TUE, 7e ch. élargie, 2 juillet 2025, n° T-715/21
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Cellnex Telecom, Retevisión I
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Kowalik‑Bańczyk
Juges :
M. Buttigieg, M. Dimitrakopoulos (rapporteur), Mme Ricziová
Avocats :
Me Lamadrid de Pablo, Me Bayón Fernández, Me Creus Carreras
LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),
composé de Mme K. Kowalik Bańczyk, présidente, MM. E. Buttigieg, G. Hesse, I. Dimitrakopoulos (rapporteur) et Mme B. Ricziová, juges,
greffier : Mme P. Núñez Ruiz, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 5 octobre 2023,
vu l’ordonnance de réouverture de la phase orale de la procédure du 20 décembre 2023,
vu la mesure d’organisation de la procédure du 20 décembre 2023 invitant les parties à présenter leurs observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 14 décembre 2023, EDP España/Naturgy Energy Group et Commission (C 693/21 P et C 698/21 P, EU:C:2023:989), au regard de la présente affaire et les réponses des parties déposées au greffe du Tribunal les 16 et 18 janvier 2024,
vu la mesure d’organisation de la procédure du 31 janvier 2024 invitant la Commission à finaliser son analyse des conséquences de l’arrêt du 14 décembre 2023, EDP España/Naturgy Energy Group et Commission (C 693/21 P et C 698/21 P, EU:C:2023:989), au regard de la présente affaire et la réponse de la Commission déposée au greffe du Tribunal le 14 mars 2024,
rend le présent
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Cellnex Telecom, SA et Retevisión I, SA, demandent l’annulation de la décision (UE) 2021/2034 de la Commission, du 10 juin 2021, relative à l’aide d’État SA.28599 (C 23/2010) (ex NN 36/2010, ex CP 163/2009) octroyée par l’Espagne en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées (excepté en Castille-La Manche) (JO 2021, L 417, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 La présente affaire concerne le passage de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique en Espagne et, plus particulièrement, les mesures prises par les autorités espagnoles pour assurer le déploiement de la télévision numérique dans les zones éloignées et moins urbanisées du territoire espagnol, à l’exception de la Comunidad Autónoma de Castilla La Mancha (Communauté autonome de Castille La Manche, Espagne) (ci-après la « mesure en cause »).
3 Le Royaume d’Espagne a instauré un cadre réglementaire pour promouvoir le processus de transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique, en promulguant notamment la Ley 10/2005 de Medidas Urgentes para el Impulso de la Televisión Digital Terrestre, de Liberalización de la Televisión por Cable y de Fomento del Pluralismo (loi 10/2005 établissant des mesures urgentes en vue du développement de la télévision numérique terrestre, de la libéralisation de la télévision par câble et encourageant au pluralisme), du 14 juin 2005 (BOE no 142, du 15 juin 2005, p. 20562), et le Real Decreto 944/2005 por el que se aprueba el Plan técnico nacional de la televisión digital terrestre (décret royal 944/2005 portant approbation du programme technique national en faveur de la télévision numérique terrestre), du 29 juillet 2005 (BOE no 181, du 30 juillet 2005, p. 27006). Ce décret royal a imposé aux radiodiffuseurs nationaux privés et publics de s’assurer que respectivement 95 % et 98 % de la population recevrait la télévision numérique terrestre (TNT). S’agissant des radiodiffuseurs privés, ce pourcentage a été porté à 96 % par le Real Decreto 365/2010, de 26 de marzo, por el que se regula la asignación de los múltiples de la Televisión Digital Terrestre tras el cese de las emisiones de televisión terrestre con tecnología analógica (décret royal 365/2010, du 26 mars, portant réglementation de l’attribution des multiples de télévision numérique terrestre après l’arrêt des émissions de télévision terrestre par technologie analogique), du 26 mars 2010 (BOE no 81, du 3 avril 2010, p. 30750).
4 Afin de permettre le passage de la télévision analogique à la TNT, la décision attaquée indique que les autorités espagnoles ont divisé le territoire espagnol en trois zones distinctes, respectivement dénommées « zone I », « zone II » et « zone III ». La zone I est celle où les radiodiffuseurs nationaux privés et publics étaient tenus par des obligations de couverture par le service de télévision (96 % de la population espagnole pour les radiodiffuseurs privés et 98 % pour les radiodiffuseurs publics) et ont eux-mêmes supporté les coûts liés au passage à la télévision numérique. Les zones II et III concernent la partie restante du territoire espagnol qui n’est pas couverte par les obligations de couverture susmentionnées. La zone II concerne les zones moins urbanisées et éloignées du territoire espagnol qui regroupent 2,5 % de la population qui recevait précédemment les chaînes publiques et privées par le biais de la télévision analogique et terrestre. Dans cette zone, les radiodiffuseurs, à défaut d’intérêt commercial, n’ont pas investi dans la numérisation du réseau de distribution du signal de télévision numérique. La zone III concerne les zones moins urbanisées et éloignées du territoire espagnol qui regroupent 1,5 % de la population où, en raison de la topographie, la prestation des services de télévision doit se faire par le biais de la technologie satellitaire.
5 Au mois de septembre 2007, le conseil des ministres espagnol a adopté le programme national de passage à la TNT dont l’objectif était d’assurer la cessation effective du signal analogique de télévision et d’atteindre un taux de couverture de la population espagnole par le service de la TNT au moins analogue à celui de la télévision analogique.
6 Afin d’atteindre les objectifs de couverture fixés pour la TNT, les autorités espagnoles ont prévu d’accorder un financement public notamment pour soutenir le processus de numérisation dans la zone II, et plus particulièrement à l’intérieur des régions des communautés autonomes situées dans cette zone.
7 Le 29 février 2008, le ministère de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce espagnol (ci après le « MITC ») a adopté une décision destinée à améliorer les infrastructures de télécommunications et à fixer les critères ainsi que la répartition du financement des actions menées en faveur du développement de la société de l’information dans le cadre d’un plan intitulé « Plan Avanza » approuvé par le conseil des ministres le 14 novembre 2005. Le budget approuvé en vertu de cette décision a été alloué, en partie, à la numérisation de la télévision dans la zone II.
8 Cette numérisation a été conduite entre les mois de juillet et de novembre 2008. Le MITC a ensuite transféré des fonds aux communautés autonomes, qui se sont engagées à couvrir les autres dépenses liées à l’opération avec leurs propres ressources budgétaires.
9 Au mois d’octobre 2008, le conseil des ministres a décidé d’assigner des fonds supplémentaires pour étendre et compléter la couverture de la TNT dans le cadre des projets de passage à la technologie numérique, qui devaient être mis en œuvre au cours du premier semestre de l’année 2009.
10 Par la suite, les communautés autonomes ont engagé le processus d’extension de la TNT dans la zone II. À cet effet, elles ont organisé des appels d’offres ou ont confié cette extension à des entreprises privées. Dans certains cas, les communautés autonomes ont demandé aux communes de se charger de ladite extension.
11 Cellnex Telecom (anciennement Abertis Telecom, SA) est un exploitant d’infrastructures de télécommunications et un fournisseur d’équipements de réseaux. Elle détient 100 % du capital social de Retevisión I, à qui a été attribuée une partie des appels d’offres organisés par les diverses administrations publiques espagnoles.
12 Le 18 mai 2009, la Commission européenne a reçu une plainte émanant de l’intervenante, l’opérateur de réseau satellitaire SES Astra SA, et portant sur un prétendu régime d’aides d’État accordé par le Royaume d’Espagne en faveur du passage de la télévision analogique à la TNT dans la zone II. Selon l’intervenante, ce régime comportait une aide non notifiée susceptible de créer une distorsion de concurrence entre la plateforme de radiodiffusion terrestre et la plateforme de radiodiffusion satellitaire.
13 Par lettre du 29 septembre 2010, la Commission a informé le Royaume d’Espagne de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant le régime d’aides en cause sur l’ensemble du territoire espagnol, à l’exception de la Communauté autonome de Castille La Manche, région dans laquelle une procédure indépendante a été ouverte (ci-après la « décision d’ouverture »).
14 À l’issue de la procédure formelle d’examen, la Commission a adopté la décision 2014/489/UE, du 19 juin 2013, relative à l’aide d’État SA.28599 [(C 23/2010) (ex NN 36/2010, ex CP 163/2009)] accordée par le Royaume d’Espagne en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées (excepté en Castille La Manche) (JO 2014, L 217, p. 52), dont l’article 1er disposait que l’aide d’État accordée aux opérateurs de la plateforme de télévision terrestre pour le déploiement, la maintenance et l’exploitation du réseau de TNT dans la zone II avait été exécutée en violation des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et était incompatible avec le marché intérieur, à l’exception de celle qui aurait été accordée conformément au principe de neutralité technologique. L’article 3 de cette décision ordonnait la récupération de cette aide incompatible auprès des opérateurs de TNT, qu’ils aient reçu l’aide directement ou indirectement.
15 Le Royaume d’Espagne ainsi que certains bénéficiaires de la mesure en cause, dont Retevisión I et Abertis Telecom, ont saisi le Tribunal de plusieurs recours en annulation de la décision 2014/489. Par arrêts du 26 novembre 2015, Espagne/Commission (T 461/13, EU:T:2015:891), du 26 novembre 2015, Abertis Telecom et Retevisión I/Commission (T 541/13, non publié, EU:T:2015:898), du 26 novembre 2015, Navarra de Servicios y Tecnologías/Commission (T 487/13, non publié, EU:T:2015:899), du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma de Cataluña et CTTI/Commission (T 465/13, non publié, EU:T:2015:900), du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (T 463/13 et T 464/13, non publié, EU:T:2015:901), et du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma del País Vasco et Itelazpi/Commission (T 462/13, EU:T:2015:902), le Tribunal a rejeté tous ces recours et a confirmé la décision 2014/489.
16 Par la suite, les arrêts du Tribunal mentionnés au point ci-dessus ont fait l’objet de pourvois devant la Cour, introduits respectivement par le Royaume d’Espagne, par la Comunidad Autónoma del País Vasco (Communauté autonome du Pays basque, Espagne) et Itelazpi, SA, par la Comunidad Autónoma de Cataluña (Communauté autonome de Catalogne, Espagne) et Centre de Telecomunicacions i Tecnologies de la Informació de la Generalitat de Catalunya (CTTI), par la Comunidad Autónoma de Galicia (Communauté autonome de Galice, Espagne) et Redes de Telecomunicación Galegas Retegal, SA (Retegal), par Navarra de Servicios y Tecnologías, SA ainsi que par Abertis Telecom et Retevisión I. Le pourvoi introduit par le Royaume d’Espagne contre l’arrêt du 26 novembre 2015, Espagne/Commission (T 461/13, EU:T:2015:891), a été rejeté par la Cour dans son arrêt du 20 décembre 2017, Espagne/Commission (C 81/16 P, EU:C:2017:1003). Les pourvois introduits par la Communauté autonome du Pays basque et Itelazpi, par la Communauté autonome de Catalogne et CTTI, par Navarra de Servicios y Tecnologías ainsi que par Abertis Telecom et Retevisión I contre les arrêts du 26 novembre 2015, Abertis Telecom et Retevisión I/Commission (T 541/13, non publié, EU:T:2015:898), du 26 novembre 2015, Navarra de Servicios y Tecnologías/Commission (T 487/13, non publié, EU:T:2015:899), du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma de Cataluña et CTTI/Commission (T 465/13, non publié, EU:T:2015:900), et du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma del País Vasco et Itelazpi/Commission (T 462/13, EU:T:2015:902), ont été rejetés par la Cour dans l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission (C 66/16 P à C 69/16 P, EU:C:2017:999). Enfin, le pourvoi introduit par la Communauté autonome de Galice et Retegal contre l’arrêt du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (T 463/13 et T 464/13, non publié, EU:T:2015:901), a été accueilli par la Cour dans son arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002).
17 Dans l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002), la Cour a jugé que la décision 2014/489 violait l’obligation de motivation en ce qu’elle concluait à la sélectivité de l’avantage conféré par la mesure en cause, dès lors que, en substance, les motifs de ladite décision ne comportaient aucune indication permettant de comprendre les raisons pour lesquelles il convenait de considérer que les entreprises actives dans le secteur de la radiodiffusion se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable par rapport aux entreprises actives dans d’autres secteurs ou que les entreprises utilisant la technologie terrestre se trouvaient dans une telle situation par rapport aux entreprises utilisant d’autres technologies (arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission, C 70/16 P, EU:C:2017:1002, point 61). Partant, la Cour a annulé l’arrêt du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (T 463/13 et T 464/13, non publié, EU:T:2015:901), ainsi que la décision 2014/489.
18 À la suite de l’annulation de la décision 2014/489, l’intervenante a envoyé à la Commission, de son propre chef, plusieurs lettres, les 22 et 30 janvier, 29 mai, 15 juin 2018 et 11 janvier 2019, dans lesquelles elle a exprimé son point de vue concernant les conséquences qu’il convenait de tirer de cette annulation. Plusieurs réunions ont eu lieu, au cours de l’enquête, à l’initiative des parties : le 28 juin 2018 entre la Commission et Cellnex Telecom, le 19 septembre 2018 entre la Commission et l’intervenante, et le 16 octobre 2018 entre la Commission et le Royaume d’Espagne. Le 31 octobre 2018, le Royaume d’Espagne a fourni un résumé des procédures d’appels d’offres et des autres mesures mises en œuvre par les communautés autonomes à la suite de la décision 2014/489. Par lettre du 14 décembre 2018, la Commission a demandé des informations complémentaires au Royaume d’Espagne. Celui-ci a fourni des informations supplémentaires le 19 février 2019. Le 19 mars de la même année, le Royaume d’Espagne a transmis à la Commission un mémoire de la Communauté autonome du Pays basque en date du 4 février 2019. Le 4 avril 2019, la Commission a envoyé une demande d’informations au Royaume d’Espagne, lequel y a répondu le 10 mai 2019. Le 26 avril 2019, la Commission a envoyé de nouvelles demandes d’informations, dans lesquelles elle invitait le Royaume d’Espagne, Itelazpi, CTTI, Navarra de Servicios y Tecnología, Retegal, l’intervenante et les requérantes à lui faire part de leur point de vue au sujet de la sélectivité de la mesure en cause, à la lumière de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002). L’intervenante a répondu à cette demande d’informations le 27 mai 2019, tandis que Cellnex Telecom et Itelazpi l’ont fait le 13 juin 2019. Le Royaume d’Espagne y a répondu 14 juin 2019. Le 1er octobre 2020, la Commission a envoyé une demande d’informations au Royaume d’Espagne afin d’obtenir des informations actualisées depuis l’adoption de la décision 2014/489, à laquelle cet État membre a répondu les 19 octobre 2020 et 5 février 2021.
