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CA Lyon, 3e ch. a, 10 juillet 2025, n° 24/07259

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 24/07259

10 juillet 2025

N° RG 24/07259 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P4YL

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 24 juillet 2024

RG : 2023f3706

ch n°

[E]

C/

S.E.L.A.R.L. [11]

LA PROCUREURE GENERALE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 10 Juillet 2025

APPELANT :

Monsieur [P] [E],

né le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 10] (TUNISIE)

de nationalité tunisienne

demeurant [Adresse 4]

[Localité 1],

Représenté par Me Abdelmadjid BELABBAS, avocat au barreau de LYON, toque : 2009

INTIMEES :

La Selarl [11],

au capital de 1000 euros, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro [N° SIREN/SIRET 8], es qualité de liquidateur judiciaire de la Société [9], désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de LYON en date du 13 juin 2023,

Sis [Adresse 5]

([Localité 7]

Représentée par Me Thomas KAEMPF de la SELARL BK AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 438

Et

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 2]

([Localité 6]

Prise en la personne de Monsieur Olivier NAGABBO, Procureur Général près la Cour d'appel de LYON.

******

Date de clôture de l'instruction : 06 Mai 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Mai 2025

Date de mise à disposition : 10 Juillet 2025

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Viviane LE GALL, Conseillère, Sophie DUMURGIER, présidente ayant été empêchée, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS [9] a été créée le 16 juillet 2020 par M. [P] [E] et M. [G] [E], le premier disposant de 60% des parts sociales, le second de 40%. [P] [E] était le président de cette société.

Cette entreprise avait pour activité le transport routier de marchandises

Le 8 décembre 2022, la société [9] a été radiée d'office du RCS conformément aux dispositions de l'article R123-125 du code de commerce.

Suite à la plainte d'un salarié de la société concernant des anomalies sur sa fiche de paie et la disparition de son employeur depuis 2021, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon a saisi par requête du 2 mai 2023 le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et à titre subsidiaire de liquidation judiciaire.

Par jugement du 13 juin 2023, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société [9], fixé la date de cessation des paiements au 13 décembre 2021 soit un report de 18 mois, et a désigné la SELARL [11] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte introductif d'instance en date du 9 octobre 2023, la SELARL [11], ès qualités, a fait assigner M. [E] devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de prononcé d'une sanction à l'encontre de ce dernier.

Par jugement réputé contradictoire du 24 juillet 2024, le tribunal de commerce de Lyon a :

prononcé à l'encontre de M. [E], né le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 10] (Tunisie), une faillite personnelle de trois ans,

ordonné l'exécution provisoire de la décision,

rappelé qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code de commerce, les condamnations prononcées sur le fondement du livre VI du code de commerce doivent faire l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,

dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens sont tirés en frais privilégiés de la procédure.

Par déclaration reçue au greffe le 18 septembre 2024, M. [P] [E] a interjeté appel de ce jugement portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués.

***

Par ordonnance de référé rendue le 21 octobre 2024 par la juridiction du premier président de la cour d'appel de Lyon, l'exécution provisoire de la décision déférée a été arrêtée.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 18 novembre 2024, Monsieur [E] demande à la cour, au visa des articles L. 123-9, L. 653-1 et L. 653-5 du code de commerce, de :

déclarer recevable et bien-fondé M. [E] en son appel de la décision rendue le 24 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Lyon,

Y faisant droit,

annuler le jugement querellé rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 24 juillet 2024 en ce qu'il a condamné M. [E] à la faillite personnelle pour une durée de 3 ans,

Et statuant à nouveau,

À titre principal,

juger que M. [E] ne pouvait pas être ni poursuivi ni sanctionné sur le fondement des articles L. 653-5, 5° et 6° du code de commerce du fait de sa démission de son poste de président de la société [9] le 8 novembre 2021,

A titre subsidiaire,

juger que M. [E] ne peut pas être sanctionné au titre de la faillite personnelle,

juger que M. [E] ne peut pas être sanctionné par une interdiction de gérer,

A titre infiniment subsidiaire,

autoriser, en cas d'interdiction de gérer prononcée à l'encontre de M. [E], ce dernier à diriger les sociétés existantes dont il est déjà le dirigeant,

condamner l'intimé au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 15.000 euros,

condamner l'intimé aux entiers dépens.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 janvier 2025, la SELARL [11], ès qualités, demande à la cour, au visa des articles L. 653-1 et suivants et R. 661-3 du code de commerce et 122 et 954 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

déclarer irrecevable l'appel interjeté au-delà du délai légal de 10 jours par M. [E],

A titre subsidiaire,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 24 juillet 2024 prononçant une mesure de faillite personnelle d'une durée de 3 ans à l'encontre de M. [E],

débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, moyens et prétentions,

A titre infiniment subsidiaire, en cas de réformation du jugement querellé,

prononcer, à titre principal, une mesure de faillite personnelle d'une durée de 2 ans à l'encontre de M. [E],

prononcer, à titre subsidiaire, une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 3 ans à l'encontre de M. [E],

En tout état de cause,

condamner M. [E] à payer à la SELARL [11], ès qualités, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [E] aux entiers dépens de la présente instance.

