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CA Paris, Pôle 4 - ch. 6, 11 juillet 2025, n° 22/14772

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/14772

11 juillet 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRET DU 11 JUILLET 2025

(n° /2025, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14772 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGJEY

Décision déférée à la Cour : jugement du 10 juin 2022 - tribunal judiciaire d'EVRY - RG n° 20/00363

APPELANT

Monsieur [B] [C]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Paul YON de l'EURL PAUL YON SARL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0347

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Audrey SCHAEFER, barreau de VERSAILLES

INTIMES

Monsieur [G] [I]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté à l'audience par Me Jennifer BARANES, avocat au barreau de PARIS

Madame [X] [I]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté à l'audience par Me Jennifer BARANES, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. [B] [C]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée à l'audience par Me Louis MOREL L'HORSET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1209

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie DELACOURT, présidente de Chambre, chargée du rapport et de MadameViviane SZLAMOVICZ, conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sylvie DELACOURT, présidente de chambre

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

Mme Anne ZYSMAN, conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Tiffany CASCIOLI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 16 mai 2025, prorogé jusqu'au 11 juillet 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie DELACOURT, présidente de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. et Mme [I] ont, en leur qualité de propriétaires d'une maison sise [Adresse 1] à [Localité 8] (91), décidé d'y faire réaliser en 2017 :

au droit du pignon nord-ouest, la construction d'une charretterie en bois avec une terrasse dallée destinée à accueillir un spa,

au droit de la façade avant, la réfection de la terrasse existante et la construction d'une véranda.

Pour ce faire, ils ont confié les travaux à la société [B] [C] selon devis n°51 bis/2017 du 27 juin 2017 pour un montant de 34 308,36 euros TTC incluant notamment :

la fourniture et la pose de la charretterie,

la réalisation de la terrasse destinée à accueillir le spa,

divers travaux électriques incluant l'alimentation du spa,

et un devis n°51 ter/2017 du 27 juin 2017 pour un montant de 11 437 euros TTC incluant la réfection de la terrasse existante au droit de la façade avant, la fourniture et la pose de carrelages ainsi que la réalisation de deux marches et contre-marches sur la terrasse destinée à accueillir le spa.

Par courrier du 8 août 2018, M et Mme [I] ont signalé à la société [B] [C] l'apparition d'une importante fissuration sur le dallage de la terrasse construite par cette dernière au droit du pignon nord-ouest.

M. et Mme [I] ont saisi leur assureur de protection juridique qui a mis en demeure la société [B] [C] de confirmer son intervention pour la reprise des désordres et de fournir son attestation d'assurance et ont par ailleurs fait constater les désordres par huissier le 15 octobre 2018.

Faute de parvenir à un accord sur la reprise des travaux, M. et Mme [I] ont saisi le juge des référés aux fins d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance de référé du 18 janvier 2019, une expertise a été ordonnée et confiée à M. [T].

Par exploit d'huissier du 14 janvier 2020, M. et Mme [I], ont assigné la société [B] [C] et M. [C] devant le tribunal judiciaire d'Evry en réparation des préjudices subis.

L'expert judiciaire a rendu son rapport le 9 juin 2020.

Par jugement du 10 juin 2022, le tribunal judiciaire d'Evry a statué en ces termes :

Dit que la responsabilité de la société [B] [C] est retenue sur le fondement de l'article 1792 du code civil au titre des désordres de fissurations affectant la dalle réalisée au [Adresse 1] à [Localité 8] (91).

Dit que la responsabilité de M. [C] est retenue sur le fondement de l'article 1240 du code civil au titre d'une faute de gestion détachable de ses fonctions sociales ;

Condamne in solidum la société [B] [C] et M. [C] à payer à M. et Mme [I] les sommes suivantes :

48 505,60 euros HT majorée de la TVA applicable au jour du jugement au titre du coût des travaux réparatoires ;

500 euros en réparation du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux de reprise ;

500 euros en réparation du préjudice moral

Dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Dit que les intérêts échus depuis un an produiront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne in solidum la société [B] [C] et M. [C] à payer à M. et Mme [I] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne in solidum la société [B] [C] et M. [C] aux dépens incluant les frais d'expertise judiciaire (incluant l'étude de sol) ;

Condamne M. [C] à garantir intégralement la société [B] [C] des condamnations en principal, accessoires, frais et intérêts prononcés à son encontre au profit de M et Mme [I] ;

Déboute la société [B] [C] et M. [C] du surplus de leurs demandes ;

Rappelle que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit ;

Par déclaration en date du 5 août 2022, M. [C] a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

M. [I],

Mme [I],

la société [B] [C].