19 C’est dans ce contexte que, le 10 juin 2021, la Commission a adopté la décision attaquée, dans laquelle elle a considéré que la mesure en cause constituait un régime d’aides financé directement à partir du budget de l’État ou des budgets de certaines communautés autonomes et d’organismes locaux conférant un avantage économique aux opérateurs exploitant le réseau terrestre (ci-après les « opérateurs de réseau terrestre » ou les « opérateurs de la plateforme terrestre »). En outre, dans la décision attaquée, la Commission a désigné les bénéficiaires directs de la mesure en cause comme étant les opérateurs de réseau terrestre ayant reçu les fonds destinés à l’amélioration et à l’extension de leur réseau dans la zone II ainsi qu’à la fourniture d’équipements concernant leur réseau, et ayant également bénéficié de l’aide en cours pour l’exploitation et la maintenance de ces réseaux. Ensuite, elle a confirmé la sélectivité de la mesure en cause au motif, en substance, d’une part, que cette mesure avait réduit, pour certains opérateurs, les coûts qui, dans une économie de marché, doivent être habituellement supportés par les entreprises et, d’autre part, que même dans le cas où le système de référence aurait été le secteur de la radiodiffusion et où son objectif aurait été la transmission d’émissions numériques, la mesure en cause conférait un avantage uniquement aux opérateurs de la plateforme terrestre alors même que des technologies autres que la technologie terrestre (en particulier la technologie satellitaire) étaient en mesure d’offrir des services de transmission du signal de radiodiffusion numérique. Par ailleurs, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les conditions énoncées dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C 280/00, EU:C:2003:415), n’étaient pas réunies en l’espèce, que la mesure en cause faussait le jeu de la concurrence entre les plateformes terrestre et satellitaire et qu’elle affectait les échanges entre les États membres. Enfin, la mesure en cause a été considérée comme incompatible avec le marché intérieur et ne pouvant pas bénéficier de l’exception visée à l’article 106, paragraphe 2, TFUE. La Commission a donc ordonné la récupération de l’aide auprès de ses bénéficiaires.
20 Le dispositif de la décision attaquée prévoit ce qui suit :
« Article premier
L’aide d’État accordée aux opérateurs de la plateforme de télévision terrestre pour le déploiement, la maintenance et l’exploitation du réseau de télévision numérique terrestre dans la zone II, exécutée illégalement par [le Royaume d’Espagne], en violation des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], est incompatible avec le marché intérieur, à l’exception de l’aide qui aurait été accordée conformément au principe de neutralité technologique.
Article 2
L’aide individuelle octroyée au titre du régime visé à l’article 1er n’est pas constitutive d’une aide d’État si, au moment de son octroi, elle remplissait les conditions établies dans le règlement adopté en vertu de l’article 2 du règlement (CE) no 994/98 du Conseil, applicable au moment où l’aide est octroyée.
Article 3
1. [Le Royaume d’Espagne] est [tenu] de récupérer auprès des bénéficiaires l’aide incompatible octroyée au titre du régime visé à l’article 1er.
2. Les sommes à récupérer produisent des intérêts qui courent à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires jusqu’à leur récupération effective.
3. Le taux d’intérêt est calculé sur une base composée conformément au chapitre V du [règlement (CE) no 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE].
4. [Le Royaume d’Espagne] annulera tous les paiements en suspens de l’aide visée à l’article 1er, à compter de la date de la notification de la présente décision.
Article 4
1. La récupération de l’aide octroyée dans le cadre du régime visé à l’article 1er sera immédiate et effective.
2. [Le Royaume d’Espagne] veillera à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans un délai de quatre mois à compter de sa notification.
Article 5
1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, [le Royaume d’Espagne] communiquera les informations suivantes :
a) la liste des bénéficiaires qui ont reçu l’aide en vertu du régime cité à l’article 1er et le montant total de l’aide reçue par chacun d’entre eux, conformément audit régime, ventilé en fonction des catégories ci-après : i) adjudicataires des appels d’offres non neutres technologiquement destinés à l’extension de la couverture, lancés par les communautés autonomes et [les communes] ; ii) [communes] agissant en tant qu’opérateur de réseau ; iii) entreprises publiques agissant en tant qu’opérateur de réseau, et iv) adjudicataires des appels d’offres non neutres technologiquement destinés à l’extension de la couverture, lancés par l’entreprise publique ;
b) le montant total (principal et intérêts) à recouvrer auprès de chaque bénéficiaire ;
c) une description détaillée des mesures déjà adoptées et prévues pour se conformer à la présente décision ;
d) les documents confirmant qu’il a été ordonné aux bénéficiaires de rembourser l’aide.
2. [Le Royaume d’Espagne] tiendra la Commission informée de l’avancement des mesures nationales adoptées afin de mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide octroyée au titre du régime visé à l’article 1er. [Il] transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. [Il] fournira aussi des informations détaillées concernant les montants de l’aide et des intérêts déjà perçus auprès des bénéficiaires.
Article 6
Le Royaume d’Espagne est destinataire de la présente décision ».
Conclusions des parties
21 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
22 La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité du recours
23 L’intervenante soulève une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête.
24 À cet égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union européenne est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C 23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52).
25 En l’espèce, le Tribunal considère que, dans un souci d’économie de la procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée le bien-fondé du recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité.
Sur le fond
26 Les requérantes invoquent deux moyens à l’appui du recours. Le premier moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et des droits procéduraux des parties intéressées, de la violation de l’article 6, paragraphe 2, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9) et de la violation des droits de la défense du Royaume d’Espagne. Le second moyen est tiré, en substance, d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne la notion de « sélectivité », d’une violation de la charge de la preuve et d’une violation de l’obligation de motivation.
Remarques liminaires
27 En premier lieu, le règlement 2015/1589 a abrogé le règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité sur la Communauté européenne (JO 1999, L 83, p. 1), et est entré en vigueur le vingtième jour suivant sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, laquelle est intervenue le 24 septembre 2015. Dès lors, la procédure formelle d’examen qui a été, de fait, rouverte après l’annulation de la décision 2014/489 par l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002), était régie par les dispositions du règlement 2015/1589. C’est donc au regard de ce règlement qu’il y a lieu d’apprécier si les requérantes sont fondées à soutenir que, après cet arrêt, la Commission aurait dû adopter une décision d’ouverture rectificative ou complémentaire, voire une nouvelle décision d’ouverture, et qu’elle aurait dû communiquer au Royaume d’Espagne les observations de l’intervenante et des autres parties intéressées en réponse à sa demande d’informations du 26 avril 2019. En revanche, l’argument des requérantes tiré de l’insuffisance de l’analyse préliminaire de la sélectivité contenue dans la décision d’ouverture doit être apprécié au regard des dispositions du règlement no 659/1999, qui était applicable au moment de l’adoption de ladite décision.
28 En second lieu, l’intervenante a soulevé l’irrecevabilité du premier moyen au motif qu’il était fondé sur une irrégularité entachant la décision d’ouverture qui a été invoquée pour la première fois dans le cadre du présent recours.
29 À cet égard, il y a lieu de relever que l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002), ne s’est pas prononcé sur le caractère suffisant de la motivation de la décision d’ouverture au regard, notamment, des exigences énoncées à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 et que les parties n’allèguent ni que le Tribunal ou la Cour avaient été saisis de cette question, ni que cette dernière aurait été définitivement tranchée. Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que le respect des droits procéduraux des parties intéressées implique qu’elles puissent attaquer la décision finale en invoquant au soutien de leur requête des vices relatifs à toutes les étapes de la procédure conduisant à cette décision et donc, y compris, ceux relatifs à la décision d’ouverture (voir arrêt du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission, T 394/08, T 408/08, T 453/08 et T 454/08, EU:T:2011:493, point 78 et jurisprudence citée).
30 Il s’ensuit que les requérantes sont recevables à invoquer, pour la première fois dans le cadre du présent recours, des irrégularités viciant la décision d’ouverture et, partant, la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.
31 Dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par l’intervenante doit être écartée, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.
Sur le premier moyen, tiré, en substance, de la violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et des droits procéduraux des parties intéressées, de la violation de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 et de la violation des droits de la défense du Royaume d’Espagne
32 Le premier moyen se divise, en substance, en trois branches. La première branche est tirée de la violation de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et des droits procéduraux dont bénéficient les parties intéressées dans le cadre de cette procédure, faute pour la Commission d’avoir adopté une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen initiale, rectificative ou complémentaire incluant une analyse préliminaire suffisante de la sélectivité sur laquelle elles auraient pu présenter des observations. La deuxième branche est tirée de la violation de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 en ce que la Commission n’aurait pas transmis au Royaume d’Espagne les observations de l’intervenante et des parties intéressées en réponse à la demande d’informations contenue dans sa lettre du 26 avril 2019. La troisième branche est tirée de la violation des droits de la défense du Royaume d’Espagne. Selon les requérantes, en l’absence de ces irrégularités, la décision attaquée n’aurait probablement pas été entachée des erreurs et des contradictions décrites dans la requête et aurait eu un contenu différent.
33 Il y a lieu d’examiner, d’abord, la première branche, puis, conjointement, les deuxième et troisième branches.
– Sur la première branche, tirée de la violation de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et des droits procéduraux dont bénéficient les parties intéressées
34 Les requérantes font valoir que la décision attaquée a été adoptée en violation de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et des droits procéduraux dont bénéficient les parties intéressées dans le cadre de cette procédure, faute pour la Commission d’avoir adopté une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen incluant une analyse préliminaire suffisante de la sélectivité sur laquelle elles auraient pu présenter des observations. Selon les requérantes, une telle analyse ne figurait pas dans la décision d’ouverture, ce qui aurait été, en substance, mis en lumière par l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002), lequel a annulé la décision 2014/489 au motif que celle-ci ne comportait pas une indication des raisons pour lesquelles la Commission avait considéré que la technologie terrestre et la technologie satellitaire se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par la mesure en cause. Dans ces circonstances, avant d’adopter la décision attaquée, la Commission aurait dû adopter une décision d’ouverture rectificative ou complémentaire, voire une nouvelle décision d’ouverture afin d’esquisser son raisonnement préliminaire concernant la prétendue sélectivité de la mesure en cause.
35 La Commission et l’intervenante contestent les arguments des requérantes.
36 Aux termes de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107 TFUE, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.
37 L’article 4, paragraphe 4, du règlement no 659/1999 énonce que si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Selon l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement, « [l]a décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. »
38 Conformément à la jurisprudence, il résulte de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999 que, lorsque la Commission décide d’ouvrir une procédure formelle d’examen au sujet d’un projet d’aide, elle doit mettre l’État membre concerné et les autres parties intéressées en mesure de présenter leurs observations et que cette obligation a le caractère d’une « formalité substantielle ». Ce caractère résulte de ce qu’une telle obligation constitue une condition essentielle de procédure intrinsèquement liée à la formation ou à l’expression correctes de la volonté de l’auteur de l’acte (arrêt du 10 mars 2022, Commission/Freistaat Bayern e.a., C 167/19 P et C 171/19 P, EU:C:2022:176, point 89).
39 Or, l’obligation que la Cour a qualifiée de « formalité substantielle » est concrétisée, en particulier, à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, qui impose notamment à la Commission de récapituler, dans la décision d’ouverture, les éléments de fait et de droit pertinents pour l’examen de l’aide ou du projet d’aide en cause et, par conséquent, de garantir l’effet utile de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 10 mars 2022, Commission/Freistaat Bayern e.a., C 167/19 P et C 171/19 P, EU:C:2022:176, point 90).
40 Il s’ensuit, notamment, que la sélectivité de l’avantage, en ce qu’elle relève des conditions présidant à la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, constitue un élément pertinent, au sens de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 659/1999, et doit, en tant que tel, être récapitulé et évalué dans la décision d’ouverture (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 mars 2022, Commission/Freistaat Bayern e.a., C 167/19 P et C 171/19 P, EU:C:2022:176, point 55).
41 En l’espèce, il y a donc lieu d’examiner si les requérantes sont fondées à soutenir que l’analyse préliminaire de la sélectivité de la mesure en cause exposée dans la décision d’ouverture était insuffisante, au regard des exigences prévues à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.
42 Afin d’apprécier l’étendue de l’obligation de motiver une décision d’ouverture d’une procédure formelle d’examen, telle que la décision d’ouverture, il convient de rappeler que, conformément à l’article 6 du règlement no 659/1999, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la décision d’ouverture peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une « évaluation préliminaire » de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur (arrêts du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T 195/01 et T 207/01, EU:T:2002:111, point 137 ; du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T 346/99 à T 348/99, EU:T:2002:259, point 99, et du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, T 332/06, non publié, EU:T:2009:79, point 79). La décision d’ouverture de la procédure formelle contient donc une évaluation provisoire à la fois de la qualification de la mesure d’aide d’État et de sa compatibilité avec le marché intérieur (arrêt du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T 346/99 à T 348/99, EU:T:2002:259, point 75).
43 Le caractère nécessairement provisoire de la qualification d’une mesure étatique d’aide d’État dans une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen est, au demeurant, confirmé par l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, qui prévoit que, à l’issue de la procédure formelle d’examen, la Commission peut constater que la mesure ne constitue pas une aide (arrêt du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T 346/99 à T 348/99, EU:T:2002:259, point 78).
44 En outre, selon la jurisprudence, bien que constituant deux critères distincts, les notions d’« avantage » et de « sélectivité » peuvent être examinées conjointement, en tant que « troisième condition », prévue par l’article 107, paragraphe 1, TFUE, portant sur l’existence d’un « avantage sélectif » (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2023, Magnetrol International e.a./Commission, T 263/16 RENV, T 265/16, T 311/16, T 319/16, T 321/16, T 343/16, T 350/16, T 444/16, T 800/16 et T 832/16, sous pourvoi, EU:T:2023:565, points 45 à 47 et jurisprudence citée).
45 En premier lieu, en l’espèce, il convient de relever que la mesure en cause, examinée dans la décision d’ouverture, a été adoptée dans un contexte bien connu des requérantes, qui étaient actives dans le marché des télécommunications numériques (voir point 11 ci dessus). Le cadre juridique de référence ayant pour objet de réglementer le secteur de la radiodiffusion télévisée numérique et d’organiser la transition de la radiodiffusion analogique vers la radiodiffusion numérique des signaux de télévision est décrit aux considérants 6 à 11 de la décision d’ouverture. En particulier, il ressort des considérants 6 et 7 de la décision d’ouverture que la mesure en cause a été adoptée dans le cadre du régime de transition vers la télévision numérique en Espagne et qu’elle vise à permettre de couvrir par le signal de télévision numérique les zones qui n’étaient pas concernées par les obligations de couverture imposées aux radiodiffuseurs publics et privés, à l’exception de celles qui étaient le plus isolées, où il ne serait pas possible de construire un réseau terrestre et où la plateforme satellitaire serait la seule disponible.
46 Ensuite, au considérant 22 de la décision d’ouverture est rappelée la position des autorités espagnoles selon laquelle la mesure en cause n’était pas discriminatoire dès lors que les opérateurs de réseau terrestre et ceux de réseau satellitaire opéraient sur des marchés différents et les premiers fournissaient un service public et émettaient essentiellement en clair, alors que les seconds utilisaient un modèle privé et payant. Les autorités espagnoles ont ajouté que la mesure en cause n’était pas sélective, car les opérateurs de réseau satellitaire pouvaient participer aux appels d’offres organisés par les communautés autonomes, à l’instar de l’intervenante en Cantabrie, et que lesdites communautés n’excluaient pas expressément la participation des opérateurs de la plateforme satellitaire.
47 En outre, au considérant 28 de la décision d’ouverture, la Commission a rappelé que les autorités espagnoles avaient considéré que les coûts de l’extension de la couverture par la technologie terrestre et par la technologie satellitaire n’étaient pas comparables et avaient présenté, à cet effet, une étude de coûts réalisée en 2007 (ci-après l’« étude de coûts de 2007 »). La Commission a considéré que ce postulat n’était pas totalement justifié et qu’il ne pouvait pas être conclu, dans l’absolu, que la technologie terrestre était moins onéreuse.
