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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 10, 10 juillet 2025, n° 22/06122

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Laboratoire Glaxosmithkline (SAS), Oniam, La Medicale (SA), L'Equite (SA), CPAM De Seine Saint Denis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Devillers

Conseillers :

Mme Morlet, Mme Zysman

Avocats :

Me Regnier, Me Vernassiere, Me Boccon Gibod, Me Robert, Me Lesenechal, Me Saumon, Me Boulbes, Me Leclere, Me Keinan

TJ Paris, du 7 mars 2022, n° 15/06689

7 mars 2022

Faits et procédure

Mme [R] [K], née le [Date naissance 6] 1985, a été vaccinée contre l'hépatite B les 12 mai, 16 juin et 30 octobre 1995 (premières injections) et 1er août 2000 (rappel).

Etudiante et pour être admise à effectuer un stage à l'hôpital [19], elle s'est le 28 février 2006 à nouveau vu prescrire par le Dr [Z] [U] le vaccin contre l'hépatite B Engerix B20 fabriqué par la SAS Laboratoire GlaxoSmithKline. Le vaccin lui a été administré le 2 mars 2006 par le médecin.

Elle a dû être hospitalisée du 11 au 15 avril 2006 au service de neurologie de l'hôpital [17] pour une névrite optique.

Elle a pu effectuer son stage et obtenir son diplôme de diététicienne.

Le Dr [I] [C] lui a le 30 octobre 2006 délivré un certificat médical de contre-indication du vaccin contre l'hépatite B.

Mme [K] a commencé à travailler le 1er mars 2007.

Elle a à compter du mois d'avril 2007 observé des signes de paresthésie des membres jusqu'au bassin et a dû être hospitalisée dans le service de neurologie du groupe hospitalier Lariboisière-Fernand Widal du 3 au 9 mai 2007, où un diagnostic de sclérose en plaques a été posé. Un traitement a été mis en place et un arrêt de travail prescrit.

La reprise du travail a été difficile, sous le régime du mi-temps thérapeutique, ponctué de nombreux arrêts et d'hospitalisations. Elle est courant 2018 tombée enceinte. Sa grossesse, à risque, a été particulièrement surveillée. Elle a le [Date naissance 5] 2019 donné naissance à un petit garçon, [J]. Elle a, devant la difficulté de cumuler un emploi, même à mi-temps, et l'éducation de l'enfant, été placée en disponibilité.

* Une première instance a été engagée devant l'ONIAM puis les juridictions administratives en indemnisation des préjudices liés à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B.

Arguant d'un lien entre sa pathologie et le vaccin obligatoire contre l'hépatite, Mme [K] a par courrier du 2 janvier 2008 saisi l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande d'indemnisation de ses préjudices sur le fondement des articles L3111-4 et 9 du code de la santé publique (action en réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire). L'organisme a désigné le Dr [B] [W], neuropsychiatre, en qualité d'expert pour l'examiner.

L'expert a déposé son rapport le 23 juin 2008. Il conclut à un diagnostic certain de sclérose en plaques et indique que la proximité entre le rappel vaccinal anti-hépatite B et les premiers signes cliniques de la maladie neurologique « rend plausible (sinon probable) un lien de causalité entre sa vaccination et sa sclérose en plaques ». Il évoque ensuite les préjudices de l'intéressée.

La commission d'indemnisation des victimes de vaccinations obligatoires de l'organisme a par avis du 24 septembre 2008 reconnu l'imputabilité de l'ensemble des préjudices de Mme [K] à sa vaccination contre l'hépatite B, ouvrant droit à réparation. La commission a considéré que l'état de santé de l'intéressée pouvait être considéré comme stabilisé à la date du 26 mai 2008 et énuméré les préjudices indemnisables.

L'ONIAM a le 23 octobre 2008, sur la base de cet avis, adressé à Mme [K] une proposition d'indemnisation transactionnelle partielle, prévoyant l'allocation d'une somme de 3.000 euros en réparation des souffrances endurées. Mme [K], estimant cette proposition sous-évaluée, l'a refusée.

