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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 10 juillet 2025, n° 22/01136

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 22/01136

10 juillet 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 10 JUILLET 2025

N° RG 22/01136 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MSQ6

S.A.R.L. SNPC

c/

S.C.I. CORDOUAN

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

S.A. MMA IARD

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 février 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] (chambre : 7, RG : 20/06219) suivant déclaration d'appel du 07 mars 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. SNPC

Société à Responsabilité Limitée, au capital de 100.000 €, immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le n° B 482 209 152, dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jean MONTAMAT de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Florent BOURDALLÉ de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMÉES :

S.C.I. CORDOUAN

Société Civile Immobilière, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bordeaux sous le numéro 494 148 075, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Jérôme DUFOUR de la SELARL LEXCO, avocat au barreau de BORDEAUX substitué à l'audience par Me MONREPOS

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

société d'assurances mutuelles inscrite au RCS de [Localité 6] sous le numéro 775 652 126 dont le siège social est sis à [Adresse 7], prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

S.A. MMA IARD

SA inscrite au RCS de [Localité 6] sous le numéro 440 048 882 dont le siège social est sis à [Adresse 7], prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentées par Me Xavier SCHONTZ de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mai 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller

Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN

Audience tenue en présence de Mme Amanda EL MAUDANI, magistrat

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

1. La société civile immobilière [Adresse 5] est propriétaire d'un bâtiment de deux étages situé [Adresse 3] ( Gironde).

Selon devis accepté du 9 octobre 2014, cette dernière a confié la réhabilitation des sols d'une surface totale de 753 m² à la société à responsabilité limitée SNPC, pour un montant de 50 400 euros TTC, avec un règlement de 50% à la commande, le solde devant être réglé à la fin des travaux.

A la réception des travaux, la société Cordouan en qualité de maître d'ouvrage a fait constater de nombreux désordres par constat d'huissier en date du 30 décembre 2014.

La Sarl SNPC a accepté de reprendre ces désordres, mais la Sci Cordouan a réclamé au préalable que l'entreprise procède à des tests au deuxième étage alors non occupé.

Le quatrième essai fin août 2015 a entraîné de nouveaux désordres.

La Sci Cordouan a sollicité l'organisation d'une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 4 avril 2016, le juge des référés a désigné M. [I] en qualité d'expert judiciaire.

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 18 juin 2018.

Dans son rapport, l'expert judiciaire a conclu à l'exclusivité de la responsabilité de la société SNPC dans le survenance des désordres.

2. Par acte du 5 août 2020, la Sci Cordouan a assigné la Sarl SNPC devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins d'être indemnisée de ses différents préjudices ainsi que de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 9 mars 2021, la Sarl SNPC a mis en cause son assureur la SA MMA IArd assurances mutuelles.

Par jugement du 9 février 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- reçu la SA MMA Iard en qualité d'assureur de la Sarl SNPC en son intervention volontaire,

- condamné la Sarl SNPC à payer à la Sci Cordouan la somme de 90 336,48 euros TTC au titre des travaux de reprise, déduction faite de la somme de 22 500 euros due par la Sci Cordouan à la Sarl SNPC au titre du solde du marché initial accepté,

- condamné la Sarl SNPC à payer à la Sci Cordouan la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance et d'exploitation ainsi que la somme de 1 000 euros au titre du préjudice esthétique,

- débouté la Sarl SNPC de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la SA MMA Iard et la SA MMA Iard assurances mutuelles,

- rappelé l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la Sarl SNPC à payer à la Sci Cordouan la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl SNPC aux dépens en ce compris les frais d'expertise,

- dit que les dépens seront recouvrés comme il est dit à l'article 699 du code de procédure civile.

3. La Sarl SNPC a relevé appel du jugement le 7 mars 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 juin 2022, la Sarl SNPC demande à la cour, sur le fondement des articles 1231-1 et 1792 du code civi del :

- réformer le jugement entrepris par le tribunal judiciaire de Bordeaux en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

à titre principal,

- dire et juger que la Sci Cordouan n'apporte pas la preuve de son imputabilité exclusive des désordres grevant le revêtement de sol de l'immeuble dont elle est propriétaire,

- débouter la Sci Cordouan de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

- retenir un coût de réfection des désordres dans les termes du devis émis par la société ID Sol, le tout diminué du solde de la facture impayée par la Sci Cordouan pour un montant de 25 200 euros TTC,

- dire et juger que la Sci Cordouan n'apporte pas la preuve des préjudices invoqués et en conséquence, la débouter de l'intégralité de ses demandes indemnitaires,

en tout état de cause,

- dire et juger que la Sarl SNPC sera relevée indemne et garantie par son assureur MMA Iard,

- dire et juger que chacune des parties conservera la charge des frais engagés par elle.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 août 2022, la Sci Cordouan demande à la cour, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil de :

- juger que la Sarl SNPC a engagé sa responsabilité contractuelle en raison des désordres constatés et stigmatisés dans le rapport d'expertise judiciaire,

- juger que la Sarl SNPC est seule responsable des désordres allégués,

- juger que la Sarl SNPC devra intégralement réparer le préjudice qu'elle a subi,

en conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux rendu le 9 février 2022 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

- condamné la Sarl SNPC à lui payer la somme de 90 336,48 euros TTC au titre des travaux de reprise déduction faite de la somme de 22 500 euros qu'elle lui devait au titre du solde du marché initial accepté,

- condamné la Sarl SNPC à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance et d'exploitation ainsi que la somme de 1 000 euros au titre du préjudice esthétique,

y ajoutant,

- débouter la société SNPC de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- la condamner à payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me Fonrouge, avocat associé au sein de la Selarl Lexavoue [Localité 4].

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 1er septembre 2022, la société MMA Iard assurances mutuelles et la SA MMA Iard demandent à la cour, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, et 1231-1 et suivants du code civil de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 9 février 2022 en ce qu'il a retenu que leurs garanties n'étaient pas mobilisables,

en conséquence,

- débouter la société SNPC de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à leur encontre,

- juger en toute hypothèse applicables les franchises contractuelles des concluantes,

- condamner la société SNPC à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2025.

MOTIFS

SUR LES RESPONSABILITÉS

4. Le tribunal a retenu la responsabilité contractuelle de la SARL SNPC relevant qu'aucune critique pertinente n'était faite sur les conclusions de l'expert judiciaire lesquelles avait relevé une erreur d'application des matériaux. Il a donc condamné la seule appelante à payer le coût des travaux de reprise, déduction faite du solde du marché initial par le maître de l'ouvrage retenant en outre l'existence d'un préjudice de jouissance et esthétique.

La SNCP conteste la méthode de l'expert judiciaire et son objectivité alors qu'il n'a pas mis en cause les maîtres d''uvre ou encore le fournisseur des produits qui avait été préalablement consulté s'agissant d'une réhabilitation de sols anciens sur lesquels il convenait d'appliquer un béton ciré. Or, le maître de l'ouvrage s'est gardée d'informer l'expert du rôle joué par l'architecte qui avait reçu tout comme la SARL Aquitaine Maîtrise d''uvre une mission de conception. En conséquence, il convient de débouter la SCI Cordouan de ses demandes alors que les maîtres d''uvre auraient dû être mis en cause et leurs responsabilités retenues. En outre la société Harmony Béton a manqué à son devoir d'information sur le produit mis en 'uvre envers elle si bien que l'expert judiciaire aurait dû solliciter sa mise en cause . En toute hypothèse, les dommages ne proviennent pas exclusivement de la mise en 'uvre du béton ciré si bien que la société SNCP ne peut supporter seule les conséquences de sa faute qui est limitée. Enfin la solution technique retenue par l'expert judiciaire ne saurait être retenue alors qu'il s'est contenté d'un seul devis très onéreux.

La SCI Cordouan sollicite la confirmation du jugement. Elle rappelle que la réalité des désordres n'est pas contestée . Elle ajoute que l'expert judiciaire a mis en évidence la seule responsabilité contractuelle de la société SNCP qui avait mis en 'uvre seule plusieurs produits sans respecter les conditions d'application recommandées par le fabricant.

