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CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 11 juillet 2025, n° 25/05491

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/05491

11 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 11 JUILLET 2025

(n° /2025, s)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/05491 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLBT7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 mars 2025 -Tribunal des activités économiques de PARIS - RG n° 2024005954

APPELANTE

S.A.R.L. BILLI GUDIMAN CONSTRUCTION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 803 433 903,

Dont le siège social est situé [Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée et assistée de Me Patricia AUBIJOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : G761,

INTIMÉS

L'URSSAF ILE DE FRANCE (UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES D'ILE DE FRANCE)

Située [Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée et assistée de Me Vincent DONY de l'AARPI ARKE Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : B0005,

SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [Z] [L], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL BILL GUDIMAN CONSTRUCTION, en remplacement de la S.E.L.A.R.L. AXYME,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 440 672 509,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Sally DIARRA de l'AARPI KLEBERLAW, avocat au barreau de PARIS, toque : P159,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 7]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er juillet 2025, en audience publique, par la cour, composée de:

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Monsieur François VARICHON, conseiller,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Constance LACHEZE dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de proécdure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société à responsabilité limitée Billi Gudiman Construction (ci-après " la société BGC") exerce une activité de bâtiment tous corps d'état.

Sur assignation de l'Urssaf, se prévalant d'une créance de 21 160,61 euros au titre de cotisations sociales et par jugement du 19 mars 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société BGC, désigné la SELARL Axyme, en la personne de Me [L], en qualité de liquidateur judiciaire, dit n'y avoir lieu à nomination d'un commissaire de justice, fixé à dix-huit mois antérieurement au prononcé du présent jugement, soit au 19 septembre 2023, la date de cessation des paiements correspondant à l'ancienneté d'une signification de contrainte, dit que le jugement est exécutoire de plein droit et dit que les dépens seront portés en frais privilégiés de procédure collective.

Par ordonnance du 2 avril 2025, le président du tribunal des activités économiques de Paris a désigné la SELAFA MJA, en la personne de Me [L] en qualité de liquidateur judiciaire de la société BGC en remplacement de la SELARL Axyme, en la personne de Me [L], à effet du 1er avril 2025.

Le 25 mars 2025, la société BGC a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 juin 2025, la société BGC demande à la cour de dire sa demande recevable et bien fondée, et, y faisant droit, réformer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, à titre principal, dire n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à son encontre, en conséquence, débouter l'Urssaf de l'intégralité de ses demandes, à titre subsidiaire, ouvrir une procédure de redressement judiciaire à son égard, fixer à 18 mois à compter de l'arrêt à intervenir la date de cessation des paiements, nommer M. [T] en qualité de juge-commissaire, désigner la SELAFA MJA en la personne de Me [L] en qualité de mandataire judiciaire, nommer un commissaire de justice aux fins de réaliser l'inventaire lequel devra être réalisé dans un délai de 3 mois à compter de l'arrêt à intervenir, et dire que les dépens seront utilisés en frais privilégiés de procédure.

Si elle ne conteste plus se trouver en cessation des paiements, la société appelante soutient que son redressement n'est pas manifestement impossible car elle dispose d'une activité rentable lui permettant de faire face à ses charges courantes et de dégager une capacité d'autofinancement qui lui permettra de présenter une solution à ses créanciers à court terme. Si elle reconnaît avoir rencontré des difficultés à encaisser son poste client l'année passée, expliquant ses retards de paiements de ses charges, elle considère aujourd'hui que son redressement est manifestement possible avec une solution de règlement des créanciers à court terme sur 10 mois, en ce qu'elle bénéficie de devis signés et en ce que le prévisionnel d'activité et de trésorerie réalisé par son expert-comptable fait état d'un cumul de trésorerie de 49 000 sur 10 mois.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 juin 2025, l'Urssaf d'Île-de-France demande à la cour de déclarer la société BGC mal fondée en son appel et l'en débouter, confirmer en toutes ses dispositions le jugement et dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

L'Urssaf rappelle avoir fait assigner la société BGC en liquidation judiciaire par acte du 18 janvier 2024 se prévalant d'une créance de 21 160,61 euros, dont 2 601 euros au titre de parts ouvrières, qu'elle a déclaré une créance de 50 787,75 euros, dont 9 420 euros au titre de parts salariales et 12 258 euros au titre de régularisations, qu'il s'agit de cotisations dues pour les périodes de 2020 à mars 2025, que la débitrice n'a jamais été en mesure de recouvrer sa créance malgré les contraintes et mesures d'exécution exercées, que disposant d'un actif de 10 000 euros au 1er avril 2025, la société BGC se trouve bien en cessation des paiements et n'est pas en mesure de faire face à sa dette et que compte-tenu du montant de sa dette et de l'échec des voies d'exécution, il apparaît que son redressement est manifestement impossible.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 juin 2025, la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [L], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société BGC, demande à la cour de juger cette dernière mal fondée en son appel, l'en débouter à toutes fins qu'il comporte, en conséquence, confirmer en toutes ses dispositions le jugement et mettre les dépens en frais privilégiés.

La SELAFA MJA, ès qualités, observe que la société BGC est bien en état de cessation des paiements, que son actif disponible s'élève à 10 643,32 euros et que son passif déclaré est de 50 787,75 euros au titre de la créance de l'Urssaf et 1 890 euros au titre de la créance de la société SCM Local, et soutient qu'il existe un doute sérieux quant aux possibilités effectives de redressement de la société appelante, que les devis signés pour un montant total de 212 616,60 euros interrogent quant à leur date de signature et à leur montant au regard de l'activité antérieure de la société et qu'ainsi elle sollicite la confirmation du jugement.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er juillet 2025.

SUR CE,

Aux termes de l'article L. 631-1 du code de commerce, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements et le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. (')

Il résulte de l'article L. 640-1 du code de commerce que la procédure de liquidation judiciaire n'est ouverte qu'au débiteur en cessation des paiements dont le redressement est manifestement impossible.

En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.

En l'espèce, l'état de cessation des paiements n'est pas contesté.

En effet, au stade de l'appel, il ressort de la déclaration de créance de l'Urssaf du 8 avril 2025 pour un montant de 50 787,75 euros, dont 12 258 euros à titre provisionnel (déclarés au titre de régularisations diverses), et de la déclaration de créance de la société SCM du 13 mai 2025 à hauteur de 1 890 euros, que le passif exigible à date de la société BCG s'élève à la somme de 40 419,75 euros (50 787,75 - 12 258 + 1 890). La cour observe à titre indicatif que l'attestation de l'expert-comptable de la société du 28 avril 2025 et le rapport du mandataire liquidateur du 31 octobre 2024 mentionnent en outre, sans que cela ne soit repris dans les écritures des parties, une dette fiscale de 5 833 euros.

A hauteur d'appel, il est justifié que la société BGC dispose d'un actif disponible de 10 000 euros ainsi qu'en atteste son relevé de compte ouvert dans les livres de la banque Qonto au 1er avril 2025, qu'ainsi la société appelante ne fait pas état d'un actif disponible de nature à lui permettre de faire face à son passif exigible.

Le redressement de la société BGC n'apparaît toutefois pas manifestement impossible compte tenu des résultats excédentaires des exercices passés car la société a réalisé :

- en 2021, un chiffre d'affaires de 95 077 euros et un bénéfice de 8 717 euros ;

- en 2022, un chiffre d'affaires de 59 132 euros et un bénéfice de 2 217 euros ;

- en 2023, un chiffre d'affaires de 134 324 euros et un bénéfice de 15 982 euros ;

- en 2024, un chiffre d'affaires de 187 164 euros et une perte de -13 301 euros.

En outre, la société appelante fait état de perspectives sérieuses de redressement eu égard, d'une part, aux six devis signés qu'elle produit qui devraient lui permettre de recevoir la somme totale de 212 816 euros au cours de l'année 2025 et, d'autre part, au prévisionnel de trésorerie attesté par son expert-comptable au 15 mai 2025 qui envisage un " cumul de trésorerie " de 57 600 euros sur les douze prochains mois. Si cette prévision apparaît optimiste, les résultats des précédents exercices, nonobstant les difficultés rencontrées en 2024, démontrent la capacité de la société BGC à obtenir des résultats suffisants pour envisager l'apurement de sa dette dans le cadre d'un plan de redressement tout en continuant à assumer les charges de son activité.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce sens et, statuant à nouveau, d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société BGC avec une période d'observation d'une durée de six mois.

Pour justifier des voies d'exécution mises en 'uvre pour le recouvrement de sa créance, l'URSSAF ne produit qu'un procès-verbal de saisie-attribution du 9 mai 2023 dont il ressort que le solde du compte bancaire de la société BGC était débiteur mais la société a enregistré au 31 décembre 2023 un bénéfice démontrant qu'elle n'était pas en état de cessation de paiement à cette date. Toutefois, la société BGC demandant à la cour de faire remonter la date de cessation des paiements de 18 mois en partant de son arrêt, elle sera fixée au 11 janvier 2024.

Le chiffre d'affaires et le nombre de salariés de la société BGC sont inférieurs aux seuils prévus aux articles L. 621-4 et R. 621-11 du code de commerce et il n'y a pas lieu d'user de la faculté offerte par le premier de ces textes de désigner néanmoins un administrateur judiciaire.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a constaté que la SARL Billi Gudiman Construction se trouvait en état de cessation des paiements et dit que les dépens seront portés en frais privilégiés de procédure collective ;

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Ouvre une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Billi Gudiman Construction, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 803 433 903, et dont le siège social se situe au [Adresse 8] à Paris 17ème (75017) ;

Fixe la durée de la période d'observation à six mois à compter du présent arrêt ;

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 11 janvier 2024 ;

Désigne la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [Z] [L], en qualité de mandataire judiciaire ;

Désigne la SCP Morand et Morand Commissaires de Justice, commissaires de justice anciennement commissaire-priseur judiciaire, [Adresse 4], aux fins de réaliser, s'il y a lieu, l'inventaire prévu par l'article L. 622-6 du code de commerce et la prisée de l'actif du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent ;

Fixe à 4 mois à compter de la publication de l'arrêt au BODACC le délai pour établir la liste des créances mentionnée à l'article L. 624-1 du code de commerce ;

Fixe le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée à 12 mois ;

Invite les délégués du personnel ou les salariés s'il en existe à désigner un représentant dans les conditions prévues par les articles L. 621-4 et L. 621-6 du code de commerce et à en communiquer le nom et l'adresse au greffe du tribunal des activités économiques de Paris;

Renvoie l'affaire devant le tribunal des activités économiques de Paris pour la poursuite de la procédure et la désignation du juge-commissaire ;

Y ajoutant,

Rappelle que le greffe du tribunal des activités économiques de Paris devra procéder aux mentions et publicités prévues par la loi ;

Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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