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CA Orléans, ch. des retentions, 13 juillet 2025, n° 25/02010

ORLÉANS

Ordonnance

Autre

CA Orléans n° 25/02010

13 juillet 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 13 JUILLET 2025

Minute N° 665/25

N° RG 25/02010 - N° Portalis DBVN-V-B7J-HH3Q

(1 pages)

Décision déférée : ordonnance du tribunal judiciaire d'Orléans en date du 10 juillet 2025 à 12h16

Nous, Charles PRATS, conseiller à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation de la première présidente de cette cour, assisté de Léa HUET, greffière, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

Monsieur le préfet de la [Localité 5]

non comparant, non représenté ;

INTIMÉ :

Monsieur [P] [O]

né le 19 janvier 2004 à [Localité 2] (Roumanie), de nationalité roumaine,

demeurant au [Adresse 1] ([Localité 5]),

convoqué à personne au centre de rétention d'[Localité 3],

non comparant, représenté par Maître Nadia ECHCHAYB, avocat au barreau d'Orléans ;

MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;

À notre audience publique tenue au Palais de Justice d'Orléans, le 13 juillet 2025 à 10h00 ;

Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;

Vu l'ordonnance rendue le 10 juillet 2025 à 12h16 par le tribunal judiciaire d'Orléans constatant l'irrégularité de la procédure antérieure au placement en rétention et mettant fin à la rétention administrative de Monsieur [P] [O] ;

Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 10 juillet 2025 à 17h22 par Monsieur le préfet de la [Localité 5] ;

Après avoir entendu :

- en sa plaidoirie ;

- Maître Nadia ECHCHAYB en sa plaidoirie ;

AVONS RENDU ce jour l'ordonnance publique et réputée contradictoire suivante :

PROCEDURE

Par une ordonnance du 10 juillet 2025, rendue en audience publique à 12h16, le magistrat du siège du tribunal judiciaire d'Orléans a constaté l'irrégularité de la procédure diligentée à l'égard de M. [P] [O], et dit n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de ce dernier.

Par courriel transmis au greffe de la chambre des rétentions administratives de la cour le 10 juillet 2025 à 17h22, le préfet de la [Localité 5] a interjeté appel de cette décision.

MOYENS DES PARTIES

Le préfet de la [Localité 5] conteste le moyen de nullité accueilli par le premier juge, concernant l'habilitation de l'agent ayant consulté le Fichier Automatisé des Empreintes Digitales (FAED), selon les arguments suivants :

En premier lieu, il n'est pas démontré que l'irrégularité de procédure soulevée ait occasionné un préjudice substantiel à l'intéressé, alors qu'il s'agit d'une condition obligatoire induite par les dispositions de l'article L. 743-12 du CESEDA pour envisager une mainlevée.

En second lieu, il ressort des pièces de la procédure que l'agent ayant consulté le fichier automatisé des empreintes digitales était Mme [D] [J], qui a obtenu l'habilitation idoine le 6 septembre 2024.

Il est ainsi demandé à la cour d'annuler l'ordonnance entreprise et d'ordonner le maintien en rétention administrative de M. [P] [O].

M. [P] [O] par la voix de son avocat, maintient le moyen d'irrégularité dans la consultation du FAED et soulève également la violation de l'article 8 de la CEDH, outre l'erreur manifeste d'appréciation de la préfecture dans la mesure où il est arrivé en France longtemps auparavant, a eu une mesure d'éloignement et une assignation qu'il a respectées et a de la famille sur le territoire national qui constitue pour lui un point d'ancrage.

REPONSE AUX MOYENS

Considérant que l'article R. 40-38-1 du code de procédure pénale dispose que le ministre de l'intérieur est autorisé à mettre en 'uvre un traitement de données à caractère personnel dénommé « fichier automatisé des empreintes digitales » (FAED), qui a notamment pour finalité de faciliter l'identification d'un étranger dans les conditions prévues à l'article L. 142-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que selon les dispositions de l'article R. 40-38-7 du même code, peuvent avoir accès à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître, à tout ou partie des données et informations mentionnées aux articles R. 40-38-2 et R. 40-38-3 les personnels de la police nationale et ceux de la gendarmerie nationale individuellement désignés et dûment habilités, affectés dans les services chargés d'une mission de police judiciaire et spécialement chargés de la mise en 'uvre du traitement, aux fins de consultation, d'alimentation et d'identification des personnes.

Considérant qu'à ce titre, les dispositions de l'article 15-5 du code de procédure pénale permettent au juge de contrôler à tout moment la réalité de cette habilitation, à son initiative ou sur demande de la personne intéressée ; qu'en outre, il convient de rappeler qu'au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l'habilitation des agents est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (1ère Civ., 14 octobre 2020, n° 19-19.234) ;

Considérant dès lors que la preuve de l'habilitation à consulter le FAED est une garantie du respect des libertés individuelles et que tout intéressé ayant fait l'objet d'une consultation de ses données est à même d'exiger qu'il lui soit justifié de l'habilitation de l'agent ayant eu accès à ces données ; qu'à défaut, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'un grief (1ère Civ. 14 octobre 2020, déjà citée) ;

Considérant qu'en l'espèce, selon le rapport d'identification dactyloscopique du 6 juillet 2025, le FAED a été consulté ce même jour, pour accéder aux données de M. [P] [O], par Mme [D] [J] ;

Considérant que la préfecture produit une attestation du 10 juillet 2025, signée par M. [X] [E], officier de police judiciaire, établissant que Mme [D] [J] a suivi avec succès une formation d'utilisatrice au terminal T41 ; que cependant une attestation de réussite à une formation ne constitue aucunement une décision d'habilitation individuelle ; que dès lors l'autorité administrative ne justifie pas de l'habilitation individuelle de Mme [J] à consulter le FAED ;

Considérant dès lors que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, il y a lieu de confirmer l'ordonnance dont appel et de rejeter l'appel du prefet d'Ille-Et-Vilaine ;

PAR CES MOTIFS,

DECLARONS recevable l'appel interjeté par le préfet de la [Localité 5] ;

CONFIRMONS l'ordonnance du tribunal judiciaire d'Orléans du 10 juillet 2025 ayant constaté l'irrégularité de la procédure et mis fin à la rétention administrative de M. [P] [O] ;

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;

ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à Monsieur [P] [O] et son conseil, à Monsieur le préfet de la Vienne et à Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;

Et la présente ordonnance a été signée par Charles PRATS, conseiller, et Léa HUET, greffière présent lors du prononcé.

Fait à [Localité 4] le TREIZE JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Léa HUET Charles PRATS

Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

NOTIFICATIONS, le 13 juillet 2025 :

Monsieur [P] [O], par LRAR

Maître Nadia ECHCHAYB, avocat au barreau d'Orléans, par PLEX

Monsieur le préfet de la [Localité 5] , par courriel

Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel

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