Par ordonnance du 22 juin 2023, le conseiller de la mise en état a rendu la décision suivante :

Rejette la demande de la société [B] [C] tendant au rejet des conclusions de M. [B] [C] notifiées le 7 juin 2023,

Rejette la demande de M. [C] tendant au rejet des conclusions d'incident de la société [B] [C],

Rejette les demandes tendant à la radiation de l'affaire du rôle,

Renvoie l'affaire à la mise en état du 9 novembre 2023 à 9 heures,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,

Rejette les demande fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2023, la société [B] [C] demande à la cour de :

Déclarer la société [B] [C] recevable et fondée en son appel partiel incident de ce jugement,

Y faisant droit, et statuant à nouveau,

Débouter M. [C] de son appel principal et M. et Mme [I] de leur appel incident,

Infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant des sommes revenant à M. et Mme [I] à :

48 505,60 euros H.T. de travaux réparatoires, majoré de la T.V.A. applicable,

500 euros de préjudice de jouissance,

500 euros de préjudice moral ;

Dire que M. et Mme [I] n'ont fourni aucune information à la société [B] [C] sur la nature des sols, qu'il ne pouvait ignorer, et ainsi commis une faute d'imprudence et de négligence, puis ont accepté l'aléa tiré de la nature de ces sols,

Déclarer la société [B] [C] et M. et Mme [I] responsables par moitié, ou subsidiairement selon ventilation à déterminer par la cour ;

Réduire le montant des travaux de " reprise ", correspondant au devis de la société SMPE du 6 avril 2020, des plus-values et améliorations au profit de M. et Mme [I], et ramener ce montant à de plus justes proportions ;

Débouter M. et Mme [I] de leur demande au titre du préjudice d'agrément et du préjudice moral, ainsi qu'au titre d'un nouveau devis " actualisé ", non justifiés sur le principe comme sur le montant ;

Confirmer le jugement du 10 juin 2022, en ce qu'il a retenu à l'encontre de M. [B] [C] une faute commise dans sa gestion de la société [B] [C], faute d'abstention et à tout le moins de surveillance, n'ayant pas assuré en décennale sa société pour l'année 2017 et spécialement le chantier [I], et l'a condamné à garantir intégralement la société [B] [C] des condamnations en principal, accessoires, frais et intérêts, prononcées à son encontre au profit de M. et Mme [I] ;

Laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2023, M. et Mme [I] demandent à la cour de :

Confirmer le jugement rendu le 10 juin 2022 par le tribunal judiciaire d'Evry en ce qu'il a :

Dit que la responsabilité de la société [B] [C] est retenue sur le fondement de l'article 1792 du code civil au titre des désordres de fissuration affectant la dalle réalisée au [Adresse 1] à [Localité 7] (91) ;

Dit que la responsabilité de M. [C] est retenue sur le fondement de l'article 1240 du code civil au titre d'une faute de gestion détachable de ses fonctions sociales ;

Condamné in solidum la société [B] [C] et M. [C] à payer à M. et Mme [I] les sommes suivantes :

48 505,60 euros HT majorée de la TVA applicable au jour du jugement au titre du coût des travaux réparatoires,

500 euros en réparation du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux de reprise,

500 euros en réparation du préjudice moral,

Dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la décision ;

Dit que les intérêts échus depuis un an produiront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil ;

Condamné in solidum la société [B] [C] et M. [C] à payer à M. et Mme [I] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamné in solidum la société [B] [C] et M. [C] aux dépens incluant les frais d'expertise judiciaire (incluant l'étude de sol) ;

Condamné M. [C] à garantir intégralement la société [B] [C] des condamnations en principal, accessoires, frais et intérêts prononcés à son encontre au profit de M. et Mme [I] ;

- Débouté la société [B] [C] et M. [C] du surplus de leurs demandes ;

Et statuant à nouveau :

Rejeter purement et simplement toutes les demandes formulées en cause d'appel par M. [C] et par la société [B] [C];

Condamner in solidum M. [C] et la société [B] [C] à verser à M. et Mme [I] la somme de :

9 139,02 euros TTC au titre du surplus des travaux à réaliser suivant devis actualisé du 30 mai 2023 ;

5 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance pendant la durée des travaux de reprise,

3 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

Condamner in solidum M. [C] et la société [B] [C] à verser à M. et Mme [I] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 novembre 2023, M. [C] demande à la cour de :

Réformer le jugement du tribunal judiciaire d'Evry en ce qu'il a condamné M. [C] in solidum avec la société [B] [C] à verser :

48 505,60 euros HT majorée de la TVA applicable au jour du jugement au titre du coût des travaux réparatoires ;

500 euros en réparation du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux de reprise ;

500 euros en réparation du préjudice moral ;

3 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau,

Dire que M. [C] n'a commis aucune faute intentionnelle détachable de ses fonctions de gérant de la société [B] [C],

Constater la faute de M. et Mme [I] qui se sont abstenus d'avertir la société de la nature du sol,

Déclarer M. et Mme [I] responsables pour moitié,

En conséquence,

A titre principal,

Dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation in solidum de M. [C] avec la société [B] [C],

A titre subsidiaire,

Limiter la condamnation à la somme de 11 576,28 euros,

Dire n'y avoir lieu à dommages et intérêts,

Constater que M. [C] a pris en charge les frais d'étude de sol soit 3 960 euros TTC, Condamner M. et Mme [I] et la société [B] [C] à 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. et Mme [I] et la société [B] [C] aux dépens dont l'étude de sol.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 9 janvier 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 février 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la responsabilité de la société [B] [C]

La société [B] [C] minimise sa responsabilité dans les fissurations de la dalle qui ne sont pas contestées. Elle soutient que les époux [I] ont la responsabilité de ne pas l'avoir informée de la nature du sol et qu'ils ont accepté ce risque. Elle fait valoir que M. [I] est dirigeant de plusieurs entreprises en matière immobilière et qu'il n'est pas néophyte en la matière d'autant qu'il a déposé le permis de construire de la charreterie. Elle prétend qu'il appartenait au maître d'ouvrage de fournir une étude de sol.

M. [C] fait valoir que les époux [I] qui reprochent l'absence d'étude de sols préalable ont produit des devis n'incluant pas d'étude de sols. Il soutient que les constatations visuelles n'imposaient pas de réaliser une étude de sol préalablement aux travaux et que le DTU 13.3 a été respecté en cela. Il conteste la nécessité de mettre en place un joint de fractionnement puisque la terrasse était inférieure à 30 m².

M. et Mme [I] font valoir la nature décennale des désordres et leur origine liée à l'absence d'étude de sols préalable aux travaux de la société [B] [C] en dépit d'un décaissement du sol de 30 cm qui a révélé une terre argileuse. Ils revendiquent également l'absence d'essai de portance à la plaque ou à la Dyna plaque ce qui aurait permis à l'entreprise d'évaluer la capacité du sol à supporter une charge sans se déformer.

Réponse de la cour

Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Ayant relevé que les désordres affectant les immeubles avaient pour cause la décision délibérée et réitérée du maître de l'ouvrage, de supprimer certains ouvrages en vue de réaliser une économie substantielle, formulée malgré l'avis ou l'information contraire donnée par des architectes, professionnels de la construction ayant eu connaissance du problème technique et compétence pour le résoudre, la cour d'appel a pu retenir que celui-ci avait délibérément accepté les risques de survenance des désordres dont il devait être déclaré seul responsable (3ème Civ., 15 décembre 2004, pourvoi n° 02-16.581, 02-17.893, 02-16.910, Bull. 2004, III, n° 235).

Sur la réception : les époux [I] revendiquent la responsabilité décennale de la société [C] laquelle tente de minimiser sa responsabilité voire de l'exonérer sur une cause étrangère.

En l'espèce :

Il n'est pas contesté par les parties que le désordre est de nature décennale.

Il n'est pas produit de procès-verbal de réception de l'ouvrage mais il n'est pas contesté non plus que les travaux effectués ont été acceptés et payés, après discussion sur le montant de la dernière facture, à hauteur de 12 007,80 euros TTC, le 5 juillet 2017 ; 10 891,53 euros TTC le 22 septembre 2017 ; 25 513,23 euros TTC le 21 novembre 2017.

La cour considère que les travaux ont été réceptionnés de façon tacite par les parties au paiement de la dernière facture le 21 novembre 2017 et que le désordre de fissuration a été constaté dès le 18 août 2018 soit dans le délai d'épreuve.

La responsabilité décennale de la société [B] [C] est donc engagée sauf pour elle de démontrer que le désordre provient d'une cause étrangère.

Sur la cause étrangère : la société [B] [C] échoue à démontrer que :

Elle a mis M. et Mme [I] en garde et les a informés de la nécessité de procéder à une étude préalable des sols pour éviter tout risque dans la réalisation du projet et qu'ils ont refusé de procéder à cette étude tout en maintenant les travaux, acceptant ainsi le risque d'atteinte à l'ouvrage du fait de mouvements du sol ;

les époux [I] disposaient des connaissances élémentaires de mécanique des sols et de résistance des matériaux pour apprécier les conséquences d'une absence d'étude de sol ; le fait que M. [I] ait une expertise en matière immobilière et que Mme [I] soit commerçante n'en font pas des spécialistes des sols.

En conséquence, en l'absence de démonstration d'une cause étrangère tenant à l'acceptation de l'aléa par le maître d'ouvrage, la décision de première instance sera confirmée en ce qui concerne la responsabilité décennale de la société [B] [C].

Sur la responsabilité de M. [C]

Moyens des parties

M. [C] conteste tout faute détachable de ses fonctions de gérant car le défaut d'assurance n'était pas intentionnel et il en impute la faute à son courtier, le cabinet Assurances & Conseils, qu'il a fait assigner à cette fin devant le tribunal de commerce de Nanterre. Il soutient que le courtier a résilié le contrat sans son accord et qu'il l'ignorait lorsque le chantier des époux [I] a débuté. Il fait ainsi valoir qu'il n'existe pas de faute détachable de la fonction de gérant.

La société [B] [C] fait valoir que son ancien gérant a sciemment ouvert le chantier des époux [I] sachant que la société qu'il dirigeait n'était pas couverte par une assurance en responsabilité décennale. Elle soutient qu'il n'a pas donné suite à la nouvelle proposition d'assurance qui lui avait été proposée par le courtier.

M. et Mme [I] soutiennent que M. [C] a commis une faute en n'assurant pas sa société, justifiant de poursuivre sa responsabilité en sus de celle de la société ayant réalisé les travaux.

Réponse de la cour

Selon l'article 1240 du code civil, ancien article 1382, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Selon l'article L. 241-1 du code des assurances, toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance. A l'ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance.

La responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute détachable de ses fonctions. Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions (Com., 20 mai 2003, pourvoi n° 99-17.092, Bulletin civil 2003, IV, n° 84 ; 3ème Civ., 5 décembre 2024, n° 22-22.998.

Le gérant d'une société à responsabilité limitée qui commet une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice. Viole dès lors l'article L. 223-22 du code de commerce, ensemble l'article L. 243-3 du code des assurances, la cour d'appel qui, pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de la gérante d'une société à responsabilité limitée, retient que, même constitutif du délit prévu et réprimé par les articles L. 111-34 du code de la construction et de l'habitation et L. 243-3 du code des assurances, et caractérisant une abstention fautive imputable à la gérante, le défaut de souscription des assurances obligatoires de dommages et de responsabilité n'était pas séparable des fonctions de dirigeant, alors qu'il résultait de ses constatations que la gérante avait sciemment accepté d'ouvrir un chantier sans que la société fût couverte par une assurance (Com., 28 septembre 2010, pourvoi n° 09-66.255, Bull. 2010, IV, n° 146).

Le gérant d'une société de construction qui ne souscrit pas d'assurance décennale commet une faute intentionnelle constitutive d'une infraction pénale et séparable de ses fonctions sociales et engage ainsi sa responsabilité personnelle (3ème Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 14-15.326, Bull. 2016, III, n° 37).

Les dispositions des articles 1316-1 et 1316-4 du code civil et 287 du code de procédure civile ne sont pas applicables au courrier électronique produit pour faire la preuve d'un fait, dont l'existence peut être établie par tous moyens de preuve, lesquels sont appréciés souverainement par les juges du fond (Soc., 25 septembre 2013, pourvoi n° 11-25.884, Bull. 2013, V, n° 207).

En l'espèce, M. [C] s'appuie sur la lettre du cabinet Assurances & Conseils du 10 octobre 2016 faisant état d'un nouveau partenariat assurantiel au lieu de celui de la société Allianz pour l'activité de paysagiste.

M. [C] ne peut utiliser ce courrier pour faire valoir que l'opération de transfert d'assurance de la société qu'il dirigeait, s'engageait sans son intervention dès lors qu'il annonçait un courrier suivant avec les précisions complémentaires et pratiques.

Il est établi que la société Allianz a adressé un avis de résiliation de contrat et de cessation de garantie à compter du 1er janvier 2017. Cette lettre est accompagnée de la justification de l'envoi en recommandée mais pas de sa réception par la société [B] [C].

Il est produit par la société [B] [C] la copie d'un message électronique du 26 janvier 2017 par lequel la société Verspiren adresse à claude.dauxerreclub-internet.fr une proposition de remplacement de contrat RC/RCD auprès de QBE et sollicitant, en cas d'acceptation, le retour de la proposition jointe signée avec la mention " bon pour accord ".

La société [B] [C] n'a pas donné suite à cette proposition et le contrat proposé n'a pas été mis en place à la date du 1er janvier 2017.

M. [C], en sa qualité de gérant de la société Clause [C], ne pouvait ignorer que la société ne disposait plus, à la date de conclusion du contrat avec M. et Mme [I], et plus encore à la date de début des travaux, d'une assurance décennale, le contrat avec la société Allianz ayant été résilié préalablement, sans souscription d'un nouveau contrat.

En conséquence, la décision sera confirmée en ce qu'elle a retenu la responsabilité de M. [C].

Sur le montant des dommages

Moyens des parties

La société [B] [C] demande, sur le principe de la proportionnalité, la réduction du montant des travaux de reprise correspondant au devis de la société SMPE notamment en ce qu'il inclut des améliorations non prévues à l'origine. Elle sollicite également le rejet des demandes des époux [I] au titre de leurs préjudices d'agrément et moral.

M. [C] fait valoir que le devis actualisé des époux [I] est sans lien avec le devis d'origine de la société [B] [C] et qu'il convient de retrancher la somme de 19 343,50 euros. Il soutient qu'il s'agit de prestations autres sans lien avec la réparation des désordres.

M. et Mme [I] soutiennent que le devis actualisé comprend les mêmes postes que ceux établis par la société SMPE en 2019 et 2020. Ils font valoir qu'ils ont subi un préjudice de jouissance pendant la durée des travaux de reprise et un préjudice moral alourdi par l'absence d'assureur décennal.

Réponse de la cour

Les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit (2e Civ., 23 janvier 2003, pourvoi n° 01-00.200, Bull n° 20 ; 2e Civ., 29 mars 2006, n° 04-15.776 ; 3e Civ., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.869, Bull n° 20).

Le préjudice indemnisable regroupe tous les travaux nécessaires à la réparation de l'ouvrage (3ème Civ., 20 novembre 2013, n°12-29.259).

Sur les travaux réparatoires :

Le devis de la société SMPE du 6 avril 2020 pour 53 356,16 euros TTC est revendiqué par M. et Mme [I]. Il a été examiné par l'expert et retenu comme solution réparatoire adaptée permettant de replacer les maîtres d'ouvrage dans la situation où ils se seraient trouvés si le fait dommageable n'avait pas eu lieu, il n'y a donc pas lieu de revenir sur la disproportion alléguée par la société [B] [C] entre les travaux prévus à l'origine et ceux permettant de réparer leur dommage, par ailleurs non établie.

M. et Mme [I] s'en rapportent au devis de la société SMPE et en réclament son actualisation au 30 mai 2023 à hauteur de 62 495,18 euros du fait de la crise sanitaire et de la conjoncture économique avec l'augmentation des matières premières depuis 2020. Ils soutiennent que ce dernier devis reprend les mêmes postes que ceux précédemment devisés et retenus par l'expert judicaire.

Ils font également valoir dans leurs conclusions qu' " ils ont subi un préjudice pendant la durée des travaux de reprise " et produisent une photographie prise pendant les travaux.

Ce faisant, si les époux [I] établissent que les travaux de reprise ont d'ores et déjà été effectués, ils ne précisent pas leur date de réalisation ; ce qui ne permet pas de déterminer si au moment des travaux réparatoires, le devis de ceux-ci avait augmenté pour atteindre le montant estimé au 30 mai 2023.

Il n'y a donc pas lieu d'actualiser le montant du devis et le jugement sera donc confirmé s'agissant des travaux réparatoires.

Sur le préjudice de jouissance et le préjudice moral : en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en admettant ces préjudices et allouant 500 euros de dommages-intérêts pour chacun d'eux ; il convient en conséquence de confirmer également la décision déférée sur ces points.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, la cour rejette les demandes de la société [B] [C] et M. [C], parties succombantes, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les condamne in solidum aux dépens et à payer à M. et Mme [I], ensemble, la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société [B] [C] et M. [B] [C] aux dépens d'appel,

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société [B] [C] et de M. [C] au titre des frais irrépétibles et les condamne in solidum à payer à M. et Mme [I], ensemble, la somme de 3 000 euros à ce titre.

La greffière, La présidente de chambre,

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