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Décisions

CA Poitiers, référés premier président, 10 juillet 2025, n° 25/00026

POITIERS

Ordonnance

Autre

CA Poitiers n° 25/00026

10 juillet 2025

Ordonnance n 41/2025

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10 Juillet 2025

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N° RG 25/00026 - N° Portalis DBV5-V-B7J-HJ34

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[L] [J]

C/

[U] [G], Organisme [Adresse 8]

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DU PREMIER PRÉSIDENT

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le dix juillet deux mille vingt cinq par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par le premier président de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Madame Marion CHARRIERE, greffière,

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le trois juillet deux mille vingt cinq, mise en délibéré au dix juillet deux mille vingt cinq.

ENTRE :

Madame [L] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Comparante assistée de Me Thierry ZORO de la SELARL THIERRY ZORO, avocat au barreau de POITIERS

DEMANDEUR en référé ,

D'UNE PART,

ET :

Madame [U] [G]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Comparante assistée de Me Laurent BENETEAU de la SCP SCPA BENETEAU, avocat au barreau de la CHARENTE, substitué par Me Anaelle RABALLAND, avocate au barreau de la CHARENTE

Organisme URSSAF POITOU CHARENTES - CENTRE DEDIE PAM

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Laurent BENETEAU de la SCP SCPA BENETEAU, avocat au barreau de la CHARENTE, substitué par Me Anaelle RABALLAND, avocate au barreau de la CHARENTE

DEFENDEURS en référé ,

D'AUTRE PART,

PARTIE JOINTE : Ministère public, non représenté ayant déposé un avis

Faits et procédure :

Le 27 février 2017, sur assignation de l'URSSAF, le tribunal judiciaire a placé Madame [L] [J] en redressement judiciaire et désigné Maître [U] [G] en qualité de mandataire judiciaire.

Le 2 octobre 2017, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de Madame [L] [J] constatant notamment l'impossibilité de bâtir un plan de redressement et le défaut de collaboration de la débitrice.

Le 23 janvier 2018, la cour d'appel a infirmé ce jugement et renvoyé la cause devant le tribunal.

Le 11 juin 2018, le tribunal a adopté le plan de redressement de Madame [L] [J] sur 10 ans ensuite prolongé de trois mois dans le cadre de la crise sanitaire.

Le 30 janvier 2025, l'URSSAF a assigné Madame [L] [J] à l'audience du 17 février 2025 afin d'obtenir sa liquidation judiciaire.

Le 5 février 2025, Maître [U] [G] commissaire à l'exécution du plan, a saisi le tribunal d'une requête en résolution du plan.

Selon jugement en date du 13 mars 2025, le tribunal judiciaire de Poitiers, statuant en matière de procédure collective, a :

prononcé la résolution du plan adopté par jugement du 11 juin 2018 à l'égard de Madame [L] [J], ouvert à son égard une procédure de liquidation judiciaire conformément à l'article L.631-1 du code de commerce,

désigné Madame [H] en qualité de juge commissaire titulaire et Katia FOURRE, juge, en qualité de commissaire suppléante et les a chargé notamment de désigner le notaire chargé de l'évaluation du patrimoine du demandeur, étant rappelé qu'une expertise judiciaire de ce bien figure au dossier ;

désigné en qualité de liquidateur judiciaire Maître [U] [G] ;

désigné Maître [K], commissaire de justice, pour dresser l'inventaire et réaliser la prisée du patrimoine de la débitrice ainsi que des garanties qui le grèvent conformément à l'article L.622-6 du code de commerce ;

fixé à 8 mois à compter de la parution au bodacc, le délai prévu à l'art. 1624. I du code de commerce ;

ordonné les mesures de publicité et de notification prévues par la loi ;

fixé à deux ans le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée conformément à l'article L.643.-9 du code de commerce ;

ordonné l'emploi de dépens en frais liquidation judiciaire.

