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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 1, 11 juillet 2025, n° 23/08574

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/08574

11 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 11 JUILLET 2025

(n° , 24 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08574 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHTHF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2023 - Tribunal judiciaire de PARIS

RG n° 16/02342

APPELANTE

S.A. GROUPEMENT PRIVE DE GESTION immatriculée au RCS de Paris sous le n°

303 970 487, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée et assistée de Me Paul VILLETARD DE LAGUERIE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A. FONCIERE MOGADOR immatriculée au RCS de Paris sous le n° 394 597 223,

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Louis-marie PILLEBOUT du LLP SIMMONS & SIMMONS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2025 , en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre, chargée du rapport et Madame Nathalie BRET, conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre

Madame Nathalie BRET, conseillère

Catherine GIRARD-ALEXANDRE , conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour initialement prévue le 06 juin 2025 prorogé au 11juillet 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Ange SENTUCQ , Présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Dans les années 1990, la société Groupement Privé de Gestion (la société GPG) était constituée de deux sociétés commerciales : GLP Vins et Lys de France, ainsi que d'une société immobilière, la SCI Aubert ; elle développait en parallèle de ses activités immobilières, une activité d'achat et de revente de titres de bourse et notamment sur des titres INGENICO, SCOA et CSEE.

Espérant une hausse de valeur de ces titres qui n'intervenait pas, le GPG reportait ses positions de mois en mois générant des frais de report et des appels de couverture.

En 1993, des négociations ont été engagées entre la société GPG, dirigé par M. [N] et Mme [V] veuve [X], et le service 'actions' de la CDC, à la suite desquelles, par acte daté du 23 novembre 1993, la société GPG (le prêteur) et la CDC (l'emprunteur) ont conclu un Contrat-cadre de prêts de titres.

L'opération était la suivante, le GPG s'engageait à prêter les actions SCOA, INGENICO et CSEE dont il n'était pas encore propriétaire puisqu'il n'avait sur ces titres qu'une position de report en vue de leur acquisition au moyen de sommes d'argent que la CDC s'engageait à lui verser en garantie de la restitution des titres.

L'article 4 - Mise en place d'un prêt - était rédigé ainsi : '4.1 - Chacune des parties pourra proposer à tout moment à l'autre partie, par tous moyens, une opération de prêt/emprunt de titres. Dès l'accord intervenu entre les parties (la 'Date de Négociation'), le prêt est juridiquement conclu. Le prêteur ou l'emprunteur (ou les deux), tel que cela a été convenu, doit immédiatement adresser à l'autre partie une Confirmation, conforme au modèle figurant en Annexe A. La Confirmation et le Contrat constitueront la preuve des conditions de l'accord entre les parties, sauf contestation immédiate de l'une ou l'autre d'entre elles. 4.2 - A la date (la 'Date de Début du Prêt'), et selon le mode de livraison indiqué dans la Confirmation, le prêteur livrera les titres à l'emprunteur. La livraison des titres réalise le transfert de propriété au profit de l'emprunteur, lequel peut en disposer librement à la Date de Début du Prêt, mais doit à l'échéance les restituer, sauf en cas de défaillance du prêteur'.

L'article 5 stipule que tout prêt peut, par convention entre les parties, donner lieu à la constitution par l'emprunteur d'une garantie en faveur du prêteur sous la forme d'une remise par l'emprunteur d'espèces ou de titres en garantie, et l'article 7 précise qu'à la date de remboursement initial d'un prêt, l'emprunteur restituera au prêteur les titres ayant fait l'objet du prêt considéré, contre restitution de la garantie.

Le contrat-cadre prévoyait en outre (article 13) qu'en cas de défaillance de l'une ou l'autre parties, la partie défaillante pourrait se voir notifier par l'autre partie que celle-ci est de plein droit définitivement propriétaire des espèces et/ou des titres remis dans le cadre des prêts déchus de leur terme et ce à due concurrence des sommes qui lui seraient dues.

Il mentionnait encore (article 13) qu'un compte ('solde compensé') serait établi entre les parties, en fonction de la valeur des titres à la date de l'appropriation définitive et de la dette de restitution d'espèces due par le prêteur des titres, en tenant compte des intérêts stipulés, d'une part pour le prêt de titres, d'autre part pour la remise d'espèces.

Le 23 novembre 1993, M. [N] et Mme [X] ont nanti au profit de la CDC la totalité des actions de la société GPG dont ils étaient propriétaires, en garantie des engagements souscrits par la société GPG au titre des prêts d'actions INGENICO et SCOA conclus avec la CDC.

En application de ce contrat-cadre, la société GPG et la CDC ont, le 24 novembre 1993, conclu des contrats d'application du contrat-cadre (les 'confirmations') :

Une première confirmation portant sur 7 100 400 actions SCOA, avec une date de début de prêt du 30 novembre 1993, jour de la liquidation du mois de novembre 1993, et une échéance au 30 septembre 1994, avec un taux de couverture de 88 %, et donc une 'garantie espèces' initiale, en fonction du cours de référence du titre SCOA, de 63,1 millions de francs ;

Une seconde confirmation concernant 712 875 titres INGENICO, avec une date de début de prêt identique, fixée au 30 novembre 1993, et, par conséquent, un versement de 84,6 millions de francs en exécution de la garantie espèces.

Les opérations de prêts de titres ont été effectuées sur un compte ouvert par la société GPG auprès de la société Fauchier Magnan Durant des Aulnois (la société FMDA), aux droits de laquelle sont venues la CDC Bourse, puis la société Natixis Securities.

Le 30 novembre 1993, la société GPG a levé les positions acheteuses en report sur des actions INGENICO ainsi que sur des actions SCOA, et la CDC a versé le montant de la garantie espèces sur le compte de la société GPG ouvert auprès de la société FMDA.

Les 31 août 1994 et 30 septembre 1994, soit au terme des confirmations initiales du 24 novembre 1993, les parties ont établi cinq autres contrats d'application du contrat-cadre portant sur des titres CSEE pour une garantie espèces d'un montant total de 70,75 millions de francs, ainsi que sur des actions INGENICO et SCOA pour une 'garantie espèces' d'un montant total de 83,2 millions de francs, la date de début des prêts étant le 1 octobre 1994 et l'échéance fixée au 20 décembre 1994.

La société GPG n'ayant pas, à la date du 20 décembre 1994, terme des contrats de prêt de titres des 31 août et 30 septembre 1994, restitué le montant des 'garanties espèces' accru des intérêts convenus, la CDC a, le 28 décembre 1994, constaté sa défaillance et s'est approprié les titres prêtés.

Dans le dessein d'organiser le règlement des créances de la CDC, la société GPG, la société Groupement privé financier (la société GPF), la SCI Aubert, M. [N] et Mme [X] ont conclu le 13 janvier 1995 avec la CDC, la Société patrimoine d'intervention foncière et immobilière de la CDC (la SPIFIC) et la société de bourse Fauchier-Magnan-Durant-des Aulnois (la société FMDA), aux droits de laquelle sont venues successivement la CDC Bourse et la société Natixis Securities, un protocole transactionnel aux termes duquel, en substance, les sociétés GPG et GPF s'engageaient à rembourser leur dette en cédant tout ou partie de leurs actifs, constitués principalement d'immeubles, de valeurs mobilières et de deux sociétés commerciales, la Caisse des dépôts et consignations acceptant, en contrepartie, de désintéresser les créanciers du groupe GPG, de lui prêter des fonds et d'abandonner le solde éventuel de sa créance au 31 décembre 1996.

Ce protocole a été homologué par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 25 janvier 1995.

