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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 2, 10 juillet 2025, n° 24/05319

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 24/05319

10 juillet 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 10/07/2025

N° de MINUTE :

N° RG 24/05319 - N° Portalis DBVT-V-B7I-V3SZ

Jugement (N° 2024/158) rendu le 09 octobre 2024 par le tribunal de commerce d'Arras

APPELANTE

SAS Groupe VN, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Stéphane Campagne, avocat constitué, substitué par Me Alexis Merlin, avocats au barreau de Béthune

INTIMÉS

Monsieur le Procureur Général près la cour d'appel de Douai

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par M. Miot, substitut général près ladite cour

Organisme URSSAF du Nord Pas de Calais agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

SELARL MJ Solutio prise en la personne de Maître [O] [D], en sa qualité de mandataire judiciaire de la SASU Groupe VN

ayant son siège [Adresse 8]

[Localité 6]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 28 novembre 2024 par acte remis à personne morale

DÉBATS à l'audience publique du 20 mai 2025 tenue par Stéphanie Barbot magistrate chargée d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 juilletn2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 avril 2025

FAITS ET PROCEDURE

Sur une assignation délivrée par l'Urssaf du Nord Pas-de-Calais (l'Urssaf), le tribunal de commerce d'Arras a, par un jugement du 9 octobre 2024, mis la société Groupe VN en redressement judiciaire, la société MJ Solutio étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Le 8 novembre 2024, la société Group VN a relevé appel de ce jugement en intimant le procureur général près la cour d'appel de Douai, l'Urssaf et la société MJ Solutio, ès qualités.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 avril 2025, la société Groupe VN demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- dire n'y avoir lieu à ouverture d'un redressement judiciaire à son

égard ;

- statuer de ce que droit sur les dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 mars 2025, l'Urssaf demande à la cour d'appel de :

- rejeter l'appel et l'intégralité des demandes de la société Groupe VN ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- rejeter toutes les demandes de la société Groupe VN ;

- condamner la société Groupe VN aux dépens.

Par ses conclusions notifiées par la voie électronique le 14 mars 2015, le procureur général demande à la cour d'appel la confirmation du jugement dont appel.

Le 28 mars 2025, le procureur général a communiqué aux parties, par le RPVA, des pièces complémentaires provenant de la société MJ Solutio, ès qualités.

***

La société MJ. Solutio, ès qualités, a reçu la signification de la déclaration d'appel, par un acte délivré le 28 novembre 2024 et des conclusions d'appelante par un acte du 20 janvier 2025, chacun ayant été remis à une personne habilitée.

En application de l'article 474 du code de procédure civile, le présent arrêt est réputé contradictoire.

MOTIVATION

L'appelante conteste son état de cessation des paiements, en faisant valoir que :

- elle a procédé, avant le jugement entrepris, à divers paiements au profit de l'Urssaf, qui l'avait assignée en ouverture d'une procédure collective ;

- elle a conclu un moratoire avec l'Urssaf qui, si elle soutient que les échéanciers n'ont pas été tenus, omet toutefois deux versements de 1 000 euros effectués depuis lors ;

- dans tous les cas, elle s'engage à payer la dette de l'Urssaf avant l'audience de plaidoirie devant la cour d'appel, ce qui justifiera l'infirmation du jugement ;

- quant aux autres dettes invoquées par le ministère public, l'une (dette auprès de Malakoff Humanis) est contestée et ne doit donc pas être prise en compte dans la détermination du passif exigible, et quant à l'autre (solde débiteur d'un compte courant), elle s'engage aussi à la payer avant l'audience de plaidoirie devant la cour d'appel.

L'Urssaf estime que l'état de cessation des paiements est caractérisé. Elle fait notamment valoir que :

- l'apparition des difficultés à acquitter les charges sociales, dès le mois de mars 2023, a justifié la délivrance de deux contraintes, en août et septembre 2023, et les tentatives de recouvrement forcé ont été vaines ;

- l'appelante n'a pas respecté l'échéancier consenti en avril 2024 ;

- sa créance s'élève toujours à 12 190 euros au jour de ses conclusions ;

- il n'existe aucun actif disponible.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article L. 631-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 14 février 2022 :

Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur [...] qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

L'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire est donc subordonnée à la démonstration de l'état de cessation des paiements du débiteur, qui implique la comparaison entre le passif exigible et l'actif disponible.

Le passif exigible comprend l'ensemble des dettes certaines, liquides et exigibles, soit, en principe, toutes les dettes échues au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective. Il importe peu que la créance en cause ne soit pas couverte par un titre exécutoire, dès lors qu'elle n'est pas contestée (Com. 29 avr. 2014, n° 13-11156). Peu importe, également, qu'il s'agisse d'un passif exigible mais non exigé. Il doit cependant s'agir de dettes liquides, exigibles et certaines, ce qui exclut donc les créances litigieuses, car incertaines (v. par ex. Com. 31 janvier 2017, n° 15-16396).

Quant à l'actif disponible, il s'entend en principe de l'actif utilisable ou réalisable immédiatement, auquel il est convenu d'assimiler celui qui est réalisable à très court terme. Selon la jurisprudence, les juges du fond peuvent déduire l'absence d'actif disponible notamment de l'échec des voies d'exécution pratiquées par un créancier contre le débiteur (v. par

ex. : Com. 15 nov. 2005, n° 04-16904 ; Com. 14 mars 2018, n°16-24775; Com. 16 janv. 2019, n° 17-18450, publié ; Com. 17 juin 2020, n° 19-10464), de la circonstance que le débiteur n'a lui-même invoqué, dans ses conclusions, aucun actif disponible pour faire face à son passif exigible (Com. 29 nov. 2005, préc. ; Com. 5 mai 2015, n° 14-13935 ; Com. 2 nov. 2016, n° 14-18352 ; Com. 14 mars 2018, n° 16-24775), ou encore que le débiteur s'est borné à contester l'absence d'actif disponible pour faire face à une dette ancienne, sans donner de précision sur la consistance de cet actif (Com., 29 sept. 2021, n° 20-10105).

