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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 15 juillet 2025, n° 24/02414

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/02414

14 juillet 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4IF

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 15 JUILLET 2025

N° RG 24/02414 - N° Portalis

DBV3-V-B7I-WPCL

AFFAIRE :

S.A.R.L. GDA SERVICES

C/

[D] [E]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Mars 2024 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre : 3

N° RG : 2023L00122

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Jean-christophe LEROUX

Me Eric AZOULAY

Me Eric REBOUL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT :

S.A.R.L. GDA SERVICES agissant en la personne de sa Gérante, Madame [G] [O], née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 10] (95), de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]

[Localité 9]

Représentant : Me Jean-christophe LEROUX, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 196 - N° du dossier 23.00529

Plaidant : Me Eléonore VOISIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire:

D 01829

****************

INTIMES :

SASU GDA LOCATION

Ayant son siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Eric AZOULAY de la SELARL SELARL INTER-BARREAUX FEDARC, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 10

S.E.L.A.R.L. DE KEATING Es qualité de « liquidateur judiciaire » de la « SARL GDA SERVICES »

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Eric REBOUL de la SCP MARGUET-LE BRIZAULT-REBOUL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 726

Madame [D] [E]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Défaillante - déclaration d'appel signifiée à personne physique

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Cyril ROTH, Président chargé du rapport et Monsieur Ronan GUERLOT, président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Le 17 mai 2021, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL GDA Services et désigné la société de Keating en qualité de liquidateur.

Le 3 juin 2022, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à signer avec la société GDA Location un accord transactionnel prévoyant le règlement entre ses mains d'une somme de 200 000 euros par la société GDA Location, en contrepartie de l'abandon d'action en extension de la procédure collective à son égard.

Le 25 janvier 2023, Mme [O], ès qualités de gérante de la société GDA Services, a formé un recours contre l'ordonnance du 3 juin 2022.

Le 13 mars 2024, par jugement contradictoire, le tribunal de commerce de Pontoise a :

- déclaré irrecevable du fait de sa tardiveté le recours formé le 25 janvier 2023 par Mme [O], en sa qualité de gérante de la société GDA Services, contre l'ordonnance du 3 juin 2022 ;

- débouté Mme [O], en sa qualité de gérante de la société GDA Services, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- déclaré la société GDA Location mal fondée en sa demande reconventionnelle, l'en a déboutée ;

- condamné Mme [O] à payer respectivement à la société de Keating, en sa qualité de liquidateur de la société GDA Services, et à la société GDA Location, la somme de 3 000 euros chacune, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé à la charge de Mme [O] les dépens de la présente instance ;

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Le 15 avril 2024, la société GDA Services a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'il a déclaré la société GDA Location mal fondée en sa demande reconventionnelle, l'en a déboutée, et en ce qu'il a rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Par dernières conclusions du 28 mars 2025, elle demande à la cour de :

- la recevoir en son appel ;

- infirmer le jugement du 13 mars 2024 en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable du fait de sa tardiveté son recours du 25 janvier 2023 contre l'ordonnance du 3 juin 2022 ;

- l'a déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- l'a condamnée à payer respectivement à la société de Keating, ès qualités, et à la société GDA Location, la somme de 3 000 euros chacune, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé à sa charge les dépens de la présente instance, ce compris les frais de greffe ;

Statuant à nouveau,

- déclarer recevable son recours à l'encontre de l'ordonnance du 3 juin 2022 ;

- prendre acte de ses observations ;

- réformer l'ordonnance du 3 juin 2022 ayant autorisé la régularisation d'un accord transactionnel entre le liquidateur judiciaire et la société GDA Location ;

- rejeter la demande d'autorisation présentée par la société de Keating, ès qualités ;

- débouter les sociétés GDA Location et de Keating de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner les sociétés GDA Location et de Keating, ou tout succombant, aux dépens.

