CA Paris, Pôle 1 - ch. 3, 10 juillet 2025, n° 24/18885
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 10 JUILLET 2025
(n° 304 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/18885 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKKZM
Décision déférée à la cour : ordonnance du 15 octobre 2024 - président du TC de Paris - RG n° 2024061531
APPELANTE
S.A.S. ALEIA, RCS de Paris n°898039656, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Ayant pour avocat plaidant Me Alexis RAPP du cabinet VOLT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A.S. DAWEX SYSTEMS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Défaillante, la déclaration d'appel ayant été signifiée le 10 décembre 2024 à personne habilitée à recevoir la copie de l'acte
PARTIES INTERVENANTES
S.E.L.A.R.L. THEVENOT PARTNERS, en qualité d'administrateur judiciaire de la SA ALEIA, suivant jugement rendu par le tribunal des activités économiques de Paris le 03 janvier 2025, prise en la personne de Me [X] [R]
[Adresse 4]
[Localité 6]
S.E.L.A.F.A. MJA, en qualité de mandataire judiciaire de la SA ALEIA, suivant jugement rendu par le tribunal des activités économiques de Paris le 03 janvier 2025, prise en la personne de Me [C] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentées par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Ayant pour avocat plaidant Me Alexis RAPP du cabinet VOLT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 juin 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Anne-Gaël BLANC, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 906 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Michel RISPE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.
********
Par acte du 31 janvier 2022, les sociétés Aleia SAS et Dawex systems ont conclu un contrat d'utilisation de la plateforme Dawex permettant une facturation des accès aux données et applications.
Par acte du 23 septembre 2024, la société Dawex systems a assigné la société Aleia devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir :
condamner à lui payer, à titre de provision, la somme en principal de 822 180,30 euros au titre des factures n° INV202207-0228, n° INV202207- 0229, n°INV202210-0248, n° INV202210-0249, n° INV202301-0277, n° INV202301-0278, n°INV202304-0286, n° INV202304-0287, n° INV202312-0321, n° INV202312-0322, n° INV202312-0323, n° INV202312-0324, n° INV202401-0325, n° INV202401-0326 ;
condamner à lui payer, à titre de provision, des pénalités de retard à compter de la date d'échéance des factures impayées lesquelles seront, conformément à l'article L.441-10 du code de commerce, calculées aux taux d'intérêt appliqués par la Banque centrale européenne majorés de 10 points de pourcentage, jusqu'à parfait paiement ;
condamner à lui payer, à titre de provision, des indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement prévues par l'article L.441-10, alinéa 8 du code de commerce pour un montant de 560 euros ;
ordonner la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du code civil ;
condamner à lui payer, à titre de provision, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
rappeler en tant que de besoin que l'ordonnance à intervenir est assortie de l'exécution provisoire de droit ;
condamner la société Aleia aux entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire du 15 octobre 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :
condamné la société Aleia à payer à la société Dawex Systems, à titre de provision, la somme de 822 180,30 euros avec pénalités de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne a son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chacune des factures ;
condamné la société Aleia à payer à la société Dawex Systems, à titre de provision, la somme de 560 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
ordonné la capitalisation à compter du 23 septembre 2024 conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
condamné la société Aleia à payer à la société Dawex Systems la somme de 5 000 euros, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;
condamné la société Aleia aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 6 novembre 2024, la société Aleia a relevé appel de cette décision en indiquant entendre obtenir son annulation ou sa réformation.
Par jugement du 3 janvier 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Aleia, la société Thevenot Partners, prise en la personne de Mme [R], étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance et la société MJA, prise en la personne de Mme [Z], en tant que mandataire judiciaire.
