CA Versailles, ch. com. 3-2, 15 juillet 2025, n° 25/00093
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4AF
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 JUILLET 2025
N° RG 25/00093 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W577
AFFAIRE :
S.A.S. IMMO OUEST CONSEIL
C/
SELARL ML CONSEILS
LE PROCUREUR GENERAL
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Décembre 2024 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° Chambre : 8
N° RG : 2024P01102
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Asma MZE
Me Marc LENOTRE
PG
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A.S. IMMO OUEST CONSEIL
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2475196 -
Plaidant : Me David BENMOHA de la SELEURL ALLIANCE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
****************
INTIMES :
LE PROCUREUR GENERAL
POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 3]
[Localité 4]
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS représentée par Maître [S] [F], es qualité de liquidateur de la SAS IMMO OUEST CONSEIL, nommée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de VERSAILLES du 05/12/2024.
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Marc LENOTRE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 459 - N° du dossier 16243
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Cyril ROTH Président, et Monsieur Ronan GUERLOT, président chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
En la présence du Ministère Public, représenté par Madame Anne CHEVALIER, Avocat Général dont l'avis du 6 Mai 2025 a été transmis le 7 Mai 2025 au greffe par la voie électronique. .
EXPOSE DU LITIGE
Le 10 octobre 2024, le ministère public a déposé une requête aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement ou, subsidiairement, de liquidation judiciaire de la SAS Immo Ouest Conseil.
Le 5 décembre 2024, par jugement réputé contradictoire, le tribunal de commerce de Versailles a notamment :
- constaté l'absence de la société Immo Ouest Conseil et son état de cessation des paiements ;
- ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société Immo Ouest Conseil ;
- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 25 juin 2024 ;
- désigné la SELARL ML Conseils, prise en la personne de M. [F], en qualité de liquidateur.
Le 26 décembre 2024, la société Immo Ouest Conseil a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.
Par dernières conclusions du 13 février 2025, elle demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;
Statuant à nouveau :
- juger qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements au sens de l'article L. 640-1 du code de commerce ;
- débouter le procureur général et la société ML Conseils, ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- dire n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuer ce que droit sur les dépens.
Le 20 mars 2025, le premier président a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement dont appel.
Par dernières conclusions du 31 mars 2025, le liquidateur demande à la cour de :
- débouter la société Immo Ouest Conseil de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Le 7 mai 2025, le ministère public a émis un avis tendant à ce que la cour d'appel confirme le jugement entrepris en tous points.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 mai 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
L'appelante soutient que le tribunal a retenu qu'elle était en état de cessation des paiements sans disposer d'informations sur sa situation économique et financière ; qu'il n'a pas caractérisé l'existence d'une situation irrémédiablement compromise. Elle fait valoir qu'elle démontre désormais qu'elle n'était pas en état de cessation des paiements.
Tout en faisant valoir qu'elle pourra poursuivre son activité et qu'elle a réglé sa dette, elle expose qu'elle a mis un terme à son activité en décidant de sa dissolution puis liquidation amiable avec effet au 31 décembre 2024.
Elle ajoute qu'elle avait rompu avant l'ouverture de la procédure, soit le 25 mai 2024, le contrat de travail de son unique salarié.
Elle observe que si les documents comptables versés aux débats montrent qu'elle s'est trouvée en difficulté en 2023, son compte de résultat s'est nettement amélioré en 2024. Elle en déduit qu'elle n'a pas aggravé son passif.
Elle termine en indiquant qu'elle n'a pas été touchée par la convocation car elle avait déjà restitué les clefs à son bailleur.
Le liquidateur sollicite la confirmation du jugement. Il fait valoir que le tribunal ne connaissait pas, au moment de sa décision, la décision de dissolution anticipée et de liquidation amiable.
Il rappelle que l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.
Il fait observer que l'argumentation de l'appelante sur la possibilité de poursuivre son activité est surprenante puisqu'elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 31 octobre 2024.