Aux motifs que ses cocontractants avaient fait obstacle à l'exécution, par la banque d'affaires désignée par le protocole, du mandat de vente des sociétés GLP Vins et Lys de France et que, loin de gérer le groupe GPG en bon père de famille, M. [N] avait continué les spéculations désormais interdites à la société GPG en les faisant désormais passer par les sociétés GLP Vins et Lys de France, la CDC a, le 8 octobre 1996, prononcé la déchéance du terme.

Auparavant, le 13 octobre 1995, les sociétés GPG et GPF avaient assigné la CDC et la CDC Bourse, venant aux droits de la société de bourse FMDA, aux fins de désignation d'un expert avec pour mission de vérifier les conditions dans lesquelles la CDC gérait les titres qu'elle s'était appropriés, ainsi que condamnation de cette dernière au paiement de dommages-intérêts d'un montant égal à 12 000 000 euros; par jugement avant dire droit du 4 décembre 1995, le tribunal de commerce de Paris a accueilli la première demande et désigné un expert chargé d'examiner les conditions dans lesquelles la CDC dénouait les positions de la société GPG ; l'expert a déposé son rapport le 17 juin 1996.

Par jugement du 1 avril 1997, le tribunal a, à la demande de la CDC, désigné un mandataire ad hoc chargé de vérifier les conditions de gestion des sociétés GLP Vins et Lys de France, et il a sursis à statuer sur le fond dans l'attente de l'issue de plusieurs instances déclenchées par de nombreuses plaintes pénales.

Parallèlement, le 10 mars 1997, les sociétés GPG et GPF, M. [N] et la SCI Aubert ont assigné la CDC, la CDC Bourse, aux droits de laquelle vient désormais la société Natixis Securities, et la SPIFIC, ainsi que M. [M], directeur général de la CDC, aux fins d'annulation des contrats de prêts de titres pour fausse cause, et de rescision subséquente du protocole transactionnel du 13 janvier 1995, considéré comme conclu en exécution d'un titre nul au sens de l'article 2054 du code civil ; Mme [X] s'est jointe à ces demandes.

Par jugement avant dire droit du 9 décembre 1997, le tribunal de commerce de Paris a mis M. [M] hors de cause, invité la CDC à ne plus céder les titres en sa possession provenant des opérations de prêt de titres dans l'attente de la décision au fond, et convoqué M. [K], prestataire de services spécialisé dans le domaine boursier, afin de recueillir son témoignage ; celui-ci a été entendu à l'audience du 20 janvier 1998.

Par jugement du 10 mars 1998, le tribunal de commerce de Paris a dit les sociétés GPG et GPF, la SCI Aubert, M. [N] et Mme [X] mal fondés en leur demande de nullité des opérations de prêt de titres réalisées avec la CDC en 1993 et 1994, de requalification de ces opérations et de nullité du protocole d'accord du 13 janvier 1995.

Les sociétés GPG et GPF, la SCI Aubert et M. [N] ayant interjeté appel de cette décision, la cour d'appel de Paris a, par arrêt avant dire droit du 31 mai 2002, ordonné un sursis à statuer sur toutes les demandes jusqu'à l'issue des instances pénales pendantes à la suite de la plainte déposée le 28 février 1997 à l'encontre de la CDC et de la citation directe dirigée le 8 mars 2002 contre la société Idealinfo.

Par ordonnance du 30 octobre 2007, le conseiller de la mise en état a enjoint à la CDC de communiquer le rapport d'audit interne effectué en 1994 et portant sur les opérations de prêts/emprunts de titres souscrites sur le GPG en 1994.

Par ordonnance du 2 décembre 2008, il a prononcé à nouveau un sursis à statuer dans l'attente de l'issue des instances pénales en cours.

Par ordonnance du 14 janvier 2011, le conseiller de la Mise en Etat a invité la CDC à communiquer à la SCI Aubert, aux sociétés GPF et GPG ainsi qu'à M. [N] et Mme [X] l'intégralité de la note du 28 octobre 1994 à l'attention de M. [M] ; par arrêt du 28 avril 2011, la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevable le déféré-nullité formé par la CDC à l'encontre de cette ordonnance.

Par arrêt du 4 avril 2013, la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance prononcée le 14 janvier 2011 par le conseiller de la mise en état, a ordonné la révocation du sursis à statuer et a renvoyé la procédure à la mise en état.

En parallèle à partir du 13 janvier 1995 et en application du Protocole Transactionnel, le GPG a cédé une trentaine de biens immobiliers à une filiale de la CDC, la S.A. Foncière Mogador, qui les a elle-même, pour partie, revendus.

Le 15 novembre 1995, le GPG a vendu à la S.A. Foncière Mogador un bien immobilier situé à [Adresse 15] [Localité 12][Adresse 7] centre commercial de [Localité 8] pour le prix de 1 346 138,00 francs.

Le 19 décembre 1996, le bien situé à [Localité 16] a été revendu à la société [Adresse 13] pour le prix de 890 000,00 francs.

Par exploit d'huissier en date du 1er août 1997, le GPG a assigné, devant le tribunal de grande instance de Melun, la société MOGADOR aux fins de nullité de l'acte de vente du 15 novembre 1995.

Par jugement du 22 septembre 1998, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 février 1999, le tribunal de grande instance de Melun a ordonné le renvoi de l'affaire devant le tribunal de grande instance de Paris saisi d'une instance connexe.

Par jugement du 18 mars 2010, ce tribunal a sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice jusqu'à ce qu'une décision définitive soit intervenue sur le litige dont est saisie la cour d'appel de Paris relatif à la portée du protocole du 13 janvier 1995 et prononcé le retrait du rôle.

Par arrêt du 2 octobre 2014, la cour d'appel a :

Infirmé le jugement du 10 mars 1998, en ce qu'il avait débouté la société GPG et consorts de leur demande d'annulation des prêts de titres et de la transaction,

Confirmé, par substitution de motifs, le jugement en ce qu'il avait débouté les mêmes de leur demande de requalification des prêts de titres en prêts d'espèces nantis par des titres,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Annulé les contrats de prêts de titres des 23 novembre 1993, 24 novembre 1993, 31 août 1994 et 30 septembre 1994,

Dit nul le protocole transactionnel du 13 janvier 1995,

Débouté la Caisse des dépôts et consignations des demandes formées contre les sociétés GPG et GPF, d'une part, M. [N], Mme [X], d'autre part, fondées sur l'inexécution du protocole.

Cette décision a été cassée par arrêt de la Cour de cassation du 24 mai 2016 par lequel la chambre commerciale dispose qu'il résulte des articles 1108 et 1126 du code civil que l'objet dont l'absence est sanctionnée par la nullité de la convention s'entend de l'objet de l'obligation que renferme cette convention, et non de l'objet du contrat. Or, l'objet de l'obligation du prêteur de titres, tel qu'il était stipulé aux termes du contrat-cadre et des confirmations, résidait dans la mise à disposition de titres qui existaient et étaient identifiés lors de la signature de ces conventions, et non dans le transfert de propriété de ces titres qui n'était qu'un effet de leur remise et renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Par arrêt du 5 décembre 2018, cette cour saisie du renvoi a :

Infirmé le jugement du 10 mars 1998 en ce qu'il a débouté les parties demanderesses

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes de GPG, GPF, la SCI Aubert, M. [N] et Mme [X] en annulation du protocole

Condamne le GPG, M. [N] et Mme [X] à verser différentes sommes à la CDC

Un nouveau pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt et par arrêt du 23 juin 2021, la Cour de cassation a rejeté les pourvois.

Par ordonnance du 9 octobre 2019, le juge de la mise en état a notamment :

Constaté que par arrêt du 5 décembre 2018, la cour d'appel de Paris a rendu un arrêt définitif,

Constaté que le sursis à statuer rendu par jugement du 18 mars 2010 est arrivé à son terme,

Rejeté « l'exception de sursis » (sic) à statuer fondée sur l'existence d'une procédure pénale,

Renvoyé l'affaire à la mise en état.