48 Par ailleurs, la Commission a examiné conjointement les conditions relatives à l’existence d’un avantage et à la sélectivité dudit avantage aux considérants 37 à 47 de la décision d’ouverture. Au considérant 47 de cette décision, elle a conclu que la mesure en cause semblait octroyer un avantage sélectif notamment aux fournisseurs/installateurs de réseaux (avantage sectoriel), aux opérateurs de la plateforme TNT et aux radiodiffuseurs des chaînes TNT en clair et payantes.
49 À cet égard, le considérant 40 de la décision d’ouverture indique que les opérateurs privés existants du réseau analogique continuaient d’exploiter le réseau TNT, tandis que les communes et autres entités publiques qui exploitaient ledit réseau bénéficiaient de financements publics pour l’extension et la mise à niveau de leur réseau numérique. Selon le considérant 43 de la même décision, il fallait ajouter à ces bénéfices les subventions continues des gouvernements régionaux au coût opérationnel des réseaux numériques locaux.
50 De plus, au considérant 44 de la décision d’ouverture, la Commission a rappelé l’argument de l’intervenante selon lequel, en substance, les opérateurs de réseau terrestre obtenaient un avantage direct dans leur rapport de concurrence avec les opérateurs d’autres plateformes. La Commission a également indiqué qu’un radiodiffuseur intéressé par une couverture nationale aurait été, dès lors, moins enclin à opter pour la plateforme satellitaire.
51 Il découle ainsi clairement des considérants 22, 28, 40, 41, 43 et 44 de la décision d’ouverture que la Commission a comparé la situation des opérateurs de la plateforme terrestre à celle des opérateurs d’autres plateformes et, en particulier, de la plateforme satellitaire. La Commission a donc considéré que ces situations étaient comparables aux fins de l’examen de la condition de sélectivité de l’avantage, au regard de l’objectif poursuivi par le cadre juridique de référence régissant le passage à la télévision numérique en Espagne, en tenant compte de leur capacité de transmission du signal de radiodiffusion numérique.
52 Enfin, le constat exposé au point 51 ci-dessus ressort également des considérants 49 à 52 de la décision d’ouverture, relatifs à la distorsion de la concurrence. En particulier, le considérant 49 de ladite décision indique, en substance, que la mesure en cause, en ce qu’elle visait la numérisation et l’installation des centres émetteurs terrestres, sans prendre en considération la diffusion du signal de télévision par satellite, pouvait fausser la concurrence entre la plateforme terrestre et la plateforme satellitaire. De plus, au considérant 51 de la décision d’ouverture a été rejeté l’argument des autorités espagnoles, rappelé au considérant 50 de ladite décision, selon lequel la plateforme satellitaire opérée par l’intervenante ne faisait pas partie du même marché que la plateforme terrestre, dès lors qu’elle ne disposait pas de droits d’émission en clair. À cet égard, le considérant 51 indique, en particulier, que l’intervenante avait été en concurrence avec la plateforme terrestre pour l’extension de la couverture en Cantabrie et que la plateforme satellitaire avait été utilisée dans la zone III après que le gouvernement espagnol avait imposé aux radiodiffuseurs des obligations afin de garantir que leur signal soit transmis par le biais de cette plateforme. Enfin, au considérant 52 de la décision d’ouverture, la Commission a soutenu que le fait que les radiodiffuseurs des chaînes en clair étaient réticents à utiliser la plateforme satellitaire n’impliquait pas que ladite plateforme et la plateforme terrestre appartenaient à des marchés différents et que la situation aurait pu être différente si le gouvernement était intervenu d’une autre manière en ce qui concerne la radiodiffusion dans la zone II.
53 Par conséquent, compte tenu de la nature et du contenu susmentionné de la décision d’ouverture, ainsi que du contexte de son adoption, il y a lieu de considérer que les requérantes étaient en mesure, malgré le caractère succinct de la motivation relative au caractère sélectif de la mesure en cause dans cette décision, de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a considéré, à titre préliminaire, que celle-ci apparaissait conférer un avantage sélectif notamment aux opérateurs de réseau terrestre par rapport aux opérateurs de réseau utilisant d’autres technologies et, plus particulièrement, celle satellitaire, lesquels étaient en concurrence avec les premiers pour la diffusion du signal de télévision numérique visée par le régime juridique régissant le passage à la télévision numérique en Espagne. Or, il se trouve que cette appréciation préliminaire de la Commission a été, en substance, confirmée par le raisonnement subsidiaire concernant la sélectivité, figurant aux considérants 172 et suivants de sa décision attaquée.
54 Dès lors, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la décision d’ouverture a violé l’article 108, paragraphe 2, TFUE et l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, en n’indiquant pas le système de référence et en ne présentant pas une analyse préliminaire de la comparabilité en fait et en droit entre les opérateurs de réseau terrestre et ceux de réseau satellitaire au regard de l’objectif poursuivi par ce système de référence.
55 En deuxième lieu, force est de constater que la motivation afférente au caractère sélectif de la mesure en cause, contenue dans la décision d’ouverture, a permis à Cellnex Telecom de présenter son point de vue sur cette question, notamment quant à la comparabilité des situations des technologies terrestre et satellitaire.
56 En effet, dans ses observations du 2 février 2011 sur la décision d’ouverture, Cellnex Telecom a soutenu que les plateformes terrestre et satellitaire n’étaient pas présentes sur le même marché et que le cas de l’appel d’offres en Cantabrie n’établissait pas le contraire. Elle a expliqué, à cet égard, que, s’il avait été techniquement possible d’employer la technologie satellitaire dans la zone II, les radiodiffuseurs ne percevaient pas les technologies en cause comme substituables. En outre, au point 6 des observations susmentionnées, Cellnex Telecom a fait valoir plusieurs éléments censés différencier les technologies terrestre et satellitaire. Elle a ainsi soutenu que l’emploi de la technologie satellitaire pour l’extension de la couverture dans la zone II était plus onéreux, que les radiodiffuseurs étaient réticents à diffuser leurs programmes par ce biais, dès lors qu’ils disposaient déjà des droits de diffusion par voie terrestre et que la TNT permettait aux radiodiffuseurs de diffuser les programmes régionaux ou locaux dans les zones pour lesquelles ils ont été créés, ce que la technologie satellitaire n’aurait pas permis de faire.
57 En troisième lieu, en réponse à une question posée par le Tribunal concernant les conséquences à tirer, dans le cadre de la présente affaire, de l’arrêt 14 décembre 2023, EDP España/Naturgy Energy Group et Commission (C 693/21 P et C 698/21 P, EU:C:2023:989), les requérantes ont soutenu que le raisonnement sur lequel repose cet arrêt est le même que celui sur lequel repose leur argumentation au soutien du premier moyen. En effet, dans ledit arrêt, la Cour a annulé la décision d’ouverture alors en cause au motif qu’elle était dépourvue de motivation en ce qui concernait la sélectivité de la mesure litigieuse et ne comportait pas d’appréciations préliminaires sur la comparabilité entre les entreprises bénéficiaires de la mesure en cause et d’autres entreprises qui en étaient exclues. En l’espèce, l’erreur serait encore plus flagrante, car la décision d’ouverture ne contiendrait pas un seul point consacré à l’analyse de la sélectivité.
58 D’une part, dans l’arrêt du 14 décembre 2023, EDP España/Naturgy Energy Group et Commission (C 693/21 P et C 698/21 P, EU:C:2023:989, point 83), la Cour a considéré que la décision d’ouverture alors en cause était, en substance, entachée d’un défaut de motivation en ce que la Commission avait omis d’y exposer les motifs pour lesquels la mesure litigieuse favorisait certaines entreprises par rapport à d’autres qui se trouvaient, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable.
59 Cette conclusion doit, toutefois, être lue à la lumière du contenu de la décision d’ouverture alors en cause ainsi que de la mesure d’aide alors examinée. À cet égard, il y a lieu de relever que la décision d’ouverture alors en cause portait sur un régime de subventions visant à encourager la production électrique, lequel ne bénéficiait qu’aux seules centrales à charbon remplissant certaines conditions.
60 Or, à l’exception de l’évocation d’un rapport de concurrence entre les centrales bénéficiaires de la mesure d’aide examinée et les autres centrales, la décision d’ouverture alors en cause ne comportait pas d’autres indications permettant de comprendre les raisons pour lesquelles l’ensemble de ces centrales auraient été dans une situation comparable.
61 D’autre part, il ressort notamment des points 45 à 53 ci-dessus que, en l’espèce, la décision d’ouverture comportait, globalement, une analyse préliminaire de la sélectivité dont il pouvait aisément être déduit que, eu égard à l’objectif de diffusion du signal de télévision numérique, les technologies satellitaire et terrestre étaient, selon la Commission, dans une situation comparable dès lors qu’elles pouvaient toutes les deux assurer la couverture de la population espagnole par le signal de télévision numérique, en particulier, dans la zone II. Ainsi, le fait que les technologies satellitaire et terrestre soient concurrentes et, donc, capables de diffuser le signal de télévision numérique notamment dans les zones plus éloignées et isolées du territoire, ce qui correspond à l’objectif du cadre juridique de référence dans lequel s’inscrit la mesure en cause, doit, dans les circonstances concrètes de l’espèce, être considéré comme un élément pertinent aux fins de la comparabilité des technologies en cause. Il convient en outre de rappeler que, dans la décision d’ouverture, la Commission a également écarté des arguments avancés par les autorités espagnoles visant à démontrer que les technologies susmentionnées n’étaient pas comparables en raison de leurs coûts respectifs et du fait que les radiodiffuseurs des chaînes en clair auraient été réticents à utiliser la plateforme satellitaire (voir points 47 et 52 ci-dessus).
62 La solution retenue dans l’arrêt du 14 décembre 2023, EDP España/Naturgy Energy Group et Commission (C 693/21 P et C 698/21 P, EU:C:2023:989), n’est donc pas transposable au cas d’espèce.
63 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la décision d’ouverture contenait une analyse préliminaire de la sélectivité de la mesure en cause suffisante et, partant, que la Commission a respecté son obligation de mettre les requérantes en mesure de présenter leurs observations sur cet élément dans le respect de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.
64 Enfin, et en tout état de cause, le fait que, dans le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, la décision attaquée tienne compte des éléments énoncés au point 56 ci-dessus ainsi que d’autres éléments de fait ou de droit communiqués par le Royaume d’Espagne et par les autres parties intéressées lors de la procédure formelle d’examen et que, partant, l’analyse de la sélectivité de la mesure en cause soit plus étoffée que celle présentée dans la décision d’ouverture n’est pas, en soi, susceptible de faire naître une obligation, à l’égard de la Commission, d’adopter une décision d’ouverture rectificative ou complémentaire afin de permettre aux parties intéressées de présenter à nouveau leurs observations sur une analyse préliminaire de la sélectivité, par hypothèse plus étoffée, sauf à méconnaître la distinction entre la décision d’ouverture et la décision clôturant ladite procédure ainsi que la jurisprudence citée aux points 42 et 43 ci-dessus.
65 En quatrième lieu, il ressort de la jurisprudence que ce n’est que dans l’hypothèse où la Commission s’apercevrait, après l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, que cette dernière est fondée soit sur des faits incomplets, soit sur une qualification juridique erronée de ces faits qu’elle devrait avoir la possibilité, voire l’obligation, d’adapter sa position en adoptant une décision de rectification ou une nouvelle décision d’ouverture, afin de permettre à l’État membre concerné et aux autres parties intéressées de présenter utilement leurs observations (voir arrêt du 30 avril 2019, UPF/Commission, T 747/17, EU:T:2019:271, point 76 et jurisprudence citée ; arrêt du 21 décembre 2021, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo/Commission, T 263/15 RENV, non publié, EU:T:2021:927, point 68).
66 En effet, ce n’est que lorsque la Commission modifie son raisonnement, à la suite de la décision d’ouverture d’une enquête, sur des faits ou une qualification juridique de ces faits qui s’avèrent déterminants dans son appréciation quant à l’existence d’une aide ou de sa compatibilité avec le marché intérieur qu’elle se doit de rectifier la décision d’ouverture ou d’étendre celle-ci, afin de permettre à l’État membre concerné et aux autres parties intéressées de présenter utilement leurs observations (arrêts du 30 avril 2019, UPF/Commission, T 747/17, EU:T:2019:271, point 77, et du 21 décembre 2021, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo/Commission, T 263/15 RENV, non publié, EU:T:2021:927, point 69).
67 Or, en l’espèce, les requérantes sont restées en défaut d’indiquer en quoi le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité retenu dans la décision attaquée serait fondé sur des faits ou une qualification juridique de ces faits qui s’avéreraient déterminants pour l’appréciation de l’existence d’une aide ou de sa compatibilité avec le marché intérieur et qui, par hypothèse, n’auraient pas été déjà esquissés dans la décision d’ouverture.
68 Eu égard à ce qui précède, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que, avant d’adopter la décision attaquée, la Commission aurait dû adopter une décision rectificative ou complémentaire, voire une nouvelle décision d’ouverture, afin d’exposer de façon préliminaire son appréciation du système de référence, de l’objectif de ce dernier et de la comparabilité des situations en cause.
69 Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait été tenue d’adopter une nouvelle décision d’ouverture de la procédure à la suite de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002), lequel aurait annulé aussi bien la décision 2014/489 que la décision d’ouverture. À cet égard, si les requérantes reconnaissent que l’annulation d’un acte de l’Union n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires, elles soutiennent qu’il en irait autrement dans le cas d’espèce au motif que le considérant 41 de la décision 2014/489 indiquait que la décision d’ouverture faisait partie intégrante de ladite décision. [REQ pt. 39 à 42 et transcript page 40]
70 Premièrement, afin de se conformer à un arrêt d’annulation et de lui donner pleine exécution, les institutions sont tenues de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. En effet, ce sont ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que les institutions concernées doivent prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (voir arrêt du 6 juillet 2017, SNCM/Commission, T 1/15, non publié, EU:T:2017:470, point 64 et jurisprudence citée).
71 En outre, l’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative comprenant différentes phases n’entraîne pas nécessairement l’annulation de toute la procédure précédant l’adoption de l’acte attaqué indépendamment des motifs, de fond ou de procédure, de l’arrêt d’annulation (voir arrêt du 6 juillet 2017, SNCM/Commission, T 1/15, non publié, EU:T:2017:470, point 66 et jurisprudence citée).
72 La procédure visant à remplacer un tel acte peut ainsi être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue (voir arrêt du 6 juillet 2017, SNCM/Commission, T 1/15, non publié, EU:T:2017:470, point 65 et jurisprudence citée).
73 En l’espèce, il ressort du point 1 du dispositif de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002), ainsi que des motifs qui en constituent le soutien nécessaire, que la Cour a annulé la décision 2014/489 en raison d’une insuffisance de sa motivation concernant la sélectivité de la mesure en cause. Dans ledit arrêt, la Cour a constaté que cette décision ne contenait pas de motifs suffisants au soutien de la conclusion selon laquelle la mesure en cause était sélective et ne s’est prononcée ni sur l’existence d’une motivation suffisante de la décision d’ouverture ni sur la légalité de ladite décision.
74 Ainsi, l’illégalité qui a entaché la décision 2014/489 est intervenue au moment de son adoption et ne concerne pas la procédure la précédant, sur laquelle la Cour ne s’est pas prononcée. Dès lors, l’exécution de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002), n’imposait pas à la Commission de reprendre l’intégralité de la procédure prévue à l’article 108 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Italie/Commission, T 257/10, non publié, EU:T:2012:504, points 48 et 49).