Elle a ensuite par requête du 22 décembre 2008 saisi le tribunal administratif de Paris aux fins d'indemnisation.

Le tribunal administratif a par jugement du 17 février 2011 condamné l'ONIAM à verser à Mme [K] la somme de 50.000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices, outre 1.500 euros en titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Sur le recours de Mme [K], la cour administrative d'appel de Paris a par arrêt du 27 mars 2012 annulé le jugement du tribunal administratif du 17 février 2011 et rejeté la requête de Mme [K], celle-ci n'ayant pas été victime d'une vaccination obligatoire au sens de l'article L3111-4 du code de la santé publique et l'organisme n'étant donc pas tenu de l'indemniser. La Cour a également rejeté les conclusions aux fins d'injonction à remboursement présentées par l'ONIAM, l'annulation du jugement entrainant de facto la restitution des sommes versées par l'organisme.

Mme [K] s'est pourvue en cassation contre cet arrêt et le Conseil d'Etat a par arrêt du 30 juillet 2014 annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel et renvoyé l'affaire devant la même cour.

Saisie en suite sur renvoi, la cour administrative d'appel de Paris a par arrêt du 29 avril 2016 rejeté la requête de Mme [K] et l'appel incident de l'ONIAM, confirmant ainsi le jugement du tribunal administratif.

* Parallèlement, Mme [K], par courrier du 11 décembre 2008 adressé au juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, s'est constituée partie civile dans le cadre de l'information judiciaire ouverte en 1998 du chef de blessures involontaires et tromperie aggravée concernant des faits relatifs aux vaccinations contre le virus de l'hépatite B ayant déclenché des scléroses en plaques.

Le procureur de la République a par courrier du 19 avril 2012 indiqué à Mme [K] que, faute de preuve des infractions dénoncées, sa plainte n'était pas susceptible de donner lieu à des poursuites pénales, classant ainsi sans suite l'affaire.

* Mme [K] indique avoir également saisi « à titre conservatoire » le tribunal administratif de Paris d'une action en responsabilité contre l'AP-HP et son lycée, action dont elle s'est désistée, le caractère obligatoire de la vaccination ayant été définitivement reconnu.

* Une procédure en responsabilité et indemnisation a enfin été engagée contre le laboratoire GlaxoSmithKline et le Dr [U] et son assureur, devant les juridictions judiciaires.

Mme [K] a par acte du 16 avril 2015 assigné le laboratoire GlaxoSmithKline, le Dr [U] et son assureur la SA La Médicale ainsi que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Seine Saint-Denis en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris. Elle a ensuite par acte du 19 septembre 2016 assigné l'ONIAM en intervention forcée devant ce même tribunal.

Saisi par Mme [K] d'une demande d'expertise, à laquelle l'ONIAM a répondu par une exception d'incompétence de la juridiction judiciaire, le juge de la mise en état a par ordonnance du 6 mars 2017 constaté qu'aucune demande indemnitaire n'était formulée contre l'ONIAM et en conséquence rejeté son exception d'incompétence puis a avant dire droit ordonné une nouvelle expertise médicale, confiée au Dr [S] [N], neurologue.

L'expert judiciaire a clos et déposé son rapport le 28 novembre 2017, se prononçant sur l'ensemble des préjudices subis par Mme [K] en suite de sa vaccination contre l'hépatite B et la survenance d'une sclérose en plaques.

Le Dr [U] est décédé le [Date décès 8] 2018.

Les parties ont conclu en ouverture de rapport, Mme [K] sollicitant la condamnation de l'ONIAM ou du Dr [U] sous la garantie de son assureur à l'indemniser de ses préjudices, et le laboratoire GlaxoSmithKline et l'assureur du médecin concluant à l'irrecevabilité de ses demandes, faisant valoir l'indemnisation obtenue au gré de l'instance engagée contre l'ONIAM devant les juridictions administratives.