Par leurs dernières conclusions remises et notifiées le 26 mars 2025, la société Aleia et les sociétés Thevenot Partners et MJA, en leurs qualités d'administrateur et de mandataire judiciaires, demandent à la cour de :
déclarer recevables la société Thevenot Partners, prise en la personne de Me [R], prise en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Aleia, et la société MJA, prise en la personne de Me [Z], prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Aleia, en leur intervention volontaire ;
à titre principal,
annuler l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris du 15 octobre 2024 en ce qu'elle a été rendue en violation du principe du contradictoire.
statuant à nouveau,
à titre principal,
constater que la créance revendiquée par la société Dawex est sérieusement contestable ;
infirmer en conséquence l'ordonnance de référé ;
à titre subsidiaire, si la cour d'appel devait juger qu'il y avait lieu à référé,
constater que seule la créance de 110 028 euros TTC n'est pas discutée par la société Aleia ;
infirmer en conséquence l'ordonnance de référé ;
réduire le montant de la provision accordée à la société Dawex à la somme de 110 028 euros TTC ;
en tout état de cause,
rejeter l'ensemble des demandes de la société Dawex ;
condamner la société Dawex à payer à la société Aleia la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la société 2H Avocats, en la personne de Me Schwab, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Dawex systems, à qui la société Aleia a fait signifier sa déclaration d'appel et ses premières conclusions par actes remis à personne respectivement les 10 décembre et 5 février 2025, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 juin 2025.
Conformément à l'autorisation en ce sens, la société appelante a été autorisée à adresser une note en délibéré sur les conséquences de l'ouverture d'un jugement de redressement judiciaire alors que l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L.622-21 du code de commerce
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur ce,
En application de l'article 954 du code de procédure civile, l'intimé qui n'a pas constitué avocat est réputé s'approprier la motivation de la décision de première instance.
Sur l'intervention volontaire
Il convient de déclarer recevables les interventions volontaires des sociétés Thevenot Partners, prise en la personne de Mme [R], et de la société MJA, prise en la personne de Mme [Z], en leur qualité d'administrateur et de mandataire judiciaires.
Sur l'annulation de la décision pour défaut de respect du prinicpe du contradictoire
Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, 'le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable inviter les parties à présenter leurs observations'.
En outre, en application de l'article 15 du même code, 'les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense'.
Par ailleurs, en application de l'article 486 du code de procédure civile, le juge des référés s'assure qu'il s'est écoulé un temps suffisant entre l'assignation et l'audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense, son appréciation est souveraine.
Au cas présent, pour solliciter l'annulation de l'ordonnance entreprise pour violation du principe du contradictoire, la société Aleia soutient d'abord qu'elle a été assignée tardivement à savoir le 23 septembre 2024 pour une audience le 15 octobre suivant à 9h30.
Cependant, ce délai de vingt-deux jours pleins lui a laissé un temps suffisant pour préparer sa défense.
Par ailleurs, en affirmant que ce n'est que le vendredi 11 octobre qu'elle a été destinataire des pièces de son contradicteur et que le juge a, malgré la proximité entre cet envoi et la date de l'audience, refusé de renvoyer l'examen de l'affaire, elle procède par voie d'affirmation alors que la décision indique uniquement que son conseil a sollicité le renvoi pour n'avoir 'été saisi que tardivement' et qu'aucune autre pièce n'est produite.
Dès lors le moyen tiré de la violation de la contradiction n'est pas fondé et la demande d'annulation sera rejetée.
Sur la demande de provision
L'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable accorder une provision.
En l'espèce, le premier juge a retenu que la créance n'était pas sérieusement contestable.
Cependant, l'article L.622-21 du code du commerce applicable au redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-14 du même code, dispose que :
'Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant:
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.-Sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est mentionnée au I de l'article L.
622-17, le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence
interrompus.
IV.-Le même jugement interdit également de plein droit, tout accroissement de l'assiette d'une sûreté réelle conventionnelle ou d'un droit de rétention conventionnel, quelle qu'en soit la modalité, par ajout ou complément de biens ou droits, notamment par inscription de titres ou de fruits et produits venant compléter les titres figurant au compte mentionné à l'article L. 211-20 du code monétaire et financier, ou par transfert de biens ou droits du débiteur.