Par jugement du 30 mars 2023, le tribunal judiciaire de Paris retient :

« REJETTE la demande du Groupement Privé de Gestion de révocation de l'ordonnance de clôture ;

REJETTE la demande du Groupement Privé de Gestion de sursis à statuer fondée sur l'existence d'une procédure pénale ;

REJETTE la demande du Groupement Privé de Gestion d'ordonner la communication du scellé n°59 de la procédure pénale P.96.026.6980/2 ;

REJETTE les demandes du Groupement Privé de Gestion de voir :

' prononcer la nullité des actes de vente, intervenus les 15 novembre 1995 par devant Me [D] [B], Notaire à Paris des biens immobiliers ci-après désignés : l'acte de vente reçu le 15 novembre 1995 entre le GPG et la société MOGADOR portant sur un bâtiment à usage commercial situé centre commercial de [Localité 8] à [Localité 16], cadastré BH [Cadastre 3],

' dire et juger que pour le cas où certains des biens immobiliers concernés auraient été revendus par la société MOGADOR à des tiers, les ventes ainsi réalisées seront déclarées nulles par application de l'article 1167 du Code civil

' réserver les dommages-intérêts complémentaires dus au G.P.G. à la suite de l'annulation desdites ventes immobilières

CONDAMNE le Groupement Privé de Gestion à payer à la société FONCIÈRE MODAGOR la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

DÉBOUTE le Groupement Privé de Gestion au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le Groupement Privé de Gestion aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Maître Louis-Marie PILLEBOUT conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision. »

Par déclaration en date du 9 mai 2023, la SA GROUPEMENT PRIVE DE GESTION a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

LA SA FONCIERE MOGADOR

Par conclusions d'appelant signifiées le 19 janvier 2024, la société GROUPEMENT PRIVE DE GESTION demande à la cour de :

Vu les articles 1170, 1174, 1184, 1131 et 1342 du code civil
Vu les pièces visées,

DECLARER la société FONCIERE MOGADOR mal fondée en son appel incident

L'EN DEBOUTER

DECLARER la société GROUPEMENT PRIVE DE GESTION recevable et bien fondé en son appel ;

INFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il :

REJETTE la demande du Groupement Privé de Gestion de révocation de l'ordonnance de clôture ;

REJETTE la demande du Groupement Privé de Gestion de sursis à statuer fondée sur l'existence d'une procédure pénale ;

REJETTE la demande du Groupement Privé de Gestion d'ordonner la communication du scellé n°59 de la procédure pénale P.96.026.6980/2 ;

REJETTE les demandes du Groupement Privé de Gestion de voir :

' prononcer la nullité des actes de vente, intervenus les 15 novembre 1995 par devant Me [D] [B], Notaire à Paris des biens immobiliers ci-après désignés : l'acte de vente reçu le 15 novembre 1995 entre le GPG et la société MOGADOR portant sur un bâtiment à usage commercial situé centre commercial de [Localité 8] à [Localité 16], cadastré BH [Cadastre 3],

' dire et juger que pour le cas où certains des biens immobiliers concernés auraient été revendus par la société MOGADOR à des tiers, les ventes ainsi réalisées seront déclarées nulles par application de l'article 1167 du Code civil

' réserver les dommages-intérêts complémentaires dus au G.P.G. à la suite de l'annulation desdites ventes immobilières

CONDAMNE le Groupement Privé de Gestion à payer à la société FONCIÈRE MODAGOR la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE le Groupement Privé de Gestion au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le Groupement Privé de Gestion aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Maître Louis-Marie PILLEBOUT conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

ET STATUANT A NOUVEAU :

IN LIMINE LITIS :

SURSEOIR A STATUER en attendant l'issue de la procédure pénale en cours ;

SURSEOIR A STATUER en attendant l'issue de l'instance introduite devant le tribunal de commerce sous le n° de RG 2023037863

À TITRE PRINCIPAL :

PRONONCER la nullité des ventes ci-après désignée : des actes de vente, intervenus les 15 novembre 1995 par devant Me [D] [B], Notaire à Paris des biens immobiliers ci-après désignés : l'acte de vente reçu le 15 novembre 1995 entre le GPG et la société MOGADOR portant sur un bâtiment à usage commercial situé centre commercial de [Localité 8] à [Localité 16], cadastré BH [Cadastre 3],

DIRE ET JUGER que pour le cas où certains des biens immobiliers concernés auraient été revendus par la société MOGADOR à des tiers, les ventes ainsi réalisées seront déclarées nulles par application de l'article 1167 du Code civil

RESERVER les dommages-intérêts complémentaires dus au G.P.G. à la suite de l'annulation desdites ventes immobilières

ORDONNER la remise en état des parties au jour de la signature de l'acte de vente du 15 novembre 1995 ;

CONDAMNER la société FONCIÈRE MOGADOR à rembourser à la société GROUPEMENT PRIVE DE GESTION les sommes correspondants aux loyers perçus à compter de leur date d'acquisition des biens ;

À TITRE SUBSIDIAIRE :

CONSTATER que la créance poursuivit par la société FONCIÈRE MOGADOR étant parfaitement éteinte, la vente des immeubles visant à voir réduire cette créance étant dépourvue de cause

PAR CONSÉQUENT :

PRONONCER la nullité des ventes ci-après désignée : des actes de vente, intervenus les 15 novembre 1995 par devant Me [D] [B], Notaire à Paris des biens immobiliers ci-après désignés : l'acte de vente reçu le 15 novembre 1995 entre le GPG et la société MOGADOR portant sur un bâtiment à usage commercial situé centre commercial de [Localité 8] à [Localité 16], cadastré BH [Cadastre 3],

DIRE ET JUGER que pour le cas où certains des biens immobiliers concernés auraient été revendus par la société MOGADOR à des tiers, les ventes ainsi réalisées seront déclarées nulles par application de l'article 1167 du Code civil

RESERVER les dommages-intérêts complémentaires dus au G.P.G. à la suite de l'annulation desdites ventes immobilières

ORDONNER la remise en état des parties au jour de la signature de l'acte de vente du 15 novembre 1995 ;

CONDAMNER la société FONCIÈRE MOGADOR à rembourser à la société GROUPEMENT PRIVE DE GESTION les sommes correspondants aux loyers perçus à compter de leur date d'acquisition des biens ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :

CONDAMNER la société FONCIERE MOGADOR à régler à la société GROUPEMENT PRIVE DE GESTION la somme de 10.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions d'intimées, signifiées le 2 novembre 2023, la société FONCIERE MOGADOR demande à la cour de :

In limine litis, sur le sursis à statuer :

Se déclarer incompétente pour juger de la demande de sursis à statuer formulée par le Groupement Privé de Gestion ; et

Subsidiairement,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le Groupement Privé de Gestion de ses demandes de sursis à statuer.

A titre principal, sur la recevabilité des demandes :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit la clause de non-recours opposable en l'espèce, et en conséquence, rejeté toutes les demandes du Groupement Privé de Gestion

Subsidiairement,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas retenu l'irrecevabilité des demandes du GPG pour autorité de la chose jugée, et, statuant à nouveau, déclarer irrecevables les demandes formulées par le Groupement Privé de Gestion au motif qu'elles se heurtent à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 5 décembre 2018.

A titre subsidiaire, sur le fond des demandes en nullité formulées par le Groupement Privé de Gestion :

Débouter le Groupement Privé de Gestion de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause :

Condamner le Groupement Privé de Gestion à verser à la Société Foncière Mogador la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Condamner le Groupement Privé de Gestion aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maitre Louis-Marie Pillebout conformément à l'article 699 du CPC.