Le tribunal, devenu tribunal judiciaire, a par jugement du 7 mars 2022 :

- mis hors de cause l'ONIAM,

- accueilli la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme [K] soulevée par le laboratoire GlaxoSmithKline,

- déclaré Mme [K] irrecevable en toutes ses demandes à l'encontre du Dr [U], de la société Médicale de France et du laboratoire GlaxoSmithKline,

- déclaré la CPAM de Seine Saint-Denis irrecevable en toutes ses demandes,

- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [K] aux dépens de l'instance, avec distraction au profit des conseils des parties adverses l'ayant réclamée,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Les premiers juges ont en premier lieu constaté qu'aucune demande n'était formulée par les parties à l'encontre de l'ONIAM.

Ils ont ensuite rappelé que Mme [K] avait initialement sollicité une indemnisation de ses préjudices par l'ONIAM sur le fondement de dispositions spécifiques à la vaccination obligatoire, conservant la possibilité d'intenter des actions judiciaires, qu'elle avait refusé l'offre de l'ONIAM et avait choisi la voie judiciaire administrative pour solliciter une indemnisation de ses préjudices du fait de son rappel vaccinal par Engerix B, qu'elle avait obtenu l'indemnisation de ses préjudices en considération de ce rappel vaccinal sur le fondement des dispositions de l'article L3111-9 du code de la santé publique relatives à la vaccination obligatoire et avait donc bien été indemnisée à titre définitif de la totalité de ses préjudices.

Ils ont donc estimé que Mme [K] ne pouvait plus faire valoir de nouvelles demandes d'indemnisation du fait de ce rappel, sauf à bénéficier d'une double indemnisation. Ils ont en conséquence retenu qu'elle n'avait plus d'intérêt à agir devant le tribunal judiciaire.

Mme [K] a par acte du 23 mars 2002 interjeté appel de ce jugement, intimant la société La Médicale, le laboratoire GlaxoSmithKline, l'ONIAM et la CPAM devant la Cour.

* Mme [K], dans ses dernières conclusions n°6 signifiées le 13 mars 2025, demande à la Cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il :

. a mis hors de cause l'ONIAM,

. a accueilli la fin de non-recevoir tirée de son défaut d'intérêt à agir soulevée par le laboratoire GlaxoSmithKline,

. l'a déclarée irrecevable en toutes ses demandes à l'encontre du Dr [U], de la société La Médicale, du laboratoire GlaxoSmithKline et n'a ainsi pas statué sur ses demandes de réparation de préjudices,

. a dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du « CPC » à son profit et l'a condamnée aux dépens,

Et statuant à nouveau,

- la déclarer recevable et bien fondée en son action,

- débouter le laboratoire GlaxoSmithKline, la société L'Equité (venant aux droits de la société La Médicale) ès qualités d'assureur du Dr [U], et l'ONIAM de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

Sur la responsabilité du laboratoire GlaxoSmithKline,

- à titre principal, dire que la responsabilité du laboratoire GlaxoSmithKline est engagée du fait du manquement à son obligation de sécurité de résultat concernant le vaccin Engerix B20,

- à titre subsidiaire, si la Cour estimait que la responsabilité de la société GlaxoSmithKline ne pouvait être engagée sur le fondement du droit commun, dire que la responsabilité de la société GlaxoSmithKline est engagée du fait de l'administration le 2 mars 2006 d'un vaccin défectueux,

Sur la responsabilité du Dr [U],

- dire que la responsabilité du Dr [U] est engagée du fait d'une faute de soins consistant à l'administration du rappel vaccinal Engerix B20® le 2 mars 2006,

En conséquence, au regard de l'indemnisation initiale accordée par le tribunal administratif de Paris selon décision en date du 17 février 2011, trouvant à s'appliquer suite à la procédure en appel, en cassation et en appel après renvoi devant la cour administrative d'appel de Paris, sur la base des conclusions du Dr [W] la consolidant au 26 mai 2008 et évaluée à 60.096 euros et limitée à la somme de 50.000 euros, d'une part, et du rapport du Dr [N] du 28 novembre 2017 reconnaissant l'aggravation de ses préjudices et consolidant son état au 16 octobre 2017,

- condamner in solidum le laboratoire GlaxoSmithKline et la société L'Equité en sa qualité d'assureur du Dr [U] à lui payer dans le cadre de l'indemnisation initiale et intégrale de son préjudice, sur la base du rapport du Dr [W], la somme de 10.096 euros non réglée par l'ONIAM,

