la clause résolutoire;
- l'expulsion de M. [R] [Y] ainsi que celle de tous occupants de son chef, du local, au besoin avec le concours de la force publique et l'aide d'un serrurier ;
- le paiement à titre provisionnel de la somme de 10 620 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et accessoires exigibles depuis le 1er janvier 2024, avec intérêts au taux légal ;
- le paiement d'une indemnité d'occupation établie sur la base du dernier loyer de 2520 euros TTC majoré de 1,5 fois, soit 3780 euros/mois à laquelle s'ajouteront les charges ;
- l'acquisition à titre provisionnel du dépôt de garantie ;
- le paiement de la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le paiement des entiers dépens en ce compris les frais de délivrance de la mise en demeure, de la présente assignation et de la signification de l'ordonnance à intervenir;
Par jugement du 3 avril 2024, le tribunal de commerce d'Avignon a ouvert à l'encontre de la SARL Garage de l'Argilas une procédure de liquidation judiciaire et désigné la Sarl étude Balincort ès-qualités de mandataire.
Par ordonnance réputée contradictoire du 12 juin 2024, le président du tribunal judiciaire de Carpentras, statuant en référé, a :
- déclaré acquise la clause résolutoire à compter du 5 avril 2024 ;
- ordonné l'expulsion de M. [R] [Y] ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'aide d'un serrurier, du local situé [Adresse 12] à [Localité 8] ;
- condamné M. [R] [Y] à payer une provision d'un montant en principal de 10 620 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et accessoires exigibles depuis le 1er janvier 2024, avec intérêts au taux légal ;
- condamnés M. [R] [Y] à payer à la SCI Stecomd à titre provisionnel une indemnité d'occupation établie sur la base du dernier loyer de 2520 euros TTC majoré de 1,5 fois, soit 3780 euros/mois à laquelle s'ajouteront les charges;
- jugé acquis à la SCI Stecomd à titre provisionnel le dépôt de garantie ;
- condamné M. [R] [Y] à payer à la SCI Stecomd la somme de 1500 titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné M. [R] [Y] au paiement des entiers dépens en ce compris les frais de la présente assignation.
Par déclaration du 9 juillet 2024, M. [R] [Y] a interjeté appel de cette ordonnance.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 mars 2025, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, M. [R] [Y] demande à la cour, de :
- dire M. [R] [Y] recevable en sa demande de voir déclarer le juge des référés incompétent au profit du juge du fond,
En conséquence,
Réformer l'ordonnance de référé rendue le 12 juin 2024 en toutes ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau,
- dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SCI Stecomd de voir constater la résiliation du bail par suite de l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail à effet au 5 avril 2024, ordonner l'expulsion de M. [R] [Y] des lieux loués avec toutes les conséquences en résultant, de voir condamner M. [R] [Y] à payer une provision d'un montant principal de 10 620 euro au titre des loyers charges et accessoires exigibles au 1er janvier 2024, avec intérêts de retard et condamner M. [R] [Y] à payer à la SCI Stecomd à tire provisionnel une indemnité d'occupation établie sur la base du dernier loyer de 2 520€ TTC majoré de 1,5 fois, soit 3 780 euros/mois laquelle s'ajouteront les charges, juger acquis à 1a SCI Stecomd à titre provisionnel le dépôt de garantie et condamné M. [R] [Y] à payer à la SCI Stecomd la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouter la SCI Stecomd de toutes autres demandes.
- condamner la SCI Stecomd à titre provisionnel à payer à M. [R] [Y] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts.
- la condamner à payer à M. [R] [Y] la somme de 3 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 27 février 2025, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, la SCI Stecomd demande à la cour, de :
Vu l'article 835 du code de procédure civile, 31 et 795 du code de procédure civile,
Vu les articles 1103 et suivants du code civil,
Vu l'article L145-41 du code de commerce,
- juger que la cour n'est saisit d'aucunes prétentions par l'appelant,
- confirmer l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
- condamner M. [R] [Y] à payer à la SCI Stecomd la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner M. [R] [Y] en tous les dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le moyen soulevé par la SCI Stecomd tenant à l'irrecevabilité de l'appel,
La SCI Stecomd soutient :
- que M. [R] [Y] n'a pas d'intérêt à former appel de l'ordonnance du 12 juin 2024 puisqu'il n'a pas fait valoir ses moyens de défense en première instance , et qu'en toute connaissance de cause, il s'est abstenu de se présenter à l'audience bien que régulièrement convoqué, et que la voie de l'appel n'est pas ouverte à la partie défaillante en première instance qui demande à titre principal à la cour de déclarer le jugement non avenu,
- que l'appelant sollicite seulement la réformation de l'ordonnance de référé prononçant la résiliation du bail sans formuler de prétention ni dans le corps de ses conclusions ni surtout dans son dispositif,
- que la SCI Stecomd est bien fondée à soutenir que l'appelant ne saisit pas la cour d'une demande régulière tendant tant à déclarer bien fondé son appel ni à statuer sur des prétentions, lesquelles sont inexistantes.
- qu'il s'en suit qu'en l'absence de formulation de prétention sur les demandes tranchées dans l'ordonnance, la cour n'est saisie d'aucune prétention et la décision de première instance doit être en conséquence confirmée.
Cependant, le fait de ne pas avoir comparu ou constitué avocat en première instance et n'avoir donc pas présenté de moyens de défense en première instance ne peut être un obstacle à l'exercice de la voie de recours puisque toute partie condamnée a intérêt pour interjeter appel dès lors qu'elle n'y a pas renoncé .