La clôture était prononcée par ordonnance en date du 20 février 2025.

SUR QUOI
LA COUR

1' Le sursis à statuer

1-1 La compétence de la Cour pour ordonner le sursis à statuer

Le GROUPEMENT PRIVE DE GESTION ne fait valoir aucun moyen au titre de la compétence de la cour sur la demande de sursis à statuer.

La société FONCIERE MOGADOR fait valoir qu'au visa de l'article 73 du code de procédure civile, le sursis à statuer est une exception de procédure qui, d'après les dispositions de l'article 907 renvoyant à l'article 789 du même code, relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état de sorte que le GPG aurait dû soulever cette demande par voie d'incident et que la cour est incompétente pour en connaître.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 378 du Code de procédure civile : la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'évènement qu'elle détermine.

Aux termes de l'article 379 du Code de procédure civile : le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge.

Ces dispositions sont inscrites au Titre XI du Code de procédure civile faisant suite au titre V Moyens de défense, au rang desquels figurent les exceptions de procédure.

Il en résulte que le sursis à statuer n'est pas une exception de procédure mais un incident d'instance dont l'appréciation de l'opportunité, au vu de l'impact de la procédure ou de l'évènement qui en motive la demande, ne relève pas de la compétence exclusive du Magistrat de la mise en état.

En effet selon l'article 789-6 du Code de procédure civile : lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour 1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance.

Or le sursis à statuer ne met pas fin à l'instance qui est seulement suspendue jusqu'à la survenance de l'évènement qu'il détermine et ne dessaisit pas la juridiction.

Il en résulte que le moyen tiré de l'incompétence de la cour pour ordonner le sursis à statuer doit être écarté.

Le bien-fondé de la demande

Le jugement du 30 mars 2023 retient que le GPG ne verse aucune pièce dans le cadre de l'instance permettant de justifier de l'état d'avancement de la procédure pénale, l'ordonnance de non-lieu invoquée n'étant pas justifiée. Le tribunal judiciaire de Paris relève que le GPG ne justifie d'aucun élément nouveau depuis l'ordonnance du juge de la mise en état du 2 juin 2021 dans laquelle il avait été souligné qu'aucune personne n'avait été mise en examen dans le cadre de la procédure pénale. Le GPG ne démontrant pas l'influence de la procédure pénale sur la présente instance, le jugement retient, au visa de l'article 4 du code de procédure pénale, qu'il n'apparaît pas de bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision pénale à laquelle le juge civil n'est pas tenu et rejette la demande qui aurait pour conséquence d'allonger inutilement la procédure engagée une vingtaine d'année auparavant.

Le GROUPEMENT PRIVE DE GESTION fait valoir qu'il n'est pas contesté par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) qu'une procédure pénale est pendante devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai saisie de deux plaintes. Il ajoute que la juridiction de Lille est également saisie d'une information judiciaire impliquant notamment la CDC et que Madame [X] et Monsieur [N], actionnaires de la société GPG, estiment avoir été victime de man'uvres frauduleuses visant à une déstabilisation financière délibérément organisée depuis 1993. Il affirme que le 21 mai 2014, la cour d'appel de Douai a prononcé la jonction des informations judiciaires et qu'à l'issue de la procédure pénale, le 22 mai 2020, le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de non-lieu et qu'un appel a été interjeté le même jour, appel toujours pendant devant la chambre de l'instruction de Douai puisque le GPG n'a, à ce jour, pas été destinataire de la décision. Il fait valoir que, dans un autre volet de l'affaire, la cour d'appel de Paris a, le 19 janvier 2021, prononcé un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale et que dans ces deux affaires, le processus économique financier dont fait état la cour d'appel de Douai trouvant son origine dans les prêts de titres initiaux. Le GPG excipe qu'aucune décision définitive n'a été rendue par l'action publique et que la décision à intervenir est susceptible d'exercer directement une influence sur le procès civil s'agissant du caractère frauduleux de la signature du protocole transactionnel de sorte qu'il serait de bonne administration de la justice de surseoir à statuer les ventes litigieuses étant la conséquence directe de l'exécution dudit protocole. Il ajoute qu'un expert financier près la cour d'appel de Paris a estimé le préjudice de GPG pour la manipulation du cours de la SCOA à 16 325 979.46 euros alors que la revente des titres INGENICO que la CDC s'est accaparé représente 44 665 024.05 euros et que la seule perception des loyers par cette dernière a rapporté la somme de [Cadastre 3] 554 487.44 euros de sorte que la demande de sursis à statuer est formulée en vue d'une bonne administration de la justice et dans l'attente que toute la vérité soit faite sur les agissements des protagonistes. L'appelant excipe que, compte tenu des nombreuses procédures actuellement pendantes devant les juridictions françaises entre le GPG et la CDC, il est apparu qu'il existait un doute sur l'interprétation du protocole d'accord du 13 janvier 1995, la CDC soutenant que le protocole n'était plus applicable ou, dans une position parfaitement contraire, que les dispositions du protocole était d'application stricte donnant lieu à différentes décisions des juges de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles du 4 novembre 2022 et du tribunal judiciaire de Paris du 28 mars 2023 ainsi que d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 4 mai 2023.

La société FONCIERE MOGADOR fait valoir qu'il a déjà été jugé à de multiples reprises que la procédure pénale était sans emport sur la présente instance, le juge de la mise en état ayant notamment rejeté la demande de sursis à statuer, rejet confirmé par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 19 mars 2021. Elle ajoute que l'appel du non-lieu du 22 mai 2020 ne peut, à lui seul, justifier un nouveau sursis à statuer. Elle fait valoir au soutien de la confirmation du jugement dont elle adopte les motifs que la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile. Elle excipe, concernant la procédure devant le tribunal de commerce de Paris introduite le 20 juin 2023 en interprétation du protocole qu'elle se heurte à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 décembre 2018.

Réponse de la cour

Selon les dispositions de l'article 378 du Code civil : la décision suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'évènement qu'elle détermine.

Aux termes de l'article 4 du Code de procédure pénale dans sa version issue de la loi°2007-291 du 5 mars 2007 : l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

Il en résulte que le simple dépôt d'une plainte pénale n'impose pas la suspension du jugement des actions exercées devant la juridiction civile autres que l'action en réparation des dommages causées par l'infraction, de quelque nature qu'elle soit même si la décision à intervenir au plan pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement une influence sur la solution du procès civil étant observé qu'en l'espèce, la société Groupement Privé de Gestion ne communique aucune pièce de nature à étayer la nature de la ou des plaintes pénales déposées ainsi que les suites qui y ont été données par le Procureur de la République et/ou le Juge d'instruction.

Il n'est pas non plus produit d'élément sur la procédure engagée devant le Tribunal de commerce de Paris n °RG 2023/037863 et son lien éventuel avec le litige quand, en tout état de cause, les moyens invoqués à l'appui de la nullité des ventes tenant au caractère dérisoire du prix, au caractère potestatif de la clause de complément de prix et à la disparition de la cause du contrat, relèvent de l'appréciation autonome des règles du droit civil et ne sauraient dépendre de l'issue des procédures précitées.

La société Groupement privé de Gestion sera par conséquent déboutée de sa demande de sursis à statuer.

2-La recevabilité de la demande en nullité des ventes

2-1L'opposabilité de la clause de non recours

Le jugement du 30 mars 2023 retient que la société FONCIERE MOGADOR, tiers à la transaction, peut invoquer la renonciation au droit de recours prévu à l'article 10 sous réserve des cas prévues à l'article 8 du protocole. Le tribunal retient que le GPG n'invoque pas le bénéfice de l'article 8 précité ni la réunion des conditions prévues audit article lui permettant d'écarter l'article 10 « Absence de Recours » de sorte que ce dernier est applicable. Le jugement ajoute, pour rejeter les demandes du GPG en annulation des ventes à cause de leur prix dérisoire et du caractère purement potestatif de la clause de supplément de prix figurant dans le protocole qu'elles relèvent bien de l'application dudit protocole de sorte que la clause de non-recours est applicable.

Le GROUPEMENT PRIVE DE GESTION fait valoir que l'article 8 du protocole prévoit que la déchéance du terme entraîne une inapplicabilité de la clause de non-recours prévue à l'article 10 dudit protocole. Il ajoute que la déchéance du terme a été prononcée par la CDC par courrier du 8 octobre 1996 de sorte qu'à partir de cette date, la clause de non-recours ne trouvait plus à s'appliquer. L'appelant excipe, en tout état de cause, que la CDC a introduit un certain nombre d'actions à l'encontre des parties au protocole et qu'il convient, dès lors, de relever que les parties ont renoncé à cette clause de sorte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit que le GPG ne pouvait solliciter l'annulation des ventes immobilières des biens listés au protocole.

La société FONCIERE MOGADOR fait valoir, au soutien de la confirmation du jugement, que la locution « sous réserve de » prévue à l'article 10 ne prive pas la clause de non-recours de toute application à la simple évocation d'un des évènements prévus à l'article 8 mais signifie que la clause de non-recours ne fera pas obstacle au prononcé de la déchéance du terme dans les conditions prévues à l'article 8, ainsi qu'au recouvrement de sa créance par la CDC. Elle ajoute que ce n'est pas parce que l'article 8 a été mis en 'uvre qu'aucune partie ne peut plus se prévaloir de l'article 10 de sorte que la clause de non-recours continue d'interdire à l'appelant de formuler des griefs relatifs aux opérations ou mécanismes prévus au protocole et notamment la détermination du prix des immeubles cédés ou encore la clause de complément de prix de sorte que les demandes de GPG doivent être rejetées.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 8 Déchéance du Terme du Protocole d'accord du 13 janvier 1995 signé entre la Caisse des Dépôts et Consignations, le Groupement Privé Financier, Madame [L] [X], la SCI Aubert, le Groupement Privé de Gestion et Monsieur [A] [N], il est stipulé à l'alinéa 8 :

« 8-1 La survenance de l'un quelconque des évènements suivants entraînera les conséquences prévues en 8-2 :

Non-respect par GPF et GPG des dispositions des présentes. »

La Caisse des Dépôts et Consignations a prononcé la déchéance du terme du protocole le 8 octobre 1996 aux motifs de la mauvaise gestion imputable à la société Groupement Privé de Gestion au regard des spéculations que son dirigeant a continué à réaliser par le truchement des sociétés GLP Vins et Lys de France, au lieu d'opérer par le truchement de la banque d'affaires BNP désignée par l'article 3-4 du protocole pour recueillir le produit de toutes opérations de location ou autres recettes et le remboursement des sommes dues par GPF, conformément aux dispositions de l'article 5-3, le solde de ce compte étant nanti au profit de la Caisse des Dépôts et Consignations.

L'article 10 du protocole Absence de Recours fait interdiction aux parties « sous réserve de ce qui est dit à l'article 8 ci-dessus » d'exercer tout recours au titre des relations ayant existé entre elles jusqu'à la date de la signature des présentes, qui valent transaction au sens des articles 2044 et suivants du Code civil.

Il est admis ( Cass. Civ. 1ère 18 octobre 2023 22-21.358) que les tiers à une transaction peuvent invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction même si l'effet relatif des contrats leur interdit de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus.

A hauteur d'appel et alors que ce moyen n'avait pas été invoqué devant le tribunal, la société Groupement Privé de Gestion invoque le bénéfice de l'article 8 du protocole et la déchéance du terme prononcée le 8 octobre 1996.

Selon les dispositions de l'article 1305-4 du Code civil, le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s'il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s'il diminue celles qui garantissent l'opération.

La déchéance du terme prononcée par la Caisse des Dépôts et Consignations a eu pour effet de rendre exigible l'ensemble des sommes dues par le Groupement Privé de Gestion à la Caisse des Dépôts et Consignations par l'effet de la clause 8-2 et de rendre caduque les dispositions du protocole.

Il en résulte que l'interdiction de tout recours au titre des relations ayant existé entre les parties, stipulée à l'article 10 du protocole ne peut valablement être invoquée par les intimées de sorte que les demandes de la société Groupement Privé de Gestion sont recevables de ce chef.

2-2 L'autorité de la chose jugée

Le jugement du 30 mars 2023 retient au visa de l'article 122 du code de procédure civile que l'autorité de la chose jugée constitue une fin de non-recevoir et que les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée d'après les dispositions des articles 1165, 2049 à 2052 du code civil applicable au litige. Il rappelle que l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus mais peuvent invoquer la renonciation à un droit que referme cette convention. Le jugement relève que le protocole signé le 13 janvier 1995 entre le GPG et la CDC et homologué le 25 janvier 1995 prévoit la vente de son patrimoine immobilier par GPG à la CDC et rappelle que le GPG questionnait la validité du protocole aux termes des motifs suivant : l'incapacité de la CDC à conclure une transaction, une erreur sur l'objet de la transaction, les circonstances entourant l'homologation de la transaction, l'existence de vices du consentement, l'absence de concessions réciproques et que la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 5 décembre 2018, a rejeté ces arguments concluant qu'aucun motif ne justifie l'annulation du protocole. Il retient que le protocole a autorité de la chose jugée entre les parties l'ayant signé de sorte que la société FONCIERE MOGADOR est tiers à la transaction et ne peut soulever l'irrecevabilité des demandes du GPG pour autorité de la chose jugée.

Le GROUPEMENT PRIVE DE GESTION fait valoir que l'autorité de la chose jugée est conditionnée à la démonstration d'une triple identité entre la demande soumise au juge et celle déjà tranchée au regard des parties, de l'objet et de la cause. Il excipe que l'identité de cause n'est pas remplie, la présente instance visant la nullité des ventes immobilières entre les sociétés GPG et Foncière Mogador puis avec les différents sous-acquéreurs et le caractère purement potestatif de la clause de complément de prix alors que l'arrêt du 5 décembre 2008 (sic) opposait les sociétés GPG, GPF, la SCI Aubert et Monsieur [N] à la société Naxitis, la CDC et Monsieur [M]. Il ajoute que l'arrêt du 5 décembre 2008 (sic) mentionne expressément les demandes du GPG comme étant celles de juger les opérations de prêts de titres ne correspondant pas à des opérations de prêts de titres en l'absence de respect des prescriptions légales, la nullité de ces opérations pour fraude à l'ordre public et subsidiairement la désignation d'un expert de sorte que l'identité d'objet n'est pas non plus remplie. Il conclut à la confirmation du jugement en ce que la société Foncière Mogador ne pouvait soulever l'irrecevabilité des demandes de GPG pour autorité de la chose jugée à un protocole auquel elle n'était pas partie.

La société FONCIERE MOGADOR fait valoir que les demandes en annulation formées par le GPG reposent sur le grief selon lequel le protocole transactionnel serait nul, la remise en cause des ventes étant invoquée sur le mécanisme prévu au protocole que les actes de ventes ne font que reproduire. Elle ajoute que dans son arrêt du 5 décembre 2018, la cour d'appel de Paris s'est prononcée de manière irrévocable sur la validité du protocole et sur la qualité d'ayant-droit de la société FONCIERE MOGADOR lui permettant de se prévaloir de l'autorité de la chose jugée. L'intimée excipe, sur la validité du protocole, que l'autorité de la chose jugée obéit à un principe de concentration des moyens de sorte qu'il n'y a pas lieu pour la cour de céans de se prononcer sur la validité de la vente des immeubles dès lors que l'arrêt du 5 décembre 2018 a non seulement prononcé la validité du protocole mais aussi confirmé le montant de la créance de la CDC et opéré une compensation entre le montant total des sommes prêtées par la CDC et le produit de la cession d'actifs du GPG notamment des immeubles concernés par la présente procédure. La société FONCIERE MOGADOR ajoute, sur la possibilité pour elle de se prévaloir de l'autorité de la chose jugée, qu'elle possède des intérêts communs avec la CDC en tant que cessionnaire de la créance du GPG, de sorte qu'il convient d'avoir recours à la notion de représentation implicite.