- condamner in solidum le laboratoire GlaxoSmithKline et la société L'Equité, ès qualités, à lui payer dans le cadre de son action en aggravation de ses préjudices et sauf à parfaire, les sommes de :

. 710 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

. 195 euros au titre des dépenses de santé futures,

. 960 euros au titre des frais de médecin-conseil,

. 254.520 euros au titre du besoin en tierce personne temporaire,

. 1.997.681,40 euros au titre du besoin en tierce personne permanent,

. 460.843,83 euros au titre du besoin en aide à la parentalité,

. 39.890,09 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

. 874.707,86 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

. 100.000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

. 57.948,80 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

. 40.000 euros au titre des souffrances endurées,

. 5.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

. 150.800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

. 20.000 euros au titre du préjudice d'agrément,

. 15.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

. 20.000 euros au titre du préjudice sexuel,

. 20.000 euros au titre du préjudice d'établissement,

. 200.000 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux évolutifs,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- déclarer, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la décision à intervenir commune et opposable à l'ONIAM, dans l'hypothèse où elle intenterait une action en indemnisation des préjudices subis en aggravation contre l'organisme,

- condamner in solidum le laboratoire GlaxoSmithKline et la société L'Equité, ès qualités, à lui payer la somme de 6.000 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum le laboratoire GlaxoSmithKline et la société L'Equité, ès qualités, aux entiers dépens.

Mme [K] soutient à titre liminaire la recevabilité de son action. Elle fait en premier lieu valoir un intérêt à agir en l'espèce, la somme de 50.000 euros allouée par la juridiction administrative ne correspondant pas à la liquidation de l'intégralité des préjudices subis en suite de la vaccination par rappel du 2 mars 2006, mais constituant seulement une provision. Elle ajoute que le nouvel expert désigné, dans son rapport du 28 novembre 2017, conclut à l'aggravation de ses préjudices, en conséquence non encore indemnisés. Elle estime en deuxième lieu recevables en cause d'appel ses demandes non présentées en première instance mais qui en constituent le complément nécessaire, tendant aux mêmes fins indemnitaires. Elle considère ensuite que ses demandes ne sont pas prescrites, arguant de l'absence de consolidation de son état de santé empêchant la prescription de courir contre elle, outre une suspension du délai de prescription par sa constitution de partie civile au pénal.

Au fond, elle fait valoir la responsabilité du laboratoire GlaxoSmithKline, à titre principal sur le fondement du droit commun, le lien entre sa pathologie et la vaccination litigieuse ne pouvant être exclu et le laboratoire ne justifiant d'aucune cause étrangère susceptible de la dédouaner. A titre subsidiaire, elle agit contre le laboratoire sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Elle fait état de l'existence de sa sclérose en plaques, de présomptions graves, précises et concordantes d'un lien entre celle-ci et la vaccination, d'une part, et du défaut du vaccin contre l'hépatite B, d'autre part.

Elle se prévaut également de la responsabilité du Dr [U], arguant d'une faute médicale de sa part (du fait d'une contre-indication à la vaccination, notamment), d'un lien de causalité entre le dommage et cette faute.

Elle présente enfin ses demandes indemnitaires, poste par poste.

Le laboratoire GlaxoSmithKline, dans ses dernières conclusions signifiées le 14 mars 2025, demande à la Cour de :

A titre principal,

- déclarer Mme [K] irrecevable en toutes ses demandes à son encontre,

- juger que Mme [K] n'a plus d'intérêt à agir,

- juger que le délai de prescription de l'action de Mme [K] était expiré à la date de l'assignation délivrée à son encontre le 16 avril 2015,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

. accueilli la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme [K] qu'il soulevait,

. déclaré Mme [K] irrecevable en toutes ses demandes à son encontre,

. condamné Mme [K] aux dépens,

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à son encontre,

A titre subsidiaire,

- juger que les conditions de sa responsabilité ne sont pas réunies,

En conséquence,

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à son encontre,

A titre infiniment subsidiaire,

- ramener les montants sollicités par Mme [K], à de plus justes proportions,

En tout état de cause,

- débouter Mme [K] et toute autre partie de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions à son encontre,

- condamner Mme [K] aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SELARL LX [Localité 18]-Versailles-Reims.

Le laboratoire GlaxoSmithKline soutient à titre principal que l'action de Mme [K] est irrecevable, du fait d'un défaut d'intérêt à agir compte tenu de la position des juridictions administratives qui ont statué sur ses demandes, de la prescription de son action à son encontre et, enfin, de l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux en raison de l'imputation de l'origine du dommage au non-respect d'une obligation (qui doit être relevée d'office).

Il conclut à titre subsidiaire au rejet des demandes de Mme [K], tant sur le fondement du droit commun, en l'absence de caractérisation d'un manquement fautif de sa part, que sur le fondement du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, en l'absence de preuve d'un lien de causalité entre la vaccination litigieuse et la pathologie de l'intéressée, qui ne peut être présumé. Il affirme qu'il n'est pas démontré dans la littérature scientifique que la vaccination contre l'hépatite B constitue une cause génératrice de la sclérose en plaques, que les autorités sanitaires se prononcent en faveur de la vaccination contre l'hépatite B, que la jurisprudence exclut tout lien de causalité et que Mme [K] ne démontre pas l'existence de présomptions graves, précises et concordantes. Il fait en tout état de cause valoir l'absence de défaut du vaccin Engerix, appréciée in abstracto.

A titre plus subsidiaire, il discute, poste par poste, les demandes indemnitaires de Mme [K].

La société L'Equité, assureur du Dr [U], dans ses dernières conclusions signifiées le 7 mars 2025, demande à la Cour de :

- confirmer intégralement le jugement en ce qu'il a :

. mis hors de cause l'ONIAM, aux motifs qu'aucune demande indemnitaire n'avait été formulée à son encontre,

. accueilli la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme [K] soulevée par le laboratoire GlaxoSmithKline,

. déclaré Mme [K] irrecevable en toutes ses demandes à l'encontre du Dr [U], à son encontre et à l'encontre du laboratoire GlaxoSmithKline,

. déclaré la CPAM de Seine Saint-Denis irrecevable en toutes ses demandes,

. dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du « CPC »,

. condamné Mme [K] aux dépens,

. rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires,

A défaut,

- déclarer les demandes de Mme [K] au titre d'une prétendue aggravation de son préjudice irrecevables car nouvelles en cause d'appel,

- en conséquence déclarer Mme [K] irrecevable en toutes ses demandes,

- déclarer par voie de conséquence la CPAM, subrogée dans les droits de [K], irrecevable dans l'ensemble de ses demandes,

A défaut,

- constater que le Dr [U] n'a commis aucune faute,

- en conséquence, débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes à son encontre,

- constater en outre que la preuve d'un lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaque déclarée par Mme [K] n'est pas rapportée,

- en conséquence, débouter de plus fort Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter par voie de conséquence la CPAM, subrogée dans les droits de [K], de l'ensemble de ses demandes,

Dans tous les cas,

- condamner Mme [K] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Olivier Leclere,

Subsidiairement,

- fixer comme suit les préjudices de Mme [K] :

. « ATP passée » : 18.980 euros,

. « ATP future rente annuelle » : 4.745 euros payable à terme échu et indexée conformément à l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985

. « IP » : 5.000 euros,

. « DFTT » : 725 euros,

. « DFTP » : 17.005 euros,

. « SE » avant consolidation : 1.500 euros,

. « PET » :1.500 euros,

. « DFP » : 20.350 euros,

. « PEP » : 1.500 euros,

- débouter Mme [K] de l'intégralité de ses autres demandes et de ses demandes en ce qu'elles excèderaient ces sommes.

La société L'Equité fait également valoir, à titre principal, l'absence d'intérêt à agir de Mme [K], qui a été indemnisée de l'intégralité de ses préjudices par les juridictions administratives.

A titre subsidiaire, l'assureur estime que l'intéressée ne rapporte ni la preuve d'une faute commise par feu le Dr [U], son assuré, ni celle d'un lien de causalité entre le développement de la sclérose en plaques et le rappel de vaccination contre l'hépatite B.