Il explique qu'une procédure collective peut être ouverte à l'encontre d'une société radiée, sans qu'il soit nécessaire qu'un état de cessation des paiements préexiste à la radiation, dès lors qu'il existe lors de l'examen de la demande d'ouverture un passif résiduel à caractère professionnel.
A cet égard, il souligne que la décision de dissolution a fait apparaître un mali de liquidation de 10 000 euros ; que trois créanciers se sont manifestés à la suite de la décision attaquée.
Le ministère public expose que l'appelante reste débitrice de Franfinance (8 078,40 euros), de son bailleur (2 356,71 euros) et de l'URSSAF (30 000 euros) ; qu'aucun actif n'existe puisqu'à la suite de la liquidation amiable, aucun boni de liquidation n'a été distribué ; que la société ayant cessé son activité, aucun redressement n'est envisageable.
Réponse de la cour
- Sur l'incidence de la radiation du registre du commerce et des sociétés
Il résulte des articles 1844, alinéa 3, du code civil et L. 237-2, alinéa 2, du code de commerce que lorsqu'une société est dissoute, sa personnalité morale survit pour les besoins de la liquidation.
L'article L. 640-2, alinéa 1er, du code de commerce dispose
La procédure de liquidation judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale, artisanale ou une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé.
L'article L. 640-5 dispose notamment :
Lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut également être saisi sur requête du ministère public aux fins d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Sous cette même réserve, la procédure peut aussi être ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d'un an à compter de :
1° La radiation du registre du commerce et des sociétés. S'il s'agit d'une personne morale, le délai court à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation ('°)
ll résulte de ce texte qu'un créancier peut demander l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard d'un débiteur ayant cessé son activité professionnelle à la condition toutefois, lorsque le débiteur est une personne morale, que l'assignation intervienne dans le délai d'un an à compter de la radiation du registre du commerce et des sociétés consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation. (Com., 26 mars 2025, n° 24-12.020).
Les droits et obligations qui n'ont pas été liquidés doivent préexister à la dissolution pour pouvoir être invoqués par ou contre la société liquidée (Com., 16 mai 2018, n°16-16.498, publié).
Peu importe que la mention de la radiation au RCS précise une prise d'effet antérieure. Seule compte la date à laquelle est portée la mention de la radiation, puisque c'est cette date qui rend la radiation opposable aux tiers, et fait courir les délais d'assignation en redressement ou liquidation judiciaires : (Com., 18 janv. 2023, n° 21-21.748).
En l'espèce, il résulte du jugement dont appel qu'à la suite d'une requête du 10 octobre 2024, le ministère public a sollicité l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société Immo Ouest Conseil.
Il ressort des pièces du dossier que parallèlement à l'instance en liquidation judiciaire, la société Immo Ouest Conseil a été dissoute puis liquidée à la suite d'une décision des associés.
Ainsi, selon l'attestation d'immatriculation au registre national des entreprises actualisée au 26 février 2025, la société Immo Ouest Conseil a, suivant procès-verbal de l'assemblée générale du 31 octobre 2024, été dissoute et les opérations de liquidation amiable ont été clôturées avec effet au 31 octobre 2024. Il n'est pas contesté que la société a été radiée du registre du commerce et des sociétés à cette date.
Le liquidateur fait valoir que la Cour de cassation a admis dans un arrêt du 4 juillet 2018 (pourvoi n°17-16-056, publié) qu'un commerçant personne physique, radié du registre du commerce et des sociétés, puisse être placé après sa radiation en liquidation judiciaire. Il soutient que cette solution peut être transposée au présent litige.
La cour relève qu'en tout état de cause, l'article L. 640-5, alinéa 2, précité permet à un créancier d'assigner en liquidation une société dans le délai d'un an suivant sa radiation au registre du commerce et des sociétés.
Son premier alinéa ouvre au ministère public la possibilité de saisir le tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation. L'article L. 630-5 prévoit au demeurant les mêmes modalités de saisine du tribunal pour l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Ces dispositions ne prévoient aucun délai dans lequel le tribunal doit être saisi par requête du ministère public d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, y compris lorsqu'intervient une radiation du registre du commerce et des sociétés consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation.
Comme indiqué ci-dessus, la présente procédure n'a pas été diligentée par un créancier mais à la requête du ministère public.
Toutefois, l'article L. 640-5, alinéa 2, qui vise à encadrer le délai de saisine du tribunal par un créancier, n'interdit pas au ministère public de saisir le tribunal d'une requête aux fins d'ouverture d'une procédure collective d'une société dissoute.
- Sur l'état de cessation des paiements
L'article L. 631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme la situation dans laquelle le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible.
L'actif disponible est l'actif réalisable à bref délai. En cas d'appel, l'état de cessation des paiements est apprécié par la cour au jour où elle statue.
S'agissant de l'actif, il ressort du " comptes de liquidation au 31 octobre 2024 " et du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale ordinaire en date du 31 octobre 2024 versés aux débats que l'actif à cette date est nul.
Ces mêmes documents établissent l'existence d'un mali de liquidation de 10 000 euros.
À ce passif, il convient d'ajouter les créances déclarées depuis l'ouverture de la liquidation judiciaire soit la créance échue de 8 075,40 euros de la société Franfinance, de 2356,71 euros de la SCI [Z] [K] et la créance provisionnelle privilégiée de 30 000 euros de l'URSSAF.
Il en résulte qu'à ce jour le passif exigible d'un montant a minima de 8 075,40 + 2 356,71 euros soit 10 432,11 euros.
La société Immo Ouest Conseil est donc dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, ce qui caractérise son état de cessation des paiements. Elle n'a plus d'activité, de sorte que son redressement est manifestement impossible.
Il convient dès lors de confirmer le jugement.
PAR CES MOTIFS,
La cour, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais de procédure.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président
DE
VERSAILLES
Code nac : 4AF
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 JUILLET 2025
N° RG 25/00093 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W577
AFFAIRE :
S.A.S. IMMO OUEST CONSEIL
C/
SELARL ML CONSEILS
LE PROCUREUR GENERAL
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Décembre 2024 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° Chambre : 8
N° RG : 2024P01102
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Asma MZE
Me Marc LENOTRE
PG
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A.S. IMMO OUEST CONSEIL
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2475196 -
Plaidant : Me David BENMOHA de la SELEURL ALLIANCE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
****************
INTIMES :
LE PROCUREUR GENERAL
POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 3]
[Localité 4]
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS représentée par Maître [S] [F], es qualité de liquidateur de la SAS IMMO OUEST CONSEIL, nommée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de VERSAILLES du 05/12/2024.
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Marc LENOTRE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 459 - N° du dossier 16243
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Cyril ROTH Président, et Monsieur Ronan GUERLOT, président chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
En la présence du Ministère Public, représenté par Madame Anne CHEVALIER, Avocat Général dont l'avis du 6 Mai 2025 a été transmis le 7 Mai 2025 au greffe par la voie électronique. .
EXPOSE DU LITIGE
Le 10 octobre 2024, le ministère public a déposé une requête aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement ou, subsidiairement, de liquidation judiciaire de la SAS Immo Ouest Conseil.
Le 5 décembre 2024, par jugement réputé contradictoire, le tribunal de commerce de Versailles a notamment :
- constaté l'absence de la société Immo Ouest Conseil et son état de cessation des paiements ;
- ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société Immo Ouest Conseil ;
- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 25 juin 2024 ;
- désigné la SELARL ML Conseils, prise en la personne de M. [F], en qualité de liquidateur.
Le 26 décembre 2024, la société Immo Ouest Conseil a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.
Par dernières conclusions du 13 février 2025, elle demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;
Statuant à nouveau :
- juger qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements au sens de l'article L. 640-1 du code de commerce ;
- débouter le procureur général et la société ML Conseils, ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- dire n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuer ce que droit sur les dépens.
Le 20 mars 2025, le premier président a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement dont appel.
Par dernières conclusions du 31 mars 2025, le liquidateur demande à la cour de :
- débouter la société Immo Ouest Conseil de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Le 7 mai 2025, le ministère public a émis un avis tendant à ce que la cour d'appel confirme le jugement entrepris en tous points.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 mai 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
L'appelante soutient que le tribunal a retenu qu'elle était en état de cessation des paiements sans disposer d'informations sur sa situation économique et financière ; qu'il n'a pas caractérisé l'existence d'une situation irrémédiablement compromise. Elle fait valoir qu'elle démontre désormais qu'elle n'était pas en état de cessation des paiements.
Tout en faisant valoir qu'elle pourra poursuivre son activité et qu'elle a réglé sa dette, elle expose qu'elle a mis un terme à son activité en décidant de sa dissolution puis liquidation amiable avec effet au 31 décembre 2024.
Elle ajoute qu'elle avait rompu avant l'ouverture de la procédure, soit le 25 mai 2024, le contrat de travail de son unique salarié.
Elle observe que si les documents comptables versés aux débats montrent qu'elle s'est trouvée en difficulté en 2023, son compte de résultat s'est nettement amélioré en 2024. Elle en déduit qu'elle n'a pas aggravé son passif.
Elle termine en indiquant qu'elle n'a pas été touchée par la convocation car elle avait déjà restitué les clefs à son bailleur.
Le liquidateur sollicite la confirmation du jugement. Il fait valoir que le tribunal ne connaissait pas, au moment de sa décision, la décision de dissolution anticipée et de liquidation amiable.
Il rappelle que l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.
Il fait observer que l'argumentation de l'appelante sur la possibilité de poursuivre son activité est surprenante puisqu'elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 31 octobre 2024.
Il explique qu'une procédure collective peut être ouverte à l'encontre d'une société radiée, sans qu'il soit nécessaire qu'un état de cessation des paiements préexiste à la radiation, dès lors qu'il existe lors de l'examen de la demande d'ouverture un passif résiduel à caractère professionnel.
A cet égard, il souligne que la décision de dissolution a fait apparaître un mali de liquidation de 10 000 euros ; que trois créanciers se sont manifestés à la suite de la décision attaquée.
Le ministère public expose que l'appelante reste débitrice de Franfinance (8 078,40 euros), de son bailleur (2 356,71 euros) et de l'URSSAF (30 000 euros) ; qu'aucun actif n'existe puisqu'à la suite de la liquidation amiable, aucun boni de liquidation n'a été distribué ; que la société ayant cessé son activité, aucun redressement n'est envisageable.
Réponse de la cour
- Sur l'incidence de la radiation du registre du commerce et des sociétés
Il résulte des articles 1844, alinéa 3, du code civil et L. 237-2, alinéa 2, du code de commerce que lorsqu'une société est dissoute, sa personnalité morale survit pour les besoins de la liquidation.
L'article L. 640-2, alinéa 1er, du code de commerce dispose
La procédure de liquidation judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale, artisanale ou une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé.
L'article L. 640-5 dispose notamment :
Lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut également être saisi sur requête du ministère public aux fins d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Sous cette même réserve, la procédure peut aussi être ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d'un an à compter de :
1° La radiation du registre du commerce et des sociétés. S'il s'agit d'une personne morale, le délai court à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation ('°)
ll résulte de ce texte qu'un créancier peut demander l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard d'un débiteur ayant cessé son activité professionnelle à la condition toutefois, lorsque le débiteur est une personne morale, que l'assignation intervienne dans le délai d'un an à compter de la radiation du registre du commerce et des sociétés consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation. (Com., 26 mars 2025, n° 24-12.020).
Les droits et obligations qui n'ont pas été liquidés doivent préexister à la dissolution pour pouvoir être invoqués par ou contre la société liquidée (Com., 16 mai 2018, n°16-16.498, publié).
Peu importe que la mention de la radiation au RCS précise une prise d'effet antérieure. Seule compte la date à laquelle est portée la mention de la radiation, puisque c'est cette date qui rend la radiation opposable aux tiers, et fait courir les délais d'assignation en redressement ou liquidation judiciaires : (Com., 18 janv. 2023, n° 21-21.748).
En l'espèce, il résulte du jugement dont appel qu'à la suite d'une requête du 10 octobre 2024, le ministère public a sollicité l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société Immo Ouest Conseil.
Il ressort des pièces du dossier que parallèlement à l'instance en liquidation judiciaire, la société Immo Ouest Conseil a été dissoute puis liquidée à la suite d'une décision des associés.
Ainsi, selon l'attestation d'immatriculation au registre national des entreprises actualisée au 26 février 2025, la société Immo Ouest Conseil a, suivant procès-verbal de l'assemblée générale du 31 octobre 2024, été dissoute et les opérations de liquidation amiable ont été clôturées avec effet au 31 octobre 2024. Il n'est pas contesté que la société a été radiée du registre du commerce et des sociétés à cette date.
Le liquidateur fait valoir que la Cour de cassation a admis dans un arrêt du 4 juillet 2018 (pourvoi n°17-16-056, publié) qu'un commerçant personne physique, radié du registre du commerce et des sociétés, puisse être placé après sa radiation en liquidation judiciaire. Il soutient que cette solution peut être transposée au présent litige.
La cour relève qu'en tout état de cause, l'article L. 640-5, alinéa 2, précité permet à un créancier d'assigner en liquidation une société dans le délai d'un an suivant sa radiation au registre du commerce et des sociétés.
Son premier alinéa ouvre au ministère public la possibilité de saisir le tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation. L'article L. 630-5 prévoit au demeurant les mêmes modalités de saisine du tribunal pour l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Ces dispositions ne prévoient aucun délai dans lequel le tribunal doit être saisi par requête du ministère public d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, y compris lorsqu'intervient une radiation du registre du commerce et des sociétés consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation.
Comme indiqué ci-dessus, la présente procédure n'a pas été diligentée par un créancier mais à la requête du ministère public.
Toutefois, l'article L. 640-5, alinéa 2, qui vise à encadrer le délai de saisine du tribunal par un créancier, n'interdit pas au ministère public de saisir le tribunal d'une requête aux fins d'ouverture d'une procédure collective d'une société dissoute.
- Sur l'état de cessation des paiements
L'article L. 631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme la situation dans laquelle le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible.
L'actif disponible est l'actif réalisable à bref délai. En cas d'appel, l'état de cessation des paiements est apprécié par la cour au jour où elle statue.
S'agissant de l'actif, il ressort du " comptes de liquidation au 31 octobre 2024 " et du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale ordinaire en date du 31 octobre 2024 versés aux débats que l'actif à cette date est nul.
Ces mêmes documents établissent l'existence d'un mali de liquidation de 10 000 euros.
À ce passif, il convient d'ajouter les créances déclarées depuis l'ouverture de la liquidation judiciaire soit la créance échue de 8 075,40 euros de la société Franfinance, de 2356,71 euros de la SCI [Z] [K] et la créance provisionnelle privilégiée de 30 000 euros de l'URSSAF.
Il en résulte qu'à ce jour le passif exigible d'un montant a minima de 8 075,40 + 2 356,71 euros soit 10 432,11 euros.
La société Immo Ouest Conseil est donc dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, ce qui caractérise son état de cessation des paiements. Elle n'a plus d'activité, de sorte que son redressement est manifestement impossible.
Il convient dès lors de confirmer le jugement.
PAR CES MOTIFS,
La cour, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais de procédure.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président