Toute disposition contraire, portant notamment sur un transfert de biens ou droits du débiteur non encore nés à la date du jugement d'ouverture, est inapplicable à compter du jour du prononcé du jugement d'ouverture.
Toutefois, l'accroissement de l'assiette peut valablement résulter d'une cession de créance prévue à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier lorsqu'elle est intervenue en exécution d'un contrat-cadre conclu antérieurement à l'ouverture de la procédure. Cet accroissement peut également résulter d'une disposition contraire du présent livre ou d'une dérogation expresse à son application prévue par le code monétaire et financier ou le code des assurances.'
En outre, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L.622-21 du code de commerce.
Or, au cas présent, les créances dont le paiement est réclamé à titre provisionnel sont nées avant le jugement d'ouverture du 3 janvier 2025.
Il convient, en conséquence, au vu de l'évolution du litige, d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de déclarer les demandes tendant au paiement de provisions irrecevables.
Sur les demandes accessoires
L'infirmation de l'ordonnance intervient en raison de l'évolution de la situation de la société Aleia placée en redressement judiciaire. L'ordonnance sera donc confirmée des chefs relatifs aux frais irrépétibles et aux dépens.
A hauteur d'appel, les dépens seront partagés par moitié entre les parties et pris en frais privilégiés de la procédure collective pour la part incombant à la société Aleia et avec application pour celle-ci, qui en fait la demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il ne sera pas fait droit à la demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable l'intervention volontaire des sociétés Thevenot Partners, prise en la personne de Mme [R], et MJA, prise en la personne de Mme [Z], en leur qualité d'administrateur et de mandataire judiciaires ;
Rejette la demande d'annulation de la décision ;
Vu l'évolution du litige ;
Infirme la décision entreprise en ses dispositions soumises à la cour sauf sur les dépens et les frais irrépétibles et la confirme de ces chefs ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare irrecevables les demandes de la société Dawex systems ;
Dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties et pris en frais privilégiés de la procédure collective pour la part incombant à la société Aleia et avec application pour celle-ci des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Rejette la demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 10 JUILLET 2025
(n° 304 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/18885 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKKZM
Décision déférée à la cour : ordonnance du 15 octobre 2024 - président du TC de Paris - RG n° 2024061531
APPELANTE
S.A.S. ALEIA, RCS de Paris n°898039656, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Ayant pour avocat plaidant Me Alexis RAPP du cabinet VOLT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A.S. DAWEX SYSTEMS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Défaillante, la déclaration d'appel ayant été signifiée le 10 décembre 2024 à personne habilitée à recevoir la copie de l'acte
PARTIES INTERVENANTES
S.E.L.A.R.L. THEVENOT PARTNERS, en qualité d'administrateur judiciaire de la SA ALEIA, suivant jugement rendu par le tribunal des activités économiques de Paris le 03 janvier 2025, prise en la personne de Me [X] [R]
[Adresse 4]
[Localité 6]
S.E.L.A.F.A. MJA, en qualité de mandataire judiciaire de la SA ALEIA, suivant jugement rendu par le tribunal des activités économiques de Paris le 03 janvier 2025, prise en la personne de Me [C] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentées par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Ayant pour avocat plaidant Me Alexis RAPP du cabinet VOLT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 juin 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Anne-Gaël BLANC, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 906 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Michel RISPE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.
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Par acte du 31 janvier 2022, les sociétés Aleia SAS et Dawex systems ont conclu un contrat d'utilisation de la plateforme Dawex permettant une facturation des accès aux données et applications.