Elle discute à titre infiniment subsidiaire les demandes indemnitaires de Mme [K], poste par poste.

L'ONIAM, dans ses dernières conclusions signifiées le 13 mars 2025, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il l'a mis hors de cause,

- débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles seraient dirigées contre lui,

- condamner tout succombant aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du « CPC ».

L'ONIAM constate qu'aucune demande n'est présentée contre lui.

La CPAM, qui a reçu signification de la déclaration d'appel par acte remis le 23 mai 2022 à personne habilitée à le recevoir, n'a pas constitué avocat devant la Cour. L'arrêt sera en conséquence réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.

* La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 9 avril 2025, l'affaire plaidée le 6 mai 2025 et mise en délibéré au 10 juillet 2025.

Motifs

Aucune demande n'a été présentée contre l'ONIAM, assignée en intervention forcée en première instance, et le tribunal a mis l'organisme hors de cause. Celui-ci est intimé devant la Cour de céans, mais aucune demande n'est encore formulée à son encontre. Le jugement sera donc confirmé en cette mise hors de cause.

Sur la recevabilité des demandes de Mme [K]

L'irrecevabilité est une fin de non-recevoir qui sanctionne, sans examen au fond, un défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée (article 122 du code de procédure civile).

L'instance ayant été introduite au mois d'avril 2015, avant l'entrée en vigueur du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 élargissant les compétences du juge de la mise en état à l'examen des fins de non-recevoir, le tribunal était compétent pour statuer celles-ci, telles que soulevées par les parties.

Sur l'intérêt à agir de Mme [K]

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.

Mme [K], après avoir saisi la commission d'indemnisation des victimes de vaccinations obligatoires sans obtenir de l'ONIAM une indemnisation qu'elle estimait suffisante, a le 22 décembre 2008 saisi le tribunal administratif de Paris aux fins de voir désigner un expert et se voir accorder, à la charge de l'organisme, une provision de 50.000 euros. Le tribunal a le 21 décembre 2010 invité Mme [K] à chiffrer le montant définitif de ses demandes indemnitaires. Par jugement du 17 février 2011, le tribunal administratif a considéré que l'imputabilité de la sclérose en plaques dont souffre Mme [K] à l'injection du vaccin Engerix pratiquée le 2 mars 2006 était établie, que ladite injection présentait bien un caractère obligatoire et que la réparation de ses préjudice incombait à l'ONIAM. Il a ensuite rejeté la demande de nouvelle expertise présentée par Mme [K] et évalué son préjudice total à hauteur des sommes de 6.096 euros au titre des pertes de revenus jusqu'à la fin de l'année 2008, de 10.000 euros au titre de l'incidence du dommage sur sa vie professionnelle, de 40.000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence, de 4.000 euros en réparation des souffrances endurées (rejetant les demandes d'indemnisation de frais liés au handicap et de pertes de revenus après la fin de l'année 2008), représentant une somme totale de 60.096 euros. Le tribunal a cependant relevé que Mme [K] n'avait pas répondu, avant la clôture de l'instruction du dossier, à son invitation à chiffrer le montant définitif de ses demandes indemnitaires et considéré que celles-ci s'élevant à 50.000 euros avant cette clôture, le montant de l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM ne pouvait excéder cette somme.

Ce jugement a été annulé par arrêt de la cour administrative d'appel de [Localité 18] du 27 mars 2012, lequel a à son tour été annulé par arrêt du Conseil d'Etat du 30 juillet 2014. La cour administrative d'appel de renvoi a par arrêt du 29 avril 2016 rejeté la requête de Mme [K] tendant à voir annuler le jugement du 17 février 2011, confirmant ainsi les termes de celui-ci, qui seuls doivent être retenus.