Sur ce

5. Il résulte du rapport d'expertise que les désordres qui ne sont pas contestés proviennent d'un vice du matériau lié à l'utilisation d'un primaire et d'un traitement anti usure non recommandé par le fabricant associé à un défaut d'application entraînant une sous épaisseur du revêtement, à un ponçage insuffisant et à la mise en 'uvre d'un produit de traitement de surface inadapté.

En définitive la société SNPC a élaboré une combinaison de produits chimiques différents, de marques différentes, sans démontrer qu'elle ait suivi les recommandations d'un maître d''uvre ou encore des fabricants des produits alors que bien au contraire, cette mise en 'uvre était contraire aux recommandations de la société Placeo ( rapport page 20) telles qu'elles figuraient sur la fiche technique du produit ou encore sur la déclaration de conformité de celui-ci.

6. En conséquence, la société SNPC est seule responsable des désordres qui ont été constatés alors qu'il est démontré que l'architecte avait une mission de maîtrise d''uvre de conception et non d'exécution des travaux si bien qu'il n'avait pas à suivre le chantier ni davantage à consulter les entreprises. Par ailleurs, si la société Aquitaine Maîtrise d''uvre avait reçu la mission de consulter les entreprises ou encore d'assister le maître de l'ouvrage aux opérations de réception, elle n'avait pas reçu de mission de surveillance des travaux, ce que l'expert judiciaire a confirmé.

En outre, il apparaît que les produits mis en 'uvre par l'appelante sont incertains alors que l'expert judiciaire a relevé que celle-ci n'avait pas été en mesure d'apporter les justificatifs des produits qu'elle avait utilisés.

7. Dès lors le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a retenu la seule responsabilité contractuelle de l'appelante.

8. De plus l'expert judiciaire a préconisé la reprise de l'ensemble du revêtement, soit l'enlèvement de l'existant et le remplacement par un nouveau revêtement sur la base d'un devis réalisé par la société Sopego dont l'appelante conteste le coût alors que celui-ci est parfaitement conforme aux préconisations expertales. Le solde du marché initial sera déduit de ce coût.

En conséquence, la cour confirme l'homologation de ce devis qui n'est pas sérieusement critiquable. Elle confirme aussi l'appréciation des préjudices de jouissance et esthétique retenus par le premier juge aux termes d'une juste appréciation alors que la SCI Cordouan subira les inconvénients de l'exécution de travaux de reprise d'une durée de trois semaines et elle a dû supporter la vue inesthétique d'un sol mal réalisé, ainsi que l'expert judiciaire l'a constaté en page 20 de son rapport.

SUR LA GARANTIE DE LA SA MMA IARD

9. Le tribunal a jugé que la mobilisation de la garantie décennale n'était pas due, en l'absence de désordres de nature décennale et que la garantie responsabilité civile professionnelle n'était pas davantage due alors qu'étaient exclus de cette garantie les dommages subis par les ouvrages, objet du contrat.

La SNPC soutient que les désordres constatés par l'expert judiciaire dont des désordres de nature décennale en raison de l'impropriété à destination dans les termes de l'article 1792 du code civil si bien que la garantie de son assureur est mobilisable sur ce fondement.

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles soutiennent que les désordres ne sont pas de nature décennale.

Sur ce

10. La cour constate que les travaux réalisés par l'appelante n'ont pas été réceptionnés et qu'ils ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination, alors qu'ils peuvent être utilisés dans le délai d'épreuve, l'expert relevant des rayures en surface et des mouvements de vagues en surépaisseur qui ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage, même si sur le plan contractuel, le maître de l'ouvrage était en droit d'obtenir le résultat qui était prévu par le contrat et qui passe en l'espèce, conformément aux dires de l'expert judiciaire par une réfection complète du sol.

En conséquence, alors que l'appelante ne recherche plus la garantie de ses assureurs au titre de sa responsabilité contractuelle, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris.

SUR LES DEPENS ET LES FRAIS NON COMPRIS DANS LES DEPENS

11. La société SNPC qui succombe devant la cour d'appel sera condamnée aux dépens et à verser à la SCI Cordouan, d'une part et aux sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, ensemble, d'autre part la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris, y ajoutant':

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la SARL SNPC aux dépens d'appel,

Condamne la SARL SNPC à verser à la SCI Cordouan, d'une part et aux sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, ensemble, d'autre part la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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