Par acte du 23 septembre 2024, la société Dawex systems a assigné la société Aleia devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir :
condamner à lui payer, à titre de provision, la somme en principal de 822 180,30 euros au titre des factures n° INV202207-0228, n° INV202207- 0229, n°INV202210-0248, n° INV202210-0249, n° INV202301-0277, n° INV202301-0278, n°INV202304-0286, n° INV202304-0287, n° INV202312-0321, n° INV202312-0322, n° INV202312-0323, n° INV202312-0324, n° INV202401-0325, n° INV202401-0326 ;
condamner à lui payer, à titre de provision, des pénalités de retard à compter de la date d'échéance des factures impayées lesquelles seront, conformément à l'article L.441-10 du code de commerce, calculées aux taux d'intérêt appliqués par la Banque centrale européenne majorés de 10 points de pourcentage, jusqu'à parfait paiement ;
condamner à lui payer, à titre de provision, des indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement prévues par l'article L.441-10, alinéa 8 du code de commerce pour un montant de 560 euros ;
ordonner la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du code civil ;
condamner à lui payer, à titre de provision, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
rappeler en tant que de besoin que l'ordonnance à intervenir est assortie de l'exécution provisoire de droit ;
condamner la société Aleia aux entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire du 15 octobre 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :
condamné la société Aleia à payer à la société Dawex Systems, à titre de provision, la somme de 822 180,30 euros avec pénalités de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne a son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chacune des factures ;
condamné la société Aleia à payer à la société Dawex Systems, à titre de provision, la somme de 560 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
ordonné la capitalisation à compter du 23 septembre 2024 conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
condamné la société Aleia à payer à la société Dawex Systems la somme de 5 000 euros, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;
condamné la société Aleia aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 6 novembre 2024, la société Aleia a relevé appel de cette décision en indiquant entendre obtenir son annulation ou sa réformation.
Par jugement du 3 janvier 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Aleia, la société Thevenot Partners, prise en la personne de Mme [R], étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance et la société MJA, prise en la personne de Mme [Z], en tant que mandataire judiciaire.
Par leurs dernières conclusions remises et notifiées le 26 mars 2025, la société Aleia et les sociétés Thevenot Partners et MJA, en leurs qualités d'administrateur et de mandataire judiciaires, demandent à la cour de :
déclarer recevables la société Thevenot Partners, prise en la personne de Me [R], prise en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Aleia, et la société MJA, prise en la personne de Me [Z], prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Aleia, en leur intervention volontaire ;
à titre principal,
annuler l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris du 15 octobre 2024 en ce qu'elle a été rendue en violation du principe du contradictoire.
statuant à nouveau,
à titre principal,
constater que la créance revendiquée par la société Dawex est sérieusement contestable ;
infirmer en conséquence l'ordonnance de référé ;
à titre subsidiaire, si la cour d'appel devait juger qu'il y avait lieu à référé,
constater que seule la créance de 110 028 euros TTC n'est pas discutée par la société Aleia ;
infirmer en conséquence l'ordonnance de référé ;
réduire le montant de la provision accordée à la société Dawex à la somme de 110 028 euros TTC ;
en tout état de cause,
rejeter l'ensemble des demandes de la société Dawex ;
condamner la société Dawex à payer à la société Aleia la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la société 2H Avocats, en la personne de Me Schwab, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Dawex systems, à qui la société Aleia a fait signifier sa déclaration d'appel et ses premières conclusions par actes remis à personne respectivement les 10 décembre et 5 février 2025, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 juin 2025.
Conformément à l'autorisation en ce sens, la société appelante a été autorisée à adresser une note en délibéré sur les conséquences de l'ouverture d'un jugement de redressement judiciaire alors que l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L.622-21 du code de commerce
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur ce,
En application de l'article 954 du code de procédure civile, l'intimé qui n'a pas constitué avocat est réputé s'approprier la motivation de la décision de première instance.
Sur l'intervention volontaire
Il convient de déclarer recevables les interventions volontaires des sociétés Thevenot Partners, prise en la personne de Mme [R], et de la société MJA, prise en la personne de Mme [Z], en leur qualité d'administrateur et de mandataire judiciaires.
Sur l'annulation de la décision pour défaut de respect du prinicpe du contradictoire
Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, 'le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable inviter les parties à présenter leurs observations'.
En outre, en application de l'article 15 du même code, 'les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense'.