Par dernières conclusions du 1er octobre 2024, la société de Keating, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GDA Services, demande à la cour de :

- déclarer Mme [O], ès qualités, recevable mais mal fondée en son appel ;

A titre principal :

- juger tardif le recours exercé par Mme [O], en sa qualité de gérante de la société GDA Services, à l'encontre de l'ordonnance du 3 juin 2022 ;

- le juger irrecevable ;

En conséquence,

- confirmer le jugement du 13 mars 2024 dans toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire :

- constater que Mme [O], en sa qualité de gérante de la société GDA Services, est dépourvue d'intérêt à agir ;

- juger le recours contre l'ordonnance du 3 juin 2022 irrecevable ;

- en conséquence, confirmer ladite ordonnance en toutes ses dispositions ;

A titre plus subsidiaire, sur le fond :

- débouter Mme [O], en sa qualité de gérante de la société GDA Services, de sa demande ;

- en conséquence, confirmer l'ordonnance du 3 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause :

- condamner Mme [O], ès qualités, à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [O], ès qualités, aux entiers dépens.

Par dernières conclusions d'intimée et d'appelante incidente du 9 octobre 2024, la société GDA Location demande à la cour de :

- la recevoir en l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Y faisant droit :

- confirmer le jugement du 13 mars 2024 en ce qu'il a :

déclaré irrecevable du fait de sa tardiveté le recours formé le 25 janvier 2023 par Mme [O], en sa qualité de gérante de la société GDA Services, contre l'ordonnance du 3 juin 2022 ;

débouté Mme [O], en sa qualité de gérante de la société GDA Services, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

condamné Mme [O] à lui payer, ainsi qu' à la société de Keating, ès qualités, la somme de 3 000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

laissé à la charge de Mme [O] les dépens de l'instance ;

- infirmer le jugement du 13 mars 2024 en ce qu'il l'a :

déboutée de sa demande reconventionnelle ;

Statuant de nouveau :

- condamner Mme [O] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner Mme [O] à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [O] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 avril 2025.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur la tardiveté du recours

La société GDA Services fait valoir que sa gérante, Mme [O], n'est pas la signataire de l'avis de réception figurant sur la lettre recommandée de notification de l'ordonnance du 3 juin 2022 qui lui a été adressée par le greffe ; qu'aucune des deux personnes à qui elle avait donné procuration auprès de la Poste ne l'a signé ; qu'elle ne peut faire la preuve négative d'une absence de pouvoir donné à d'autres personnes ; que le délai de recours n'a donc pas couru.

Le liquidateur relève qu'aucune liste des personnes habilités à recevoir le courrier n'est produite et soutient que la notification doit être considérée comme valablement réalisée le 8 juin 2022, faisant courir le délai d'opposition.

La société GDA Location fait valoir que Mme [O] était présente à l'audience du juge-commissaire au cours de laquelle elle a sollicité le rejet de la demande d'autorisation de transaction ; qu'elle ne prouve pas que la personne ayant signé l'accusé de réception n'avait pas de procuration ; qu'elle a néanmoins formé un recours, de sorte qu'elle a été en possession de l'ordonnance notifiée ; que son opposition est tardive.

Réponse de la cour

Selon l'article R. 621-21 du code de commerce, les ordonnances du juge-commissaire peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal dans le délai de dix jours à compter de leur notification par lettre recommandée avec accusé de réception par le greffe.

Selon l'article 668 du code de procédure civile, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre.

Selon l'article 669 de ce code, la date de réception d'une notification par lettre recommandée avec accusé de réception est celle apposée par l'administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire.

Selon l'article 670 du même code, la notification est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire ; réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet.

En l'absence de signature par le destinataire lui-même, la régularité de la notification à domicile nécessite que le signataire soit un tiers muni d'un pouvoir (3e Civ., 15 février 2023, n°21-20.631 ; 3e Civ., 9 mars 2022, n°21-13.358).

La signature figurant sur l'avis de réception d'une lettre recommandée est présumée être, jusqu'à preuve du contraire, celle de son destinataire ou de son mandataire (2e Civ., 17 octobre 2019, n°18-19.800 ; 2e Civ., 15 décembre 2011, i n° 10-26.618), de sorte que c'est au destinataire de l'acte de prouver que la personne signataire était dépourvue de mandat (2e Civ., 1er octobre 2020, n°19-15.753).

L'accusé de réception de la lettre recommandée par laquelle le greffe du tribunal de commerce de Pontoise a notifié l'ordonnance du 3 juin 2022 à la société GDA Services, en la personne de sa gérante, Mme [O], a été réceptionnée le 8 juin 2022 à l'adresse du [Adresse 1], à [Localité 9], dans le Val-d'Oise ; le signataire a signé " [O] ".

Il est amplement établi par deux attestations, un relevé de compte bancaire et des billets de train qu'à cette date, Mme [O] se trouvait dans le Var, si bien qu'elle n'a pu signer cet accusé de réception.

La société GDA Services produit les procurations enregistrées auprès de La Poste, dont la cour retient qu'il est suffisamment établi qu'elles sont au nombre de deux.

La première de ces procurations, donnée à M. [M] [U], avait pris fin le 13 décembre 2021 ; la signature figurant sur son passeport est différente de cette figurant à l'accusé de réception en cause et il atteste qu'il n'en est pas le signataire.

La seconde procuration était donnée à M. [N], qui atteste n'être pas l'auteur de la signature litigieuse.

La cour retient que la société GDA Services fait la preuve lui incombant de ce que le signataire de l'accusé de réception de la lettre recommandée avec accusé de réception de notification n'était ni sa gérante Mme [O], ni aucun mandataire autorisé.

De là suit que cette notification n'a pas valablement fait courir le délai de recours contre l'ordonnance du 3 juin 2022.

Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a déclaré ce recours irrecevable comme tardif.

Sur la qualité pour agir de la société GDA Services

Le liquidateur soutient que le débiteur en liquidation judiciaire, dessaisi, n'a pas la qualité de partie à la transaction, qui ne concerne que l'intérêt collectif des créanciers, s'agissant d'un recouvrement de créances ; que la notification de la décision du juge-commissaire ne lui confère aucun droit propre ; que la société GDA Services est donc dépourvue de qualité pour agir, de sorte que son recours contre l'ordonnance du 3 juin 2022 l'ayant autorisé à transiger est irrecevable.

La société GDA Location prétend que ni la société GDA Services ni sa gérante n'ont qualité pour s'opposer à une ordonnance rendue en vue du recouvrement d'une créance par le liquidateur.

La société GDA Services fait valoir qu'elle a été convoquée devant le juge-commissaire ayant pris l'ordonnance du 3 juin 2022, conformément aux dispositions de l'article R. 642-41 du code de commerce ; que cette décision lui a été notifiée conformément aux dispositions de l'article R. 621-21 du code de commerce, qui prévoit une notification aux personnes dont les droits sont affectés ; que cette lettre de notification mentionne la possibilité pour elle d'intenter un recours ; qu'une extension de procédure collective n'a pas le même objet que le recouvrement d'une créance ; que la transaction portant sur l'action en extension affecte le boni de liquidation ; que la société débitrice a un droit propre à contester la décision statuant sur l'extension (Com, 27 sept 2016, n°14-25.893).

Réponse de la cour

Selon l'article L. 641-9, I, du code de commerce, le juge qui ouvre la liquidation judiciaire emporte dessaisissement du débiteur, dont les droits et actions sont exercés par le liquidateur.

Aucun droit propre du débiteur ne fait échec à son dessaisissement pour l'exercice des actions tendant au recouvrement de ses créances (Com, 14 juin 2023, n°21-24.143, publié ; Com, 18 sept 2012, n°11-17.546, publié).

Aux termes de l'article L. 642-24 du code de commerce, le liquidateur peut, avec l'autorisation du juge-commissaire et le débiteur entendu ou dûment appelé, compromettre et transiger sur toutes les contestations qui intéressent collectivement les créanciers.

L'article R. 642-41 du code de commerce pris pour son application dispose que, dans ce cas, le greffier convoque le débiteur à l'audience en joignant à cette convocation la copie de la requête du liquidateur.

Selon l'article R. 621-21 de ce code, toutes les décisions du juge-commissaire sont notifiées aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés.

Pour autant, la transaction qui fixe, pour solde de tout compte, le montant de la dette d'un tiers envers la société en liquidation a pour objet le recouvrement des créances de celle-ci, pour lequel aucun droit propre ne fait échec au dessaisissement (Com, 9 octobre 2019, n°18-12.162 et 18-12.592, publié).

Mais l'extension d'une procédure collective à une personne physique ou morale en cas de confusion de son patrimoine avec celui du débiteur ou en raison du caractère fictif de la personne morale, visant à reconstituer le patrimoine du débiteur et donc à garantir l'efficacité de la procédure collective, à favoriser l'apurement du passif et le maintien de l'activité et de l'emploi, enfin à sanctionner des fraudes, n'a pas pour objet le recouvrement d'une créance du débiteur ni la mise en cause d'un cocontractant.

C'est pourquoi l'action en extension n'appartient pas qu'au liquidateur, mais encore, selon l'article L. 621-2, 2e alinéa, du code de commerce, au ministère public ou au débiteur ; selon l'article L. 661-1, I, 3°, de ce code, les décisions statuant sur une extension sont susceptibles d'appel ou de pourvoi en cassation sans restriction quant à la personne pouvant exercer ces recours.

Le débiteur dispose ainsi d'un droit propre à exercer ces recours contre la décision d'extension (Com, 27 septembre 2016, n°14-25.893 ; 24 mai 2005, n°03-20.674 ; 16 octobre 2011, n°98-11.805).

Il doit être considéré a fortiori que le débiteur, disposant d'un droit propre à agir en extension, dispose d'un droit propre à exercer un recours contre la décision du juge-commissaire autorisant le liquidateur à renoncer à une action en extension.

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, la société GDA Services a ainsi qualité pour agir en contestation de l'ordonnance du juge-commissaire du 3 juin 2022 ; cette action est recevable.

Sur l'autorisation de la transaction

La société GDA Services expose que M. [I] [O], fils de Mme [O], a créé le 1er septembre 2019, par le truchement d'une société AGANO, une société GDA Location, dans le but de détourner sa clientèle ; que la société GDA Location est aujourd'hui dirigée par Mme [E], sa compagne ; que le 15 février 2021, la société GDA Services, alors représentée par M. [I] [O], a cédé à la société GDA Location un fonds de commerce à l'enseigne Letendre Déménagement, en fraude de ses droits.

Le liquidateur fait valoir qu'ayant constaté les liens très étroits entre les sociétés GDA Services et GDA Location, il a assigné cette dernière en extension le 5 août 2021 ; que les critères permettant le succès d'une telle procédure sont appréciés de manière restrictive par les juridictions, de sorte qu'elle est soumise à un réel aléa ; que l'indemnisation proposée par la société GDA Location est substantielle ; que le fonds de commerce de la société liquidée a été évaluée entre 25 et 45 000 euros, à quoi cette indemnisation est très supérieure ; qu'une procédure d'extension emporte l'intégration d'un passif et la cessation d'activité d'une société in bonis.

La société GDA Location soutient que la transaction autorisée est revêtue de l'autorité de chose jugée. Elle prétend que sa fictivité n'est aucunement démontrée ; que la confusion de patrimoine n'est pas alléguée par la société GDA Services.

Réponse de la cour

La société GDA Location, qui se prévaut de l'autorité de chose jugée de la transaction en cause, ne demande pas à la cour de déclarer irrecevable pour cette raison la demande de la société GDA Services tendant à sa remise en cause ; au reste, une telle prétention serait incompatible avec le principe de l'effet dévolutif de l'appel dirigé contre le jugement entrepris, qui a statué sur le recours dirigé contre l'ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé la transaction.

Selon l'article L. 622-7 du code de commerce, applicable à la liquidation judiciaire par renvoi de l'article L. 641-3, le juge-commissaire peut autoriser le liquidateur à transiger ; si la transaction est susceptible d'avoir une incidence déterminante sur l'issue de la procédure, il ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du ministère public ; tout acte passé en violation de cette règle est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public.

La société GDA Location est mal venue à soutenir qu'il n'existe pas de motif légal d'extension à sa personne de la procédure collective ouverte à l'égard de la société GDA Services, dès lors qu'en négociant, puis en signant la transaction en cause, elle en a admis le principe ; elle se contredit de surcroît au détriment d'autrui en sollicitant la confirmation du jugement ayant déclaré irrecevable le recours dirigé contre l'ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé cette transaction tout en niant l'existence des motifs de l'extension.

Le caractère frauduleux de l'appropriation des actifs de la société GSA Services par la société GDA Location ressort au reste clairement des pièces versées aux débats.

Selon le rapport du cabinet Sorexi requis par le liquidateur, dressé par un expert près la cour de céans, la société GDA Services pouvait, en mai 2020, soit un an avant le jugement d'ouverture, être valorisée entre 230 et 260 000 euros.

Mais comme le fait valoir la société débitrice à juste titre, une partie significative de ses actifs avait déjà été transférés à la société GDA Location, ce dont atteste notamment le fait que selon l'extrait Infogreffe produit, entre sa création le 1er septembre 2019 et le 31 décembre 2019, soit en quatre mois, cette société nouvelle avait déjà réalisé un chiffres d'affaires de quelque 320 000 euros, tandis que les actifs immobilisés de la société GDA Services sont passés de quelque 1,9 million d'euros au 31 décembre 2018 à quelque 430 000 euros au 31 décembre 2019, ce qui accrédite la thèse selon laquelle, au cours de cette période, la société GDA Location a détourné les matériels, mais aussi les personnels de la société GDA Services, qui employait une soixantaine de salariés fin 2019.

La gravité des faits, qui laissent clairement entrevoir une confusion de patrimoine, voire une fictivité de la personne morale de la société GDA Location, mais aussi l'insuffisance du montant de la transaction au regard de la valeur des actifs détournés ne peuvent conduire la cour qu'à rejeter la demande d'autorisation de la transaction envisagée, afin que puisse être engagée par le liquidateur, ou à défaut par la société débitrice ou le ministère public, l'action en extension qui paraît ici de l'intérêt de la procédure collective comme dans l'intérêt général.

La cour relève qu'au demeurant, il résulte de l'ordonnance du 3 juin 2022 que pour statuer sur la demande présentée par le liquidateur en vue d'être autorisé à transiger, le juge-commissaire n'a pas recueilli l'avis préalable du ministère public, alors qu'il était manifeste que l'action en extension dont la renonciation était l'objet de la transaction aurait eu une influence déterminante sur l'issue de la procédure collective.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de mettre les dépens à la charge de la société GDA Location.

Aucune demande de condamnation émise par une société en liquidation judiciaire représentée par son liquidateur contre la même société, exerçant ses droits propres, ne peut être admise.

Les demandes de dommages-intérêts et d'indemnité de procédure formulées par la société GDA Location à l'encontre de Mme [O] sont sans objet, celle-ci n'étant pas personnellement partie à l'instance.

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement du 13 mars 2024 en toutes ses dispositions ;

Dit recevable le recours de la société GDA Services contre l'ordonnance du 3 juin 2022 ;

Statuant à nouveau,

Met à néant cette ordonnance ;

Rejette la demande du liquidateur tendant à être autorisé à transiger avec la société GDA Location ;

Condamne la société GDA Location aux dépens ;

Rejette la demande de dommages-intérêts ;

Rejette les demandes formulées par les parties au titre des frais non compris dans les dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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