75 Deuxièmement, force est de constater que si le considérant 41 de la décision 2014/489 indiquait que la décision d’ouverture faisait « partie intégrante » de la décision 2014/489, c’est afin de renvoyer, « pour plus de détails », aux motifs justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen qui étaient exposés dans cette décision. Ainsi, la décision d’ouverture n’a pas été annulée par l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002), qui n’a pas pris position sur la légalité de cette décision et n’a pas eu d’incidence sur l’existence de ladite décision, laquelle, au demeurant, a emporté des effets juridiques autonomes (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2023, EDP España/Naturgy Energy Group et Commission, C 693/21 P et C 698/21 P, EU:C:2023:989, point 65). L’argument des requérantes tiré de ce que la décision d’ouverture a été annulée par l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002), puisqu’elle faisait partie intégrante de la décision 2014/489, doit donc être rejeté.
76 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu d’écarter la première branche du premier moyen.
– Sur les deuxième et troisième branches, tirées, respectivement, de la violation de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 et de la violation des droits de la défense du Royaume d’Espagne
77 Les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir communiqué au Royaume d’Espagne des réponses de l’intervenante et des autres parties intéressées à la demande d’informations du 26 avril 2019, en méconnaissance de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 et des droits de la défense du Royaume d’Espagne.
78 La Commission conteste les arguments des requérantes.
79 En premier lieu, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2015/1589 dispose que la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois, sauf cas dûment justifiés. Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, les observations reçues sont communiquées à l’État membre concerné. Toute partie intéressée peut demander, pour cause de préjudice potentiel, que son identité ne soit pas révélée à ce dernier. L’État membre concerné a la possibilité de répondre aux observations transmises dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai.
80 Il découle d’une lecture combinée de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 que les observations visées à ce dernier paragraphe sont celles que les parties intéressées ont été invitées à présenter sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen.
81 Or, en l’espèce, la lettre de la Commission du 26 avril 2019 se limite à solliciter les observations des parties sur la sélectivité de la mesure en cause à la suite de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002), et, partant, ne constitue pas une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen.
82 Il s’ensuit que les observations de l’intervenante et des parties intéressées communiquées en réponse à la lettre susmentionnée ne constituent pas des observations sur une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen au sens de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589. Partant, la Commission n’était pas tenue, sur le fondement de cette disposition, de communiquer lesdites observations au Royaume d’Espagne.
83 En second lieu, il y a lieu de rappeler que la procédure administrative en matière d’aides d’État est seulement ouverte à l’encontre de l’État membre concerné. Seul l’État membre concerné, en tant que destinataire de la décision attaquée, peut donc se prévaloir de véritables droits de la défense (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T 267/08 et T 279/08, EU:T:2011:209, point 71 et jurisprudence citée).
84 En outre, selon la jurisprudence, la violation des droits de la défense constitue une illégalité subjective par sa nature, laquelle doit donc être invoquée par l’État membre concerné lui même (voir arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T 103/14, EU:T:2016:152, point 81 et jurisprudence citée ; arrêt du 21 décembre 2021, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo/Commission, T 263/15 RENV, non publié, EU:T:2021:927, point 82).
85 Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient se prévaloir de la violation des droits de la défense dont aurait été victime le Royaume d’Espagne.
86 Les deuxième et troisième branches du premier moyen doivent donc être écartées.
87 Compte tenu de ce qui précède, le premier moyen est rejeté.
Sur le second moyen, tiré, en substance, d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne la notion de « sélectivité », d’une violation de la charge de la preuve et d’une violation de l’obligation de motivation
88 Le second moyen comporte deux branches, tirées, la première, des erreurs et du défaut de motivation qui entachent le raisonnement principal sur la sélectivité et, la seconde, des erreurs et du défaut de motivation entachant le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité.
89 Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord la seconde branche du second moyen, laquelle se subdivise en cinq griefs. Le premier est tiré, en substance, d’un renversement illicite de la charge de la preuve de la sélectivité de la mesure en cause et d’autres erreurs de la Commission quant à l’établissement de cet élément. Le deuxième est tiré d’une erreur dans la définition du système de référence et d’une violation de l’obligation de motivation. Le troisième est tiré d’une erreur dans l’identification de l’objectif du système de référence et d’une violation de l’obligation de motivation. Le quatrième est tiré d’un défaut d’examen de la comparabilité sur le plan juridique des technologies terrestre et satellitaire et d’une violation de l’obligation de motivation. Le cinquième est tiré de l’existence d’erreurs entachant la comparaison sur le plan factuel des technologies terrestre et satellitaire et d’une violation de l’obligation de motivation.
– Sur le premier grief, tiré d’un renversement de la charge de la preuve et d’autres erreurs quant à l’établissement de la sélectivité
90 Les requérantes font grief à la Commission, en substance, de ne pas avoir établi, au regard de l’objectif poursuivi par le législateur espagnol, la comparabilité en droit et en fait entre les entreprises actives dans le secteur de la radiodiffusion utilisant la technologie numérique terrestre et celles utilisant d’autres technologies. En effet, la Commission se serait limitée à rejeter les arguments et les éléments de preuve fournis par le Royaume d’Espagne et les parties intéressées afin de démontrer l’absence de comparabilité des technologies en cause et à supposer que la mesure en cause était sélective, en transférant ainsi à tort la charge de la preuve de la sélectivité sur l’État membre. La décision attaquée ne comporterait pas d’analyse de la comparabilité factuelle et juridique requise par la jurisprudence. Par ailleurs, les requérantes font grief à la Commission, en substance, d’avoir examiné la sélectivité en opérant des renvois à son analyse de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, alors même que cette manière de procéder serait contraire à la jurisprudence. Au surplus, la Commission semblerait confondre la sélectivité de la mesure en cause avec sa compatibilité, dont la preuve incombe aux entreprises, dès lors qu’elle se serait référée, dans la décision attaquée, à la nécessité d’une étude ex ante pour prouver, en substance, l’absence de sélectivité de la mesure en cause.
91 La Commission et l’intervenante contestent les arguments des requérantes.
92 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêts du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C 20/15 P et C 21/15 P, EU:C:2016:981, point 53 et jurisprudence citée ; arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C 562/19 P, EU:C:2021:201, point 27).
93 En ce qui concerne la condition de sélectivité de l’avantage, inhérente à la qualification d’une mesure d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il résulte d’une jurisprudence bien établie que cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire (voir arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C 562/19 P, EU:C:2021:201, point 28 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C 51/19 P et C 64/19 P, EU:C:2021:793, point 32).
94 L’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être clairement distinguée de la détection concomitante d’un avantage économique en ce que, lorsque la Commission a décelé la présence d’un avantage, pris au sens large, découlant directement ou indirectement d’une mesure donnée, elle est tenue d’établir, en outre, que cet avantage profite spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises. Il lui incombe, pour ce faire, de démontrer, en particulier, que la mesure en cause introduit des différenciations entre les entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation comparable. Il faut donc que l’avantage soit octroyé de façon sélective et qu’il soit susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d’autres (voir arrêt du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C 270/15 P, EU:C:2016:489, point 48 et jurisprudence citée). Il doit toutefois être distingué selon que la mesure en cause est envisagée comme un régime général d’aide ou comme une aide individuelle. Dans ce dernier cas, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa sélectivité. En revanche, lors de l’examen d’un régime général d’aide, il est nécessaire d’identifier si la mesure en cause, nonobstant le constat qu’elle procure un avantage de portée générale, le fait au bénéfice exclusif de certaines entreprises ou de certains secteurs d’activités (voir arrêt du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C 270/15 P, EU:C:2016:489, point 49 et jurisprudence citée).
95 Selon la jurisprudence, il incombe à la Commission d’apporter la preuve de l’existence d’une « aide d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, partant, également la preuve que la condition d’octroi d’un avantage sélectif aux bénéficiaires est remplie (voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2023, Larko/Commission, C 445/22 P, non publié, EU:C:2023:773, point 29 et jurisprudence citée).
96 Dans ce contexte, pour qualifier une mesure nationale de « sélective », la Commission doit identifier, dans un premier temps, le système de référence, soit le régime « normal » applicable dans l’État membre concerné, et démontrer, dans un second temps, que la mesure en cause déroge à ce système de référence, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce système, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C 20/15 P et C 21/15 P, EU:C:2016:981, point 57, et du 16 mars 2021, Commission/Hongrie, C 596/19 P, EU:C:2021:202, point 37 et jurisprudence citée).
97 Cependant, il n’incombe pas à la Commission de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie, quand bien même de telles informations se trouveraient dans le domaine public (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 octobre 2023, Larko/Commission, C 445/22 P, non publié, EU:C:2023:773, point 34 et jurisprudence citée).
98 Enfin, la notion d’« aide d’État » ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient à démontrer que cette différenciation est justifiée dès lors qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C 20/15 P et C 21/15 P, EU:C:2016:981, point 58 ; voir, également, arrêt du 16 mars 2021, Commission/Hongrie, C 596/19 P, EU:C:2021:202, point 38 et jurisprudence citée).
99 C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’apprécier si, en l’espèce, la Commission s’est acquittée de l’obligation qui lui incombe d’établir l’existence d’un avantage sélectif.
100 En premier lieu, dans le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, la Commission a pris pour hypothèse, au considérant 172 de la décision attaquée, que le système de référence se limitait, en l’espèce, au secteur de la radiodiffusion et que l’objectif dudit système était la transmission d’émissions numériques. En outre, la Commission a observé que, dans le secteur de la radiodiffusion, plusieurs plateformes de radiodiffusion se livraient concurrence et pouvaient fournir des services de transmission du signal de radiodiffusion numérique. Au considérant 173 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que la sélectivité de la mesure en cause était évaluée en tenant compte de toutes les entreprises qui offraient, ou pouvaient offrir, des services d’extension de la couverture de la radiodiffusion numérique dans la zone II. Ensuite, au considérant 176 de la décision attaquée, la Commission a exposé les circonstances établissant, selon elle, que d’autres technologies que la TNT, en particulier la technologie satellitaire, étaient en mesure de fournir des services de transmission du signal de télévision numérique dans la zone II. Par ailleurs, aux considérants 174, 175 et 177 à 188 de la décision attaquée, la Commission a rejeté les différents arguments présentés par le Royaume d’Espagne et les parties intéressées visant à démontrer que la technologie terrestre n’était pas dans une situation comparable à la technologie satellitaire. Enfin, au considérant 177 de la décision attaquée, la Commission a conclu qu’il n’existait aucun motif intrinsèque invoqué par le Royaume d’Espagne justifiant l’exclusion ex ante des plateformes, autres que celle terrestre, du bénéfice de la mesure en cause.
101 Il ressort de ce qui précède que la Commission a exposé à suffisance les considérations ayant fondé son appréciation sur la comparabilité en droit et en fait entre les technologies terrestre et satellitaire au regard de l’objectif du système de référence, à savoir la transmission d’émissions numériques sur l’ensemble du territoire espagnol.
102 Dès lors, l’argument des requérantes selon lequel la Commission se serait limitée à supposer que la mesure en cause était sélective et à rejeter les arguments et les éléments de preuve avancés par l’État membre et les parties intéressées afin de démontrer l’absence de comparabilité des technologies en cause n’est pas fondé et doit être rejeté.
103 Par ailleurs, il y a lieu de considérer que, puisque les parties intéressées et le Royaume d’Espagne avaient avancé des arguments au soutien de l’absence de comparabilité des technologies en cause lors de la procédure formelle d’examen, il leur incombait aussi de fournir à la Commission toutes les informations et les éléments lui permettant d’en vérifier le bien-fondé, le cas échéant, après qu’elle les avait invités, dans le cadre de la procédure formelle d’examen, à fournir toutes les informations pertinentes à cette fin (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, points 103 et 104 et jurisprudence citée).
104 S’agissant plus particulièrement de l’argument tiré de la plus grande efficacité, en termes de coûts, de la technologie terrestre par rapport à la technologie satellitaire, invoqué lors de la procédure formelle d’examen par le Royaume d’Espagne et par plusieurs parties intéressées, dont Abertis Telécom, à laquelle a succédé Cellnex Telecom, force est de constater que ces derniers avaient spontanément communiqué des études de coûts censées confirmer ledit argument.
105 Dans ces circonstances, il incombait à la Commission d’examiner le bien-fondé des conclusions desdites études sans être nécessairement tenue d’adopter des mesures d’enquête supplémentaires ou d’inviter les parties intéressées et le Royaume d’Espagne à fournir des informations et des éléments de preuve additionnels lui permettant de vérifier la réalité de la différence de coûts alléguée.
106 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la question de savoir si une mesure constitue une aide d’État doit être résolue à la lumière de la situation existant au moment où cette mesure a été prise (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’Agglomération du Douaisis/Commission, T 267/08 et T 279/08, EU:T:2011:209, point 143 et jurisprudence citée). Ainsi, afin d’apprécier la comparabilité des plateformes terrestre et satellitaire, la Commission devait se fonder sur la situation existant au moment de l’adoption de la mesure en cause.
107 Or, en l’espèce, la Commission a constaté que, à l’exception de l’étude de coûts de 2007, réalisée ex ante par les autorités espagnoles, les études de coûts produites par les parties intéressées étaient fondées sur des données postérieures à l’adoption de la mesure en cause. En outre, s’agissant de l’étude de coûts de 2007, la Commission a considéré que celle-ci ne suffisait pas à démontrer la supériorité systématique de la plateforme terrestre par rapport à la plateforme satellitaire, car elle concluait que le choix d’une solution technologique donnée pour l’extension de la couverture devait être analysé région par région, en tenant compte des particularités topographiques et démographiques de chacune d’entre elles.
108 Cette appréciation a déjà été confirmée par le Tribunal dans l’arrêt du 26 novembre 2015, Espagne/Commission (T 461/13, EU:T:2015:891, point 120), devenu définitif.
109 En l’absence de données antérieures à l’adoption de la mesure en cause permettant de déterminer, fût-ce de manière rétrospective, les coûts qu’aurait engendré le déploiement de l’une ou de l’autre technologie dans le territoire de chacune des régions espagnoles comportant des zones éloignées et moins urbanisées non visées par les pourcentages de couverture imposés aux radiodiffuseurs nationaux publics et privés, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir procédé elle-même à une étude de coûts ou de ne pas avoir sollicité d’autres études auprès des autorités espagnoles et des parties intéressées.
110 Enfin, les requérantes font grief à la Commission, d’une part, de n’avoir effectué aucun acte d’enquête à la suite de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002), et, d’autre part, d’avoir rejeté les nombreuses études fournies produites par les parties intéressées et par le Royaume d’Espagne sans étayer son analyse par le moindre élément de preuve ou la moindre étude et sans accepter ou refuser les conclusions qui figuraient dans les études mentionnées au point 107 ci-dessus en motivant son point de vue.
111 D’une part, l’allégation des requérantes selon laquelle, à la suite de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002), la Commission se serait limitée à faire siens les arguments avancés par l’intervenante dans ses observations présentées à la suite dudit arrêt sans les avoir vérifiés auprès de l’État membre ou des autres parties n’est pas suffisamment étayée et doit donc être écartée.
112 D’autre part, l’argument des requérantes selon lequel, en substance, la Commission n’aurait pas suffisamment examiné les études de coûts présentées par l’État membre et les parties intéressées n’est pas fondé. En effet, il ressort des considérants 177 et 250 à 264 de la décision attaquée que la Commission a procédé à un tel examen, à l’issue duquel elle a conclu que, indépendamment de la validité de leurs résultats, à l’exception de l’étude de coûts de 2007, celles-ci ont été établies après l’adoption de la mesure en cause et, pour la plupart, n’étaient pas suffisamment détaillées et fiables.