Réponse de la cour

2-2-1 Du protocole transactionnel signé le 13 janvier 1995 entre la Caisse des Dépôts et Consignations et, entre autres parties, le Groupement Privé de Gestion.

Selon les dispositions de l'article 2052 du Code civil dans sa version initiale antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n°2016-1547 du 8 novembre 2016, applicable au litige, les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort et ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion.

Il vient d'être vu qu'en conséquence de la déchéance du terme prononcée le 8 octobre 1996 par la Caisse des Dépôts et Consignations le protocole est caduc.

La présente instance a pour objet le prononcé de la nullité des ventes immobilières consécutives à la déchéance du terme prévu par le protocole, lequel avait pour objet la vente amiable et échelonnée des actifs mobiliers et immobiliers des sociétés GPG et GPF en remboursement du prêt de titres arrivé à échéance le 30 septembre 1994 soit la somme de 74 231 183,72 [Localité 10] outre les intérêts de retard majorés et le taux légal.

Cependant la caducité du protocole imputable au non-respect des engagements pris par le Groupement Privé de Gestion, en rendant immédiatement exigible la créance que le plan de règlement défini par le protocole transactionnel avait pour objet de solder, autorise la poursuite en justice par ce dernier de l'action en nullité des ventes consécutives à la déchéance du terme, étant surabondamment relevé que l'objet du protocole était précisément d'éviter l'exigibilité immédiate des sommes dues au titre de la créance de la Caisse des Dépôts et Consignations et de permettre la vente amiable des actifs immobiliers et des titres au vu de l'expertise d'une filiale du Crédit Foncier de France, sans pouvoir être inférieure à 44 millions de [Localité 10].

Il en résulte que l'action en nullité des ventes immobilières est recevable au regard de la caducité du protocole d'accord du 13 janvier 1995.

2-2-2 De l'arrêt rendu le 5 décembre 2018

Aux termes de l'article 1355 du Code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Les sociétés Groupement Privé de Gestion et Groupement Privé Financier ont engagé le 13 octobre 1995 deux procédures devant le Tribunal de commerce de Paris ayant donné lieu à deux jugements rendus le 9 décembre 1997 et le 10 mars 1998 ayant respectivement :

pour le premier opposant les sociétés GPG et GPF, Aubert, Monsieur [N], la CDC, Monsieur [M], la CDC Bourse venant aux droits de FMDA et la société d'Intervention Foncière et Immobilière de la CDC ( SPIFIC), invité la CDC à interrompre la vente des titres Ingenico dans l'attente du jugement au fond et convoqué Monsieur [K] en qualité de témoin

pour le second : rejeté la demande de nullité des prêts qu'il a refusé de requalifier, et du protocole transactionnel et sursis à statuer dans l'attente d'une part du rapport de l'expert désigné par jugement du 4 décembre 1995 et de l'issue de la procédure pénale, un mandataire ayant été désigné pour suivre l'évolution des sociétés de droit commercial du Groupe GPG et assisté aux réunions des organes sociaux de cette entité.

Dans la suite de ces procédures, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 2 octobre 2014, a annulé les contrats de prêt de titres des 23 et 24 novembre 1993, 31 août et 30 septembre 1994 ainsi que le protocole transactionnel, déboutant la CDC de ses demandes consécutives à son inexécution, arrêt cassé et annulé par la Cour de cassation par l'arrêt du 24 mai 2016, sur le pourvoi formé notamment par la CDC sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées contre Monsieur [M], aux motifs rappelé dans la chronologie de la procédure,

que l'objet de l'obligation du prêteur de titres stipulé aux termes du contrat cadre et des confirmations résidant dans la mise à disposition des titres existant et identifiés lors de la signature de ces conventions et non dans le transfert de propriété de ces titres qui n'était qu'un effet de leur remise

que le protocole transactionnel ne pouvait être annulé du fait du détournement du règlement amiable du litige aux motifs que la CDC en pourparlers transactionnels n'était pas tenue de communiquer à ses partenaires une note interne analysant les aspects juridiques de l'opération en cause.

L'arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour de renvoi a déclaré irrecevables les demandes en nullité des prêts et du protocole transactionnel retenant qu'aucun motif tiré des vices du consentement allégués et de l'absence de concessions réciproques n'est démontré et accueillant la fin de non-recevoir tiré de l'autorité de la chose jugée par le protocole.

Or, la présente instance ne porte pas sur la même demande puisqu'elle ne vise ni l'annulation des contrats de prêt de titres ni celle du protocole d'accord mais la nullité des ventes immobilières consécutives à la déchéance du terme du protocole, et, si la cause liée au protocole transactionnel est identique, les parties ne sont pas les mêmes puisque les sociétés intimées ayant acquis les immeubles sont étrangères à l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 5 décembre 2018.

Il en résulte que l'arrêt du 5 décembre 2018 n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard de l'action en nullité des ventes immobilières.

3- La nullité des ventes

3-1 En raison du caractère dérisoire du prix

Le GROUPEMENT PRIVE DE GESTION fait valoir que les ventes immobilières dont il est question ont été réalisées à un prix dérisoire et sont la conséquence d'un protocole déséquilibré qui ne profitait qu'à la CDC, les prix de vente des immeubles étant remarquablement faibles et les prix de reventes étant décorrélés de la réalité du marché permettant d'échapper à l'obligation de complément de prix promis aux termes du protocole. Il ajoute que, dès la vente des immeubles de [Localité 14] et [Localité 11], le GPG s'était inquiété du prix de vente et que les expertises, dont les experts ont été désigné par le CDC, ont été réalisées de manière non contradictoire de sorte que les prix retenus résultent d'une décision unilatérale de la société FONCIERE MOGADOR sur la base d'un prétendu expert indépendant, FONCIER EXPERTISE, filiale du CREDIT FONCIER partiellement détenu par la CDC au jour de la réalisation des opérations d'expertises. Il ajoute qu'en plus de détenir 90.6% du CREDIT FONCIER, société mère de FONCIER EXPERTISE, Monsieur [M], directeur général de la CDC, était administrateur du CREDIT FONCIER de sorte que les prix retenus correspondaient à une expertise non contradictoire d'une entité dont l'indépendance est discutable compte tenu de ses liens étroits avec la CDC. Le GPG excipe également la faiblesse des prix de reventes des biens ayant entraîné une moins-value ou, à défaut, une absence de plus-value en dépit d'un marché dynamique. Il ajoute que l'activité de marchand de biens annoncée par la société FONCIERE MOGADOR est contradictoire avec la revente à perte des biens immobiliers, cette activité supposant que l'acquéreur envisageait à la signature de réaliser une plus-value. Ainsi, la revente des biens permet d'envisager trois scénarios : la revente à un tiers avant le 31 décembre 1996 donnant lieu à une moins-value dans la majorité des cas, la revente avec plus-value après le 31 décembre 1996 privant GPG du complément de prix promis, la revente avec moins-value après le 31 décembre 1996 concernant essentiellement les ventes au profit de la SNC SAINT-LAZARE, filiale de la CDC ce qui permet à la société concluante de constater que la clause de complément de prix est purement potestative. Elle souligne que le procès-verbal des délibérations du Conseil d'administration de la société GPG du 3 août 1995 montre que l'autorisation de vente des biens immobiliers a été soumise au conseil d'administration au vu de la pression exercée par la Caisse des Dépôts et Consignations sans tenir compte de l'expertise réalisée par Monsieur [Z].

La Société FONCIERE MOGADOR fait valoir que le prix stipulé dans chacune des ventes ne peut être qualifié de vil qui ne s'entend que d'un prix symbolique, quand l'appelante n'a jamais contesté les estimations sur la base desquelles les ventes ont eu lieu. Elle ajoute qu'à supposer avérée une simple insuffisance du prix attendu par la société venderesse celle-ci ne permettrait pas de poursuivre la nullité de la vente mais la rescision pour lésion que ne demande pas l'appelante.

Réponse de la Cour

L'action en vileté du prix prend sa source dans l'article 1591 du Code civil aux termes duquel : le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.

Ainsi le caractère dérisoire ou peu sérieux du prix s'analyse en une absence de prix de sorte que la nullité de la vente en raison du caractère non déterminable du prix lequel est un élément essentiel de la vente peut être invoquée.

L'acte de vente litigieux porte sur des locaux à usage commercial avec leurs parkings situés à [Adresse 1] à [Localité 16], vendu le 15 novembre 1995 au prix de 1 346 138 [Localité 10] soit une différence de 453 862 [Localité 10] par rapport à l'estimation réalisée par Foncier Expertise.

Ce bien n'apparaît pas dans les conclusions du rapport de Monsieur [Z] qui a expertisé les biens situés à Paris et [Localité 9].

La cour observe que le rapport d'expertise de Foncier Immobilier a été communiqué au Groupement Foncier de Gestion qui n'a élevé aucune contestation quant au prix fixé l'expert soulignant qu'il s'agit d'une catégorie de biens très spécifique, ne concernant qu'un segment de marché étroit, le rapport constatant le nombre important de biens de même nature et la légitimité pour l'acquéreur potentiel d'exiger une marge minimale de 12%.

La cour relève cependant qu'aucun élément n'est produit par l'appelante pour démontrer que le prix de vente consenti était à cette époque inférieur aux valeurs de réalisation connues pour des biens équivalents dans un secteur comparable or, même à supposer que cette démonstration soit établie, elle serait en tout état de cause inopérante à caractériser la vileté du prix parfaitement déterminé et déterminable au regard des éléments décrits.

Ainsi le moyen de nullité tiré du caractère dérisoire du prix sera écarté.

3-2 A raison du caractère purement potestatif de la clause de supplément du prix

Le GROUPEMENT PRIVE DE GESTION rappelle que la clause de complément du prix prévue dans le protocole était reprise dans les actes de vente la liant à la société Foncière Mogador selon les termes suivants :

Supplément de prix éventuel

L'Acquéreur destine le bien acquis à la revente, agissant en qualité de marchand de biens.

Les parties conviennent que dans le cas où interviendrait, avant le 31 décembre 1996 la vente par l'acquéreur de l'immeuble objet des présents et que le prix de cette revente se révèlerait supérieur à celui-ci-dessus un supplément de prix serait exigible de l'acquéreur lequel sera calculé de la manière ci-après (')

Il observe que le versement du complément de prix était subordonné à la double condition d'une revente du bien avant le 31 décembre 1996 et de la réalisation d'une plus-value par la société Foncière Mogador qui était en conséquence libre de vendre ou non le bien, au prix qu'elle souhaitait, sans réaliser de plus-value et de le vendre après la date du 31 décembre 1996, aucun élément extérieur n'étant de nature à assurer l'effectivité d'une telle clause sauf à démontrer qu'aucune offre de rachat à un prix supérieur au prix d'achat n'a été formulée par un éventuel sous-acquéreur à la SFM avant le 31 décembre 1996. Ainsi l'achat des immeubles par Chantim ou Polytektim ne constituait qu'un simple écran de fumée permettant d'ajouter un intermédiaire à la vente et excluant ainsi la réalisation de la clause de complément de prix.

La société FONCIERE MOGADOR oppose que le prix de vente dépendait du marché à l'époque donc d'un élément extérieur et que la grande majorité des biens vendus à des tiers l'ont été avant le 31 décembre 1996 et pouvaient donner lieu au versement du complément de prix ce qui témoigne de la bonne foi de la société Foncière Mogador.

Réponse de la cour

Une clause intitulée Supplément de prix éventuel stipule dans chacun des actes : « L'Acquéreur destine le bien à la revente, agissant en qualité de marchand de biens. Les parties conviennent que dans le cas où interviendrait avant le 31 décembre 1996 la vente par l'acquéreur de l'immeuble objet des présentes et que le prix de cette revente se révèlerait supérieur à celui-ci-dessus un supplément de prix serait exigible de l'acquéreur lequel sera calculé de la manière ci-après :

Le supplément de prix à verser par l'Acquéreur résultera de la différence positive entre :

d'une part le prix de revente par l'acquéreur ou, le cas échéant par la société du groupe de la Caisse des Dépôts et Consignations, comme il est dit ci-après

et, d'autre part, le prix d'achat de l'immeuble concerné par la société Foncière Mogador augmenté des frais d'actes d'acquisition, des coûts de portage y relatifs calculés à TMP et diminués du montant des loyers nets relatifs perçus.

Sera assimilée à une revente pouvant rendre exigible le supplément de prix tel qu'indiqué ci-dessus, toute promesse de vente par l'acquéreur qui serait conclue antérieurement au 31 décembre 1996 à la condition que sa réalisation accompagnée du paiement effectif du prix intervienne au plus tard dans l'année de la signature de ladite promesse de vente.

Seront prises en compte également les ventes et promesses de ventes, dans les mêmes conditions et délais que ci-dessus, qui seraient consentis par une société du groupe de la Caisse des Dépôts et Consignations au sens de l'article 145 du Code Général des Impôts, dans le cas où une première revente interviendrait par l'acquéreur au profit de cette société du groupe avant le 31 décembre 1996.

A cet égard, l' acquéreur sera tenu vis-à-vis du vendeur :

de lui communiquer copie sous quinzaine de tout acte de promesse de vente de tous biens objet du présent acte, et qui viendrait à être établi d'ici le 31 décembre 1996 au plus tard, cette communication sera faite toutefois sans indication des noms et qualités du bénéficiaire

de lui transmettre copie sous quinzaine de tout acte de vente relatif à ces biens qui serait établi d'ici cette date, ou en cas de promesse de vente établie avant cette date du 31 décembre 1996 dans l'année ( la date anniversaire) qui suivrait la date de la signature de l'acte de ladite promesse.

(')

II PAIEMENT DU SUPPLEMENT DE PRIX EVENTUEL

Vendeur et acquéreur conviennent, à titre irrévocable, ce qui suit concernant le paiement du supplément de prix éventuel :

L'ensemble des sommes exigibles au titre du supplément de prix éventuel devront être versées par l'acquéreur à la Caisse des Dépôts et Consignations ( la CDC) et ce, dans la mesure où à la date d'exigibilité desdites sommes la CDC sera toujours créancière du vendeur et à due concurrence de la dette alors exigible du vendeur envers la CDC.

Le vendeur déléguant irrévocablement l'acquéreur pour le paiement desdites sommes, le délégataire a accepté cette délégation aux termes d'un acte sous-seing privé dont une copie est demeurée ci-annexée.

Si toutefois lors de l'exigibilité du complément de prix éventuel, l'acquéreur se trouvait créancier du vendeur, au titre notamment des dépôts de garantie du locataire au prorata de loyers, les sommes exigibles en vertu des présentes se compenseraient alors avec la créance que détiendrait l'acquéreur à l'encontre du vendeur, et la délégation ci-dessus ne produirait effet que pour la partie excédant la créance de l'acquéreur.