Par ailleurs, en application de l'article 486 du code de procédure civile, le juge des référés s'assure qu'il s'est écoulé un temps suffisant entre l'assignation et l'audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense, son appréciation est souveraine.
Au cas présent, pour solliciter l'annulation de l'ordonnance entreprise pour violation du principe du contradictoire, la société Aleia soutient d'abord qu'elle a été assignée tardivement à savoir le 23 septembre 2024 pour une audience le 15 octobre suivant à 9h30.
Cependant, ce délai de vingt-deux jours pleins lui a laissé un temps suffisant pour préparer sa défense.
Par ailleurs, en affirmant que ce n'est que le vendredi 11 octobre qu'elle a été destinataire des pièces de son contradicteur et que le juge a, malgré la proximité entre cet envoi et la date de l'audience, refusé de renvoyer l'examen de l'affaire, elle procède par voie d'affirmation alors que la décision indique uniquement que son conseil a sollicité le renvoi pour n'avoir 'été saisi que tardivement' et qu'aucune autre pièce n'est produite.
Dès lors le moyen tiré de la violation de la contradiction n'est pas fondé et la demande d'annulation sera rejetée.
Sur la demande de provision
L'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable accorder une provision.
En l'espèce, le premier juge a retenu que la créance n'était pas sérieusement contestable.
Cependant, l'article L.622-21 du code du commerce applicable au redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-14 du même code, dispose que :
'Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant:
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.-Sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est mentionnée au I de l'article L.
622-17, le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence
interrompus.
IV.-Le même jugement interdit également de plein droit, tout accroissement de l'assiette d'une sûreté réelle conventionnelle ou d'un droit de rétention conventionnel, quelle qu'en soit la modalité, par ajout ou complément de biens ou droits, notamment par inscription de titres ou de fruits et produits venant compléter les titres figurant au compte mentionné à l'article L. 211-20 du code monétaire et financier, ou par transfert de biens ou droits du débiteur.
Toute disposition contraire, portant notamment sur un transfert de biens ou droits du débiteur non encore nés à la date du jugement d'ouverture, est inapplicable à compter du jour du prononcé du jugement d'ouverture.
Toutefois, l'accroissement de l'assiette peut valablement résulter d'une cession de créance prévue à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier lorsqu'elle est intervenue en exécution d'un contrat-cadre conclu antérieurement à l'ouverture de la procédure. Cet accroissement peut également résulter d'une disposition contraire du présent livre ou d'une dérogation expresse à son application prévue par le code monétaire et financier ou le code des assurances.'
En outre, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L.622-21 du code de commerce.
Or, au cas présent, les créances dont le paiement est réclamé à titre provisionnel sont nées avant le jugement d'ouverture du 3 janvier 2025.
Il convient, en conséquence, au vu de l'évolution du litige, d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de déclarer les demandes tendant au paiement de provisions irrecevables.
Sur les demandes accessoires
L'infirmation de l'ordonnance intervient en raison de l'évolution de la situation de la société Aleia placée en redressement judiciaire. L'ordonnance sera donc confirmée des chefs relatifs aux frais irrépétibles et aux dépens.
A hauteur d'appel, les dépens seront partagés par moitié entre les parties et pris en frais privilégiés de la procédure collective pour la part incombant à la société Aleia et avec application pour celle-ci, qui en fait la demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il ne sera pas fait droit à la demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable l'intervention volontaire des sociétés Thevenot Partners, prise en la personne de Mme [R], et MJA, prise en la personne de Mme [Z], en leur qualité d'administrateur et de mandataire judiciaires ;
Rejette la demande d'annulation de la décision ;
Vu l'évolution du litige ;
Infirme la décision entreprise en ses dispositions soumises à la cour sauf sur les dépens et les frais irrépétibles et la confirme de ces chefs ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare irrecevables les demandes de la société Dawex systems ;
Dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties et pris en frais privilégiés de la procédure collective pour la part incombant à la société Aleia et avec application pour celle-ci des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Rejette la demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT