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Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 10 juillet 2025, n° 23/05727

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Cofidis (SA)

Défendeur :

Groupe France Environnement (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

M. Bruey, Mme Franco

Avocats :

Me Salvignol, SCP Abbal - Ceccotti

JCP [Localité 10], du 26 oct. 2023, n° 2…

26 octobre 2023

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS :

1. Selon bon de commande du 20 novembre 2018, M. [Y] [M] et Mme [T] [B], épouse [M] (ci-après les époux [M]) ont confié à la société Groupe France Environnement la fourniture et la pose d'une centrale photovoltaïque pour le prix de 26 900 €, suite à un démarchage à domicile.

2. Le même jour, les époux [M] ont souscrit auprès de la société Cofidis un contrat de crédit d'un montant de 26900 € remboursable au moyen de 180 échéances de 201,42 € au taux nominal de 3,70%.

3. Considérant que l'installation n'avait pas satisfait à ses promesses d'auto-financement, les époux [M] ont, par acte du 16 septembre 2022, fait assigner la société Groupe France Environnement et la société Cofidis devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rodez aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de vente et la nullité subséquente du contrat de prêt.

4. Par jugement réputé contradictoire du 26 octobre 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rodez a :

- Prononcé la jonction des instances enrôlées sous les numéros RG 22-1217 et RG 22-1083 sous ce dernier numéro ;

- Déclaré recevable l'acte introductif d'instance en date du 16 septembre 2022 ;

- Prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 20 novembre 2018 entre les époux [M] et la société Groupe France Environnement portant sur la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque ;

- En conséquence, constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 20 novembre 2018 entre les époux [M] et la société Cofidis ;

- Débouté la société Cofidis de sa demande de restitution du capital emprunté ;

- Condamné la société Cofidis à restituer aux époux [M] les mensualités versées en exécution du contrat de crédit affecté (capital, intérêts et frais accessoires) ;

- Condamné la société Cofidis à payer aux époux [M] la somme de 6 800 € en réparation des frais engagés par l'enlèvement de l'installation et la remise en état de l'immeuble ;

- Condamné la société Groupe France Environnement à payer à la société Cofidis la somme de 36 254 € assortie du taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

- Condamné la société Groupe France Environnement à garantir toute condamnation mise à la charge de la société Cofidis au profit des époux [M] ;

- Débouté les époux [M] de leur demande indemnitaire en réparation de leur préjudice moral ;

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

- Condamné in solidum la société Groupe France Environnement et la société Cofidis à payer aux époux [M] une somme de 1000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné in solidum la société Groupe France Environnement et la société Cofidis aux dépens ;

- Rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.

5. La société Cofidis a relevé appel de ce jugement le 21 novembre 2023.

6. Par dernières conclusions remises par voie électronique le 31 mai 2024, la société Cofidis demande en substance à la cour de :

à titre principal :

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- Déclarer les époux [M] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter,

- Déclarer la société Cofidis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner les époux [M] à reprendre l'exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d'amortissement,

- Condamner les époux [M] à rembourser à la société Cofidis, en une seule fois, l'arriéré des échéances impayées depuis le jugement assorti de l'exécution provisoire au jour de l'arrêt à intervenir,

à titre subsidiaire, si la cour confirme le jugement sur la nullité des conventions :

- Infirmer le jugement sur les conséquences de la nullité des conventions,

Statuant à nouveau :

- Condamner solidairement les époux [M] à rembourser à la société Cofidis le capital emprunté d'un montant de 26 900 € au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, en l'absence de faute de la concluante et en toute hypothèse en l'absence de préjudice et de lien de causalité,

à titre plus subsidiaire :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Groupe France Environnement à payer à la société Cofidis la somme de 36 254€, et à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à charge au profit des époux [M],

à titre infiniment subsidiaire :

- Condamner la société Groupe France Environnement à payer à la société Cofidis la somme de 26 900 € au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

en tout état de cause :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Cofidis à payer aux époux [M] la somme de 6 800 € au titre des frais de désinstallation du matériel,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Groupe France Environnement à relever et garantir la société Cofidis de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit des époux [M],

- Condamner tout succombant à payer à la société Cofidis la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner tout succombant aux entiers dépens.