Il est expressément convenu qu'aucun autre moyen de paiement ne serait libératoire et ce à titre de condition substantielle. »

Selon les dispositions de l'article 1170 du Code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, la condition potestative est celle qui est subordonnée à l'arrivée d'un évènement qu'il est au pouvoir de l'une ou l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher.

Il est admis que la condition n'est pas potestative dès lors que sa réalisation dépend non seulement de la volonté du débiteur mais aussi de la volonté d'un tiers ou de circonstances objectives permettant un contrôle judiciaire.

En l'espèce la clause qualifiée par l'appelant de potestative doit être lue à l'aune de la qualité de marchand de bien de l'acquéreur en ce qu'elle met à sa charge, dans l'hypothèse où la revente du bien s'effectuerait avant le 31 décembre 1996 à un prix supérieur au prix de base, l'obligation de verser à la Caisse des Dépôts et Consignations l'ensemble des sommes exigibles au titre du supplément éventuel du prix dans la mesure où, à la date de cette exigibilité, ladite Caisse est encore créancière du vendeur, à due concurrence de cette dette et sous réserve des sommes dues par le vendeur à l'acquéreur au titre des dépôts de garantie des loyers, la délégation de paiement consentie par le vendeur ne produisant effet que pour la partie excédant la créance de l'acquéreur.

La clause de supplément de prix est stipulée comme une éventualité dont la réalisation dépend de la revente par l'acquéreur à un tiers, dans un délai fixé et sous réserve dans de l'exigibilité de la créance de la Caisse des Dépôts et Consignations à la date la réalisation de la vente.

La perception du supplément de prix dépend donc à la fois de la revente à un tiers et de la persistance de la dette du Groupement Privé de Gestion à l'égard de la Caisse des Dépôts et Consignations, celle-ci pouvant être éteinte à tout moment en suite des différentes ventes mises en 'uvre, l'acquéreur ayant l'obligation de la justification des actes passés dans ledit délai.

Cette clause n'a donc pas un caractère potestatif quand les moyens développés par l'appelante font étroitement dépendre ce caractère des circonstances frauduleuses qu'il décrit comme entourant la vente au regard de la collusion entre l'acquéreur/revendeur avec la Caisse des Dépôts et Consignations qui aurait ainsi favorisé les dirigeants des sociétés auxquelles les biens immobiliers ont été vendus puis revendus aux fins d'éluder le versement du supplément de prix à son propre profit, dans le dessein de permettre à des sociétés tierces de faire de substantielles plus-values.

Cependant aucun élément n'est produit pour étayer la collusion frauduleuse et le dessein allégué quand on saisit mal l'intérêt qu'aurait eu la Caisse des Dépôts et Consignations, alors créancière de la société Groupement de Gestion Privé à hauteur de 103 979 665,52 francs, à éluder la perception d'un supplément de prix utile au règlement de la dette poursuivi, la circonstance que ces différentes sociétés de marchands de biens aient pu être en relation d'affaires antérieurement avec la Caisse des Dépôts et Consignations étant inopérante à faire la preuve d'une fraude.

Par conséquent le moyen de nullité tiré du caractère potestatif de la clause du supplément de prix éventuel sera écarté.

3-3 A raison de la disparition de la cause

Le GROUPEMENT PRIVE DE GESTION fait valoir que le protocole transactionnel avait pour objectif d'établir un « plan de remboursement » de la créance de GPG envers la CDC s'élevant à 103 979 665.52 francs (correspondant à 22 409 064.61 euros) compte tenu du reliquat restant dû au terme de l'appropriation des titres au jour de la signature dudit protocole. Il ajoute que l'objectif même de la vente des immeubles était rappelé aux actes de ventes de sorte qu'il est admis que la cause du contrat était celle du remboursement de la créance. Il excipe, qu'en plus de la vente d'actifs immobiliers, le protocole prévoyait à cette fin la cession de différents titres financiers notamment les titres INGENICO qui faisait l'objet du contrat de prêt de titre du 30 septembre 1994. Le GPG allègue qu'il résulte des faits de l'espèce que la revente de ces titres a apporté à la CDC un profit de 44 665 024.61 euros de sorte que cette somme a intégralement remboursée à elle seule la dette de GPG représentant, en euros la somme de 22 409 064.61 euros. Au visa de l'article 1342 du code civil, le concluant fait valoir que la créance ayant été remboursée, les ventes des immeubles sont dépourvues de cause entraînant la nullité des ventes initiales et subséquentes.

La société FONCIERE MOGADOR fait valoir que l'absence de cause, qui n'a pas pour conséquence la nullité du contrat, s'apprécie au moment de la formation dudit contrat de sorte qu'à la signature du protocole, le GPG était débiteur de la CDC et que la cause du protocole dont l'objectif est le remboursement de la créance existait bel et bien au jour de sa signature. Elle ajoute que la revente des titres évoquée par le GPG n'avait lieu d'être prise en compte que dans le cadre des stipulations du protocole, or, le protocole a cessé d'être exécuté par le GPG en sorte que la déchéance du terme a été prononcée et que le montant de la créance a été liquidée par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 5 décembre 2018 aujourd'hui irrévocable.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l'article 1108 du Code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige :

Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention : le consentement de la partie qui s'oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; une cause licite dans l'obligation.

L'article 1131 ancien du même code stipule que l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

Il est admis que la cause s'entend du but immédiat et déterminant en vue duquel le débiteur s'engage envers le créancier. Dans les contrats synallagmatiques, la cause de l'obligation de chacune des parties réside dans l'obligation de l'autre. Elle est l'un des éléments constitutifs du contrat nécessairement connu des parties puisqu'elle dépend de la nature même du contrat, une obligation sans cause rendant le contrat inefficace en raison du défaut de l'un de ses éléments constitutifs ce dont s'infère la nullité de la convention. ( Weill et Terré Droit Civil Précis Dalloz Les obligations 4ème édition La théorie classique de la cause page 266,267,268 et 282).

En tant qu'élément constitutif du contrat, la cause doit être analysée lors de la formation de celui-ci or, la cause des contrats de ventes immobilières litigieux se trouve dans la déchéance du terme du protocole d'accord consécutif au dommage financier dont la société Groupement Privé de Gestion, à l'époque de la signature du protocole, devait réparation à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Il en résulte que les contrats de ventes immobilières destinées à apurer une dette de 74 231 183,72 francs outre les intérêts d'un montant total de 1 487 861 francs et le reliquat dû au terme de l'appropriation des titres s'élevant au 28 décembre 1994 à 28 260 620,80 francs sont causés.

Le moyen de nullité tirée du défaut de cause sera donc rejeté.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes du Groupement Privé de Gestion tendant au prononcé de la nullité des ventes susdites.

4- Les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement du 30 mars 2023 a condamné la société GPG, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au paiement de 5 000 euros à la société FONCIERE MOGADOR.

Le GROUPEMENT PRIVE DE GESTION sollicite, de la société intimée, le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FONCIERE MOGADOR sollicite la condamnation du GPG au versement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Réponse de la cour

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement du chef des frais irrépétibles et des dépens et à condamner la société SA Groupement privé de Gestion à régler à la société SA Foncière Mogador une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

ECARTE le moyen tiré de l'incompétence de la cour pour ordonner un sursis à statuer ;

DECLARE RECEVABLE la société Groupement Privé de Gestion en son action en nullité des ventes immobilières consécutives à la déchéance du terme du protocole d'accord du 13 janvier 1995 ;

CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

Y Ajoutant,

CONDAMNE la société SA Groupement de Gestion Privé à régler à la société SA Foncière Mogador une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel outre les dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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