113 Eu égard à tout ce qui précède, l’argument des requérantes tiré d’un renversement de la charge de la preuve par la Commission n’est pas fondé et doit être rejeté.
114 En deuxième lieu, les requérantes font grief à la Commission d’avoir conclu que les deux technologies en cause étaient comparables sur la base d’arguments sans rapport avec les caractéristiques techniques, juridiques, qualitatives et économiques de ces technologies en Espagne et, par conséquent, sans effectuer l’analyse de la comparabilité factuelle et juridique requise par la jurisprudence.
115 À cet égard, force est de constater que la jurisprudence du Tribunal et de la Cour en matière de sélectivité n’exige pas de la Commission qu’elle compare l’ensemble des caractéristiques techniques, juridiques, qualitatives et économiques des technologies terrestre et satellitaire, mais uniquement qu’elle établisse, sur la base d’éléments de faits et de droit pertinents, que ces technologies sont dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif du système de référence.
116 Ainsi que cela ressort du point 100 ci-dessus, la Commission s’est acquittée de cette obligation.
117 Dès lors, l’argument des requérantes doit être rejeté.
118 En troisième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, en substance, la Commission ne pouvait pas, aux fins de l’analyse de la sélectivité, opérer des renvois à son analyse de la compatibilité de la mesure en cause, force est de constater qu’il est fondé sur une interprétation erronée de l’arrêt du 10 avril 2019, Deutsche Post/Commission (T 388/11, EU:T:2019:237), dont la solution n’est pas transposable au cas d’espèce.
119 En effet, dans l’arrêt du 10 avril 2019, Deutsche Post/Commission (T 388/11, EU:T:2019:237), le Tribunal a estimé que la décision litigieuse violait l’obligation de motivation en ce que, au stade de l’examen de l’existence d’une aide d’État, la Commission avait considéré que l’existence d’un avantage économique exclusif ne pouvait pas être démontrée par le biais d’une comparaison des charges incombant, d’une part, à la partie requérante et, d’autre part, à ses concurrents, alors qu’elle avait bien effectué une telle comparaison au stade de l’appréciation de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur. Dans ces circonstances, le Tribunal a jugé que, à défaut d’avoir motivé, de manière suffisamment claire et non équivoque, l’existence d’un avantage, conformément aux exigences prévues à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, tout en procédant déjà à l’appréciation de la compatibilité de l’aide litigieuse avec le marché intérieur, la Commission avait placé la partie requérante dans une situation d’incertitude juridique à l’issue de la phase d’examen préliminaire et au stade de l’adoption de la décision attaquée, et n’avait pas permis au juge de l’Union d’exercer son contrôle concernant la qualification provisoire de la mesure litigieuse d’« aide » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
120 En l’espèce, force est de constater que la décision attaquée n’est pas entachée d’une telle contradiction de motifs et que les renvois opérés dans ladite décision portent sur les motifs pour lesquels la Commission a refusé de tenir compte des conclusions des études de coûts produites par le Royaume d’Espagne et par les parties intéressées, lesquelles étaient censées démontrer, d’une part, l’absence de comparabilité, en termes de coûts, entre les technologies satellitaire et terrestre et, partant, l’absence d’avantage sélectif conféré par la mesure en cause et, d’autre part, la compatibilité de cette dernière avec le marché intérieur. Dans la mesure où les motifs pour lesquels la Commission a écarté les conclusions desdites études étaient les mêmes, qu’il s’agisse de la question de la comparabilité des technologies en cause ou de celle du caractère approprié de la mesure en cause, la Commission pouvait à juste titre renvoyer aux appréciations qu’elle avait effectuées dans le cadre de l’une de ces deux questions.
121 Dès lors l’argument des requérantes doit être rejeté.
122 En quatrième lieu, pour autant que les requérantes font grief à la Commission d’avoir considéré, dans la décision attaquée, qu’une étude ex ante était nécessaire pour prouver, en substance, l’absence de sélectivité de la mesure en cause, en opérant ainsi une confusion entre cette condition et la question de la compatibilité de la mesure en cause, dont la preuve incomberait aux entreprises, d’une part, il y a lieu de rappeler que les études en cause ont été examinées par la Commission non seulement dans le cadre de l’appréciation de la sélectivité de la mesure en cause, mais également afin de vérifier si celle-ci était appropriée dans le cadre de l’analyse de la compatibilité de ladite mesure avec le marché intérieur.
123 D’autre part, il ressort de la jurisprudence que la question de savoir si une mesure constitue une aide d’État doit être résolue à la lumière de la situation existant au moment où cette mesure a été prise (voir point 106 ci-dessus).
124 Dès lors, afin d’apprécier si l’extension de la couverture dans la zone II par le biais de la technologie terrestre était plus efficace, en termes de coûts, que par le biais de la technologie satellitaire et, partant, si ces deux technologies étaient ou non dans une situation comparable, il y a lieu de tenir compte de la situation existant au moment où la mesure en cause a été prise.
125 À cet égard, il y a lieu de considérer que les études de coûts réalisées avant l’adoption de ladite mesure sont, par nature, susceptibles d’attester de la situation existant au moment où la mesure a été prise.
126 Pour autant, il ne saurait être exclu que des études postérieures à l’adoption de ladite mesure puissent être pertinentes aux fins de l’examen de l’existence d’une aide d’État à condition qu’elles soient fondées sur les seuls éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à la mesure en cause a été prise (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 124).
127 Or, en l’espèce, force est de constater que les requérantes n’allèguent pas que les études de coûts soumises par certaines communautés autonomes et par certaines parties intéressées étaient fondées sur des données disponibles et des évolutions prévisibles au moment où la mesure en cause a été adoptée.
128 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en refusant de tenir compte des études fondées sur des données postérieures à l’adoption de la mesure en cause.
129 Compte tenu de ce qui précède, l’argument des requérantes doit être rejeté ainsi que, par voie de conséquence, le premier grief de la seconde branche du second moyen.
– Sur le deuxième grief, tiré, en substance, d’une erreur dans la définition du système de référence et d’une violation de l’obligation de motivation
130 Les requérantes font grief à la Commission d’avoir retenu, dans la décision attaquée, une définition erronée du système de référence ainsi que de son objectif et, partant, de ne pas avoir correctement examiné la comparabilité des technologies en cause au regard de ce système. Premièrement, les requérantes relèvent que la Commission a défini le système de référence en fonction des services qu’un ensemble d’entreprises offrent ou peuvent offrir, ce qui serait contraire au point 133 de sa communication relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE (JO 2016, C 262, p. 1, ci après la « communication relative à la notion d’“aide d’État” »). Deuxièmement, en substance, le système de référence identifié par la Commission serait erronément limité à la zone II, alors que la zone d’extension de la couverture couvrirait à la fois la zone II et la zone III. Troisièmement, les requérantes font valoir que la décision attaquée est entachée d’une absence d’analyse et d’une absence de motivation qui, d’une part, empêchent les parties de comprendre le système de référence retenu dans la décision attaquée, ses objectifs et les raisons pour lesquelles la Commission est parvenue aux conclusions exposées dans ladite décision et, d’autre part, ne permet pas aux juridictions de l’Union d’exercer leur contrôle juridictionnel. En conclusion, les requérantes soutiennent que, eu égard aux erreurs qui entachent la définition du système de référence, toute l’analyse de la sélectivité effectuée par la Commission dans la décision attaquée est nécessairement entachée d’erreurs.
131 La Commission et l’intervenante contestent les arguments des requérantes.
132 Il ressort de la jurisprudence qu’une erreur commise dans la détermination du système de référence vicie nécessairement l’ensemble de l’analyse de la condition relative à la sélectivité (voir arrêt du 16 mars 2021, Commission/Hongrie, C 596/19 P, EU:C:2021:202, point 52 et jurisprudence citée).
133 En outre, la détermination du système de référence, qui doit être effectuée à l’issue d’un débat contradictoire avec l’État membre concerné, doit découler d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État (voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2021, Banco Santander/Commission, C 52/19 P, EU:C:2021:794, point 44 et jurisprudence citée).
134 Dans la mesure où la détermination du système de référence doit procéder d’un examen objectif du contenu et de l’articulation des règles applicables en vertu du droit national, il n’y a pas lieu, lors de cette première étape de l’examen de la sélectivité, de tenir compte des objectifs poursuivis par le législateur lors de l’adoption de la mesure soumise à examen. À cet égard, la Cour a itérativement jugé que la finalité poursuivie par des interventions étatiques ne suffit pas à les faire échapper d’emblée à la qualification d’« aides » au sens de l’article 107 TFUE, dans la mesure où cette disposition ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais définit celles-ci en fonction de leurs effets (arrêt du 6 octobre 2021, Banco Santander/Commission, C 52/19 P, EU:C:2021:794, point 47 et jurisprudence citée).
135 En premier lieu, ainsi qu’il est rappelé au point 100 ci-dessus, la Commission a formellement pris pour hypothèse, dans le cadre du raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, au considérant 172 de la décision attaquée, le fait que le système de référence se limitait au « secteur de la radiodiffusion » et qu’il avait pour objectif la « transmission d’émissions numériques ».
136 Cette définition doit toutefois être lue en combinaison avec les considérants 21 à 39 et 138 à 140 de ladite décision, qui présentent le contexte de la numérisation de la radiodiffusion en Espagne, la base juridique de la mesure en cause ainsi que les principales règles régissant le passage de la télévision analogique à la télévision numérique. En particulier, il ressort du considérant 21 de la décision attaquée que la mesure en cause doit être analysée dans le cadre de la numérisation de la radiodiffusion qui a été ou qui est mise en œuvre sur les plateformes terrestre, satellitaire ou câblée. En outre, il est précisé, au considérant 27 de la décision attaquée, que, au cours de la période 2005-2009, les autorités espagnoles ont adopté plusieurs mesures en vue du passage de la télévision analogique à la télévision numérique, dont, en substance, la mesure en cause.
137 Ainsi, il ressort d’une lecture combinée des considérants 21, 27 et 172 de la décision attaquée que le système de référence identifié dans le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité est le secteur de la radiodiffusion numérique en Espagne et que son objectif est la transmission d’émissions numériques sur l’ensemble du territoire espagnol.
138 Force est de constater que ce système de référence n’est pas limité à la zone I, à la zone II ou aux zones II et III, mais inclut clairement l’ensemble de ces zones.
139 D’une part, il s’ensuit que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la décision attaquée est entachée d’une absence d’analyse et de motivation qui les empêcherait de comprendre le système de référence identifié par la Commission ainsi que ses objectifs, à l’instar de la décision 2014/489 annulée par l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P, EU:C:2017:1002).
140 D’autre part, l’argument des requérantes selon lequel la décision attaquée a limité, à tort, le système de référence à la zone II manque en fait et doit être rejeté.
141 En deuxième lieu, l’argument des requérantes selon lequel la Commission a défini le système de référence en fonction des services qu’un ensemble d’entreprises peuvent offrir, en violation du point 133 de la communication relative à la notion d’« aide d’État », repose sur une prémisse factuelle erronée. En effet, la Commission a suffisamment exposé aux considérants 14 à 20, 21 à 39 et 138 à 140 de la décision attaquée les principales dispositions juridiques régissant le secteur de la radiodiffusion numérique en Espagne, en particulier le passage de la télévision analogique à la télévision numérique (ainsi que son financement).
142 À cet égard, la base juridique du régime d’aides a été décrite aux considérants 28 à 39 et 138 à 140 de la décision attaquée. En particulier, il ressort des considérants 28 et 138 que le cadre légal pour le passage à la télévision numérique en Espagne était un ensemble complexe formé de plusieurs instruments juridiques adoptés par le gouvernement central espagnol, les communautés autonomes et les autorités locales, c’est-à-dire les communes, pendant une période de quatre ans. Lesdits instruments, décrits aux considérants 29 à 39 de la décision attaquée, sont les suivants : premièrement, la loi 10/2005, deuxièmement, le décret royal 944/2005, en particulier sa douzième disposition additionnelle, troisièmement, le programme de passage à la TNT, quatrièmement, la décision du 29 février 2008 du MITC, cinquièmement, les addenda de 2008 aux conventions-cadres de 2006, sixièmement, les conventions-cadres de 2008, septièmement, la décision du conseil des ministres du 17 octobre 2008 assignant des fonds supplémentaires pour étendre et compléter la couverture de la TNT, huitièmement, le Real Decreto-ley 1/2009 de medidas urgentes en materia de telecomunicaciones (décret-loi royal 1/2009 portant mesures urgentes en matière de télécommunications), du 23 février 2009 (BOE no 47, du 24 février 2009, p. 19015), neuvièmement, la décision du conseil des ministres du 29 mai 2009 approuvant les critères de répartition des sommes allouées au financement des initiatives en faveur du passage à la TNT, dixièmement, la Ley 7/2009 de medidas urgentes en materia de telecomunicaciones (loi 7/2009 portant mesures urgentes en matière de télécommunications), du 3 juillet 2009 (BOE no 161, du 4 juillet 2009, p. 55729), et, onzièmement, les addenda de 2009 aux conventions-cadres de 2008.
143 Il ressort du considérant 139 de la décision attaquée que, pour la Commission, les différents instruments adoptés au niveau central et les conventions conclues et modifiées entre le MITC et les communautés autonomes constituaient la base du régime d’aides pour l’extension de la couverture dans la zone II et incluaient les caractéristiques essentielles de celui-ci, à savoir l’incitation au passage à la télévision numérique dans la zone II et la limitation de cette incitation à la technologie terrestre. En outre, la Commission a estimé que ces instruments et conventions avaient pour objectif d’orienter les communautés autonomes vers l’adoption de mesures qui n’étaient pas technologiquement neutres et que, dans la pratique, les communautés autonomes avaient appliqué le plan du gouvernement central à partir de leurs conventions-cadres respectives, qui avaient été élaborées selon le même modèle. Au considérant 140 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que les mesures adoptées par les autorités nationales, les autorités des communautés autonomes ou les autorités locales poursuivaient le même objectif, et que, compte tenu de leurs liens étroits, il convenait de les analyser de manière conjointe, comme faisant partie d’un même système. Dès lors, en substance, les autorités espagnoles étatiques et infraétatiques n’auraient disposé d’aucune marge, dans l’application technique du système, pour respecter le principe de neutralité technologique.
144 Par ailleurs, d’une part, la loi 10/2005, le décret royal 944/2005, le programme technique national de 2005 et le programme de passage à la TNT régissaient, principalement, le passage à la TNT dans la zone I, c’est-à-dire celle où les radiodiffuseurs nationaux publics et privés étaient tenus d’assurer, à leurs frais, la couverture par le signal de télévision numérique de la quasi-totalité de la population, respectivement à hauteur de 98 % pour les premiers et de 96 % pour les seconds, conformément à leurs obligations de service public (voir considérants 29 à 32 et 138 de la décision attaquée).
145 D’autre part, il y a lieu de relever que la douzième disposition additionnelle du décret royal 944/2005, le décret-loi royal 1/2009, la loi 7/2009, les addenda de 2008 aux conventions-cadres de 2006, les conventions-cadres de 2008, les décisions du conseil des ministres du 17 octobre 2008 et du 29 mai 2009, la décision du 29 février 2008 du MITC et les addenda de 2009 aux conventions-cadres de 2008 (voir point 142 ci-dessus) ont posé les bases de l’extension de la couverture par le signal de télévision numérique du pourcentage de la population espagnole qui ne bénéficiait pas d’une telle couverture en vertu des obligations de service public incombant aux radiodiffuseurs nationaux publics et privés (voir point 3 ci-dessus).