7. Par dernières conclusions remises par voie électronique le 9 avril 2024, les époux [M] demandent en substance à la cour, au visa des articles L. 111-1, L. 111-2, R. 111-2, L. 221-5, L.221-9, L. 242-1, L 311-31, L. 312-55 et L. 314-26 du Code de la consommation, 1130 à 1132, 1231-1 et 1338 du Code civil, de :

- Rejeter les prétentions adverses et les dire injustes et mal fondées;

- Confirmer le jugement du 26 octobre 2023 en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire :

- Constater que la société Cofidis a commis une faute dans l'octroi du crédit affecté en accordant un financement sur la base d'un document contrevenant aux dispositions d'ordre public du Code de la consommation,

- Condamner la société Cofidis à la réparation du préjudice résultant pour les époux [M] en la perte d'une chance de ne pas avoir contracté de crédit affecté à l'achat d'une installation d'isolation ;

- Condamner la société Cofidis au paiement de la somme de 15 000 € au titre de dommages et intérêts ;

- Condamner la société Cofidis à payer aux époux [M] la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société Cofidis aux entiers dépens de l'instance.

8. Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 avril 2025.

9. La société Groupe France Environnement n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions de la société Cofidis lui ont été signifiées suivant acte délivré le 11 janvier 2024 ayant fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses.

10. Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- sur l'opposabilité du contrat de vente argué de nullité à la société Cofidis

11. Au soutien de son appel, la société Cofidis fait valoir que c'est à tort que le premier juge a considéré qu'elle avait financé le contrat de vente n° 2652203 portant sur une installation photovoltaique alors que l'offre de prêt, qu'elle ne conteste pas avoir consentie aux époux [M], était affectée au financement d'un bon de commande n° 2852142 portant sur des travaux d'installation photovoltaique et d'isolation de combles perdus dont il n'est pas demandé l'annulation.

12. La cour observe toutefois que:

- le bon de commande n° 2652203 souscrit le 20 novembre 2018 par les époux [M] au titre d'une installation photovoltaique, d'un ballon d'eau chaude, d'une batterie de stockage et micro-onduleurs précise à la rubrique 'conditions de règlement' que le contrat est financé au moyen d'un crédit de 26900 € remboursable au moyen de 180 mensualités de 20,42 € au taux nominal de 3,70% consenti par Projexio.

- la société Cofidis produit quant à elle une offre de prêt à en-tête de 'Projexio by Cofidis' signée des époux [M] le 20 novembre 2018 conforme aux caractéristiques mentionnées dans le bon de commande,

- la société Cofidis ne rapporte pas la preuve de ce qu'une prestation d'isolation des combles perdus a été réalisée par la société Groupe finance Environnement.

13. Ces éléments permettent à la cour à l'instar du premier juge d'affecter le prêt consenti par l'appelante au financement du bon de commande objet de l'action en nullité introduite par les époux [M].

- sur la nullité du contrat principal :

14. Les époux [M] invoquent à titre principal la nullité formelle du contrat.

15. Le contrat conclu à la suite d'un démarchage à domicile est soumis aux dispositions des articles L221-1 et suivants du code de la consommation.

16. L'article L221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable, dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L221-5. Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier a l'exercice de son droit de rétractation. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L.221-5.

17. L'article L.221-5 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose notamment que, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L.111-1 et L.111-2

18. L'article L111-1 dans sa version applicable précise :

'Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L.112-1 à L. 112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service;

6° la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

(...)

19. Le bon de commande litigieux ne comporte aucune mention relative à la marque du matériel installé laquelle constitue pourtant une caractéristique essentielle du contrat.(Civ 1ère 24 janvier 2024 n°21-20.691).

20. Il ne mentionne pas davantage la date d'exécution des prestations, ni le délai auquel le vendeur s'engage à livrer le bien, ni la mention de la possibilité de recourir à un médiateur.

21. Aux termes de l'article L.242-1, les dispositions de l'article L.221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

22. La SA Confidis soutient vainement la ratification du contrat en dépit de sa nullité motif pris de ce que le bon de commande comporte au verso la reproduction des dispositions du droit de la consommation dès lors qu'au-delà du fait que le bon de commande reproduit des dispositions qui n'étaient plus en vigueur à la date du contrat, il est de jurisprudence acquise que la reproduction de dispositions du code de la consommation dont l'acquéreur déclare avoir pris connaissance ne suffit pas pour considérer qu'il a eu une connaissance effective du vice.

(Civ 1ère, 28 mai 2025, n°24-13.873).

23. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente portant sur une installation photovoltaique conclu le 20 novembre 2018 entre les époux [M] et la SARL Groupe France Environnement.

- sur la nullité subséquente du contrat de crédit et restitutions réciproques

24. La nullité du contrat principal entraîne celle, subséquente, du crédit affecté par application de l'article L312-55 du code de la consommation.

25. En application des dispositions de l'article 1178 du code civil, les époux [M] et la SARL Groupe France Environnement devront se restituer réciproquement le prix de vente et l'installation photovoltaique,la reprise de celle-ci devant intervenir aux seuls frais de la SARL Groupe France Environnement.

26. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la SA Cofidis à payer aux époux [M] la somme de 6800€ au titre des frais d'enlèvement de l'installation et de remise en état de l'immeuble, dès lors le prêteur tiers au contrat principal ne peut se voir imputer les conséquences de son annulation.

27. Si l'annulation du contrat de crédit emporte l'obligation pour l'emprunteur de rembourser le capital emprunté, ce dernier peut être dispensé de cette obligation dès lors qu'il justifie d'un préjudice en lien avec la faute du prêteur laquelle résulte en l'espèce pour le prêteur de ne pas s'être assuré de la régularité formelle du contrat principal.

28. Or les époux [M] ne rapportent pas la preuve de ce que la prestation vendue n'aurait pas été exécutée de manière complète. Il résulte de l'expertise amiable produite par eux que l'installation est fonctionnelle et génère un rendement annuel de 1338,85 €.

29. Le préjudice invoqué par les époux [M] fondé en substance sur les promesses non tenues par le vendeur d'auto-financement de l'installation qui les auraient mis en difficulté pour s'acquitter du remboursement du prêt ne résulte pas contrairement à ce que retenu par le premier juge de la faute du prêteur mais, à la supposée établie, de celle du vendeur.

30. Échouant en conséquence à établir un lien de causalité entre la faute du prêteur et le préjudice qu'ils invoquent les époux [M] ne pourront échapper à leur obligation de rembourser à la SA Cofidis la somme de 26900€ au titre du capital emprunté sous déduction de l'ensemble des sommes déjà réglées au titre du remboursement du prêt.

31. Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef.

32. En conséquence de la condamnation des emprunteurs à rembourser à la SA Cofidis le capital prêté, les demandes en paiement formées par celle-ci à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire à l'encontre de la SARL Groupe France Environnement seront nécessairement rejetées et le jugement infirmé en ce qu'il a condamné la société Groupe France Environnement à payer à la société Cofidis la somme de 36254€.

33. Aucune condamnation n'étant prononcée à hauteur d'appel à l'encontre de la SA Cofidis, le jugement sera également nécessairement infirmé en ce qu'il a condamné la S.A.R.L Groupe France Environnement à la relever et garantir de toutes condamnations mises à sa charge.

34. Les époux [M] ne rapportent pas le preuve de manoeuvres dolosives du vendeur de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'ils ont été déboutés de leur demande indemnitaire au titre d'un préjudice moral.

35. Ils seront également déboutés de leur demande tendant à la réparation du préjudice résultant de la perte de chance de ne pas avoir contracté de crédit affecté à l'achat d'une installation d'isolation. Outre que cette demande est nouvellement formée à hauteur d'appel et n'est pas chiffrée, il a été précédemment retenu, conformément à ce que soutenu par les époux [M], que le contrat de vente financé par la SA Cofidis dont la nullité a été prononcée portait sur la seule installation photovoltaique et ballons d'eau chaude et non sur l'isolation des combles.

36. Parties succombantes pour l'essentiel au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. et Mme [M] supporteront la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS:

Statuant par arrêt de défaut,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- débouté la SA Cofidis de sa demande de restitution du capital emprunté, et l'a condamnée à restituer aux époux [M] les mensualités versées en exécution du contrat de crédit affecté,

- condamné la SA Cofidis à payer à M. et Mme [M] la somme de 6800€ au titre des frais d'enlèvement de l'installation,

- condamné la société Groupe France Environnement à garantir toute condamnation mise à la charge de la société Cofidis au profit des époux [M],

- condamné la société Groupe France Environnement à payer à la SA Cofidis la somme de 36254€ outre intérêts au taux légal.

Statuant à nouveau de ces chefs:

- déboute les époux [M] de leur demande de privation du droit de la la SA Cofidis à restitution du capital emprunté,

- condamne en conséquence solidairement les époux [M] à payer à la SA Cofidis la somme de 26900€ à titre de restitution du capital emprunté sous déduction de l'ensemble des sommes déjà réglées au titre du remboursement du prêt.

- déboute les époux [M] de leur demande en paiement de la somme de 6800€,

- déboute la SA Cofidis de ses demandes à l'égard de la société Groupe France Environnement.

Confirme le jugement pour le surplus.

Y ajoutant,

Dit que les frais d'enlèvement de l'installation photovoltaique seront supportés par la société Groupe France Environnement,

Condamne la société Groupe Financement à payer aux époux [M] la somme de 26900€ au titre de la restitution du prix de vente.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne M.et Mme [M] aux dépens d'appel.

Déboute la SA Cofidis de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

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