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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 2, 10 juillet 2025, n° 24/05288

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 24/05288

10 juillet 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 10/07/2025

N° de MINUTE :

N° RG 24/05288 - N° Portalis DBVT-V-B7I-V3OX

Jugement (N° 2024003447) rendu le 02 septembre 2024 par le tribunal de commerce de Valenciennes

APPELANTE

SAS Société de Volailles des Hauts de France (SVH) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Bastien Panchart, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Maître [X] [U] en qualité de liquidateur de la société SAS Société de Volailles des Hauts de France - SVH

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Vincent Speder, avocat constitué,substitué par Me Geoffrey Bajard, avocats au barreau de Valenciennes

Monsieur le Procureur Général, près la cour d'appel de Douai

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par M. Miot, substitut général près ladite cour

DÉBATS à l'audience publique du 20 mai 2025 tenue par Stéphanie Barbot magistrate chargée d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 avril 2025

****

FAITS ET PROCEDURE

Par un jugement du 2 septembre 2024, le tribunal de commerce de Valenciennes, saisi à la requête du procureur de la République, a mis la Société de volailles des Hauts-de-France (la SVH) en liquidation judiciaire, M. [U] étant désigné en qualité de liquidateur.

Le 6 novembre 2024, la SVH a relevé appel de ce jugement, en intimant le liquidateur et le procureur général près la cour d'appel de Douai.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 janvier 2025, la SVH demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions [expressément listées dans le dispositif, p. 7] ;

Statuant de nouveau,

- dire n'y avoir lieu à ouverture d'une liquidation judiciaire à son endroit ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par ses conclusions récapitulatives notifiées par la voie électronique le 13 mars 2025, Me [U], en qualité de liquidateur de la société SVH, demande à la cour d'appel de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

En conséquence :

- prononcer la liquidation judiciaire de la SVH ;

- condamner cette société à lui payer une indemnité procédurale de 3 000 euros, ainsi qu'aux dépens.

Par ses conclusions du 14 mars 2025, notifiées par la voie électronique le même jour, le procureur général demande la confirmation du jugement entrepris.

MOTIVATION

Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce :

Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.

Il résulte de ce texte que la liquidation judiciaire prononcée ab initio, sans période d'observation, suppose la réunion de deux conditions cumulatives : d'abord, que le débiteur soit en cessation des paiements, ensuite, que son redressement soit manifestement impossible.

S'agissant de la première de ces conditions, l'article L. 631-1, alinéa 1er, du même code définit la cessation des paiements comme « l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible », en précisant que « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. »

L'appréciation de l'existence d'un état de cessation des paiements du débiteur implique donc la comparaison entre le passif exigible et l'actif disponible.

Le passif exigible comprend l'ensemble des dettes certaines, liquides et exigibles, soit, en principe, toutes les dettes échues au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective. Il importe peu que la créance en cause ne soit pas couverte par un titre exécutoire, dès lors qu'elle n'est pas contestée (Com. 29 avr. 2014, n° 13-11156). Peu importe, également, qu'il s'agisse d'un passif exigible mais non exigé. Il doit cependant s'agir de dettes liquides, exigibles et certaines, ce qui exclut donc les créances litigieuses, car incertaines (v. par ex. Com. 31 janvier 2017, n° 15-16396).

Quant à l'actif disponible, il s'entend en principe de l'actif utilisable ou réalisable immédiatement, auquel il est convenu d'assimiler celui qui est réalisable à très court terme. Selon la jurisprudence, les juges du fond peuvent déduire l'absence d'actif disponible notamment de l'échec des voies d'exécution pratiquées par un créancier contre le débiteur (v. par ex. ; Com. 16 janv. 2019, n° 17-18450, publié ; Com. 17 juin 2020, n° 19-10464), de la circonstance que le débiteur n'a lui-même invoqué, dans ses conclusions, aucun actif disponible pour faire face à son passif exigible (Com. 29 nov. 2005, préc. ; Com. 5 mai 2015, n° 14-13935 ; Com. 2 nov. 2016, n° 14-18352 ; Com. 14 mars 2018, n° 16-24775), ou encore que le débiteur s'est borné à contester l'absence d'actif disponible pour faire face à une dette ancienne, sans donner de précision sur la consistance de cet actif (Com., 29 sept. 2021, n° 20-10105).

Et s'agissant de la seconde condition, tenant à l'impossibilité du redressement du débiteur, il résulte d'une jurisprudence constante qu'elle relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

En l'espèce, la SVH, appelante, reconnaît elle-même être redevable du passif exigible suivant :

- 11 502,03 euros au profit de la société Starlease ;

- 7 732,70 euros dus à la direction générale des finances publiques ;

soit un total de : 19 234 euros.

Selon le rapport établi par M. [U] le 20 août 2024, dans le cadre de l'enquête ordonnée par les juges de première instance :

- la créance de la société Starlease, qui s'élevait déjà à 11 502,03 euros à cette date, a pour origine un contrat de crédit-bail afférent à un véhicule de marque BMW, type X5, dont les mensualités étaient impayées entre les mois de janvier et juin 2024 ;

- et la créance fiscale inclut notamment des impayés au titre de : la cotisation foncière des entreprises de 2023 ; l'impôt sur les sociétés de 2021 ; la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de 2020 et la TVA de décembre 2021 et janvier 2022.

Surabondamment, et abstraction faite des créances contestées par l'appelante (la créance invoquée par la société Dromico et celle de l'Urssaf), la cour d'appel relève qu'il ressort de l'état des créances déclarées établi le 11 mars 2025, régulièrement versé aux débats par M. [U], que le passif comprend d'autres créances échues, et notamment celles-ci :

- banque CIC :

* 31 265,69 euros au titre d'un prêt ;

* et 41 256,91 euros au titre d'un compte courant ;

- banque BNP Paribas :

* 4 199,78 euros au titre d'un compte courant ;

- et banque Société générale :

* 76 624,52 euros au titre d'un prêt ;

* et 245,30 euros au titre d'un compte courant.

L'appelante ne conteste pas ces autres créances, que ce soit dans leur principe ou leur montant, ni ne soutient les avoir honorées entre la date du jugement d'ouverture et la date du présent arrêt. Ces autres créances doivent donc s'ajouter au seul passif exigible reconnu par l'appelante.

Par ailleurs, il s'évince également de l'état des créances déclarées précité que la SVH dispose de trois comptes bancaires qui étaient tous débiteurs à la date du jugement d'ouverture. Il n'est pas justifié de ce que, à la date du présent arrêt, le solde de l'un ou l'autre de ces comptes aurait augmenté dans des proportions telles qu'il serait désormais possible à la SVH d'honorer son passif exigible, ne fût-ce que celui qu'elle reconnaît, qui est supérieur à 19 000 euros et déjà ancien. Le contraire résulte d'ailleurs du fait que, bien qu'elle s'y soit engagée dans ses écritures d'appel (p. 5), la société SVH ne produit aucune pièce démontrant qu'elle aurait apuré ce passif exigible reconnu (soit la créance déclarée par l'administration fiscale et celle de la société Starlease).

Il résulte de ces motifs que s'il existe un actif disponible, celui-ci est, en tout état de cause, inférieur au montant du passif exigible.

L'état de cessation des paiements de la SVH est donc caractérisé à la date du présent arrêt.

Enfin, la SVH ne formule aucune proposition concrète d'apurement de son passif. Outre qu'elle n'a pas tenu ses engagements d'apurement de son seul passif reconnu, il ressort du rapport dressé par M. [U] le 20 août 2024 que la SVH n'employait plus de salarié à cette date, ce qu'elle reconnaît elle-même (p. 5 de ses conclusions). Aucun élément ne démontre donc que cette société serait en mesure de produire des bénéfices propres à lui permettre de payer ses dettes de manière échelonnée dans le temps et dans la limite légale de 10 années.

L'impossibilité de redressement de la SVH est donc elle aussi démontrée.

Le jugement entrepris, qui a ouvert la liquidation judiciaire de cette société, mérite donc confirmation en toutes ses dispositions.

Succombant, l'appelante sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

- Condamne la Société de volailles des Hauts-de-France aux dépens d'appel.

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot

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