146 Il s’ensuit que la Commission n’a pas défini le système de référence en fonction des services qu’un ensemble d’entreprises peuvent offrir, mais en fonction d’un ensemble de dispositions légales et réglementaires régissant le passage à la radiodiffusion numérique en Espagne.
147 Dès lors, l’argument des requérantes doit être rejeté.
148 Au surplus, il y a lieu de préciser que le constat opéré au considérant 173 de la décision attaquée selon lequel la sélectivité de la mesure en cause serait évaluée en tenant compte de toutes les entreprises qui offrent, ou peuvent offrir, des services d’extension de la couverture de la radiodiffusion numérique dans la zone II ne concerne pas l’identification du système de référence, mais l’identification des technologies dont il y a lieu de comparer la situation de fait et de droit aux fins de l’analyse de la sélectivité, c’est-à-dire, d’une part, la technologie terrestre qui a bénéficié d’un financement public aux fins de l’extension de la couverture par le signal de TNT dans la zone II et, d’autre part, la technologie satellitaire, qui a été exclue dudit financement. C’est donc sans commettre d’erreur de droit que la Commission a estimé que, aux fins de l’examen de la sélectivité de la mesure en cause, il y avait lieu de comparer la situation juridique et factuelle des entreprises susceptibles de réaliser l’extension de la couverture par le signal de radiodiffusion numérique dans la zone II au regard de l’objectif du système de référence, à savoir la transmission d’émissions numériques sur l’ensemble du territoire espagnol.
149 Par ailleurs, il y a lieu d’observer que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, les dispositions légales et réglementaires mentionnées au point 145 ci-dessus établissaient effectivement une division du territoire espagnol en trois zones, à savoir la zone I où la couverture par le signal de télévision numérique devait être opérée par les radiodiffuseurs publics et privés sans financement public, la zone II constituée des zones moins urbanisées et éloignées du territoire où résidait la population qui, avant l’arrêt du signal analogique, recevait les chaînes publiques et privées par le biais de la télévision analogique terrestre en vertu des obligations de service public incombant aux radiodiffuseurs susmentionnés et la zone III où la technologie satellitaire était la plus appropriée en termes de coûts.
150 À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de relever que la douzième disposition additionnelle du décret royal 944/2005 énonçait que les organes compétents des administrations publiques et des entités dépendantes de celles-ci pouvaient accorder l’installation, dans les zones où il n’existait pas de couverture du service de TNT, de stations terrestres en réseau de fréquence unique pour la diffusion à leurs citoyens dudit service, moyennant le respect d’une série de conditions, parmi lesquelles le respect du programme technique national de 2005 établissant les conditions techniques relatives à la radiodiffusion numérique terrestre.
151 Dans la décision attaquée, la Commission a expliqué que la faculté pour les communes et les autorités des communautés autonomes d’étendre la couverture par le signal de télévision numérique, établie par la douzième disposition additionnelle du décret royal 944/2005, concernait une proportion de la population comprise entre 96 % et 100 % (voir considérant 33 de la décision attaquée).
152 Ensuite, le préambule du décret-loi royal 1/2009 indiquait que la technologie satellitaire était la « plus adéquate » afin de procéder à l’extension complémentaire de la couverture par les chaînes de la TNT nationales dans les zones où résidait la population qui n’allait pas bénéficier de l’accès auxdites chaînes une fois qu’auraient été satisfaites les obligations de couverture incombant aux radiodiffuseurs publics et privés à hauteur, respectivement, de 98 % et de 96 % de la population espagnole, et une fois qu’aurait été réalisée l’extension de la couverture au-delà de ces pourcentages de la population par les administrations publiques. Ledit préambule précisait, en outre, que ladite obligation d’extension complémentaire de la couverture par le système satellitaire allait concerner environ 1,5 % de la population qui se situait dans les zones éloignées et moins urbanisées du territoire et dans lesquelles la couverture par des émetteurs terrestres de télévision aurait supposé un coût disproportionné. (paragraphe 2 du préambule du décret-loi royal 1/2009) Le préambule de la loi 7/2009 était rédigé dans des termes identiques.
153 En outre, l’article 1er du décret-loi royal 1/2009 et l’article 1er de la loi 7/2009 ont introduit une septième disposition additionnelle dans la loi 10/2005, dont le paragraphe 2 disposait que, en substance, l’accès aux chaînes numériques nationales appartenant aux radiodiffuseurs publics et privés, diffusées par le biais de la plateforme satellitaire, était limité aux citoyens résidant dans les zones où, une fois achevé le passage à la TNT, il n’y aurait pas de couverture par le service de TNT national.
154 Bien que les préambules du décret-loi royal 1/2009 et de la loi 7/2009, ainsi que le paragraphe 2 de la septième disposition additionnelle de la loi 10/2005, n’aient pas prévu expressément que la technologie terrestre soit réservée à la zone II, il n’en demeure pas moins qu’il ressort implicitement, mais nécessairement, de leur lecture conjointe que les autorités espagnoles ont expressément réservé la technologie satellitaire aux zones éloignées et moins urbanisées du territoire espagnol dans lesquelles la population ne recevrait pas les chaînes nationales de télévision numérique après l’achèvement du passage à la TNT opéré par les radiodiffuseurs publics et privés, conformément à leurs obligations de service public, et après l’achèvement de l’extension de la couverture par les « administrations publiques » (c’est-à-dire les communautés autonomes ou les communes) au-delà des obligations de couverture qui incombaient auxdits radiodiffuseurs.
155 Dès lors, le décret-loi royal 1/2009 confirme l’existence d’une division du territoire espagnol en trois zones, à savoir la zone I où la couverture par le signal de télévision numérique a été opérée par les radiodiffuseurs publics et privés sans financement public, la zone II où les communautés autonomes et les communes ont procédé à l’extension de la couverture au-delà des pourcentages de la population bénéficiant déjà d’une couverture par le signal de TNT en vertu des obligations de service public incombant aux radiodiffuseurs susmentionnés, laquelle a été cofinancée par l’État central et les communautés autonomes, et la zone III où la technologie satellitaire était la plus appropriée en termes de coûts.
156 Par ailleurs, il a été acté lors de l’audience que la Commission ne considérait pas que les dispositions et les conventions qui fondaient la base juridique du régime d’aides excluaient la technologie satellitaire de l’extension de la couverture dans la zone II, mais que celles-ci excluaient ladite technologie du financement public prévu à cet effet. [Transcript, pages 46 et 62]
157 Il s’ensuit que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la législation espagnole n’aurait consacré qu’une seule distinction entre, d’une part, le territoire « normal » (zone I) et, d’autre part, la zone dite d’« extension de la couverture » (zones II et III) dans laquelle, en substance, le choix entre les technologies terrestre et satellitaire se serait fait en fonction des coûts respectifs desdites technologies.
158 Enfin, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, en l’espèce, le système de référence consiste soit en la numérisation de la radiodiffusion dans la zone d’extension de la couverture (zones II et III), soit en la numérisation de la radiodiffusion terrestre en Espagne, il y a lieu de rappeler que le secteur de la radiodiffusion numérique en Espagne et le processus de la numérisation de cette radiodiffusion concernaient les plateformes terrestre, satellitaire ou câblée (voir considérant 21 de la décision attaquée).
159 En effet, à la suite du processus de numérisation, c’est l’ensemble de ces plateformes qui devait transporter et transmettre des chaînes de télévision numériques.
160 Dès lors, l’argument des requérantes visé au point 158 ci-dessus doit être écarté.
161 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que, dans le cadre du raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit ou d’erreur d’appréciation dans la définition du système de référence.
162 Dès lors, le deuxième grief de la seconde branche du second moyen doit être rejeté.
– Sur le troisième grief, tiré de l’identification erronée de l’objectif du système de référence et d’une violation de l’obligation de motivation
163 Les requérantes considèrent qu’il est difficile de comprendre au regard de quel objectif l’analyse de la comparabilité doit être effectuée. Selon les requérantes, l’objectif de la mesure en cause était de faire en sorte que le signal de télévision numérique soit acheminé vers les zones moins peuplées d’Espagne et pas seulement vers la zone II, eu égard à l’absence d’intérêt commercial des radiodiffuseurs pour l’ensemble de la zone d’extension de la couverture. Or, cet objectif n’inclurait pas, en principe, l’utilisation d’une technologie spécifique. Dès lors, les requérantes considèrent que c’est à tort que la décision attaquée indique que le prétendu régime (limité à tort à la zone II) aurait été conçu par le législateur dans le but d’exercer une discrimination systématique en faveur de la technologie terrestre. Pour les requérantes, si tel était véritablement l’objectif du régime, la Commission aurait dû effectuer la comparaison au regard de cet objectif, ce qui l’aurait contrainte à admettre qu’il était logique de ne pas appliquer le régime à la technologie satellitaire. Une telle incohérence confirmerait que la limitation du système de référence à la zone II serait arbitraire, injustifiée, non motivée et entacherait d’erreur l’analyse de la sélectivité dans son intégralité.
164 La Commission conteste les arguments des requérantes.
165 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler, d’une part, que l’examen de la comparabilité des situations en cause doit être effectué au regard de l’objectif du système de référence (voir point 93 ci-dessus).
166 En l’espèce, l’objectif du système de référence a été clairement identifié au considérant 172 de la décision attaquée comme étant la « transmission d’émissions numériques ».
167 Ensuite, la mesure en cause consiste en un ensemble de dispositions adoptées au niveau de l’État central et des communautés autonomes afin de couvrir la population espagnole par le signal de télévision numérique au-delà des pourcentages de couverture incombant aux radiodiffuseurs publics et privés, en vertu des obligations de service public.
168 Au considérant 188 de la décision attaquée, la Commission a précisé que l’objectif de la mesure en cause était de « promouvoir, en Espagne, le passage de la technologie de radiodiffusion analogique à la technologie de radiodiffusion numérique et de garantir la continuité de la réception du signal de télévision par les résidents de certaines zones éloignées et rurales (zone II) ».
169 Contrairement à ce que prétendent les requérantes, l’objectif du système de référence et celui de la mesure en cause étaient donc clairement définis dans la décision attaquée.
170 Par ailleurs, premièrement, il découle des points 165 à 168 ci-dessus que lesdits objectifs se recoupent en partie en ce que, nonobstant son champ territorial plus restreint, la mesure en cause participe à la réalisation de l’objectif du système de référence, qui est le seul pertinent aux fins de l’examen de la comparabilité en fait et en droit des opérateurs utilisant les technologies en cause (voir point 93 ci dessus).
171 Il s’ensuit que, dans le cadre de son évaluation de la sélectivité de la mesure en cause, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en comparant la situation juridique et factuelle des entreprises susceptibles de réaliser l’extension de la couverture par le signal de radiodiffusion numérique dans la zone II au regard de l’objectif du système de référence (à savoir la transmission d’émissions numériques sur l’ensemble du territoire de l’Espagne, y compris la zone II), sans préalablement déterminer l’objectif de la mesure en cause.
172 Dans ces conditions, l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait identifié l’objectif de la mesure en cause, au considérant 188 de la décision attaquée, seulement après avoir conclu, aux considérants 173 à 187 (notamment aux considérants 173, 181 et 187) de la décision attaquée, que les situations des opérateurs des technologies en cause étaient comparables est inopérant et doit être écarté.
173 Deuxièmement, s’agissant des arguments des requérantes selon lesquels, d’une part, l’objectif du système de référence était la transmission du signal de télévision numérique vers les zones moins peuplées d’Espagne et ce serait donc à tort que la Commission a limité cet objectif à la zone II et, d’autre part, l’objectif de la mesure en cause était de faire en sorte que le signal de télévision numérique soit acheminé vers les zones moins peuplées d’Espagne et pas seulement vers la zone II, il y a lieu de les rejeter pour les motifs déjà exposés aux points 148, 149, 158 et 159 ci dessus.
174 Troisièmement, les requérantes soutiennent que l’objectif de la mesure en cause, à savoir de faire en sorte que le signal de télévision numérique soit acheminé vers les zones moins peuplées d’Espagne, n’incluait pas, en principe, l’utilisation d’une technologie spécifique, ce point relevant d’une question de moyens et non d’objectifs.
175 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la nature des objectifs poursuivis par des mesures étatiques et leur justification sont dépourvues de toute incidence sur leur qualification d’aide d’État. En effet, l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (voir arrêt du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C 638/19 P, EU:C:2022:50, point 122 et jurisprudence citée).
176 Dès lors, en l’espèce, la circonstance selon laquelle la mesure en cause n’a pas eu pour objectif de favoriser la technologie terrestre, à la supposer établie, n’est pas de nature à exclure l’existence d’un avantage sélectif conféré aux opérateurs de la plateforme terrestre par ladite mesure.
177 En tout état de cause, si l’objectif de la mesure en cause, à savoir promouvoir le passage à la technologie de radiodiffusion numérique en Espagne et garantir la continuité de réception du signal de télévision par les résidents de la zone II (voir considérant 188 de la décision attaquée), est technologiquement neutre, il ressort des considérants 33 à 39 de la décision attaquée que les dispositions et les conventions qui forment la base juridique de ladite mesure se réfèrent uniquement à la technologie terrestre et au financement de ladite technologie, sans pour autant exclure formellement d’autres technologies. Au demeurant, lors de l’audience, il a été acté que la Commission ne considérait pas que les dispositions et les conventions qui fondaient la base juridique de la mesure en cause excluaient la technologie satellitaire de l’extension de la couverture dans la zone II, mais que celles-ci excluaient, de fait, ladite technologie du financement public prévu à cet effet. [Transcript, pages 46 et 62]
178 Quatrièmement, s’agissant des critiques des requérantes à l’encontre de l’argument invoqué par la Commission selon lequel l’objectif du cadre réglementaire espagnol consistait à préserver une concurrence loyale entre les technologies ainsi que la neutralité technologique, il suffit de constater qu’un tel motif n’est pas mentionné dans la décision attaquée au soutien du raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, mais au soutien du raisonnement principal sur la sélectivité. Dès lors, lesdites critiques sont inopérantes à l’encontre du raisonnement subsidiaire sur la sélectivité et doivent être rejetées.
179 Compte tenu de ce qui précède, le troisième grief de la seconde branche du second moyen doit être rejeté.
– Sur le quatrième grief, tiré de l’absence d’analyse de la comparabilité de la situation juridique des technologies terrestre et satellitaire et de la violation de l’obligation de motivation
180 Les requérantes font grief à la Commission d’avoir estimé, dans la décision attaquée, que les différences en ce qui concerne les réglementations applicables respectivement à la plateforme terrestre et à la plateforme satellitaire n’étaient pas pertinentes aux fins d’apprécier la sélectivité. Selon elles, cette conclusion est erronée en droit, car, aux fins de l’examen de la sélectivité, il y a lieu de comparer la situation des opérateurs aussi bien sur le plan factuel que sur le plan juridique. Les requérantes considèrent, en outre, que la décision attaquée est entachée d’un vice de motivation dès lors que les raisons pour lesquelles la Commission a estimé que les différences sur le plan juridique n’étaient pas pertinentes ne ressortent pas des motifs de ladite décision.
181 La Commission conclut au rejet des arguments des requérantes.
182 En premier lieu, l’argumentation des requérantes au soutien de la quatrième branche du second moyen semble reposer sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission aurait estimé, dans la décision attaquée, que les différences en ce qui concerne la réglementation applicable à la technologie terrestre et celle applicable à la technologie satellitaire n’étaient pas pertinentes aux fins de l’analyse de la sélectivité.
183 Or, il ressort expressément des considérants 175 et 176 de la décision attaquée que, selon la Commission, c’étaient uniquement les différences réglementaires invoquées par le Royaume d’Espagne et par les parties intéressées qui n’étaient pas pertinentes en l’espèce, au motif qu’elles n’auraient pas eu d’incidence sur la faculté des opérateurs concernés de fournir le service de transmission du signal de télévision numérique. En d’autres termes, pour la Commission, les différences sur le plan réglementaire, dont elle n’a pas nié l’existence, ne plaçaient pas les opérateurs dans une situation différente au regard de l’objectif du système de référence, à savoir la transmission d’émissions numériques.
184 Dès lors, le grief selon lequel la Commission aurait entaché la décision attaquée d’une erreur de droit et d’un vice de motivation en considérant que les différences réglementaires n’étaient pas pertinentes aux fins de l’examen de la comparabilité des situations en cause, qui repose sur une lecture erronée de la décision attaquée, doit être rejeté.
185 En deuxième lieu, il y a lieu de vérifier si, eu égard aux différences réglementaires existant entre les technologies terrestre et satellitaire invoquées par les requérantes, la Commission a commis une erreur en considérant que ces différences n’étaient pas pertinentes en l’espèce.
186 Premièrement, les requérantes font valoir que l’arrêt du signal analogique prévu par la législation espagnole pour le 3 avril 2010 a été imposé exclusivement à la technologie analogique terrestre et que, pour la partie de la population qui n’était pas couverte par les obligations imposées aux radiodiffuseurs publics et privés, ces derniers n’avaient aucun intérêt commercial à financer le passage à la technologie numérique. Dès lors, eu égard à l’obligation de réaliser le passage à la technologie numérique et à l’imminence de l’abandon de la technologie analogique, les autorités compétentes auraient décidé de compenser, à tout le moins partiellement, les coûts exposés par les opérateurs disposés à étendre la couverture numérique aux zones qui étaient déjà couvertes avant l’abandon de l’analogique et où la technologie terrestre demeurait préférable à la technologie satellitaire. Les requérantes ajoutent que, même si l’on considérait que les compensations n’avaient profité qu’aux opérateurs terrestres et n’avaient été appliquées qu’à la numérisation de la radiodiffusion analogique terrestre, ce serait en raison du fait que ceux-ci étaient les seuls à être soumis à l’obligation de numérisation et à l’obligation de cesser de fournir leurs services par le biais de la radiodiffusion analogique terrestre existante. Les requérantes ajoutent que, ainsi que cela ressort du point 71 de la communication relative à la notion d’« aide d’État », « [l]’existence d’un avantage est exclue dans le cas [...] du versement d’une indemnisation en cas d’expropriation ». Ce mécanisme de quasi-expropriation n’aurait pas concerné les opérateurs de la plateforme satellitaire, lesquels n’auraient donc pas eu à être indemnisés au titre d’une quelconque perte de droits.
187 Il suffit de constater, à cet égard, que ni le système de référence ni même la mesure en cause n’avaient pour objectif, explicite ou implicite, d’indemniser les opérateurs de la plateforme terrestre pour l’arrêt du signal analogique ou l’éventuel arrêt de l’activité des opérateurs utilisant cette technologie. Au demeurant, les requérantes n’avancent aucun élément susceptible d’étayer leurs propos.
188 De plus, les requérantes ne prétendent pas que l’arrêt de l’analogique aurait eu une quelconque incidence sur la capacité de la technologie satellitaire ou de la technologie terrestre à transmettre le signal de télévision numérique.
189 Dès lors, le fait que l’arrêt du signal analogique concernait spécifiquement la technologie terrestre n’est pas pertinent aux fins de la comparaison de la situation des plateformes terrestre et satellitaire au regard de l’objectif de transmission du signal de télévision numérique en Espagne, y compris dans la zone II.
190 Deuxièmement, les requérantes soutiennent que chacune des technologies en cause est, dans une large mesure, soumise à une législation spécifique et distincte.
191 En particulier, tout d’abord, les requérantes rappellent que, au moment de l’adoption de la mesure en cause, seule la télévision terrestre constituait un service public et que, ainsi, la plateforme terrestre aurait été généralement utilisée pour la diffusion en clair tandis que la plateforme satellitaire aurait été associée à la télévision payante. Ensuite, les requérantes font état de différences dans les conditions relatives au titre donnant accès à l’exploitation des fréquences attribuées. Elles soutiennent que si la licence d’exploitation des fréquences attribuées à la TNT appartient aux radiodiffuseurs, les fréquences satellitaires appartiennent aux opérateurs de réseaux satellitaires. En conséquence, la qualité de titulaire du spectre radioélectrique et le régime juridique dudit spectre seraient différents selon que la plateforme est satellitaire ou terrestre, si bien qu’il existerait d’importantes différences en ce qui concerne les situations juridiques et les intérêts des opérateurs des deux technologies. De plus, le maintien des licences des radiodiffuseurs serait subordonné à leur utilisation effective (couverture minimale), raison supplémentaire pour laquelle les radiodiffuseurs terrestres auraient intérêt à continuer à utiliser les fréquences de radiodiffusion terrestre, même s’ils diffusent également le signal par satellite. Enfin, les requérantes font valoir que le cadre réglementaire de la TNT se caractérisait par sa limitation territoriale et la présence d’obligations de couverture liées à la concession de l’espace radioélectrique, à la différence de la technologie satellitaire. Selon les requérantes, cela affectait, notamment, les concessions administratives et la planification du spectre et du nombre de multiplex numériques disponibles étant précisé que, en vertu de la réglementation applicable, une personne physique ou morale ne pouvait contrôler directement ou indirectement plus de la moitié des concessions administratives du service de radiodiffusion sonore terrestre dont les zones de couverture coïncident en substance et, en tout état de cause, pas plus de cinq concessions dans la même zone de couverture.
192 À cet égard, il suffit de constater que les requérantes n’ont avancé aucun argument ou élément susceptible d’établir que les différences réglementaires évoquées aux points 186 et 191 ci-dessus auraient effectivement ou potentiellement influencé la capacité des opérateurs de la plateforme satellitaire à fournir le service de transmission du signal de télévision numérique en Espagne et, en particulier, dans la zone II.
193 Au surplus, le fait que la technologie satellitaire a été utilisée dans la zone III et, ponctuellement, dans la zone II à l’appui de la plateforme terrestre (voir considérants 176 et 227 de la décision attaquée) prouve que celle-ci est en concurrence avec la technologie terrestre pour la fourniture du même service, nonobstant le fait qu’elle est soumise à un régime juridique distinct de celui applicable à la technologie terrestre.
194 Dès lors, c’est à bon droit que la Commission a considéré que les différentes réglementations auxquelles sont respectivement assujetties la technologie terrestre et la technologie satellitaire n’étaient pas pertinentes aux fins de l’examen de la sélectivité.
195 Il s’ensuit que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les différences en ce qui concerne les réglementations applicables auraient placé les plateformes terrestre et satellitaire dans des situations juridiques qui ne seraient pas comparables.
196 Compte tenu de tout ce qui précède, le quatrième grief de la seconde branche du second moyen doit être rejeté.
– Sur le cinquième grief, tiré des erreurs dont serait entachée la comparaison factuelle des technologies terrestre et satellitaire et d’une violation de l’obligation de motivation
197 Les requérantes soutiennent que la comparaison factuelle entre les plateformes terrestre et satellitaire, effectuée par la Commission dans la décision attaquée, est entachée de plusieurs erreurs graves et d’une insuffisance de motivation. La décision attaquée violerait ainsi l’article 107, paragraphe 1, TFUE et l’article 296 TFUE.
198 En premier lieu, les requérantes font grief à la Commission d’avoir estimé, dans la décision attaquée, que les technologies terrestre et satellitaire étaient comparables dès lors que la transmission du signal de télévision numérique par satellite était possible en zone II. Si les requérantes ne contestent pas cette possibilité technique, elles estiment que cela n’a pas de pertinence afin de savoir si les deux technologies sont dans une situation factuelle comparable et si, en substance, la technologie satellitaire constitue une alternative valable à la technologie terrestre. Au surplus, conformément à la jurisprudence, l’existence d’une concurrence potentielle ne saurait suffire pour établir la sélectivité d’une mesure d’aide.
199 Il y a lieu de rappeler qu’une mesure est sélective si elle introduit une différenciation entre des entreprises qui se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif du système de référence.
200 D’une part, dans la mesure où l’objectif du système de référence est, en l’espèce, la transmission d’émissions numériques, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a estimé, dans la décision attaquée, que les opérateurs de la plateforme terrestre et les opérateurs de la plateforme satellitaire étaient tous deux capables d’assurer cette transmission, ainsi que l’attestait, en particulier, le fait que la technologie satellitaire avait été utilisée pour l’extension de la couverture dans la zone III et qu’elle avait été, de fait, également utilisée dans la zone II pour soutenir la plateforme terrestre. À cet égard, il ressort des considérants 176 et 227 de la décision attaquée que l’opérateur satellitaire Hispasat était prestataire de services dans certaines parties de la zone II pour soutenir la transmission terrestre de la TNT, ce qui n’est pas contesté par les requérantes.
201 Ainsi, il y a lieu de considérer que, dans la décision attaquée, la Commission a établi que la concurrence entre les technologies terrestre et satellitaire était actuelle et pas uniquement potentielle.
202 D’autre part, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas conclu à la comparabilité des situations en cause uniquement en raison de la relation de concurrence, actuelle ou potentielle, entre les plateformes terrestre et satellitaire. En effet, il ressort notamment des considérants 174 et suivants de la décision attaquée que la Commission a tenu compte d’une série de circonstances qui rendraient similaires les deux technologies en cause au regard de l’objectif de transmission du signal de radiodiffusion numérique. En particulier, au considérant 176 de la décision attaquée, premièrement, la Commission a relevé que l’intervenante avait remporté un appel d’offres pour l’extension de la couverture de la télévision numérique en Cantabrie et que les opérateurs de réseau satellitaire fournissaient des services comparables à ceux de la plateforme terrestre. Deuxièmement, la Commission a relevé que la plateforme satellitaire était utilisée, en Espagne, pour l’extension de la couverture dans la zone III, qu’il n’existait pas de raison technique ou qualitative pour laquelle cette technologie ne pouvait pas être utilisée dans la zone II et que cette technologie avait été utilisée dans la zone II pour soutenir la transmission terrestre par TNT. Troisièmement, la Commission a cité l’exemple d’autres États membres utilisant la plateforme satellitaire pour assurer la couverture par la radiodiffusion numérique dans les zones les plus éloignées. Quatrièmement, la Commission a constaté que plusieurs chaînes publiques et privées étaient distribuées par le biais de la plateforme terrestre et étaient également émises par le biais de la plateforme satellitaire. Cinquièmement, la Commission a expliqué que, en mai 2010, la couverture de la TNT en Espagne aurait atteint 98,85 % de la population, tandis que 93,5 % seulement des foyers regardaient la télévision par le biais de la plateforme terrestre. Cela signifiait, selon elle, que 5 % des foyers disposant d’un accès à la TNT préféraient ne pas l’utiliser, étant donné que la plupart d’entre eux étaient abonnés à la télévision payante par satellite.
203 Dès lors, l’argumentation des requérantes repose sur une lecture erronée de la décision attaquée et doit être écartée comme non fondée.
204 Il s’ensuit également que les requérantes ne sont pas fondées à invoquer une insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la comparaison factuelle entre les plateformes terrestre et satellitaire.
205 En deuxième lieu, les requérantes font grief à la Commission d’avoir commis une discrimination en faveur de la technologie satellitaire, car, en substance, elle aurait appliqué un critère différent lors de l’analyse des appels d’offres dont l’attributaire était un opérateur de réseau satellitaire et de ceux dont l’attributaire était un opérateur de réseau terrestre. L’appel d’offres de la Comunidad Autónoma de Cantabria (Communauté autonome de Cantabrie, Espagne) qui, selon elles, n’était pas neutre technologiquement, serait une preuve évidente de ce critère discriminatoire.
206 Tout d’abord, il y a lieu de relever que l’argument des requérantes se fonde uniquement sur l’appel d’offres organisé en Cantabrie. Ensuite, contrairement à ce que prétendent les requérantes, ledit appel d’offres, bien qu’il ait comporté une solution de référence relative à l’extension de la couverture par la technologie satellitaire, prévoyait expressément, au paragraphe 2 de la septième disposition générale, que « ladite solution [n’était] ni de principe ni contraignante, les soumissionnaires pouvant se soumettre à celle-ci ou présenter une solution alternative ».
207 De plus, force est de constater que, dans son introduction, l’appel d’offres précisait expressément que, en application du principe de neutralité technologique, l’adjudication du marché n’était pas conditionnée au déploiement d’une solution technologique déterminée et que ce seraient les soumissionnaires, le marché et les possibilités techniques offertes par une technologie donnée qui détermineraient la solution la plus appropriée, en conformité avec les critères objectifs posés.
208 Dès lors, il y a lieu de considérer que la Commission était fondée à mentionner l’exemple de l’appel d’offres de la Communauté autonome de Cantabrie pour illustrer le fait que la technologie satellitaire était une option réelle et viable pour la numérisation de la zone II.
209 En troisième lieu, les requérantes relèvent, en substance, une série d’erreurs commises par la Commission lors de l’appréciation de la comparabilité des situations de fait en cause.
210 Premièrement, les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les radiodiffuseurs n’étaient pas disposés à céder le signal aux opérateurs de réseau satellitaire de la même manière qu’ils le cédaient aux opérateurs de réseau terrestre, ce que, au demeurant, la décision attaquée elle-même reconnaîtrait. En particulier, il ressortirait du considérant 184 de la décision attaquée que les radiodiffuseurs avaient généralement acquis uniquement les droits de diffusion terrestre auprès des créateurs de contenus. Ainsi, ils n’auraient pas eu le droit de transmettre ces contenus par la plateforme satellitaire et auraient dû renégocier les droits de contenus nécessaires pour permettre leur diffusion par ce biais. Cette situation aurait engendré une augmentation des coûts des contenus et les auteurs de contenus auraient pu ne pas être disposés à vendre ces droits. Ce serait la raison pour laquelle, sauf s’ils y étaient contraints, les radiodiffuseurs auraient refusé de fournir leur signal en vue de la diffusion de leurs contenus par des opérateurs satellitaires. En outre, les requérantes soutiennent que, contrairement à ce qui est affirmé au considérant 184 de la décision attaquée, le fait que l’État ait imposé, ex post, une obligation légale pour les radiodiffuseurs de céder les droits de diffusion de leurs contenus par la plateforme satellitaire démontrerait que ladite difficulté n’était pas « surmontable ».
211 Tout d’abord, il convient d’observer que, au considérant 184 de la décision attaquée, la Commission a examiné l’argument du Royaume d’Espagne et des parties intéressées selon lequel les opérateurs de la plateforme satellitaire ne pouvaient pas recevoir le signal des radiodiffuseurs dès lors que ces derniers auraient été réticents à utiliser cette technologie et n’auraient pas eu le droit de transmettre leurs contenus par la plateforme satellitaire. La décision attaquée indique que « ces difficultés » étaient « surmontables », car la Ley 7/2010 General de la Comunicación Audiovisual (loi générale 7/2010 sur la communication audiovisuelle), du 31 mars 2010 (BOE no 79, du 1er avril 2010, p. 30157), avait imposé aux titulaires de licences pour les services de communication audiovisuelle d’envergure nationale l’obligation de négocier la vente de leurs principaux canaux de radiodiffusion indépendamment de la technologie qu’ils utilisaient. En outre, en se fondant sur l’exemple de la Comunidad foral de Navarra (Communauté forale de Navarre, Espagne), la Commission a conclu que les opérateurs satellitaires pouvaient négocier avec les radiodiffuseurs et obtenir l’accès à leur signal afin d’étendre la couverture dans la zone II.
212 Contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Commission a donc tenu compte des difficultés susmentionnées.
213 Ensuite, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la question de savoir si une mesure constitue une aide d’État doit être résolue à la lumière de la situation existant au moment où cette mesure a été prise (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’Agglomération du Douaisis/Commission, T 267/08 et T 279/08, EU:T:2011:209, point 143 et jurisprudence citée). Ainsi, pour d’apprécier la comparabilité des plateformes terrestre et satellitaire, la Commission devait se fonder sur la situation existant au moment de l’adoption de la mesure en cause.
214 Or, en l’espèce, sans qu’il soit besoin de prendre en compte la loi 7/2010 adoptée postérieurement à l’adoption de la mesure en cause, il ne ressort ni des éléments du dossier ni des prétentions des parties que la conclusion de contrats de licence entre les radiodiffuseurs et les opérateurs de réseau satellitaire constituait une « difficulté » à la date de l’adoption de la mesure en cause.
215 En effet, les exemples de la Communauté autonome de Cantabrie (voir considérants 176 et 226 de la décision attaquée) et de la Communauté forale de Navarre (voir considérant 184 la décision attaquée) montrent, au contraire, que c’est lors de l’exécution des marchés attribués par appel d’offres que les opérateurs de réseau satellitaire ont été confrontés au refus de certains radiodiffuseurs de leur céder les droits de licence sur leurs contenus.
216 Ce refus, opposé par des opérateurs économiques, n’était vraisemblablement pas prévisible par les autorités espagnoles avant le lancement des appels d’offres pour l’extension de la couverture ainsi qu’au moment où certaines de ces autorités, à savoir celles de la Cantabrie et de la Navarre, ont attribué les marchés pour l’extension de la couverture à des opérateurs satellitaires.
217 A fortiori, il y a lieu de considérer que la réticence des radiodiffuseurs à céder leurs droits aux opérateurs de réseau satellitaire n’était pas non plus prévisible au moment de l’adoption de la mesure en cause et que la « difficulté » invoquée par le Royaume d’Espagne est apparue ex post, lors de la mise en œuvre concrète de l’extension de la couverture dans la zone II.
218 Par ailleurs, les requérantes font encore grief à la Commission d’avoir estimé, au considérant 184 de la décision attaquée, que la difficulté invoquée était surmontable, en faisant référence à l’exemple de la Communauté forale de Navarre où l’opérateur satellitaire ayant remporté l’appel d’offres en 2015 avait obtenu, en mai 2019, à la suite de l’intervention de la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia (Commission nationale des marchés et de la concurrence, Espagne) l’autorisation des radiodiffuseurs d’accéder à leurs chaînes sous certaines conditions. En effet, selon les requérantes, la Commission a omis de mentionner l’issue du recours spécial introduit par ledit opérateur devant le Tribunal administrativo de contratos públicos de Navarra (tribunal administratif des contrats publics de Navarre, Espagne) contre une résolution du 28 mai 2019 du Director General de Informática, Telecomunicatciones et Innovación Pública (directeur général de l’Information, des Télécommunications et de l’Innovation publique) de la Communauté forale de Navarre, renonçant à adjuger le contrat pour l’extension de la télévision numérique en Navarre (zones II et III) pour la période 2015-2020.
219 Il suffit de relever, à cet égard, qu’il ressort de la décision du tribunal administratif des contrats publics de Navarre du 7 août 2019 que le motif pour lequel l’attribution du contrat susmentionné avait été annulée par le directeur général de l’Information, des Télécommunications et de l’Innovation publique était l’impossibilité pour l’opérateur satellitaire initialement retenu de satisfaire aux prescriptions de l’appel d’offres. En effet, les accords conclus entre l’opérateur satellitaire et les radiodiffuseurs stipulaient que des droits de diffusion de leurs chaînes par le biais de la technologie satellitaire devaient être octroyer lorsqu’il était impossible pour ledit opérateur de diffuser d’autres chaînes et, en particulier, les chaînes internationales déjà transmises par le biais de son satellite ainsi que toute nouvelle chaîne qui pourrait être transmise dans le futur. Or, la limitation du nombre de chaînes pouvant être diffusées par l’opérateur satellitaire a été considérée comme étant contraire au pluralisme de l’information et comme offrant un service inférieur à la population concernée par la prestation faisant l’objet du contrat. Ledit directeur a également invoqué, comme motif, le fait que le temps écoulé depuis le début de la procédure d’appel d’offres avait rendu obsolètes les prescriptions technologiques de ce dernier, en raison de l’essor de nouvelles infrastructures et technologies et de l’avancée de la demande de plateformes de télévision par Internet.
220 Dès lors, contrairement à ce que prétendent les requérantes, le jugement du tribunal administratif des contrats publics de Navarre ne fait que corroborer l’appréciation de la Commission selon laquelle la difficulté pour les opérateurs de réseau satellitaire d’accéder aux contenus des radiodiffuseurs était surmontable.
221 En tout état de cause, il ressort de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par le Royaume d’Espagne, que la technologie satellitaire a été effectivement utilisée pour assurer la couverture par les chaînes de télévision numérique dans la zone III (voir considérant 184 de cette décision), ainsi que dans une partie de la zone II (voir considérants 176 et 227 de ladite décision).
222 Dès lors, il y a lieu de considérer que la difficulté pour les opérateurs de réseau satellitaire à obtenir les droits de diffusion sur les contenus des radiodiffuseurs ne remet pas en cause la comparabilité des plateformes terrestre et satellitaire au regard de la transmission du signal de télévision numérique en Espagne.
223 Deuxièmement, les requérantes font valoir que, bien qu’il soit théoriquement possible d’utiliser la plateforme satellitaire, cette technologie ne serait pas aussi adaptée que celle terrestre au modèle de déconnexions territoriales asymétriques que connaît la télévision dans un État complexe comme l’Espagne, avec des programmes différents selon les communautés autonomes, voire selon les communes.
224 Force est toutefois de constater, d’une part, que les requérantes elles mêmes reconnaissent que la plateforme satellitaire peut, en théorie, s’adapter au modèle de déconnexions territoriales asymétriques en vigueur en Espagne, bien que, selon elles, cela soit techniquement plus compliqué et coûteux à réaliser que par le biais de la technologie terrestre.
225 D’autre part, les requérantes sont restées en défaut de contester l’appréciation de la Commission, figurant au considérant 271 de la décision attaquée, selon laquelle le contrat conclu par l’intervenante après qu’elle a remporté l’appel d’offres en Cantabrie comprenait un système professionnel d’accès conditionnel. Les requérantes n’ont pas non plus présenté d’arguments visant à remettre en cause le constat de la Commission, opéré au considérant 267 de la décision attaquée, selon lequel certains foyers situés dans la zone II recevaient les chaînes en clair par le biais de la plateforme satellitaire.
226 Or, ces exemples attestent de la capacité de la technologie satellitaire à s’adapter au modèle de déconnexions territoriales espagnol.
227 Enfin, les requérantes invoquent un rapport établi par l’Office of Communications (OFCOM, Office des communications, Royaume-Uni) avant l’adoption du régime d’aides en faveur du déploiement de la télévision locale au Royaume-Uni, déclaré compatible avec le marché intérieur par la décision C(2012) 8766 final de la Commission, du 5 décembre 2012, relative à l’aide d’État SA.33980 (2012/N) – Royaume-Uni – Télévision locale au Royaume-Uni. Selon les requérantes, il ressort dudit rapport que la technologie satellitaire n’était pas viable pour les télévisions locales, ce que la Commission aurait également reconnu dans ladite décision.
228 D’une part, il y a lieu de relever que, nonobstant ce qui précède, dans la décision susmentionnée, la Commission a considéré que la mesure notifiée par le Royaume-Uni était constitutive d’une aide d’État. Au demeurant, les appréciations de la Commission relatives à la viabilité de la technologie satellitaire ont été effectuées dans le cadre de l’analyse de la compatibilité de la mesure faisant l’objet de cette décision.
229 D’autre part, les requérantes sont restées en défaut d’exposer les raisons pour lesquelles il y aurait lieu de considérer que la situation au Royaume-Uni était comparable à celle existant en Espagne, étant précisé que la mesure notifiée par le Royaume-Uni concernait la télévision locale alors que la mesure en cause concerne la couverture par le signal de télévision numérique en général et, partant, la couverture par les chaînes de télévision nationales et locales.
230 Dès lors, le rapport de l’OFCOM et la décision C(2012) 8766 final, ne saurait être utilement invoqués au soutien de l’argumentation des requérantes.
231 Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas établi que l’extension de la couverture par le biais de la technologie satellitaire n’aurait pas permis de respecter le modèle de déconnexions territoriales et, partant, de diffuser des programmes différents selon les communautés autonomes ou les communes.
232 Troisièmement, les requérantes contestent le constat effectué par la Commission dans la décision attaquée selon lequel la solution adoptée pour la zone III prouve qu’il aurait été tout à fait possible d’utiliser la technologie satellitaire également dans la zone II. À cet égard, les requérantes rappellent que la législation espagnole ne fait pas de distinction entre les zones II et III, mais les englobe dans une seule zone d’extension de la couverture. Elles ajoutent que, dans les parties du territoire où la technologie terrestre n’était pas plus efficace et aurait entraîné un coût totalement inabordable, l’État avait imposé la technologie satellitaire en tant que « moindre mal » (zone III). Toutefois, le choix de la technologie satellitaire, même dans cette zone, aurait comporté des inconvénients auxquels il aurait fallu remédier, notamment en obligeant les radiodiffuseurs à céder leur signal et en finançant des équipements de réception domestiques.
233 Il ressort des points 149 à 157 ci-dessus que la réglementation pertinente a opéré une distinction au sein même de la zone d’extension de la couverture entre, d’une part, la zone où résidait la population qui, avant l’arrêt du signal analogique, recevait les chaînes publiques et privées par le biais de la télévision analogique terrestre et qui n’était pas concernée par les obligations de couverture imposées aux radiodiffuseurs publics et privés (zone II) et, d’autre part, la zone d’extension résiduelle, composée des zones éloignées et moins urbanisées du territoire espagnol où la technologie satellitaire a été considérée comme la plus appropriée en termes de coûts (zone III).
234 C’est donc à tort que les requérantes soutiennent, en substance, que la zone II se définissait de manière négative comme la zone autre que celle où la technologie satellitaire avait été considérée comme étant la plus appropriée.
235 Enfin, pour autant que les requérantes prétendent, en substance, que ladite division serait artificielle en ce qu’elle serait fondée sur la prise en compte, a posteriori, des zones dans lesquelles les administrations publiques ont considéré que la technologie terrestre était plus efficace en termes de coûts par opposition à celles où la solution satellitaire a été retenue (zone III), il y a lieu de constater que les études de coûts invoquées par les requérantes au soutien de cet argument ont toutes été rejetées, à juste titre, par la Commission (voir points 107 à 112 et 123 à 128 ci-dessus).
236 Partant, les requérantes sont restées en défaut de démontrer que le choix de la technologie terrestre effectué par les communautés autonomes et les communes était justifié a priori.
237 Quatrièmement, les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que la TNT se fondait sur un système de télévision analogique préexistant qui couvrait la quasi-totalité du territoire espagnol et de s’être limitée à relever, dans la décision attaquée, qu’une partie de l’infrastructure devait être modernisée et de nouvelles tours construites.
238 À cet égard, il convient de relever que, au considérant 183 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que l’installation du réseau de TNT dans la zone II n’était pas une simple adaptation ou une amélioration du réseau analogique préexistant, que la radiodiffusion numérique terrestre était une technologie différente de la radiodiffusion analogique terrestre et que l’extension de la couverture exigeait l’installation d’un équipement numérique dans les centres préexistants, ainsi que la construction de nouveaux centres dans la zone II.
239 Compte tenu de l’absence d’étude ex ante effectuée dans chaque communauté autonome évaluant le coût de la numérisation du réseau terrestre existant et le comparant à celui de l’extension de la couverture par satellite, la Commission était fondée à refuser de considérer que l’existence d’un réseau analogique préexistant plaçait les plateformes terrestre et satellitaire dans une situation différente au regard de l’objectif du système de référence.
240 Dès lors, l’argument des requérantes doit être rejeté.
241 Cinquièmement, les requérantes invoquent, en substance, un défaut d’examen et un défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la circonstance, évoquée dans les études et les rapports présentés à la Commission, tirée d’un chevauchement important entre les zones I et II, dans la mesure où les radiodiffuseurs publics et privés nationaux couvraient déjà respectivement 98 % et 96 % de la population, où certains radiodiffuseurs publics des communautés autonomes, notamment au Pays basque, couvraient 100 % de la population et où tous ces radiodiffuseurs assuraient cette couverture par le biais de la TNT. Cela signifie, selon les requérantes, que l’immense majorité des noyaux de population situés dans la zone II recevait déjà le signal des radiodiffuseurs publics par le biais de la technologie terrestre et que, si les citoyens résidant dans la zone II devaient recevoir les chaînes privées par satellite, cela aurait entraîné une duplication des installations et des coûts, les foyers devant alors disposer à la fois d’un équipement de réception terrestre (pour recevoir les chaînes publiques) et d’un équipement de réception par satellite (pour recevoir les chaînes privées). Ainsi, ce chevauchement substantiel entre les zones I et II aurait généré d’importantes synergies de coûts en faveur de la TNT et aurait été une circonstance factuelle prise en considération par les autorités nationales lors de la comparaison entre les technologies en cause.
242 La Commission conteste l’argument des requérantes.
243 En l’espèce, il y a lieu d’observer, à l’instar des requérantes, que la décision attaquée ne mentionne pas expressément l’argument tiré, en substance, de la synergie des coûts induite par le chevauchement des zones I et II.
244 Cela étant, ledit argument s’inscrit dans l’argumentation plus générale des parties intéressées selon laquelle la technologie satellitaire était moins efficace en termes de coûts que la technologie terrestre aux fins de l’extension de la couverture dans la zone II.
245 Or, il ressort notamment des points 107 et 112 ci-dessus que cette argumentation a été rejetée au motif, en substance, que les études de coûts censées l’étayer ne permettaient pas d’établir que la technologie satellitaire était systématiquement désavantagée en termes de coûts par rapport à la technologie terrestre.
246 Il s’ensuit que la Commission a implicitement, mais nécessairement, rejeté l’argument tiré, en substance, de la synergie des coûts induite par le chevauchement des zones I et II.
247 Dès lors, le grief tiré du défaut de motivation et du défaut d’examen de la prétendue synergie des coûts induite par le chevauchement des zones I et II doit être rejeté.
248 Compte tenu de ce qui précède, le cinquième grief de la seconde branche du second moyen doit être rejeté ainsi que, par voie de conséquence, la seconde branche dans son ensemble.
249 Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la première branche du second moyen visant à contester le raisonnement principal sur la sélectivité exposé dans la décision attaquée. En effet, à supposer même que celui-ci soit entaché d’erreurs, cela ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée, laquelle est correctement fondée sur le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité.
250 Il s’ensuit que le second moyen doit être rejeté. Dès lors, le présent recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
251 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
252 Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et l’intervenante, conformément aux conclusions de celles-ci.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Cellnex Telecom, SA et Retevisión I, SA sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne et par SES Astra SA.