Or il apparaît que si Mme [K] a d'abord réclamé une expertise et l'allocation d'une provision de 50.000 euros devant le tribunal administratif, elle n'a ensuite pas déféré à la demande de celui-ci l'invitant à chiffrer son préjudice définitif, de sorte que le tribunal, après avoir rejeté la demande de nouvelle expertise, a considéré que cette demande de 50.000 euros constituait sa demande définitive. S'il a lui-même évalué les préjudices de Mmes [K] à une somme totale supérieure, il a accordé à l'intéressée cette seule somme de 50.000 euros, ne pouvant statuer ultra petita.

Ainsi, Mme [K] a intégralement été indemnisée des préjudices résultant de sa vaccination obligatoire contre l'hépatite B le 2 mars 2006, de manière définitive.

Mme [K] estimait, dans sa requête soumise au tribunal administratif le 22 décembre 2008, que l'expert désigné par l'ONIAM en 2008 n'avait pas suffisamment tenu compte de ses préjudices et réclamait la désignation d'un nouvel expert, demande qui a été rejetée, faute pour elle d'apporter les éléments appuyant sa requête. Plus tard, lors de la saisine de la cour administrative d'appel de renvoi, Mme [K], aux termes de ses mémoires des mois de novembre 2015 et février 2016, demandait encore une nouvelle expertise et sollicitait une provision de 2.994.359,45 euros, demande également rejetée comme étant nouvelle à ce stade de la procédure. Il apparaît ainsi que l'aggravation de ses préjudices était déjà en débats devant les juridictions administratives.

Mme [K] a cependant aux mois d'avril 2015 et 2016 assigné le laboratoire GlaxoSmithKline, le Dr [U] et son assureur, la CPAM et l'ONIAM devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité et indemnisation. Elle se prévalait, au titre de son acte introductif d'instance, des conséquences de sa maladie, causée selon elle par la vaccination contre l'hépatite B. Elle a ensuite saisi le juge de la mise en état d'une demande incidente aux fins de désignation d'un nouvel expert, faisant valoir l'aggravation de son état de santé. Le magistrat a ordonné une « mesure d'expertise en aggravation de l'état de santé » de Mme [K], confiée au Dr [N]. Celui-ci observe, dans son rapport du 28 novembre 2017 au titre de l'évolution de l'état de santé de Mme [K] depuis 2014/2015, que celle-ci « déclare que l'évolution reste comparable à ce qu'elle était auparavant ». L'expert évoque un courrier du 8 novembre 2016 du neurologue de l'intéressée faisant état d'un examen clinique normal, un bilan neurologique du 6 juillet 2017 concluant à des performances normales (avec quelques difficultés attentionnelles) et, ainsi, ne relève aucune aggravation de l'état de santé de Mme [K] notable depuis l'expertise réalisée en 2008 à la requête de l'ONIAM.

Il apparaît en conséquence que Mme [K], déjà indemnisée de l'intégralité de ses préjudices par jugement du tribunal administratif du 17 février 2011, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel du 29 avril 2016, et ne justifiant pas de l'aggravation de ses préjudices ensuite, n'a pas intérêt à agir de nouveau devant le tribunal judiciaire de Paris, ainsi que celui-ci l'a justement retenu.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré Mme [K] irrecevable en ses prétentions.

Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur la recevabilité des demandes présentées par Mme [K] contre le laboratoire GlaxoSmithKline au regard de la prescription de son action, du caractère exclusif de l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux, ni sur le caractère bien ou mal fondé de son action.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens de première instance, mis à la charge de Mme [K], et aux frais irrépétibles exposés par chacune des parties, dont elles ont conservé la charge.

Succombant en son recours, Mme [K] sera condamnée aux dépens d'appel, avec distraction au profit des conseils du laboratoire GlaxoSmithKline, de la société L'Equité et de l'ONIAM qui l'ont réclamée, conformément aux termes des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

L'équité commande enfin de ne pas faire droit à la demande de la société L'Equité en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens et elle sera déboutée de sa demande de ce chef, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [K], succombant en cause d'appel, sera également déboutée de sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs,

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Ajoutant au jugement,

Condamne Mme [R] [K] aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SELAS LX [Localité 18]-Versailles-Reims et de Me Olivier Leclere,

Déboute la SA L'Equité et Mme [R] [K] de leurs demandes d'indemnisation de leurs frais irrépétibles d'appel.

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