Il convient de noter que l'appelant ne demande pas à la cour de déclarer la décision déférée non avenue.
Enfin, contrairement à ce que soutient l'intimée, la demande de M. [R] [Y] de dire n'y avoir lieu à référé en présence d'une contestation sérieuse constitue bien une prétention.
En conséquence, le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel soulevé par la SCI Stecomd sera rejeté.
Sur les demandes de la SCI Stecomd,
Selon l'article 834 du code de procédure civile, « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal peut, dans la limite de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. »
Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile « Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »
L'article 24 du bail du 24 février 2017 stipule : « A défaut de paiement à son échéance exacte d'un seul terme de loyer ou de remboursement de frais charges ou prestations qui en constitue l'accessoire ou d'exécution de.l'une ou l'autre des conditions du présent bail, et 15 jours après une simple mise en demeure de payer ou d'exécuter rester sans effet, et contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause, le présent bail sera résilié de plein droit si ban semble du bailleur sans qu'ils ont besoin dé former une demande en justice. »
Il est constant que le 22 mars 2024, la SCI Stecomd a adressé une mise en demeure
En l'espèce la SCI Stecomd sollicite la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail, la mise en demeure en date du 22 mars 2024 visant la clause résolutoire adressée à M. [Y] d'avoir à régler la somme de 7965 € au titre des loyers impayés étant demeurée vaine, outre les demandes subséquentes d'expulsion, d'indemnité d'occupation et de loyers impayés.
L'appelant réplique qu'il existe une contestation sérieuse au motif que le titulaire du bail est la Sarl Garage de l'Argilas et non M. [Y] pris individuellement et que le bail lui-même rappelle d'ailleurs par une mention manuscrite que le preneur est le «Garage de l'Argilas » comme d'ailleurs, s'agissant du preneur, qu'il s'agit de la « SCI Stecomd ».
Il ajoute que le bail répond aux critères du bail commercial énoncé par l'article L 145-1 du code de commerce puisque les locaux sont affectés à l'exploitation du garage, que son siège social a été transféré par résolution prise en assemblée générale du 24 février 2017, que les loyers commerciaux étaient réglés par ladite société à partir de septembre 2017 et que lors de l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la Sarl Garage de l'Argilas l'arriéré desdits loyers commerciaux a été déclaré au passif de cette dernière société.
Il fait enfin valoir que le bail entre la SCI Stecomd et la société garage de l'Argilas a été résilié par lettre du 30 mai 2024 par le mandataire liquidateur de la société garage de l'Argilas lorsqu'il a été constaté l'arrêt de l'activité de cette dernière et l'absence de reprise du fonds.
La SCI Stecomd soutient au contraire que le bail a été conclu avec le seul M. [Y] et non la Sarl garage de l'Argilas et que le bail litigieux exclu la réglementation des baux commerciaux.
L'analyse du bail litigieux révèle que le preneur comme le bailleur ne sont pas désignés aux paragraphes prévus à cet effet, mais il est mentionné :
« Entre les soussignés''..,, dont le siège social est sis [Adresse 11] représenté (e) par Monsieur [T] [X] SCI STECOMD [Adresse 4],
ci après dénommé « Le bailleur
et''...dont le siège est sis'.représenté(e) par Monsieur [Y] [R], [Adresse 10]
ci après dénommé « Le preneur ».
Cette ambiguïté dans la dénomination des parties est renforcée par divers éléments tenant à la qualification même du bail puisqu'il est établi que les loyers étaient réglés par la Sarl garage de l'Argilas, que les locaux loués sont devenus le 24 février 2017 le siège de la société le même jour que la signature du bail et qu'il n'est pas contesté qu'elle y exerçait son activité.
Par ailleurs, il convient de rappeler qu'en application de l' article L. 145-5 du code de commerce les parties peuvent déroger au statut des baux commerciaux, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs n'excède pas trois ans.
En conséquence, il existe une contestation sérieuse et il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, d'interpréter la volonté des parties, de déterminer la partie contractante, ni d'apprécier la nature du bail.
Infirmant l'ordonnance déférée, et statuant à nouveau, il y a donc lieu de dire qu'il n'y a pas lieu à référé sur les demandes de la SCI Stecomd.
Sur la demande provisionnelle de dommage et intérêts de M. [R] [Y],
L'appelant sollicite la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice moral reprochant à l'intimé d'avoir mis à exécution l'ordonnance déférée.
Cependant, il convient de rappeler que l'ordonnance de référé est exécutoire de plein droit et que M. [Y] a été débouté de sa demande de suspension de l'exécution provisoire par ordonnance du Premier président du 10 janvier 2025.
En conséquence, la demande de ce chef sera rejetée.
Sur les demandes accessoires,
Chacune des parties conservera à sa charge les dépens de première instance et d'appel par elle engagés.
Il n'est pas inéquitable de laisser supporter aux parties leurs frais irrépétibles de première instance appel. Elles seront déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Rejette le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel soulevé par la SCI Stecomd,
Infirme l'ordonnance déférée en l'ensemble de ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la SCI Stecomd,
Déboute M. [R] [Y] de sa demande provisionnelle de dommages et intérêts,
Laisse à chacune des parties les dépens de première instance et d'appel par elle engagés,
Déboute la SCI Stecomd de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [R] [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,