***

Le ministère public, par avis du 17 janvier 2025 communiqué contradictoirement aux parties le 20 janvier 2025, a observé que M. [E] avait démissionné et réalisé les démarches permettant de le faire savoir en consultant le registre du commerce et des sociétés, l'extrait Kbis comportant une mention en date du 29 novembre 2022, et une lettre recommandée ayant été adressée à la société un an auparavant, désignant son frère comme successeur.

Il a estimé que, dans ces conditions, le fait d'avoir omis de fournir une comptabilité et le défaut de coopération avec les organes de la procédure de liquidation judiciaire ne sauraient lui être reprochés.

Il a relevé que le tribunal n'avait pas examiné le motif tiré de la tardiveté de la déclaration de cessation des paiements ' « attendu sans qu'il soit nécessaire ' » - et en conséquence que l'aspect conscient (d'avoir sciemment omis de déclarer son état de cessation des paiements, faute pouvant justifier une interdiction de gérer) n'est pas établi en l'espèce.

Aux termes de ses écritures, le ministère public a requis l'infirmation du jugement et le rejet de la requête du mandataire-liquidateur.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 6 mai 2025, les débats étant fixés au 15 mai 2025.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

La SELARL [11] fait valoir que :

le jugement de première instance a été rendu le 24 juillet 2024 et signifié à M. [E] le 2 septembre 2024,

le délai de 10 jours pour interjeter appel était expressément mentionné dans le procès-verbal de signification,

la déclaration d'appel date du 18 septembre, soit au-delà du délai de 10 jours.

M. [E] fait valoir que :

le jugement du 24 juillet 2024 lui a été signifié le 16 juillet 2024 (sic) et qu'il a interjeté appel le même jour et a réitéré celui-ci suite à un problème technique le 17 juillet.

Sur ce,

L'article 906-3 du code de procédure civile dispose notamment que : « le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président est seul compétent, jusqu'à l'ouverture des débats ou jusqu'à la date fixée pour le dépôt des dossiers des avocats, pour statuer sur :

1° L'irrecevabilité de l'appel ou des interventions en appel ;

2° La caducité de la déclaration d'appel ;

3° L'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application de l'article 906-2 et de l'article 930-1 ;

4° Les incidents mettant fin à l'instance d'appel.

Le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président statue par ordonnance revêtue de l'autorité de la chose jugée au principal relativement à la contestation qu'elle tranche. Cette ordonnance peut être déférée par requête à la cour dans les quinze jours de sa date selon les modalités prévues au neuvième alinéa de l'article 913-8.

Lorsque l'ordonnance a pour effet de mettre fin à l'instance, le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président statue sur les dépens et les demandes formées en application de l'article 700.

Dans les cas prévus au présent article et au septième alinéa de l'article 906-2, le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées, distinctes des conclusions adressées à la cour. »

L'article 125 du même code dispose que : « Les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.

Le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.

Lorsqu'une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l'autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir. »

L'article R 661-3 alinéa 1 du code de commerce dispose que : « Sauf dispositions contraires, le délai d'appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire, de responsabilité pour insuffisance d'actif, de faillite personnelle ou d'interdiction prévue à l'article L 653-8 du même code ».

Il est constant que la présente instance relève du régime des procédures à bref délai devant la cour d'appel, qui désigne le président de la chambre comme seul compétent pour traiter de la recevabilité de l'appel, étant rappelé qu'il doit être saisi par des conclusions distinctes des conclusions au fond.

Toutefois, la juridiction de jugement doit relever d'office les fins de non-recevoir quand elles ont un caractère d'ordre public notamment quand elles résultent de l'inobservation des délais de recours.

En l'espèce, les parties ont été mises en mesure de conclure sur la recevabilité de l'appel puisque dans ses conclusions du 13 janvier 2025, le conseil du liquidateur judiciaire a conclu à l'irrecevabilité de l'appel, ce à quoi le conseil de l'appelant n'a pas répondu, sachant que la clôture du dossier était fixée au 6 mai 2025, ce qui lui laissait le temps nécessaire pour y procéder s'il l'estimait nécessaire.

Il n'est pas contesté que M. [E] a entendu interjeter appel du jugement réputé contradictoire rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 24 juillet 2024.

Les pièces versées aux débats établissent que ce jugement a été signifié le 2 septembre 2024, le délai de 10 jours étant décompté à partir de cette date.

Il est constant que l'acte de signification comporte l'information de ce que M. [E] dispose de la possibilité d'interjeter appel de cette décision dans un délai de dix jours, ces deux derniers mots étant inscrits en majuscules, ce qui démontre l'existence d'une information complète de la personne concernée.

Il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'appel a été régularisée le 18 septembre 2024 soit en dehors du délai de 10 jours.

Dès lors, l'appel interjeté est irrecevable, la cour, non saisie de l'affaire, n'ayant pas à statuer sur le fond.

Sur les demandes accessoires

M. [E] échouant en ses prétentions sera condamné à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.

L'équité ne commande pas d'accorder à l'une ou l'autre des parties une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, tant la demande de M. [E] que la demande de la SELARL [11] à ce titre seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire dans les limites de l'appel,

Déclare irrecevable l'appel formé par M. [P] [E] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 24 juillet 2024,

Condamne M. [P] [E] à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,

Déboute M. [P] [E] de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SELARL [11], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS [9], de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente empêchée,

La Conseillère

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