Madame [L] [J] a interjeté appel dudit jugement selon déclaration en date du 26 mars 2025.

Par exploit en date du 14 mai 2025, Madame [L] [J] a fait assigner Maître [U] [G], mandataire judiciaire et l'URSSAF POITOU-CHARENTES devant le premier président de la cour d'appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d'obtenir, par application des dispositions de l'article R.661-1 du code de commerce, l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.

L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 19 juin 2025, a été renvoyée à l'audience du 3 juillet 2025.

Elle indique qu'aux termes de sa décision, le tribunal aurait visé le fait qu'elle avait accumulé de nouvelles dettes en cours de plan et qu'elle n'était pas actuellement en mesure de régler, ce qui caractériserait un état de cessation de paiement en cours de plan.

Elle indique que le tribunal judiciaire aurait également relevé que l'arriéré aurait été accumulé à l'égard du même créancier à savoir l'URSSAF.

Elle soutient justifier de nouveaux éléments et déclare qu'un compromis de vente de son immeuble aurait été signé entre elle et Monsieur [I] moyennant un prix de vente à hauteur de 45 000 euros et que ce dernier aurait obtenu l'accord de sa banque.

Elle indique, en outre, avoir honoré les appels de fonds effectués par Maître [U] [G] et qu'il resterait, après paiement, la somme de 7 316 euros sur son compte bancaire.

Elle ajoute avoir reçu une proposition d'achat de Monsieur [M] pour le bien situé à [Localité 7] à hauteur de 57 000 euros, ce qui permettrait de solder la totalité de ses dettes, de sorte qu'elle ne serait plus en état de cessation des paiements.

Elle soutient que l'exécution provisoire de la décision dont appel aurait pour elle des conséquences manifestement excessives, en ce qu'elle ne lui permettrait pas de poursuivre son activité de médecin généraliste, laquelle lui procure des revenus.

L'URSSAF POITOU CHARENTES et Maître [G] s'opposent à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.

Ils indiquent, à titre liminaire, que les dispositions applicables en l'espèce sont celles de l'article R.661-1 du code de commerce.

Ils soutiennent que Madame [L] [J] ne justifierait d'aucun moyen sérieux de réformation.

Ils font ainsi valoir, s'agissant de la vente du bien immobilier appartenant à Madame [L] [J], que cette dernière en aurait déjà fait état lors des débats devant la cour d'appel de Poitiers et devant le tribunal judiciaire ayant rendu la décision contestée et que deux offres de prêts auraient été faites d'un montant respectif de 45 000 et 57 000 euros, mais que seule la première aurait pu faire l'objet d'une autorisation de vente de gré à gré par le juge commissaire en date du 12 mai 2025, la seconde offre n'ayant jamais été transmise à Maître [G].

Ils soutiennent, par ailleurs, que le prix de vente de 45 000 euros ne couvrirait pas le passif et que le bien serait grevé d'une inscription de privilège de prêteur de deniers au profit de la banque postale, laquelle détiendrait une créance de 40 539,91 euros arrêtée au 13 mars 2025 sauf mémoire des intérêts de retard.

Ils ne contestent pas que les appels de fonds affectés aient été honorés, mais soutiennent que le contexte dans lequel ils sont intervenus n'aurait pas permis au tribunal judiciaire de prendre une autre décision et ne permettrait pas à la cour d'appel d'infirmer la décision attaquée.

Ils font ainsi valoir que les règlements seraient intervenus en cours de délibéré sans que Madame [L] [J] n'en avertisse le tribunal judiciaire.

Ils ajoutent que bien que les sommes versées permettent d'honorer le plan jusqu'au mois de mars 2025, la trésorerie de Madame [L] [J] demeurerait précaire et ne lui permettrait pas de s'acquitter de la dette exigible auprès de l'URSSAF qui s'élèverait à la somme de 15 308,13 euros.

Ils soutiennent que l'état de cessation des paiements aurait été caractérisé au jour du délibéré et que Madame [L] [J] ne démontrerait pas une évolution de sa situation.

Ils indiquent enfin que bien que Madame [L] [J] ait tenté de respecter le plan, elle aurait créé un nouveau passif fiscal et social en poursuivant son activité.

Ils font ainsi valoir que Madame [L] [J] n'aurait pas réglé ses cotisations obligatoires CARMF et URSSAF, ni ses impôts sur le revenu et ses taxes foncière et d'habitation, de sorte que son passif déclaré s'élèverait ce jour à la somme de 126 345,48 euros.

Ils sollicitent la condamnation de Madame [L] [J] à leur payer à chacun la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans son avis du 16 juin 2025, le parquet général conclut au rejet de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Il indique notamment que la situation de l'état de cessation des paiements était caractérisée le jour où le tribunal judiciaire a statué.

Motifs :

A titre liminaire, il convient d'indiquer qu'en l'absence du ministère public, avisé de la date de l'audience et partie principale à la procédure, son avis du 16 juin 2025 sera écarté des débats.

L'article R.661-1 du code de commerce dispose que les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.

Toutefois, ne sont pas exécutoires de plein droit à titre provisoire les jugements et ordonnances rendus en application des articles L.622-8, L.626-22, du premier alinéa de l'article L.642-20-1, de l'article L.651-2, des articles L.663-1 à L.663-4 ainsi que les décisions prises sur le fondement de l'article L.663-1-1 et les jugements qui prononcent la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L.653-8.

Par dérogation aux dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux. L'exécution provisoire des décisions prises sur le fondement de l'article L.663-1-1 peut être arrêtée, en outre, lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Dès le prononcé de la décision du premier président arrêtant l'exécution provisoire, le greffier de la cour d'appel en informe le greffier du tribunal.

En cas d'appel du ministère public d'un jugement mentionné aux articles L.645-11, L.661-1, à l'exception du jugement statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, L.661-6 et L.661-11, l'exécution provisoire est arrêtée de plein droit à compter du jour de cet appel. Le premier président de la cour d'appel peut, sur requête du procureur général, prendre toute mesure conservatoire pour la durée de l'instance d'appel.

En l'espèce, il convient de constater que Madame [L] [J] justifie d'éléments nouveaux.

En effet, si l'argument de la vente a d'ores et déjà été avancé en première instance, Madame [L] [J] justifie aujourd'hui de la signature d'un compromis de vente avec Monsieur [F] [I] portant sur un immeuble situé à [Localité 7] pour un montant de 45 000 euros.

Ledit compromis a été signé le 12 mars 2025 soit la veille du jour où le tribunal a rendu sa décision.

L'URSSAF et Maître [U] [G] ne contestent pas le règlement des appels de fonds effectué par Madame [L] [J], cette dernière justifiant, après règlement, d'un solde de 7 316,25 euros sur son compte courant au 2 mai 2025.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il peut être soutenu que le redressement de Madame [L] [J] n'est pas manifestement impossible, de sorte que les moyens invoqués à l'appui de l'appel paraissent sérieux.

En conséquence, il sera fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Poitiers, statuant en matière de procédure collective, le 13 mars 2025.

S'il appartient en principe à la partie qui succombe de supporter les dépens par application de l'article 696 du code de procédure civile, les données de l'espèce justifient que les dépens soient employés en frais privilégiés de procédure collective.

Décision :

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par le premier président de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :

Ecartons des débats l'avis du ministère public en date du 16 juin 2025,

Ordonnons l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal judiciaire de Poitiers, statuant en matière de procédure collective, le 13 mars 2025 ;

Disons que le greffier de la cour d'appel informera le greffier du tribunal judiciaire de Poitiers de cette décision dès son prononcé ;

Disons que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

La greffière, La conseillère,

Marion CHARRIERE Estelle LAFOND

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