En l'espèce, il résulte des conclusions respectives des parties et des pièces versées aux débats les éléments suivants :

- le 21 août 2023, l'Urssaf a délivré à la société Groupe VN une contrainte portant sur la somme de 1 944 euros au titre des cotisations et contributions sociales impayées après une mise en demeure du mois de mars 2023 ;

- le 19 novembre 2023, une nouvelle contrainte a été délivrée à la société Groupe VN pour la somme totale de 6 976 euros, après des mises en demeure délivrées en avril, mai, juin et juillet 2023, au titre des cotisations et contributions impayées ;

- l'Urssaf a tenté de recouvrer les sommes objet de ces deux contraintes par voie de saisie-attribution les 12 et 15 septembre, 12 et 19 octobre, 12 et 13 décembre 2023, mais en vain, le solde du compte de la société Groupe VN étant tantôt largement insuffisant à honorer ces sommes, tantôt nul, tantôt débiteur ;

- lors de l'assignation introductive d'instance du 18 janvier 2024, la créance de l'Urssaf s'élevait à 18 606,06 euros ;

- la société Groupe VN s'est alors engagée à honorer la créance de l'Urssaf en plusieurs fois, ce que ce créancier a accepté en avril 2024, tout en rappelant que les charges courantes étaient « hors échéancier » et devaient donc être payées dès l'appel de cotisations et en observant que le règlement de 1 823 euros du 15 avril 2024 était revenu impayé.

C'est dans ces conditions que, en première instance, le tribunal a renvoyé l'affaire à plusieurs audiences successives, afin de vérifier si l'échéancier convenu avec l'Urssaf était respecté par la société Groupe VN.

Sur ce point, l'Urssaf précise, sans être démentie par l'appelante, que :

- lors de la première audience, sa créance s'élevait à 21 173,22 euros, au titre de cotisations afférentes à la période comprise entre mars et décembre 2023 ;

- à l'audience de renvoi du 5 juillet 2024, soit après la conclusion de l'échéancier ci-dessus évoqué, la société Groupe VN avait procédé à deux versements de 9 951,48 euros (en avril) et 6 600 euros (en juin), soldant ainsi une partie de sa dette, ce qui a justifié un nouveau renvoi de l'affaire en accord avec l'Urssaf ;

- à l'audience de renvoi du 25 septembre 2024, il a été constaté que la société Groupe VN n'avait pas procédé à de nouveaux versements et que sa dette s'était accrue des cotisations patronales impayées entre décembre 2023 et mai 2024, pour atteindre la somme totale de 14 492,65 euros.

Au 11 mars 2025, date des dernières conclusions de l'Urssaf, celle-ci a précisé que sa créance s'élevait à la somme totale de 12 190 euros, dont le caractère exigible n'est pas contesté par l'appelante.

Si l'appelante prétend que cette somme ne tient pas compte de deux versements de 1 000 euros qu'elle aurait effectués, elle ne démontre toutefois pas, au moyen des pièces versées aux débats, la réalité de ces paiements.

En tout état de cause, à supposer même que ces paiements fussent démontrés - de sorte que cette créance s'élèverait à 10 190 euros, et non 12 190 euros -, force est de constater que l'appelante n'établit pas avoir respecté le propre engagement qu'elle a pris dans ses dernières conclusions d'appel, consistant à avoir soldé sa dette avant l'audience de plaidoirie, qui s'est tenue le 20 mai 2025.

Par ailleurs, selon les justificatifs régulièrement versés aux débats par le ministère public, le solde de son compte courant était débiteur de 5 062,40 euros à la date du jugement entrepris. La société Groupe VN admet le montant de cette créance et n'en conteste pas le caractère exigible (V. p. 5 de ses écritures). Et si elle s'est engagée à la solder « d'ici l'audience de jugement », elle ne démontre pas davantage avoir tenu cet engagement.

Par conséquent, à s'en tenir au seul passif exigible reconnu par l'appelante (et donc en excluant la créance de [Localité 9] Humanis), ce passif s'élève a minima aux sommes suivantes, à la date du présent arrêt :

- 10 190 euros au titre de la créance de l'Urssaf ;

- 5 062,40 euros au titre du solde du compte courant ;

soit un total de : 15 252,40 euros

Quant à l'insuffisance d'actif disponible pour apurer ce passif exigible, à la date du jugement entrepris comme à la date du présent arrêt, elle ressort de plusieurs éléments : d'abord, le caractère infructueux des nombreuses saisies-attributions pratiquées par l'Urssaf au cours de l'année 2023 ; ensuite, l'incapacité de la société Groupe VN à respecter le moratoire conclu avec l'Urssaf pendant le cours de la première instance ; en outre, le fait qu'il ne soit pas établi que le compte courant de l'appelante, débiteur de plus de 5 000 euros en première instance, serait devenu créditeur pour un montant au moins égal au passif exigible à la date du présent arrêt ; enfin et en tout état de cause, le non-respect par la société appelante de ses propres engagements d'avoir apuré ce passif à la date des plaidoiries.

Il résulte de tout ce qui précède que la société Groupe VN se trouve en état de cessation des paiements, ce qui justifie la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Succombant, l'appelante doit être condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

- Condamne la société Groupe VN aux dépens d'appel.

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot

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