CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 11 juillet 2025, n° 25/02157
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 11 JUILLET 2025
(n° / 2025 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/02157 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKXWS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 décembre 2024 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° J2024000730
APPELANTE
S.A.S. COURTEO SOLUTIONS, société par actions simplifiée, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 882 442 882,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Sylviane DUCORPS, avocate au barreau de PARIS, toque D2181,
Assistée de Me Jérémie COHEN de l'AARPI TEAM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque D 2181,
INTIMÉS
Monsieur [L] [A], élisant domicile chez Mme [W] au [Adresse 5],
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Henri-Joseph CARDONA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1533,
S.E.L.A.R.L. [C] YANG- TING, ès qualités,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 530 194 968,
Dont le siège social est situé [Adresse 8]
[Localité 6]
Non constituée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er juillet 2025, en audience publique, par la cour, composée de:
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
Monsieur François VARICHON, conseiller, chargé du rapport,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- Réputée contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La société par actions simplifiée Courteo Solutions exerce une activité de formation, courtage en énergie, conseil en optimisation énergétique et conseil en optimisation de taxes.
Par jugement réputé contradictoire du 6 décembre 2024, le tribunal de commerce de Paris, statuant sur l'assignation de M. [L] [A] qui se prévalait d'une créance impayée de 15.000 euros résultant d'une condamnation prononcée à son profit par le conseil des prud'hommes de Béziers le 19 juillet 2022, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Courteo Solutions, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 6 juin 2023 compte tenu de l'ancienneté de la signification du jugement prud'homal, désigné la société [C]-Yang Ting en la personne de Maître [C] en qualité de mandataire judiciaire et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Le 20 janvier 2025 la société Courteo Solutions a relevé appel de ce jugement en intimant M. [A]. Cette affaire a été enrôlée sous le numéro de RG 25/02157.
Le 11 février 2025, la société Courteo Solutions a adressé au greffe une seconde déclaration d'appel à l'encontre du même jugement en intimant la société [C]-Yang Ting ès qualités. Cette affaire, enrôlée sous le numéro de RG 25/02595, a été jointe à l'instance précitée par ordonnance de la présidente de la chambre du 4 mars 2025.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 8 avril 2025, la société Courteo Solutions demande à la cour de:
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
« - OUVRE une procédure en liquidation judiciaire à l'égard de la :
SAS à associé unique Courteos Solutions au [Adresse 2]:
882 442 882
- NOMME Mme [Y] [M] Juge-commissaire.
- DESIGNE la SELARL [C] YANG-TING en la personne de Me [X] [C], [Adresse 9], mandataire judiciaire liquidateur.
- FIXE à huit mois antérieurement au prononcé du jugement, soit au 06/06/2023, la date de cessation des paiements compte tenu de l'ancienneté de la signification du jugement prud'homal.
- INVITE le comité social et économique ou les salariés s'il en existe à désigner au sein de l'entreprise un représentant dans les conditions prévues par les articles L.621-4 et L.621-6 du code de commerce à communiquer le nom et l'adresse de ce représentant au greffe.
- FIXE à 2 ans le délai au terme duquel la clôture de cette procédure devra être examinée en application de l'article L.643-9 du code de commerce et invite les parties à se présenter à l'audience publique du 03/12/2026.
- Fixe le délai de déclaration des créances imparti aux créanciers à deux mois à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du présent jugement.
- Fixe le délai de dépôt de la liste des créances par le mandataire à 12 mois à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du présent jugement.
- DIT que le jugement est exécutoire de plein droit, »
In limine litis :
- dire nulles et de nul effet les assignations signifiées le 30 janvier 2024 et le 4 mai 2024 devant le tribunal de commerce de Paris ;
- dire nul et de nul effet le jugement rendu le 6 décembre 2024 par le tribunal de commerce de Paris ;
A titre principal :
- juger n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure collective ;
- rejeter toute demande formée en vue de l'ouverture d'une procédure collective ;
- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes;
- dire que les frais et dépens seront à la charge des intimés.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 16 juin 2025, M. [A] demande à la cour de:
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
- débouter la société Courteo Solutions de ses demandes;
- condamner la société Courteo Solutions à lui payer 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
La société [C]-Yang Ting ès qualités, à laquelle la société Courteo Solutions a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions par acte du 25 avril 2025, n'a pas constitué avocat.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 1er juillet 2025.
SUR CE,
A titre liminaire, la cour relève que dans la partie 'Discussion' de ses conclusions, l'appelante formule une demande de condamnation des intimés au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, prétention qui n'est pas reprise dans le dispositif de ces écritures. Il s'ensuit que conformément à l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statuera pas sur cette demande, dont elle n'est pas saisie.
Sur la demande d'annulation des assignations des 30 janvier et 4 mai 2024 et du jugement dont appel
La société Courteo Solutions expose qu'elle a été radiée d'office du registre du commerce et des sociétés le 14 avril 2023; que cette mesure, simple sanction administrative, n'a pas eu pour effet de mettre fin à sa personnalité morale ni aux fonctions de son représentant légal; que pour autant, elle n'a jamais été personnellement assignée en liquidation judiciaire par M. [A], seul son dirigeant, M. [N], l'ayant été.
M. [A] réplique qu'il a bien fait assigner la société Courteo Solutions, représentée par son dirigeant M. [N], qu'il avait fait précédemment désigner en qualité de mandataire ad hoc de la société par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 7 septembre 2023; que le jugement dont appel mentionne d'ailleurs que la société Courteo Solutions a comparu et qu'elle était représentée par son conseil.
Il résulte de l'article L. 640-5 du code de commerce que la procédure de liquidation judiciaire peut être ouverte sur l'assignation d'un créancier délivrée au débiteur.
En l'espèce, M. [A] a saisi le tribunal de commerce de Paris d'une demande d'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société Courteo Solutions aux termes de deux assignations distinctes: un premier acte été signifié le 30 janvier 2024 à 'Monsieur [N] [O]'; un second acte a été signifié le 24 mai 2024 (et non le 4 mai comme indiqué par erreur dans les conclusions de l'appelante) à 'Monsieur [N] [O] (...) ès qualités de mandataire ad hoc de la SAS COURTEO SOLUTIONS selon ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce de Paris le 7 septembre 2023'. Le tribunal a ordonné la jonction des deux instances.
Le fait, allégué par l'appelante, que les assignations ne viseraient pas la personne morale objet de la procédure de liquidation judiciaire sollicitée ne constitue pas une cause de nullité des ces actes de procédure, qui ne sont en eux-mêmes affectés d'aucun vice au regard des prescriptions légales applicables. La société Courteo Solutions sera donc déboutée de sa demande d'annulation des assignations des 30 janvier et 24 mai 2024.
En revanche, le fait de ne pas avoir mis en cause la personne morale objet de la procédure collective ouverte pas le tribunal, s'il est avéré, est de nature à emporter l'annulation du jugement. Or, en l'espèce, il y a lieu de considérer que la société Courteo Solutions a été régulièrement mise en cause aux termes de l'assignation délivrée le 24 mai 2024 à Monsieur [N] [O] pris expressément en sa qualité de mandataire ad hoc de la personne morale. La société Courteo Solutions ne s'y est d'ailleurs pas trompée puisqu'elle a constitué avocat devant le tribunal de commerce selon les mentions de la décision querellée.
Au vu de ces éléments, la société Courteo Solutions sera déboutée de sa demande d'annulation du jugement.
Sur l'ouverture d'une procédure collective
La société Courteo Solutions soutient que le tribunal ne disposait pas d'éléments suffisants pour ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à son égard; que bien qu'elle soit débitrice d'une somme de 15.000 euros au titre de la condamnation prononcée par le conseil des prud'hommes, elle n'est pas et n'a jamais été en état de cessation des paiements.
M. [A] objecte que la société Courteo Solutions, qui n'a toujours pas réglé les causes du jugement prud'homal prononcé il y a trois ans, ne produit aucun élément justifiant sa situation financière; que sa cessation des paiements est dès lors avérée.
Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
L'article L. 631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme l'impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.
La preuve de l'état de cessation des paiements doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.
En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.
Sur l'état de cessation de paiements
M. [A] justifie que par jugement du 18 juillet 2022, le conseil des Prud'hommes de [Localité 10] a condamné la société Courteo Solutions à lui payer diverses sommes d'un montant total de 15.066,35 euros. Le 8 août 2022, cette décision a été signifiée à la société Courteo Solutions qui en a relevé appel devant la cour d'appel de Montpellier. Sa déclaration d'appel a toutefois fait l'objet d'un avis de caducité du conseiller de la mise en état en date du 9 décembre 2022. Il s'ensuit que la décision de conseil des Prud'hommes rendue en faveur de M. [A] est exécutoire et définitive.
Le montant du passif exigible sera donc fixé à la somme de 15.066,35 euros.
Pour faire face à ce passif, qui procède d'une condamnation prononcée il y a près de trois ans, la société Courteo Solutions n'invoque aucune trésorerie disponible ni aucun élément d'actif réalisable à très court terme. Dès lors, il apparaît que l'intéressée ne dispose d'aucun élément d'actif disponible.
Le montant du passif exigible (15.066,35 euros) étant supérieur au montant de l'actif disponible (0 euro), la société Courteo Solutions est en état de cessation des paiements et relève par conséquent d'une procédure collective.
Sur les perspectives de redressement de l'entreprise
La société Courteo Solutions ne fournit aucune explication ni pièce, notamment comptable, sur les conditions dans lesquelles elle entend poursuivre son exploitation en générant un revenu lui permettant d'apurer son passif exigible et de payer ses charges nouvelles. L'appelante se borne en effet à verser aux débats le jugement dont appel, sa déclaration d'appel et les deux assignations précitées.
Dès lors, le redressement de l'entreprise étant manifestement impossible, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ouvert à son égard une procédure de liquidation judiciaire.
Sur la date de cessation des paiements
Le tribunal a fixé rétroactivement la date de cessation des paiements au 6 juin 2023. La cour confirmera cette date au vu du certificat d'irrecouvrabilité émis le 19 avril 2023 par Maître [F], commissaire de justice missionné par M. [A] pour le recouvrement de sa créance à l'égard de la société Courteo Solutions, qui indique que 'Le Président de la société débitrice m'informe par courriel que sa société était actuellement en difficultés ainsi qu'en arrêt d'activité. Ce dernier propose de régler la dette en son nom personnel sous forme d'acompte mensuel de 100.00 €, ce qui a été refusé par le créancier', ce qui atteste de l'incapacité de la débitrice de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
L'équité commande de condamner la société Courteo Solutions à payer à M. [A] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déboute la société Courteo Solutions de sa demande d'annulation des assignations des 30 janvier et 24 mai 2024,
Déboute la société Courteo Solutions de sa demande d'annulation du jugement dont appel,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Courteo Solutions à payer à M. [A] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles,
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 11 JUILLET 2025
(n° / 2025 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/02157 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKXWS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 décembre 2024 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° J2024000730
APPELANTE
S.A.S. COURTEO SOLUTIONS, société par actions simplifiée, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 882 442 882,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Sylviane DUCORPS, avocate au barreau de PARIS, toque D2181,
Assistée de Me Jérémie COHEN de l'AARPI TEAM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque D 2181,
INTIMÉS
Monsieur [L] [A], élisant domicile chez Mme [W] au [Adresse 5],
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Henri-Joseph CARDONA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1533,
S.E.L.A.R.L. [C] YANG- TING, ès qualités,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 530 194 968,
Dont le siège social est situé [Adresse 8]
[Localité 6]
Non constituée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er juillet 2025, en audience publique, par la cour, composée de:
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
Monsieur François VARICHON, conseiller, chargé du rapport,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- Réputée contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La société par actions simplifiée Courteo Solutions exerce une activité de formation, courtage en énergie, conseil en optimisation énergétique et conseil en optimisation de taxes.
Par jugement réputé contradictoire du 6 décembre 2024, le tribunal de commerce de Paris, statuant sur l'assignation de M. [L] [A] qui se prévalait d'une créance impayée de 15.000 euros résultant d'une condamnation prononcée à son profit par le conseil des prud'hommes de Béziers le 19 juillet 2022, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Courteo Solutions, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 6 juin 2023 compte tenu de l'ancienneté de la signification du jugement prud'homal, désigné la société [C]-Yang Ting en la personne de Maître [C] en qualité de mandataire judiciaire et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Le 20 janvier 2025 la société Courteo Solutions a relevé appel de ce jugement en intimant M. [A]. Cette affaire a été enrôlée sous le numéro de RG 25/02157.
Le 11 février 2025, la société Courteo Solutions a adressé au greffe une seconde déclaration d'appel à l'encontre du même jugement en intimant la société [C]-Yang Ting ès qualités. Cette affaire, enrôlée sous le numéro de RG 25/02595, a été jointe à l'instance précitée par ordonnance de la présidente de la chambre du 4 mars 2025.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 8 avril 2025, la société Courteo Solutions demande à la cour de:
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
« - OUVRE une procédure en liquidation judiciaire à l'égard de la :
SAS à associé unique Courteos Solutions au [Adresse 2]:
882 442 882
- NOMME Mme [Y] [M] Juge-commissaire.
- DESIGNE la SELARL [C] YANG-TING en la personne de Me [X] [C], [Adresse 9], mandataire judiciaire liquidateur.
- FIXE à huit mois antérieurement au prononcé du jugement, soit au 06/06/2023, la date de cessation des paiements compte tenu de l'ancienneté de la signification du jugement prud'homal.
- INVITE le comité social et économique ou les salariés s'il en existe à désigner au sein de l'entreprise un représentant dans les conditions prévues par les articles L.621-4 et L.621-6 du code de commerce à communiquer le nom et l'adresse de ce représentant au greffe.
- FIXE à 2 ans le délai au terme duquel la clôture de cette procédure devra être examinée en application de l'article L.643-9 du code de commerce et invite les parties à se présenter à l'audience publique du 03/12/2026.
- Fixe le délai de déclaration des créances imparti aux créanciers à deux mois à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du présent jugement.
- Fixe le délai de dépôt de la liste des créances par le mandataire à 12 mois à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du présent jugement.
- DIT que le jugement est exécutoire de plein droit, »
In limine litis :
- dire nulles et de nul effet les assignations signifiées le 30 janvier 2024 et le 4 mai 2024 devant le tribunal de commerce de Paris ;
- dire nul et de nul effet le jugement rendu le 6 décembre 2024 par le tribunal de commerce de Paris ;
A titre principal :
- juger n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure collective ;
- rejeter toute demande formée en vue de l'ouverture d'une procédure collective ;
- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes;
- dire que les frais et dépens seront à la charge des intimés.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 16 juin 2025, M. [A] demande à la cour de:
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
- débouter la société Courteo Solutions de ses demandes;
- condamner la société Courteo Solutions à lui payer 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
La société [C]-Yang Ting ès qualités, à laquelle la société Courteo Solutions a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions par acte du 25 avril 2025, n'a pas constitué avocat.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 1er juillet 2025.
SUR CE,
A titre liminaire, la cour relève que dans la partie 'Discussion' de ses conclusions, l'appelante formule une demande de condamnation des intimés au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, prétention qui n'est pas reprise dans le dispositif de ces écritures. Il s'ensuit que conformément à l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statuera pas sur cette demande, dont elle n'est pas saisie.
Sur la demande d'annulation des assignations des 30 janvier et 4 mai 2024 et du jugement dont appel
La société Courteo Solutions expose qu'elle a été radiée d'office du registre du commerce et des sociétés le 14 avril 2023; que cette mesure, simple sanction administrative, n'a pas eu pour effet de mettre fin à sa personnalité morale ni aux fonctions de son représentant légal; que pour autant, elle n'a jamais été personnellement assignée en liquidation judiciaire par M. [A], seul son dirigeant, M. [N], l'ayant été.
M. [A] réplique qu'il a bien fait assigner la société Courteo Solutions, représentée par son dirigeant M. [N], qu'il avait fait précédemment désigner en qualité de mandataire ad hoc de la société par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 7 septembre 2023; que le jugement dont appel mentionne d'ailleurs que la société Courteo Solutions a comparu et qu'elle était représentée par son conseil.
Il résulte de l'article L. 640-5 du code de commerce que la procédure de liquidation judiciaire peut être ouverte sur l'assignation d'un créancier délivrée au débiteur.
En l'espèce, M. [A] a saisi le tribunal de commerce de Paris d'une demande d'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société Courteo Solutions aux termes de deux assignations distinctes: un premier acte été signifié le 30 janvier 2024 à 'Monsieur [N] [O]'; un second acte a été signifié le 24 mai 2024 (et non le 4 mai comme indiqué par erreur dans les conclusions de l'appelante) à 'Monsieur [N] [O] (...) ès qualités de mandataire ad hoc de la SAS COURTEO SOLUTIONS selon ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce de Paris le 7 septembre 2023'. Le tribunal a ordonné la jonction des deux instances.
Le fait, allégué par l'appelante, que les assignations ne viseraient pas la personne morale objet de la procédure de liquidation judiciaire sollicitée ne constitue pas une cause de nullité des ces actes de procédure, qui ne sont en eux-mêmes affectés d'aucun vice au regard des prescriptions légales applicables. La société Courteo Solutions sera donc déboutée de sa demande d'annulation des assignations des 30 janvier et 24 mai 2024.
En revanche, le fait de ne pas avoir mis en cause la personne morale objet de la procédure collective ouverte pas le tribunal, s'il est avéré, est de nature à emporter l'annulation du jugement. Or, en l'espèce, il y a lieu de considérer que la société Courteo Solutions a été régulièrement mise en cause aux termes de l'assignation délivrée le 24 mai 2024 à Monsieur [N] [O] pris expressément en sa qualité de mandataire ad hoc de la personne morale. La société Courteo Solutions ne s'y est d'ailleurs pas trompée puisqu'elle a constitué avocat devant le tribunal de commerce selon les mentions de la décision querellée.
Au vu de ces éléments, la société Courteo Solutions sera déboutée de sa demande d'annulation du jugement.
Sur l'ouverture d'une procédure collective
La société Courteo Solutions soutient que le tribunal ne disposait pas d'éléments suffisants pour ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à son égard; que bien qu'elle soit débitrice d'une somme de 15.000 euros au titre de la condamnation prononcée par le conseil des prud'hommes, elle n'est pas et n'a jamais été en état de cessation des paiements.
M. [A] objecte que la société Courteo Solutions, qui n'a toujours pas réglé les causes du jugement prud'homal prononcé il y a trois ans, ne produit aucun élément justifiant sa situation financière; que sa cessation des paiements est dès lors avérée.
Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
L'article L. 631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme l'impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.
La preuve de l'état de cessation des paiements doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.
En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.
Sur l'état de cessation de paiements
M. [A] justifie que par jugement du 18 juillet 2022, le conseil des Prud'hommes de [Localité 10] a condamné la société Courteo Solutions à lui payer diverses sommes d'un montant total de 15.066,35 euros. Le 8 août 2022, cette décision a été signifiée à la société Courteo Solutions qui en a relevé appel devant la cour d'appel de Montpellier. Sa déclaration d'appel a toutefois fait l'objet d'un avis de caducité du conseiller de la mise en état en date du 9 décembre 2022. Il s'ensuit que la décision de conseil des Prud'hommes rendue en faveur de M. [A] est exécutoire et définitive.
Le montant du passif exigible sera donc fixé à la somme de 15.066,35 euros.
Pour faire face à ce passif, qui procède d'une condamnation prononcée il y a près de trois ans, la société Courteo Solutions n'invoque aucune trésorerie disponible ni aucun élément d'actif réalisable à très court terme. Dès lors, il apparaît que l'intéressée ne dispose d'aucun élément d'actif disponible.
Le montant du passif exigible (15.066,35 euros) étant supérieur au montant de l'actif disponible (0 euro), la société Courteo Solutions est en état de cessation des paiements et relève par conséquent d'une procédure collective.
Sur les perspectives de redressement de l'entreprise
La société Courteo Solutions ne fournit aucune explication ni pièce, notamment comptable, sur les conditions dans lesquelles elle entend poursuivre son exploitation en générant un revenu lui permettant d'apurer son passif exigible et de payer ses charges nouvelles. L'appelante se borne en effet à verser aux débats le jugement dont appel, sa déclaration d'appel et les deux assignations précitées.
Dès lors, le redressement de l'entreprise étant manifestement impossible, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ouvert à son égard une procédure de liquidation judiciaire.
Sur la date de cessation des paiements
Le tribunal a fixé rétroactivement la date de cessation des paiements au 6 juin 2023. La cour confirmera cette date au vu du certificat d'irrecouvrabilité émis le 19 avril 2023 par Maître [F], commissaire de justice missionné par M. [A] pour le recouvrement de sa créance à l'égard de la société Courteo Solutions, qui indique que 'Le Président de la société débitrice m'informe par courriel que sa société était actuellement en difficultés ainsi qu'en arrêt d'activité. Ce dernier propose de régler la dette en son nom personnel sous forme d'acompte mensuel de 100.00 €, ce qui a été refusé par le créancier', ce qui atteste de l'incapacité de la débitrice de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
L'équité commande de condamner la société Courteo Solutions à payer à M. [A] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déboute la société Courteo Solutions de sa demande d'annulation des assignations des 30 janvier et 24 mai 2024,
Déboute la société Courteo Solutions de sa demande d'annulation du jugement dont appel,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Courteo Solutions à payer à M. [A] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles,
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente