CA Orléans, ch. civ., 15 juillet 2025, n° 23/00568
ORLÉANS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 15/07/2025
Me Marie-Stéphanie SIMON
Me Estelle GARNIER
ARRÊT du : 15 JUILLET 2025
N° : - 25
N° RG 23/00568 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GXUJ
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 17] en date du 05 Janvier 2023
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265287424472907
Madame [L] [S]
'[Adresse 16]
[Localité 5]
ayant pour avocat postulant Me Marie-Stéphanie SIMON, avocat au barreau d'ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Hervé ZAPF de la SCP TZA - TOULEMONT ZAPF Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS,
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265288092771091
Monsieur le directeur régional des Finances publiques d'Ile-de-France et de [Localité 18]
Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques, Pôle juridictionnel judiciaire,
ayant ses bureaux
[Adresse 8]
représentée par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 22 Février 2023.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 02 avril 2025
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 02 Juin 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, en charge du rapport, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 15 juillet 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par un courrier en date du 28 septembre 2018, la [Adresse 15] (la Direction régionale des finances publiques) a adressé à Mme [S] une proposition de rectification relative à l'ISF 2017.
L'administration a notamment corrigé les abattements appliqués sur la valeur vénale des biens immobiliers déclarés par Mme [S] et réintégré à l'actif imposable de l'lSF, les comptes courants d'associés détenus par elle dans différentes sociétés dont les sociétés [U] et Socinvest.
Après examen des observations formulées par Mme [S], la Direction régionale des finances publiques a, par un courrier du 24 janvier 2019, partiellement maintenu les rectifications, mettant ainsi à la charge de Mme [S] un montant total d'imposition supplémentaire de 32 084 euros, augmenté des intérêts de retard pour un montant de 1 348 euros, soit un montant total de 33 432 euros.
Un avis de recouvrement a été émis par la Direction régionale des finances publiques qui a été contesté par Mme [S].
À la suite de la décision de rejet en date du 5 octobre 2021, Mme [S] a, par acte en date du 29 novembre 2021, fait assigner la Direction régionale des finances publiques devant le tribunal judiciaire d'Orléans afin d'obtenir la décharge des réhaussements.
Par jugement en date du 5 janvier 2023, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- débouté Mme [S] de sa demande de décharge des réhaussements d'imposition au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune 2017 et des intérêts de retard mis à sa charge à hauteur de 33 432 euros ;
- débouté les parties de leurs plus amples demandes ;
- condamné Mme [S] aux entiers dépens ;
- débouté Mme [S] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 22 février 2023, Mme [S] a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 21 mars 2025, Mme [S] demande à la cour de :
- infirmer jugement en ce qu'il a : débouté Mme [S] de sa demande de décharge partielle des
rehaussements d'imposition au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune de 2017 et des intérêts de retard mis à sa charge à hauteur de 33 432 € ; débouté Mme [S] de sa demande de condamnation de la Direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de [Localité 18] à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; débouté Mme [S] de sa demande de condamnation de la Direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de [Localité 18] aux entiers dépens ; condamné Mme [S] aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau :
- dire et constater que les rectifications mises à la charge de Mme [S] au titre de l'ISF 2017 sont partiellement infondées ;
En conséquence :
- constater la décharge partielle des rehaussements d'imposition au titre de l'lSF 2017 et des intérêts de retard mis à la charge de Mme [S], à hauteur de 33 432 € ;
En tout état de cause :
- condamner la Direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de [Localité 18] à payer la somme de 7 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter Mme la directrice régionale des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 18] de toutes demandes plus amples ou contraires ;
- condamner la Direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de [Localité 18] aux entiers dépens.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 19 mars 2025, Monsieur le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 18] demande à la cour de :
- déclarer Mme [S] mal fondée en son appel ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a : débouté Mme [S] de sa demande de décharge des rehaussements d'imposition au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune 2017 et des intérêts de retard mis à sa charge à hauteur de 33 342 euros ; débouté les parties de leurs plus amples demandes ; condamné Mme [S] aux entiers dépens ; débouté Mme [S] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- confirmer les rappels effectués par l'administration ;
- confirmer la décision administrative de rejet du 5 octobre 2021 ;
- débouter Mme [S] de toutes ses demandes, 'ns et prétentions ;
- condamner Mme [S] aux entiers dépens d'appel ;
- condamner Mme [S] à verser à l'État la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
I- Sur l'évaluation des biens immobiliers
Moyens des parties
L'appelante soutient que la jurisprudence définit la valeur vénale comme le prix normal qu'accepterait de payer un acquéreur quelconque n'ayant pas une raison exceptionnelle de préférer plus particulièrement le bien litigieux à d'autres biens similaires ; que l'existence d'un bail affecte inévitablement la valeur d'un bien, dès lors qu'il fait peser sur le propriétaire des contraintes lourdes tenant, outre l'occupation par un tiers, à la législation favorable au locataire applicable notamment en matière de résiliation ou de renouvellement du bail ; que dans ces conditions, dès lors que l'immeuble à évaluer est loué, il convient de pratiquer une décote sur sa valeur vénale afin de tenir compte du contrat de bail ; que s'agissant en particulier des baux d'habitation, la loi du 6 juillet 1989 doit être prise en compte en tant qu'elle limite drastiquement la faculté du bailleur de disposer de son bien comme il l'entend, en particulier lorsqu'il s'agit de donner congé à son locataire ; que les contraintes imposées au propriétaire permettent de pratiquer un abattement d'au moins 25 % sur la valeur de l'immeuble loué ; que, lorsqu'un bien indivis est par ailleurs donné en location, les deux abattements résultant de chacun de ces éléments juridiques se cumulent, faisant l'objet d'une application successive à la valeur vénale dudit bien ; que la valeur d'un bien détenu en indivision est nécessairement plus faible que celle d'un bien détenu par un propriétaire unique ; qu'au cas particulier, parmi les cinq biens immobiliers faisant l'objet d'un rehaussement, quatre sont détenus par elle en indivision à hauteur de 25 % et font par ailleurs l'objet d'un contrat de location ; qu'il existe entre ces co-indivisaires une situation con'ictuelle persistante depuis le décès de [K] [X], le président fondateur du groupe éponyme, et cette situation justifie l'application d'un abattement de 35 % à la valeur vénale de chacun des biens indivis ; qu'elle produit une assignation à comparaître devant le tribunal de Pointe-à-Pitre démontrant l'existence d'une mésentente profonde entre les co-indivisaires, lesquels sont contraints de faire appel à un juge pour trancher leurs désaccords ; que même si cette assignation ne vise pas directement les immeubles litigieux, elle atteste d'un climat général de tension, ce qui a nécessairement une incidence sur la gestion des biens concernés ; que ce con'it se répercute aussi bien dans la gestion locative des immeubles (choix du locataire, détermination des modalités de location, désignation de la personne responsable en cas d'incident, imputation des coûts à chaque indivisaire, etc.) que lors de la mise en vente des biens ; qu'il est susceptible de générer d'importants retards dans la réalisation de la vente, voire un blocage total contraignant les co-indivisaires à rester dans l'indivision indéfiniment.
L'intimé réplique que la valeur vénale d'un bien correspond au prix qui pourrait être obtenu du bien par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve avant la mutation ; que pour apprécier cette valeur, la méthode dite par comparaison est utilisée, laquelle consiste à rechercher des termes de comparaison constitués par des cessions d'immeubles de nature identique ou du moins similaire, antérieurs au fait générateur de l'impôt ; qu'au cas particulier, le service n'a pas contesté la valeur au m² de chacun des biens litigieux déterminée par l'appelante pour l'lSF de l'année 2017 considérant que cette valeur correspondait aux valeurs du marché ; qu'en revanche, le service a remis en cause les abattements pour location et pour indivision appliqués par l'appelante ; que s'agissant de l'abattement pour location, un immeuble loué avec un loyer correspondant au marché ne peut subir qu'une décote relativement faible ; que la commission de conciliation de [Localité 18], dans son avis du 9 février 2021, a validé l'abattement de 20 % pour toutes les locations des biens en litige ; que les contraintes exposées par l'appelante, en particulier la loi du 6 juillet 1989, ne justi'ent pas l'application d'une décote supérieure à celle de 20 % déjà appliquée par l'administration ; que s'agissant de l'abattement pour indivision, la jurisprudence admet que l'indivision portant sur un bien en diminue la valeur ; que la valeur de bien indivis ne se confond pas avec la fraction correspondant aux droits de l'indivisaire dans la valeur vénale totale du bien ; que cependant, un abattement pour indivision doit être justi'é par les circonstances de l'espèce ; que l'appelante tente en vain de prouver la situation conflictuelle existant entre les indivisaires des biens litigieux, en joignant à sa requête une assignation à comparaître devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre du 7 avril 2012 ; qu'il ne ressort pas de cette assignation que les indivisaires entretiennent des rapports conflictuels en lien avec la situation des biens immobiliers litigieux ; qu'il apparaît que les circonstances évoquées par l'appelante, résultant de la situation locative de chaque immeuble et du caractère indivis de leur détention ne permettent pas d'octroyer des décotes supérieures à celles admises par le service.
Réponse de la cour
L'article 885 D du code général des impôts (CGI), dans sa rédaction alors applicable, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est assis et les bases d'imposition déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre.
L'article 885 S du CGI, dans sa rédaction alors applicable, dispose que la valeur des biens est déterminée pour l'assiette de l'ISF selon les règles en vigueur en matière de droit de succession.
Il ressort de l'article 761 du CGI que pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission.
La valeur vénale réelle d'un immeuble correspond au prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande sur un marché réel, compte tenu de la situation de fait et de droit dans laquelle l'immeuble se trouve avant la survenance du fait générateur de l'impôt.
Les parties conviennent que la valeur vénale des biens immobiliers peut être déterminée par référence à la valeur du bien en pleine propriété, à laquelle il est appliqué des abattements pour location ou indivision. Les parties conviennent de la nécessité de procéder à de tels abattements pour occupation et indivision, mais divergent en revanche sur le taux d'abattement à appliquer aux différents biens détenus par Mme [S].
Dans sa déclaration à l'ISF, Mme [S] a appliqué deux abattements aux valeurs déclarées, pour indivision et pour occupation qu'elle a cumulés, à savoir :
- 35 % pour indivision ;
- 40 % pour occupation sous l'empire de loi de 1948 en ce qui concerne le bien situé [Adresse 9] ;
- 35 % pour bail commercial en ce qui concerne le bien situé [Adresse 3] ;
- 25 % pour bail à usage d'habitation en ce qui concerne les biens situés [Adresse 12] et [Adresse 2] et [Adresse 6] ;
Soir respectivement 75 %, 70 % et 60 % de décote sur la valeur initiale.
L'administration a appliqué des taux moindres pour occupation et indivision, et remis en cause la méthode retenue par la contribuable consistant à additionner les taux. Elle a ainsi retenu les taux d'abattements suivants :
- 20 % pour indivision, en l'absence de situation conflictuelle avérée entre les indivisaires ;
- 20 % pour occupation pour les biens loués, y compris celui situé [Adresse 9] dès lors que l'immeuble a été construit postérieurement à la loi de 1948 ; aucune décote n'a été retenue au titre du bien situé [Adresse 6], en l'absence de justification d'un contrat de bail.
S'agissant de la méthode, il convient de relever que celle utilisée par Mme [S] dans sa déclaration est erronée. En effet, les abattements pour occupation et indivision ne peuvent se cumuler de manière à obtenir les taux précités de décote (75 %, 70 % et 60 %), mais doivent s'appliquer successivement somme suit : abattement pour occupation appliqué à la valeur vénale, calcul de la quote-part de valeur du contribuable au regard de sa part dans l'indivision, abattement pour indivision appliqué à la quote-part de valeur du bien appartenant audit contribuable.
S'agissant de la situation d'indivision concernant 4 biens immobiliers, l'administration a pratiqué un abattement de 20 % que Mme [S] souhaite voir porter à 35 % en raison de la situation de mésentente entre les co-indivisaires en produisant une assignation de 2012 introduite par une partie de l'indivision successorale de [K] [S] à l'encontre d'autres co-indivisaires.
Ainsi que l'a relevé le tribunal, Mme [S] a fait le choix de ne communiquer que les quatre premières pages de l'assignation, comportant seulement l'identité et coordonnées des demandeurs et défendeurs à l'instance. La production partielle de cette pièce ne permet donc pas d'établir l'objet du litige qui peut concerner les seules opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [K] [S], sans aucune répercussion sur la gestion des biens indivis.
Mme [S] produit, en cause d'appel, un avis émis par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre informant la société Financière de participations d'une audience en date du 6 octobre 2023. Toutefois, cet avis d'audience qui ne permet pas d'informer la cour sur la nature et l'objet du litige, ne permet pas plus d'établir l'existence d'une mésentente entre les co-indivisaires ayant des conséquences sur la gestion des biens indivis.
En conséquence, l'appelante n'établit pas que la situation d'indivision grevant 4 de ses biens immobiliers est de nature à diminuer leur valeur de plus de 20 %, qui est le taux retenu par l'administration. Mme [S] est donc infondée à solliciter l'application d'un abattement de 35 % au titre de l'indivision grevant ses biens immobiliers.
S'agissant de la location des biens immobiliers, il convient de l'examiner au cas par cas comme exposé ci-après.
1- Appartement situé [Adresse 10]
Le bail fourni en justificatif a été signé le 1er juillet 1979 et stipule qu'il s'applique « à une location dans un immeuble ou groupe immobilier à loyer libre ». Il ne s'agit donc pas d'un bail soumis à la loi de 1948 comme indiqué dans la déclaration à l'ISF. L'appelante ne justifie pas d'une situation spécifique qui justifierait une décote supérieure à 20 %.
L'administration a donc justement déterminé la valeur des droits de Mme [S] en appliquant un abattement de 20 % au titre du bail, et une décote de 20 % au titre de l'indivision.
2- Appartement situé [Adresse 4]
Un bail à usage exclusif professionnel consistant en un appartement d'une surface d'environ 100 m² a été fourni pour une durée du 26 avril 2013 au 25 avril 2019. Mme [S] sollicité un abattement de 35 % en raison de la vocation professionnelle du bail souscrit. Toutefois, elle ne justifie pas que l'existence d'un tel bail professionnel devrait conduire à une minoration de la valeur du bien de plus de 20 % correspondant à l'abattement appliqué par l'administration.
L'administration a donc justement déterminé la valeur des droits de Mme [S] en appliquant un abattement de 20 % au titre du bail, et une décote de 20 % au titre de l'indivision.
3- Appartement situé [Adresse 11]
Il a été fourni à l'administration deux contrats portant sur un appartement au 2e étage et un appartement au 4e étage avec cave et place de parking. Toutefois, l'appelante ne prouve pas l'existence d'une situation spécifique qui justifierait une décote supérieure à 20 %.
L'administration a donc justement déterminé la valeur des droits de Mme [S] en appliquant un abattement de 20 % au titre du bail, et une décote de 20 % au titre de l'indivision.
4- Appartement situé [Adresse 1]
L'administration a indiqué qu'aucun contrat de bail n'a été fourni, mais qu'il résultait de ses déclarations de revenus fonciers que des loyers étaient perçus au titre de cet immeuble. Les contrats de bail ne sont pas fournis devant la cour. L'administration a donc retenu un abattement pour location de 20 % et l'appelante ne justifie pas du fait que la valeur vénale du bien devrait être encore plus faible au regard de la spécificité des locations consenties.
L'administration a donc justement déterminé la valeur des droits de Mme [S] en appliquant un abattement de 20 % au titre du bail, et une décote de 20 % au titre de l'indivision.
5- Appartement situé [Adresse 7]
Aucun contrat de bail n'a été fourni à l'administration et à la juridiction. L'administration a d'ailleurs relevé que la perception de revenus fonciers au titre de cet immeuble n'apparaissait pas dans les déclarations de revenus de Mme [S]. Dans ses conclusions récapitulatives, Mme [S] ne soutient d'ailleurs pas qu'il conviendrait d'appliquer un abattement pour location au titre ce bien immobilier alors qu'elle en avait appliqué un lors de sa déclaration à l'ISF.
Le bien n'étant pas en indivision, aucun abattement n'est donc applicable et l'administration était fondée à procéder à un rehaussement à raison de l'abattement pratiqué à tort par Mme [S] au titre d'une prétendue location.
Il résulte de ces éléments que les réhaussements pratiqués au titre de l'évaluation des biens immobiliers étaient fondés, de sorte que Mme [S] est mal-fondée à solliciter la décharge partielle des rehaussements d'imposition à ce titre.
II- Sur les comptes courants d'associés
Moyens des parties
L'appelante soutient que la Cour de cassation a jugé à différentes reprises que les comptes courants d'associés doivent être évalués selon leur valeur vénale, c'est-à-dire en fonction de leur valeur probable de recouvrement ; qu'elle était tenue d'estimer leur valeur au 1er janvier de chaque année d'imposition, compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société Launivic, et de ses chances de recouvrer sa créance auprès de cette société ; que sur la période vérifiée, la société Launivic était titulaire de deux contrats de capitalisation, et le contrat Eloquence Capitalisation avait fait l'objet d'un nantissement au profit de la [Adresse 13], afin de garantir trois prêts souscrits par la société Socinvest en vue de l'achat de biens immobiliers ; que tant que les trois contrats de prêt souscrits par la société Socinvest ne seraient pas soldés, la société Launivic serait contractuellement dans l'impossibilité de procéder au rachat total ou partiel du contrat Eloquence Capitalisation afin d'obtenir le versement des sommes investies et des intérêts capitalisés par l'intermédiaire de ce contrat ; que le contrat de capitalisation Baloise Vie Luxembourg a quant à lui fait l'objet d'un nantissement afin de garantir deux emprunts souscrits par la société Socinvest au cours de l'année 2013 ; que les sociétés Launivic et Socinvest ont pour unique activité la détention de biens mobiliers ou immobiliers ; qu'en dehors de la détention de ces deux contrats de capitalisation, la société Launivic n'exerce aucune activité, et ne génère donc aucun produit, et il en est de même pour la société Socinvest ; que ces deux sociétés ne disposent donc d'aucune liquidité pour faire face à d'éventuelles demandes de remboursement de comptes courants provenant de leurs associés ; qu'à compter du mois de septembre 2018, souhaitant obtenir remboursement du compte courant qu'elle détient au sein de la société Launivic, elle a entrepris des démarches auprès du Crédit agricole et de Baloise Vie Luxembourg afin d'obtenir le rachat total des deux contrats de capitalisation ; que chacun des établissements bancaires sollicité a opposé un refus au motif que, le contrat ayant été souscrit par la société Launivic et non par elle-même en son nom propre, l'accord de l'associé et de son ex-époux, M. [F] [S], était indispensable à la mise en oeuvre de ce rachat ; que M. [F] [S] s'est systématiquement opposé au rachat de ces contrats de capitalisation ; que par conséquent, elle était dans l'impossibilité d'obtenir le remboursement de son compte courant d'associé ; que ce n'est finalement qu'après dix-huit mois d'échanges, de mises en demeure et de procédures judiciaires intentées à l'encontre des établissements financiers concernés que la mise en oeuvre du rachat total des deux contrats de capitalisation sera finalement déclenchée ; qu'eut égard à la situation économique et financière de la société Launivic au 1er janvier de chaque année d'imposition, il était hautement improbable qu'elle soit en mesure de recouvrer sa créance auprès de cette société, de sorte qu'elle était fondée à ne pas déclarer de créance en compte courant détenue sur la société Launivic au cours de la période vérifiée ; que s'agissant de la société Socinvest, les 891 parts détenues par elle ont fait l'objet d'une donation-partage le 18 janvier 2001 au profit de ses trois enfants ; que dans le cas où l'un des associés de la société Socinvest souhaiterait obtenir remboursement de ses avances en compte courant, cette société n'aurait d'autre choix que de procéder à la cession de l'un des quatre immeubles qu'elle détient ; que la gérance de la société Socinvest étant assurée conjointement par elle et son ex-époux, M. [F] [S], elle n'était pas en mesure de décider de la cession des actifs immobiliers dont est propriétaire la société sans l'accord de son ex-époux ; qu'en se fondant sur les statuts de la société pour affirmer qu'elle disposait des pouvoirs les plus étendus en vue de céder un actif immobilier de la société, le tribunal a donc commis une erreur de droit ; que M. [F] [S] s'est systématiquement opposé à la mise en oeuvre de telles cessions, empêchant ainsi la société de disposer de liquidités pour pouvoir rembourser ses dettes vis-à-vis des associés ; que les biens immobiliers détenus par la société Socinvest font pour la plupart l'objet d'une utilisation personnelle par M. [F] [S], lequel empêche par tous moyens son ex-épouse de pouvoir les gérer et administrer conformément à son mandat de co-gérante ; qu'ainsi, elle s'est vue contrainte d'assigner M. [F] [S] et l'une de ses maîtresses devant le tribunal d'instance de Blois, lequel a ordonné l'expulsion de celle-ci ; qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir de décision au sein de cette société, de sorte que la demande de remboursement du compte courant au sein de la société Socinvest n'avait aucune chance d'aboutir au 1er janvier de chacune des années d'imposition ; que par ailleurs, en cas de démembrement des parts, les statuts de la société Socinvest prévoient que le droit de vote appartient aux associés nus-propriétaires, sauf pour les décisions relatives à l'affectation des bénéfices ; qu'étant titulaire de 891 parts en usufruit, elle ne dispose donc d'aucun droit de vote lors de la tenue des assemblées générales de la société, sauf pour les décisions relatives à l'affectation des bénéfices ; qu'enfin, la société ayant souscrit trois emprunts pour un montant total de 2 809 746 € auprès du [Adresse 14], ainsi qu'un emprunt d'un montant de 575 000 € auprès d'EFG Bank, sa situation financière était particulièrement obérée sur la période vérifiée ; que dans ce contexte, il ne saurait lui être fait grief d'avoir considéré, au 1er janvier de chaque année d'imposition vérifiée, que la situation économique et financière de la société Socinvest ne lui permettait pas de pouvoir espérer obtenir remboursement de ses avances en compte courant.
L'intimé réplique qu'aux termes de l'article 885 E du CGI, l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant au foyer 'scal soumis à cet impôt ; que les comptes courants d associés constituent une créance personnelle des associés envers la société et sont imposables à l'ISF ; que s'agissant de la valorisation d'un compte courant d'associé, il ressort de la jurisprudence que la valeur doit résulter d'une estimation réaliste en fonction des possibilités pour l'associé de recouvrer sa créance, au premier janvier de chaque année concernée, compte tenu de la situation économique et 'nancière réelle de la société ; qu'il a été constaté qu'au 1er janvier 2017, l'actif immobilier de la SC Socinvest s'élevait à 2 405 200 € lorsque l'actif mobilier de la SC [U] s'élevait à 4 036 866 € ; que cette constatation contredit l'existence d'une situation économique et 'nancière dégradée ou difficile qui rendrait impossible le remboursement des avances faites par l'appelante ; que Mme [S] ne démontre pas que la cession de l'un des quatre immeubles détenus par la société Socinvest n'aurait pas permis de rembourser le compte courant d'associé malgré l'absence de liquidités disponibles ; que sur les quatre biens détenus par la société Socinvest, l'appelante ne fait état de litiges avec M. [S] que pour deux biens ; que par ailleurs, les difficultés avancées par l'appelante, relatives au rachat des contrats de capitalisation dont est titulaire la société [U], sont de nature formelle (notamment communication d'un mandat non conforme, nécessité de l'obtention de l'accord du prêteur pour lever le nantissement, incompréhension sur le rachat partiel et non total du contrat de capitalisation) et non financière ou économique ; qu'en tout état de cause, l'appelante reconnaît elle-même la réalisation ultérieure de leur rachat ; que l'accord de M. [S] n'était pas indispensable au rachat des contrats de capitalisation, car conformément à l'article 1849 du code civil, dans les rapports avec les tiers, en cas de pluralité des gérants, ceux-ci détiennent séparément les pouvoirs d'engager la société par les actes entrant dans l'objet social, et l'opposition formée par un gérant aux actes d'un autre gérant est sans effet à l'égard des tiers, à moins qu'il ne soit établi qu'ils en ont eu connaissance ; qu'enfin, l'appelante n'apporte pas la preuve que M. [S] s'est opposé au dénouement des contrats de capitalisation ; qu'en tant que gérante de la société Socinvest, l'appelante disposait des pouvoirs les plus étendus pour la gestion des biens et affaires de la société et pour faire autoriser tous les actes et opérations relatifs à son objet ; que les statuts prévoient qu'en cas de pluralité de gérants, elle exerçait ces pouvoirs séparément sauf le droit qui appartient à chacun de s'opposer à une opération avant qu'elle ne soit conclue ; que l'appelante ne produit aucun élément précis pour attester d'une opposition entre les deux-cogérants dans la gestion de la société Socinvest ; que les litiges présentés par l'appelante pour justifier de l'absence de déclaration des comptes courants-d'associés au titre de l'ISF 2017 sont postérieurs à la période vérifiée ; que c'est à bon droit que le juge de première instance a considéré qu'aucune difficulté financière propre aux sociétés [U] et Socinvest n'empêchait le remboursement du compte courant d'associé de Mme [S], de sorte que sa créance devait être déclarée dans la base imposable à l'ISF.
Réponse de la cour
L'article 885 E du CGI, dans sa rédaction alors applicable, dispose que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux contribuables concernés.
Il est constant que la valeur déclarée du compte courant d'associé doit résulter d'une estimation réaliste en fonction des possibilités pour l'associé de recouvrer sa créance au premier janvier de chaque année concernée, compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société.
Il appartient au contribuable de rapporter la preuve des difficultés financières alléguées à la date du fait générateur de l'impôt, de nature à justifier que les comptes courants soient évalués à leur valeur probable de recouvrement, inférieure à la valeur nominale figurant au bilan, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (Com., 15 mai 2012, pourvoi n° 11-17.848).
Il est en outre établi que les possibilités réelles de remboursement de ses dettes par une entreprise doivent tenir compte de la valeur de ses actifs immobiliers (Com., 9 juillet 2013, pourvoi n° 12-21.836, Bull. 2013, IV, n 120).
En l'espèce, la proposition de rectification émise par l'administration fiscale mentionne que Mme [S] a prétendu qu'elle ne possédait aucun compte courant d'associé au sein des sociétés Socinvest et Launivic, avant que le contrôle opéré par l'administration révèle qu'elle disposait de comptes d'associés omis de la déclaration d'ISF pour les montants de 538 240 euros au 1er janvier 2017 pour la société Socinvest et de 1 378 089 euros pour la société Launivic.
Il s'agissait donc d'une dissimulation des comptes courants d'associés et non d'une minoration de leur valeur nominale en raison de difficultés financières des sociétés Launivic et Socinvest.
L'administration a relevé qu'au 1er janvier 2017, l'actif mobilier de la société Launivic s'élevait à la somme de 4 036 866 euros et l'actif immobilier de la société Socinvest s'élevait à la somme de 2 405 200 euros, montants supérieurs à la créance de Mme [S] sur lesdites sociétés.
Mme [S] n'allègue ni ne justifie de l'existence de difficultés financières des sociétés Launivic et Socinvest au 1er janvier 2017 qui aurait justifié que la valeur de ses comptes courants d'associée soit réduite à néant.
Si elle allègue du nantissement de deux contrats de capitalisation détenus par la société Launivic qui empêchait leur rachat, cet élément ne constitue pas une difficulté financière faisant obstacle au remboursement du compte courant d'associé. En effet, il n'est pas démontré que ces deux contrats constituaient les uniques actifs détenus par la société Launivic, outre le fait que les deux contrats de capitalisation ont bien été rachetés postérieurement à l'année 2017, nonobstant le nantissement auxquels ils ont été affectés, établissant qu'il n'existait aucune impossibilité de rachat. En outre, les difficultés relationnelles évoquées par Mme [S] avec son ex-époux, ne sont pas plus de nature à établir une difficulté financière de la société Launivic au jour du fait générateur de l'impôt.
En conséquence, Mme [S] est mal-fondée à soutenir que la valeur du compte-courant d'associée auprès de la société Launivic devait être considérée comme nulle au 1er janvier 2017. Le rehaussement d'impôt était donc justifié.
Concernant la société Socinvest, l'appelante n'établit pas plus l'existence de difficultés financières de la société de nature à justifier que son compte courant soit évalué à une valeur nulle compte-tenu d'une impossibilité de recouvrement. En effet, la société Socinvest était propriétaire de biens immobiliers dont la valeur de liquidation permettait de rembourser la créance de Mme [S] au 1er janvier 2017 en cas de demande de celle-ci. Ni le défaut allégué de pouvoirs de gestion de Mme [S], ni les difficultés relationnelles et l'usage des biens immobiliers par son ex-époux n'étaient de nature à constituer des difficultés financières de nature à faire obstacle au remboursement de son compte courant d'associée.
Par ailleurs, Mme [S] soutient que la société de la société Socinvest était obérée compte-tenu du montant des prêts souscrits par celle-ci. Or, d'une part ces prêts ont servi à financer l'acquisition de biens immobiliers, et d'autre part, les comptes de la société Socinvest au 1er janvier 2017 ne sont pas produits aux débats, de sorte que le montant restant dû aux prêteurs à cette date n'est pas connue, pas plus que le résultat réalisé par la société sur cet exercice comptable. L'appelante ne démontre donc pas que la situation financière de la société Socinvest était obérée au jour du fait générateur de l'impôt.
En conséquence, Mme [S] est mal-fondée à soutenir que la valeur du compte-courant d'associée auprès de la société Socinvest devait être considérée comme nulle au 1er janvier 2017. Le rehaussement d'impôt était donc justifié.
Mme [S] sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes et le jugement sera confirmé sur ce point.
III- Sur les frais de procédure
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
Mme [S] sera condamnée aux dépens d'appel. Les demandes fondées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT :
CONDAMNE Mme [S] aux entiers dépens d'appel ;
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 15/07/2025
Me Marie-Stéphanie SIMON
Me Estelle GARNIER
ARRÊT du : 15 JUILLET 2025
N° : - 25
N° RG 23/00568 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GXUJ
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 17] en date du 05 Janvier 2023
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265287424472907
Madame [L] [S]
'[Adresse 16]
[Localité 5]
ayant pour avocat postulant Me Marie-Stéphanie SIMON, avocat au barreau d'ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Hervé ZAPF de la SCP TZA - TOULEMONT ZAPF Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS,
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265288092771091
Monsieur le directeur régional des Finances publiques d'Ile-de-France et de [Localité 18]
Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques, Pôle juridictionnel judiciaire,
ayant ses bureaux
[Adresse 8]
représentée par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 22 Février 2023.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 02 avril 2025
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 02 Juin 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, en charge du rapport, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 15 juillet 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par un courrier en date du 28 septembre 2018, la [Adresse 15] (la Direction régionale des finances publiques) a adressé à Mme [S] une proposition de rectification relative à l'ISF 2017.
L'administration a notamment corrigé les abattements appliqués sur la valeur vénale des biens immobiliers déclarés par Mme [S] et réintégré à l'actif imposable de l'lSF, les comptes courants d'associés détenus par elle dans différentes sociétés dont les sociétés [U] et Socinvest.
Après examen des observations formulées par Mme [S], la Direction régionale des finances publiques a, par un courrier du 24 janvier 2019, partiellement maintenu les rectifications, mettant ainsi à la charge de Mme [S] un montant total d'imposition supplémentaire de 32 084 euros, augmenté des intérêts de retard pour un montant de 1 348 euros, soit un montant total de 33 432 euros.
Un avis de recouvrement a été émis par la Direction régionale des finances publiques qui a été contesté par Mme [S].
À la suite de la décision de rejet en date du 5 octobre 2021, Mme [S] a, par acte en date du 29 novembre 2021, fait assigner la Direction régionale des finances publiques devant le tribunal judiciaire d'Orléans afin d'obtenir la décharge des réhaussements.
Par jugement en date du 5 janvier 2023, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- débouté Mme [S] de sa demande de décharge des réhaussements d'imposition au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune 2017 et des intérêts de retard mis à sa charge à hauteur de 33 432 euros ;
- débouté les parties de leurs plus amples demandes ;
- condamné Mme [S] aux entiers dépens ;
- débouté Mme [S] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 22 février 2023, Mme [S] a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 21 mars 2025, Mme [S] demande à la cour de :
- infirmer jugement en ce qu'il a : débouté Mme [S] de sa demande de décharge partielle des
rehaussements d'imposition au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune de 2017 et des intérêts de retard mis à sa charge à hauteur de 33 432 € ; débouté Mme [S] de sa demande de condamnation de la Direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de [Localité 18] à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; débouté Mme [S] de sa demande de condamnation de la Direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de [Localité 18] aux entiers dépens ; condamné Mme [S] aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau :
- dire et constater que les rectifications mises à la charge de Mme [S] au titre de l'ISF 2017 sont partiellement infondées ;
En conséquence :
- constater la décharge partielle des rehaussements d'imposition au titre de l'lSF 2017 et des intérêts de retard mis à la charge de Mme [S], à hauteur de 33 432 € ;
En tout état de cause :
- condamner la Direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de [Localité 18] à payer la somme de 7 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter Mme la directrice régionale des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 18] de toutes demandes plus amples ou contraires ;
- condamner la Direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de [Localité 18] aux entiers dépens.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 19 mars 2025, Monsieur le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 18] demande à la cour de :
- déclarer Mme [S] mal fondée en son appel ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a : débouté Mme [S] de sa demande de décharge des rehaussements d'imposition au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune 2017 et des intérêts de retard mis à sa charge à hauteur de 33 342 euros ; débouté les parties de leurs plus amples demandes ; condamné Mme [S] aux entiers dépens ; débouté Mme [S] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- confirmer les rappels effectués par l'administration ;
- confirmer la décision administrative de rejet du 5 octobre 2021 ;
- débouter Mme [S] de toutes ses demandes, 'ns et prétentions ;
- condamner Mme [S] aux entiers dépens d'appel ;
- condamner Mme [S] à verser à l'État la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
I- Sur l'évaluation des biens immobiliers
Moyens des parties
L'appelante soutient que la jurisprudence définit la valeur vénale comme le prix normal qu'accepterait de payer un acquéreur quelconque n'ayant pas une raison exceptionnelle de préférer plus particulièrement le bien litigieux à d'autres biens similaires ; que l'existence d'un bail affecte inévitablement la valeur d'un bien, dès lors qu'il fait peser sur le propriétaire des contraintes lourdes tenant, outre l'occupation par un tiers, à la législation favorable au locataire applicable notamment en matière de résiliation ou de renouvellement du bail ; que dans ces conditions, dès lors que l'immeuble à évaluer est loué, il convient de pratiquer une décote sur sa valeur vénale afin de tenir compte du contrat de bail ; que s'agissant en particulier des baux d'habitation, la loi du 6 juillet 1989 doit être prise en compte en tant qu'elle limite drastiquement la faculté du bailleur de disposer de son bien comme il l'entend, en particulier lorsqu'il s'agit de donner congé à son locataire ; que les contraintes imposées au propriétaire permettent de pratiquer un abattement d'au moins 25 % sur la valeur de l'immeuble loué ; que, lorsqu'un bien indivis est par ailleurs donné en location, les deux abattements résultant de chacun de ces éléments juridiques se cumulent, faisant l'objet d'une application successive à la valeur vénale dudit bien ; que la valeur d'un bien détenu en indivision est nécessairement plus faible que celle d'un bien détenu par un propriétaire unique ; qu'au cas particulier, parmi les cinq biens immobiliers faisant l'objet d'un rehaussement, quatre sont détenus par elle en indivision à hauteur de 25 % et font par ailleurs l'objet d'un contrat de location ; qu'il existe entre ces co-indivisaires une situation con'ictuelle persistante depuis le décès de [K] [X], le président fondateur du groupe éponyme, et cette situation justifie l'application d'un abattement de 35 % à la valeur vénale de chacun des biens indivis ; qu'elle produit une assignation à comparaître devant le tribunal de Pointe-à-Pitre démontrant l'existence d'une mésentente profonde entre les co-indivisaires, lesquels sont contraints de faire appel à un juge pour trancher leurs désaccords ; que même si cette assignation ne vise pas directement les immeubles litigieux, elle atteste d'un climat général de tension, ce qui a nécessairement une incidence sur la gestion des biens concernés ; que ce con'it se répercute aussi bien dans la gestion locative des immeubles (choix du locataire, détermination des modalités de location, désignation de la personne responsable en cas d'incident, imputation des coûts à chaque indivisaire, etc.) que lors de la mise en vente des biens ; qu'il est susceptible de générer d'importants retards dans la réalisation de la vente, voire un blocage total contraignant les co-indivisaires à rester dans l'indivision indéfiniment.
L'intimé réplique que la valeur vénale d'un bien correspond au prix qui pourrait être obtenu du bien par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve avant la mutation ; que pour apprécier cette valeur, la méthode dite par comparaison est utilisée, laquelle consiste à rechercher des termes de comparaison constitués par des cessions d'immeubles de nature identique ou du moins similaire, antérieurs au fait générateur de l'impôt ; qu'au cas particulier, le service n'a pas contesté la valeur au m² de chacun des biens litigieux déterminée par l'appelante pour l'lSF de l'année 2017 considérant que cette valeur correspondait aux valeurs du marché ; qu'en revanche, le service a remis en cause les abattements pour location et pour indivision appliqués par l'appelante ; que s'agissant de l'abattement pour location, un immeuble loué avec un loyer correspondant au marché ne peut subir qu'une décote relativement faible ; que la commission de conciliation de [Localité 18], dans son avis du 9 février 2021, a validé l'abattement de 20 % pour toutes les locations des biens en litige ; que les contraintes exposées par l'appelante, en particulier la loi du 6 juillet 1989, ne justi'ent pas l'application d'une décote supérieure à celle de 20 % déjà appliquée par l'administration ; que s'agissant de l'abattement pour indivision, la jurisprudence admet que l'indivision portant sur un bien en diminue la valeur ; que la valeur de bien indivis ne se confond pas avec la fraction correspondant aux droits de l'indivisaire dans la valeur vénale totale du bien ; que cependant, un abattement pour indivision doit être justi'é par les circonstances de l'espèce ; que l'appelante tente en vain de prouver la situation conflictuelle existant entre les indivisaires des biens litigieux, en joignant à sa requête une assignation à comparaître devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre du 7 avril 2012 ; qu'il ne ressort pas de cette assignation que les indivisaires entretiennent des rapports conflictuels en lien avec la situation des biens immobiliers litigieux ; qu'il apparaît que les circonstances évoquées par l'appelante, résultant de la situation locative de chaque immeuble et du caractère indivis de leur détention ne permettent pas d'octroyer des décotes supérieures à celles admises par le service.
Réponse de la cour
L'article 885 D du code général des impôts (CGI), dans sa rédaction alors applicable, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est assis et les bases d'imposition déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre.
L'article 885 S du CGI, dans sa rédaction alors applicable, dispose que la valeur des biens est déterminée pour l'assiette de l'ISF selon les règles en vigueur en matière de droit de succession.
Il ressort de l'article 761 du CGI que pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission.
La valeur vénale réelle d'un immeuble correspond au prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande sur un marché réel, compte tenu de la situation de fait et de droit dans laquelle l'immeuble se trouve avant la survenance du fait générateur de l'impôt.
Les parties conviennent que la valeur vénale des biens immobiliers peut être déterminée par référence à la valeur du bien en pleine propriété, à laquelle il est appliqué des abattements pour location ou indivision. Les parties conviennent de la nécessité de procéder à de tels abattements pour occupation et indivision, mais divergent en revanche sur le taux d'abattement à appliquer aux différents biens détenus par Mme [S].
Dans sa déclaration à l'ISF, Mme [S] a appliqué deux abattements aux valeurs déclarées, pour indivision et pour occupation qu'elle a cumulés, à savoir :
- 35 % pour indivision ;
- 40 % pour occupation sous l'empire de loi de 1948 en ce qui concerne le bien situé [Adresse 9] ;
- 35 % pour bail commercial en ce qui concerne le bien situé [Adresse 3] ;
- 25 % pour bail à usage d'habitation en ce qui concerne les biens situés [Adresse 12] et [Adresse 2] et [Adresse 6] ;
Soir respectivement 75 %, 70 % et 60 % de décote sur la valeur initiale.
L'administration a appliqué des taux moindres pour occupation et indivision, et remis en cause la méthode retenue par la contribuable consistant à additionner les taux. Elle a ainsi retenu les taux d'abattements suivants :
- 20 % pour indivision, en l'absence de situation conflictuelle avérée entre les indivisaires ;
- 20 % pour occupation pour les biens loués, y compris celui situé [Adresse 9] dès lors que l'immeuble a été construit postérieurement à la loi de 1948 ; aucune décote n'a été retenue au titre du bien situé [Adresse 6], en l'absence de justification d'un contrat de bail.
S'agissant de la méthode, il convient de relever que celle utilisée par Mme [S] dans sa déclaration est erronée. En effet, les abattements pour occupation et indivision ne peuvent se cumuler de manière à obtenir les taux précités de décote (75 %, 70 % et 60 %), mais doivent s'appliquer successivement somme suit : abattement pour occupation appliqué à la valeur vénale, calcul de la quote-part de valeur du contribuable au regard de sa part dans l'indivision, abattement pour indivision appliqué à la quote-part de valeur du bien appartenant audit contribuable.
S'agissant de la situation d'indivision concernant 4 biens immobiliers, l'administration a pratiqué un abattement de 20 % que Mme [S] souhaite voir porter à 35 % en raison de la situation de mésentente entre les co-indivisaires en produisant une assignation de 2012 introduite par une partie de l'indivision successorale de [K] [S] à l'encontre d'autres co-indivisaires.
Ainsi que l'a relevé le tribunal, Mme [S] a fait le choix de ne communiquer que les quatre premières pages de l'assignation, comportant seulement l'identité et coordonnées des demandeurs et défendeurs à l'instance. La production partielle de cette pièce ne permet donc pas d'établir l'objet du litige qui peut concerner les seules opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [K] [S], sans aucune répercussion sur la gestion des biens indivis.
Mme [S] produit, en cause d'appel, un avis émis par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre informant la société Financière de participations d'une audience en date du 6 octobre 2023. Toutefois, cet avis d'audience qui ne permet pas d'informer la cour sur la nature et l'objet du litige, ne permet pas plus d'établir l'existence d'une mésentente entre les co-indivisaires ayant des conséquences sur la gestion des biens indivis.
En conséquence, l'appelante n'établit pas que la situation d'indivision grevant 4 de ses biens immobiliers est de nature à diminuer leur valeur de plus de 20 %, qui est le taux retenu par l'administration. Mme [S] est donc infondée à solliciter l'application d'un abattement de 35 % au titre de l'indivision grevant ses biens immobiliers.
S'agissant de la location des biens immobiliers, il convient de l'examiner au cas par cas comme exposé ci-après.
1- Appartement situé [Adresse 10]
Le bail fourni en justificatif a été signé le 1er juillet 1979 et stipule qu'il s'applique « à une location dans un immeuble ou groupe immobilier à loyer libre ». Il ne s'agit donc pas d'un bail soumis à la loi de 1948 comme indiqué dans la déclaration à l'ISF. L'appelante ne justifie pas d'une situation spécifique qui justifierait une décote supérieure à 20 %.
L'administration a donc justement déterminé la valeur des droits de Mme [S] en appliquant un abattement de 20 % au titre du bail, et une décote de 20 % au titre de l'indivision.
2- Appartement situé [Adresse 4]
Un bail à usage exclusif professionnel consistant en un appartement d'une surface d'environ 100 m² a été fourni pour une durée du 26 avril 2013 au 25 avril 2019. Mme [S] sollicité un abattement de 35 % en raison de la vocation professionnelle du bail souscrit. Toutefois, elle ne justifie pas que l'existence d'un tel bail professionnel devrait conduire à une minoration de la valeur du bien de plus de 20 % correspondant à l'abattement appliqué par l'administration.
L'administration a donc justement déterminé la valeur des droits de Mme [S] en appliquant un abattement de 20 % au titre du bail, et une décote de 20 % au titre de l'indivision.
3- Appartement situé [Adresse 11]
Il a été fourni à l'administration deux contrats portant sur un appartement au 2e étage et un appartement au 4e étage avec cave et place de parking. Toutefois, l'appelante ne prouve pas l'existence d'une situation spécifique qui justifierait une décote supérieure à 20 %.
L'administration a donc justement déterminé la valeur des droits de Mme [S] en appliquant un abattement de 20 % au titre du bail, et une décote de 20 % au titre de l'indivision.
4- Appartement situé [Adresse 1]
L'administration a indiqué qu'aucun contrat de bail n'a été fourni, mais qu'il résultait de ses déclarations de revenus fonciers que des loyers étaient perçus au titre de cet immeuble. Les contrats de bail ne sont pas fournis devant la cour. L'administration a donc retenu un abattement pour location de 20 % et l'appelante ne justifie pas du fait que la valeur vénale du bien devrait être encore plus faible au regard de la spécificité des locations consenties.
L'administration a donc justement déterminé la valeur des droits de Mme [S] en appliquant un abattement de 20 % au titre du bail, et une décote de 20 % au titre de l'indivision.
5- Appartement situé [Adresse 7]
Aucun contrat de bail n'a été fourni à l'administration et à la juridiction. L'administration a d'ailleurs relevé que la perception de revenus fonciers au titre de cet immeuble n'apparaissait pas dans les déclarations de revenus de Mme [S]. Dans ses conclusions récapitulatives, Mme [S] ne soutient d'ailleurs pas qu'il conviendrait d'appliquer un abattement pour location au titre ce bien immobilier alors qu'elle en avait appliqué un lors de sa déclaration à l'ISF.
Le bien n'étant pas en indivision, aucun abattement n'est donc applicable et l'administration était fondée à procéder à un rehaussement à raison de l'abattement pratiqué à tort par Mme [S] au titre d'une prétendue location.
Il résulte de ces éléments que les réhaussements pratiqués au titre de l'évaluation des biens immobiliers étaient fondés, de sorte que Mme [S] est mal-fondée à solliciter la décharge partielle des rehaussements d'imposition à ce titre.
II- Sur les comptes courants d'associés
Moyens des parties
L'appelante soutient que la Cour de cassation a jugé à différentes reprises que les comptes courants d'associés doivent être évalués selon leur valeur vénale, c'est-à-dire en fonction de leur valeur probable de recouvrement ; qu'elle était tenue d'estimer leur valeur au 1er janvier de chaque année d'imposition, compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société Launivic, et de ses chances de recouvrer sa créance auprès de cette société ; que sur la période vérifiée, la société Launivic était titulaire de deux contrats de capitalisation, et le contrat Eloquence Capitalisation avait fait l'objet d'un nantissement au profit de la [Adresse 13], afin de garantir trois prêts souscrits par la société Socinvest en vue de l'achat de biens immobiliers ; que tant que les trois contrats de prêt souscrits par la société Socinvest ne seraient pas soldés, la société Launivic serait contractuellement dans l'impossibilité de procéder au rachat total ou partiel du contrat Eloquence Capitalisation afin d'obtenir le versement des sommes investies et des intérêts capitalisés par l'intermédiaire de ce contrat ; que le contrat de capitalisation Baloise Vie Luxembourg a quant à lui fait l'objet d'un nantissement afin de garantir deux emprunts souscrits par la société Socinvest au cours de l'année 2013 ; que les sociétés Launivic et Socinvest ont pour unique activité la détention de biens mobiliers ou immobiliers ; qu'en dehors de la détention de ces deux contrats de capitalisation, la société Launivic n'exerce aucune activité, et ne génère donc aucun produit, et il en est de même pour la société Socinvest ; que ces deux sociétés ne disposent donc d'aucune liquidité pour faire face à d'éventuelles demandes de remboursement de comptes courants provenant de leurs associés ; qu'à compter du mois de septembre 2018, souhaitant obtenir remboursement du compte courant qu'elle détient au sein de la société Launivic, elle a entrepris des démarches auprès du Crédit agricole et de Baloise Vie Luxembourg afin d'obtenir le rachat total des deux contrats de capitalisation ; que chacun des établissements bancaires sollicité a opposé un refus au motif que, le contrat ayant été souscrit par la société Launivic et non par elle-même en son nom propre, l'accord de l'associé et de son ex-époux, M. [F] [S], était indispensable à la mise en oeuvre de ce rachat ; que M. [F] [S] s'est systématiquement opposé au rachat de ces contrats de capitalisation ; que par conséquent, elle était dans l'impossibilité d'obtenir le remboursement de son compte courant d'associé ; que ce n'est finalement qu'après dix-huit mois d'échanges, de mises en demeure et de procédures judiciaires intentées à l'encontre des établissements financiers concernés que la mise en oeuvre du rachat total des deux contrats de capitalisation sera finalement déclenchée ; qu'eut égard à la situation économique et financière de la société Launivic au 1er janvier de chaque année d'imposition, il était hautement improbable qu'elle soit en mesure de recouvrer sa créance auprès de cette société, de sorte qu'elle était fondée à ne pas déclarer de créance en compte courant détenue sur la société Launivic au cours de la période vérifiée ; que s'agissant de la société Socinvest, les 891 parts détenues par elle ont fait l'objet d'une donation-partage le 18 janvier 2001 au profit de ses trois enfants ; que dans le cas où l'un des associés de la société Socinvest souhaiterait obtenir remboursement de ses avances en compte courant, cette société n'aurait d'autre choix que de procéder à la cession de l'un des quatre immeubles qu'elle détient ; que la gérance de la société Socinvest étant assurée conjointement par elle et son ex-époux, M. [F] [S], elle n'était pas en mesure de décider de la cession des actifs immobiliers dont est propriétaire la société sans l'accord de son ex-époux ; qu'en se fondant sur les statuts de la société pour affirmer qu'elle disposait des pouvoirs les plus étendus en vue de céder un actif immobilier de la société, le tribunal a donc commis une erreur de droit ; que M. [F] [S] s'est systématiquement opposé à la mise en oeuvre de telles cessions, empêchant ainsi la société de disposer de liquidités pour pouvoir rembourser ses dettes vis-à-vis des associés ; que les biens immobiliers détenus par la société Socinvest font pour la plupart l'objet d'une utilisation personnelle par M. [F] [S], lequel empêche par tous moyens son ex-épouse de pouvoir les gérer et administrer conformément à son mandat de co-gérante ; qu'ainsi, elle s'est vue contrainte d'assigner M. [F] [S] et l'une de ses maîtresses devant le tribunal d'instance de Blois, lequel a ordonné l'expulsion de celle-ci ; qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir de décision au sein de cette société, de sorte que la demande de remboursement du compte courant au sein de la société Socinvest n'avait aucune chance d'aboutir au 1er janvier de chacune des années d'imposition ; que par ailleurs, en cas de démembrement des parts, les statuts de la société Socinvest prévoient que le droit de vote appartient aux associés nus-propriétaires, sauf pour les décisions relatives à l'affectation des bénéfices ; qu'étant titulaire de 891 parts en usufruit, elle ne dispose donc d'aucun droit de vote lors de la tenue des assemblées générales de la société, sauf pour les décisions relatives à l'affectation des bénéfices ; qu'enfin, la société ayant souscrit trois emprunts pour un montant total de 2 809 746 € auprès du [Adresse 14], ainsi qu'un emprunt d'un montant de 575 000 € auprès d'EFG Bank, sa situation financière était particulièrement obérée sur la période vérifiée ; que dans ce contexte, il ne saurait lui être fait grief d'avoir considéré, au 1er janvier de chaque année d'imposition vérifiée, que la situation économique et financière de la société Socinvest ne lui permettait pas de pouvoir espérer obtenir remboursement de ses avances en compte courant.
L'intimé réplique qu'aux termes de l'article 885 E du CGI, l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant au foyer 'scal soumis à cet impôt ; que les comptes courants d associés constituent une créance personnelle des associés envers la société et sont imposables à l'ISF ; que s'agissant de la valorisation d'un compte courant d'associé, il ressort de la jurisprudence que la valeur doit résulter d'une estimation réaliste en fonction des possibilités pour l'associé de recouvrer sa créance, au premier janvier de chaque année concernée, compte tenu de la situation économique et 'nancière réelle de la société ; qu'il a été constaté qu'au 1er janvier 2017, l'actif immobilier de la SC Socinvest s'élevait à 2 405 200 € lorsque l'actif mobilier de la SC [U] s'élevait à 4 036 866 € ; que cette constatation contredit l'existence d'une situation économique et 'nancière dégradée ou difficile qui rendrait impossible le remboursement des avances faites par l'appelante ; que Mme [S] ne démontre pas que la cession de l'un des quatre immeubles détenus par la société Socinvest n'aurait pas permis de rembourser le compte courant d'associé malgré l'absence de liquidités disponibles ; que sur les quatre biens détenus par la société Socinvest, l'appelante ne fait état de litiges avec M. [S] que pour deux biens ; que par ailleurs, les difficultés avancées par l'appelante, relatives au rachat des contrats de capitalisation dont est titulaire la société [U], sont de nature formelle (notamment communication d'un mandat non conforme, nécessité de l'obtention de l'accord du prêteur pour lever le nantissement, incompréhension sur le rachat partiel et non total du contrat de capitalisation) et non financière ou économique ; qu'en tout état de cause, l'appelante reconnaît elle-même la réalisation ultérieure de leur rachat ; que l'accord de M. [S] n'était pas indispensable au rachat des contrats de capitalisation, car conformément à l'article 1849 du code civil, dans les rapports avec les tiers, en cas de pluralité des gérants, ceux-ci détiennent séparément les pouvoirs d'engager la société par les actes entrant dans l'objet social, et l'opposition formée par un gérant aux actes d'un autre gérant est sans effet à l'égard des tiers, à moins qu'il ne soit établi qu'ils en ont eu connaissance ; qu'enfin, l'appelante n'apporte pas la preuve que M. [S] s'est opposé au dénouement des contrats de capitalisation ; qu'en tant que gérante de la société Socinvest, l'appelante disposait des pouvoirs les plus étendus pour la gestion des biens et affaires de la société et pour faire autoriser tous les actes et opérations relatifs à son objet ; que les statuts prévoient qu'en cas de pluralité de gérants, elle exerçait ces pouvoirs séparément sauf le droit qui appartient à chacun de s'opposer à une opération avant qu'elle ne soit conclue ; que l'appelante ne produit aucun élément précis pour attester d'une opposition entre les deux-cogérants dans la gestion de la société Socinvest ; que les litiges présentés par l'appelante pour justifier de l'absence de déclaration des comptes courants-d'associés au titre de l'ISF 2017 sont postérieurs à la période vérifiée ; que c'est à bon droit que le juge de première instance a considéré qu'aucune difficulté financière propre aux sociétés [U] et Socinvest n'empêchait le remboursement du compte courant d'associé de Mme [S], de sorte que sa créance devait être déclarée dans la base imposable à l'ISF.
Réponse de la cour
L'article 885 E du CGI, dans sa rédaction alors applicable, dispose que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux contribuables concernés.
Il est constant que la valeur déclarée du compte courant d'associé doit résulter d'une estimation réaliste en fonction des possibilités pour l'associé de recouvrer sa créance au premier janvier de chaque année concernée, compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société.
Il appartient au contribuable de rapporter la preuve des difficultés financières alléguées à la date du fait générateur de l'impôt, de nature à justifier que les comptes courants soient évalués à leur valeur probable de recouvrement, inférieure à la valeur nominale figurant au bilan, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (Com., 15 mai 2012, pourvoi n° 11-17.848).
Il est en outre établi que les possibilités réelles de remboursement de ses dettes par une entreprise doivent tenir compte de la valeur de ses actifs immobiliers (Com., 9 juillet 2013, pourvoi n° 12-21.836, Bull. 2013, IV, n 120).
En l'espèce, la proposition de rectification émise par l'administration fiscale mentionne que Mme [S] a prétendu qu'elle ne possédait aucun compte courant d'associé au sein des sociétés Socinvest et Launivic, avant que le contrôle opéré par l'administration révèle qu'elle disposait de comptes d'associés omis de la déclaration d'ISF pour les montants de 538 240 euros au 1er janvier 2017 pour la société Socinvest et de 1 378 089 euros pour la société Launivic.
Il s'agissait donc d'une dissimulation des comptes courants d'associés et non d'une minoration de leur valeur nominale en raison de difficultés financières des sociétés Launivic et Socinvest.
L'administration a relevé qu'au 1er janvier 2017, l'actif mobilier de la société Launivic s'élevait à la somme de 4 036 866 euros et l'actif immobilier de la société Socinvest s'élevait à la somme de 2 405 200 euros, montants supérieurs à la créance de Mme [S] sur lesdites sociétés.
Mme [S] n'allègue ni ne justifie de l'existence de difficultés financières des sociétés Launivic et Socinvest au 1er janvier 2017 qui aurait justifié que la valeur de ses comptes courants d'associée soit réduite à néant.
Si elle allègue du nantissement de deux contrats de capitalisation détenus par la société Launivic qui empêchait leur rachat, cet élément ne constitue pas une difficulté financière faisant obstacle au remboursement du compte courant d'associé. En effet, il n'est pas démontré que ces deux contrats constituaient les uniques actifs détenus par la société Launivic, outre le fait que les deux contrats de capitalisation ont bien été rachetés postérieurement à l'année 2017, nonobstant le nantissement auxquels ils ont été affectés, établissant qu'il n'existait aucune impossibilité de rachat. En outre, les difficultés relationnelles évoquées par Mme [S] avec son ex-époux, ne sont pas plus de nature à établir une difficulté financière de la société Launivic au jour du fait générateur de l'impôt.
En conséquence, Mme [S] est mal-fondée à soutenir que la valeur du compte-courant d'associée auprès de la société Launivic devait être considérée comme nulle au 1er janvier 2017. Le rehaussement d'impôt était donc justifié.
Concernant la société Socinvest, l'appelante n'établit pas plus l'existence de difficultés financières de la société de nature à justifier que son compte courant soit évalué à une valeur nulle compte-tenu d'une impossibilité de recouvrement. En effet, la société Socinvest était propriétaire de biens immobiliers dont la valeur de liquidation permettait de rembourser la créance de Mme [S] au 1er janvier 2017 en cas de demande de celle-ci. Ni le défaut allégué de pouvoirs de gestion de Mme [S], ni les difficultés relationnelles et l'usage des biens immobiliers par son ex-époux n'étaient de nature à constituer des difficultés financières de nature à faire obstacle au remboursement de son compte courant d'associée.
Par ailleurs, Mme [S] soutient que la société de la société Socinvest était obérée compte-tenu du montant des prêts souscrits par celle-ci. Or, d'une part ces prêts ont servi à financer l'acquisition de biens immobiliers, et d'autre part, les comptes de la société Socinvest au 1er janvier 2017 ne sont pas produits aux débats, de sorte que le montant restant dû aux prêteurs à cette date n'est pas connue, pas plus que le résultat réalisé par la société sur cet exercice comptable. L'appelante ne démontre donc pas que la situation financière de la société Socinvest était obérée au jour du fait générateur de l'impôt.
En conséquence, Mme [S] est mal-fondée à soutenir que la valeur du compte-courant d'associée auprès de la société Socinvest devait être considérée comme nulle au 1er janvier 2017. Le rehaussement d'impôt était donc justifié.
Mme [S] sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes et le jugement sera confirmé sur ce point.
III- Sur les frais de procédure
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
Mme [S] sera condamnée aux dépens d'appel. Les demandes fondées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT :
CONDAMNE Mme [S] aux entiers dépens d'appel ;
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT