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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 11 juillet 2025, n° 25/02597

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/02597

11 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 11 JUILLET 2025

(n° / 2025 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/02597 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKZES

Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 février 2025 -Tribunal de commerce de Bobigny - RG n° 2024P03081

APPELANTE

S.A.S. EBF, société par actions simplifiée, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 905 381 489,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Sylviane DUCORPS, avocat au barreau de PARIS toque D 2181,

Assistée de Me Jérémie COHEN de l'AARPI TEAM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque D 2181,

INTIMÉES

L'URSSAF ILE DE FRANCE

Située [Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée et assistée de Me Vincent DONY de l'AARPI ARKE Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : B0005,

SELAS MJS Partners , prise en la personne de Me [K] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société EBF, désignée par jugement du tribunal de commerce de BOBIGNY du 5 février 2025,

Dont l'étude est située [Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Marc VOLFINGER, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 86

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er juillet 2025, en audience publique, par la cour, composée de:

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Monsieur François VARICHON, conseiller,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de proécdure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

La SAS EBF exploite depuis sa création en 2021 une entreprise générale tous corps d'état et construction de maisons individuelles, génie climatique et système de chauffage.

Sur assignation de l'Urssaf, se prévalant d'une créance de 75 063 euros, le tribunal de commerce de Bobigny, par jugement du 5 février 2025, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate sans maintien de l'activité à l'égard de la société EBF, nommé la SELAS MJS Partners prise en la personne de Me [L] en qualité de liquidateur, fixé provisoirement au 22 février 2024 la date de cessation des paiements, date de la première saisie-attribution, dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire, et rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

La société EBF a relevé appel de ce jugement, par deux déclarations des 6 et 11 février 2025, intimant l'Urssaf et le liquidateur ès qualités.

Par ordonnance du 4 mars 2025, le président de la chambre a joint les procédures inscrites au rôle sous les numéros RG 25/02597 et 25/02836, et dit qu'elles se poursuivront sous le numéro RG 25/02597.

Par ordonnance du 11 avril 2025, le délégataire du premier président de la cour d'appel a arrêté l'exécution provisoire attachée au jugement.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 4 avril 2025, la société EBF demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en sa qualité d'appelante, in limine litis, dire nul et de nul effet le jugement, y faisant droit, infirmer le jugement en toutes ses dispositions, juger n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure collective, rejeter toute demande formée en vue de l'ouverture d'une procédure collective, débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, en tout état de cause, condamner les intimés à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 28 mai 2025, l'Urssaf demande à la cour de déclarer la société EBF mal fondée en sa demande de nullité du jugement et l'en débouter, en toutes hypothèses, statuant au fond compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel, confirmer en toutes ses dispositions le jugement, et dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Me [L], ès qualités, a constitué avocat le 10 mars 2025, sans prendre de conclusions.

Le dosssier a été visé sans observation par le ministère public le 20 février 2025.

L'instruction a été clôturée le 24 juin 2025.

Ainsi qu'il y avait été autorisé, le conseil de la société EBF a communiqué en délibéré un état actualisé du compte bancaire de la société et un justificatif du paiement de la créance de l'Urssaf.

SUR CE,

Sur la demande d'annulation du jugement

Au soutien de sa demande d'annulation du jugement la société appelante fait valoir, que ni elle, ni même son président n'ont été destinataires d'une convocation pour l'audience du 22 janvier 2025 ou celle du 28 janvier 2025, et qu'il ne ressort pas du jugement l'envoi de convocation.

L'Urssaf réplique que, par acte du 26 septembre 2024, elle a régulièrement fait assigner la société EBF devant le tribunal de commerce de Bobigny, que cette assignation lui a été délivrée à l'adresse de son siège social, que cette même adresse figure sur sa déclaration d'appel et au sein de ses conclusions d'appelante, qu'ainsi la société appelante ne doit qu'à sa propre carence à se présenter à la première audience du 17 décembre 2024 de ne pas avoir été informée du renvoi en chambre du conseil à l'audience du 28 janvier 2025, et qu'en tout état de cause la cour demeure saisie de l'entier litige en vertu de l'effet dévolutif.

Il ressort des pièces aux débats que l'Urssaf a, par acte de commissaire de justice du 26 septembre 2024, fait assigner la société EBF pour l'audience du tribunal de commerce de Bobigny du 17 décembre 2024 aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ou subsidiairement de redressement judiciaire. L'acte a été délivré à étude après que le commissaire de justice a obtenu confirmation par le voisinage de l'adresse du destinataire [Adresse 1]. Le procès-verbal mentionne que conformément à l'article 656 du code de procédure civile un avis de passage correspondant aux prescriptions de l'article 655 a été laissé au domicile de la société EBF et que la lettre prévue à l'article 658 du même code comportant les mêmes mentions que l'avis de passage et copie de l'acte de signification a été adressée dans le délai prévu par la loi.

La société EBF ne conteste pas l'adresse à laquelle l'acte a été délivré, ni davantage la régularité de cette assignation, de sorte que c'est après avoir été régulièrement saisi par l'Urssaf que le tribunal a ouvert une procédure de liquidation judiciaire. En ne comparaissant pas à l'audience du 17 décembre 2024, dont elle a été informée par l'assignation, la société EBF s'est privée de la possibilité de suivre le déroulement de la procédure. Le seul fait que le jugement ne précise pas que la société a été avisée de la date du renvoi n'exclut pas qu'un tel avis lui ait été adressé pour l'audience du 28 janvier 2025 au cours de laquelle l'affaire a été retenue par le tribunal. La société ayant été régulièrement assignée pour l'audience initiale du 17 décembre 2024, il y a lieu de rejeter la demande d'annulation du jugement.

Surabondamment, il sera ajouté que quand bien même la société EBF n'aurait pas été avisée de l'audience de renvoi, cela n'affecterait pas l'acte introductif d'instance, de sorte qu'une annulation du jugement serait sans incidence sur l'effet dévolutif de l'appel.

Sur l'ouverture d'une procédure collective

L'article L.640-1 du code de commerce institue une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L.640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

Il résulte des termes de l'article L. 631-1 du code de commerce qu'est en état de cessation des paiements tout débiteur qui est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

En cas d'appel l'existence de la cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.

La société EBF conteste se trouver en état de cessation des paiements et soutient que les premiers juges ne disposaient d'aucun élément quant à sa situation économique, financière et sociale, que bien qu'elle fût débitrice envers l'Urssaf de la somme de 75 063 euros depuis le 23 octobre 2024, elle a reçu le 11 février 2025 le remboursement de son crédit de TVA à hauteur de 146 386 euros. Elle souligne que son activité s'est trouvée ralentie du fait de la promulgation de la loi de finances 2025 actant de nouveaux dispositifs applicables aux travaux de rénovation énergétique, mais qu'en tout état de cause elle est désormais en capacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, de sorte que ne se trouvant plus en cessation des paiements, le jugement doit être infirmé.

L'Urssaf réplique qu'elle n'est pas parvenue à recouvrer sa créance de 75 063 euros, les trois saisies-attributions pratiquées les 22 février, 24 juillet et 23 août 2024 étant demeurées infructueuses. Elle précise avoir déclaré le 10 février 2025 une créance de 105 063 euros, dont 31.515 euros de parts salariales, au titre des cotisations dues pour la période de mai 2023 à juillet 2024, dont 31 515 euros au titre de parts salariales et que la société n'a pas utilisé les fonds qu'elle prétend avoir reçu en remboursement d'un crédit de TVA pour régler sa dette, de sorte qu'elle considère que la société EBF demeure en état de cessation des paiements.

La cour ne dispose pas de l'état des créances, le liquidateur n'ayant pas conclu. Ainsi, le seul passif identifié correspond à la créance déclarée par l'Urssaf le 10 février 2025 pour un montant de 105.063 euros, incluant toutefois un montant de 30.000 euros au titre de 'Regul' , qui ne constitue pas du passif exigible au sens de l'article L631-1 du code de commerce.

En cours de délibéré, la société EBF a justifié par un relevé de son compte Finom avoir réglé le 30 avril 2025 à l'Urssaf d'Ile de France un montant de 39.387 euros, correspondant selon ses explications au montant des parts salariales impayées. Ce règlement à supposer qu'il s'impute bien sur la créance déclarée aurait pour effet de limiter le passif exigible à 35.387 euros (75.063 - 39.387 euros).

En tout état de cause, il ressort du relevé actualisé du compte bancaire de la société EBF dans les livres de la banque en ligne Finom, évoqué à l'audience et communiqué par note en délibéré avec l'autorisation de la cour, qu'au 30 juin 2025, le solde créditeur du compte s'élève à 95.163 euros, suite au remboursement du crédit d'impôt dont a bénéficié la société.

Il s'ensuit que la société EBF dispose d'un actif disponible lui permettant de faire face à son passif exigible auprès de l'Urssaf, que ce passif soit de 35.387 euros ou de 75.063 euros, et que son état de cessation des paiements n'est pas caractérisé. Elle ne relève donc pas d'une procédure collective.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de juger n'y avoir lieu d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société EBF, n'ayant perçu le remboursement de son crédit d'impôt lui permettant de faire face à son passif exigible que postérieurement à l'assignation de l'Urssaf, sera condamnée aux entiers dépens. Elle ne peut en conséquence prétendre au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Déboute la société EBF de sa demande d'annulation du jugement,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant

Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire à l'égard de la société EBF,

Condamne la société EBF aux dépens de première instance et d'appel

Déboute la société EBF de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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