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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 10 juillet 2025, n° 25/02561

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Le Faubourg (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidente :

Mollat

Conseillère :

Pelier-Tetreau, Rohart

Avocats :

Dujardin, Vieira, Boumaiza

T. com. Meaux, du 13 janv. 2025, n° 2024…

13 janvier 2025

Exposé des faits et de la procédure

La société par actions simplifiée Le Faubourg, créée le 28 juillet 2018 et gérée par M. [R] [O], actionnaire unique, exerce une activité de restauration rapide, pizzeria, vente à emporter et salon de thé.

Par requête du 14 novembre 2024 du ministère public, le tribunal de commerce de Meaux a été saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Le Faubourg.

Par jugement du 2 décembre 2024, le tribunal a ordonné une enquête pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise et a renvoyé l'affaire au 13 janvier 2025.

Par jugement réputé contradictoire du 13 janvier 2025, le tribunal de commerce de Meaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Le Faubourg, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 13 juillet 2023, nommé la SELARL Garnier Philippe et [V], prise en la personne de Me [K] [V], en qualité de liquidateur judiciaire, et a dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par déclaration du 28 janvier 2025, la société Le Faubourg a interjeté appel de ce jugement, intimant ainsi la SELARL Garnier Philippe et [V] ès-qualités et le ministère public.

Par ordonnance du 11 avril 2025, Mme la délégataire du premier président de la cour d'appel de Paris a ordonné la suspension de l'exécution provisoire du jugement dont appel.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 juin 2025, la société Le Faubourg demande à la cour d'appel de Paris de :

- Constater l'irrégularité de l'acte de saisine du tribunal de commerce de Meaux ;

- Annuler l'acte de saisine du tribunal de commerce de Meaux ;

- Annuler en conséquence le jugement rendu par le tribunal de commerce de Meaux le 13 janvier 2025 ;

A titre subsidiaire :

- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Meaux le 13 janvier 2025 en ce qu'il a :

Ouvre une procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue par les articles L.641-2 et suivants du code de commerce à l'égard de :

Sté LE FAUBOURG [Adresse 1] Activité : Restauration rapide, pizzéria, ventes à emporter et salon de thé RCS Meaux B 841463953 (2018601755)

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au : 13/07/2023 ;

Nomme en qualité de juge-commissaire : Monsieur Jean Paul BERENGUIER ;

Désigner en qualité de liquidateur : Selarl GARNIER Philippe et [V] [K] mission conduite par Maître [V] [Adresse 3] ;

Invite le débiteur, sous peine de sanctions commerciales, à coopérer avec les organes de la procédure, et à ne pas faire obstacle à son déroulement ;

Impartit aux créanciers pour la déclaration de leur créance, un délai de deux mois à compter de la publication du présent jugement au Bodacc ;

Dit qu'en vertu des dispositions de l'article L.641-9 II du code de commerce, lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation judiciaire le demeurent, sauf disposition contraire des statuts ou décision de l'assemblée générale ;

Dit que le liquidateur devra établir dans le mois du présent jugement un rapport sur la situation conformément aux dispositions de l'article L.641-2 du code de commerce, et dans le délai de deux mois un état de l'évaluation de l'actif et du passif privilégié et chirographaire, précisant le nombre de salariés, conformément aux dispositions de l'article R.641-27 du code de commerce ;

Dit que pour l'application des articles R.641-27 et R.644-1 du code de commerce, le liquidateur devra avec le dépôt de son rapport au greffe, saisir le juge-commissaire quant à la vérification ou dispense de tout ou partie du passif ;

Dit que sous réserves des dispositions de l'article R.641-27 du code de commerce, le liquidateur devra établir dans le délai de cinq mois à compter de la publication au Bodacc du présent jugement, la liste des créances déclarées, avec ses propositions d'admission, de rejet, ou de renvoi devant la juridiction compétente et ce, conformément aux dispositions de l'article L.624-1 du code de commerce ;

Dit que seront déposés au greffe, à la diligence du liquidateur, l'inventaire, et la liste des créanciers ;

Fixe en conformité de l'article L.644-5 du code de commerce à six mois le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être prononcée, sauf à être prorogée sur requête motivée du liquidateur ;

Dit que conformément à l'article L.641-2 du code de commerce, le liquidateur judiciaire aura pour mission de réaliser l'inventaire dans cette procédure, ORDONNE la transmission du présent jugement à :

' Monsieur [R] [D] [O],

- Selarl GARNIER Philippe et [V] [K] mission conduite par Maître [V], liquidateur judiciaire,

Monsieur le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Meaux,

Ordonne les mesures de publicité prévues par la loi et le décret, l'exécution provisoire du présent jugement et l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Et statuant de nouveau :

- Dire n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la SAS LE FAUBOURG ;

A titre infiniment subsidiaire :

- Ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS LE FAUBOURG ;

En tous les cas :

- Condamner Maître [V] et L'agent Judiciaire de l'Etat à régler à la SAS LE FAUBOURG une somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 mai 2025, la SELARL Garnier Philippe et [V], ès-qualités, demande à la cour d'appel de Paris de :

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 13 janvier 2025,

Subsidiairement, s'il devait être prononcé la nullité du jugement du 13 janvier 2025, par l'effet dévolutif de l'appel :

- Constater que la société LE FAUBOURG est en état de cessation des paiements ;

En conséquence :

- Ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société LE FAUBOURG ;

- Fixer la date de cessation des paiements ;

- Procéder à la nomination des mandataires de justice et du juge commissaire ;

Encore plus subsidiairement, s'il ne devait pas être ouvert de procédure collective à l'égard de la société LE FAUBOURG :

- Mettre à la charge de la société LE FAUBOURG les frais et honoraires de justice relevant de la présente instance et de la liquidation judiciaire ainsi que les dépens d'instance ;

En tout état de cause :

- Débouter la société LE FAUBOURG de sa demande de condamnation de la Selarl Garnier [V] au titre de l'article 700 ainsi qu'aux dépens.

Par avis notifié par voie électronique le 7 mai 2025, le ministère public demande à la cour d'appel de Paris de :

- Annuler la décision du tribunal de commerce de Meaux en date du 13 janvier 2025 ;

- A défaut, sauf à ce que la société fournisse des éléments permettant de démontrer que son redressement n'est pas manifestement impossible, confirmer le jugement entrepris.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 24 juin 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du jugement :

La société Le Faubourg, fait valoir qu'elle a été convoquée uniquement par lettre recommandée avec accusé de réception, que cette lettre est revenue non distribuée auprès du greffe du tribunal de commerce de Meaux, la société Le Faubourg ne recevant plus de courrier depuis quelques mois, ainsi qu'il résulte de la lettre de réclamation adressée à la Poste mentionnant qu'elle ne recevait plus aucun courrier.

Elle considère qu'elle a été placée en liquidation judiciaire sans être régulièrement convoquée puisque le ministère public ne l'a pas fait citer et ajoute qu'elle-même et son dirigeant n'ont pas été régulièrement convoqués par l'expert. Elle précise que c'est par son établissement bancaire qu'elle a été informée de la mise en liquidation judiciaire de la société Le Faubourg.

Ainsi, soutenant qu'elle et son président n'ont jamais été destinataires d'une citation à comparaître, l'appelante conclut à l'annulation de l'acte introductif et, par conséquent, à l'annulation du jugement en se fondant sur le fait que constitue un excès de pouvoir le fait pour un juge, qui se prononce en matière de réalisation d'actif du débiteur en liquidation judiciaire, de statuer sans que le débiteur ait été entendu ou dûment appelé.

La SELARL Garnier Philippe et [V], ès-qualités, répond qu'en sa qualité d'expert, elle a dûment convoqué le dirigeant et la société Le Faubourg aux adresses figurant sur le Kbis mais que le dirigeant n'a pas répondu et considère dès lors qu'il existe une carence de sa part.

Elle ajoute que le dirigeant, dans le cadre de la procédure en suspension de l'exécution provisoire, a indiqué être domicilié à une adresse différente de celle figurant sur le Kbis et sur l'assignation en référé-suspension, délivrée par la société Le Faubourg.

Elle fait valoir que si la cour devait considérer que le défaut de convocation par voie de signification devait entraîner la nullité du jugement, celle-ci n'entraînera pas la nullité de la saisine du tribunal, qui a été régulièrement saisi par le procureur de la République.

Le ministère public, conclut à l'annulation du jugement puisque la convocation à l'audience du 2 décembre 2024 n'apparaît pas avoir été régulièrement délivrée.

Sur ce

Il résulte de l'article R. 631-4 du code de commerce, qu'en cas de saisine du tribunal par requête du ministère public, le président du tribunal fait convoquer par les soins du greffier le débiteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Toutefois, selon l'article 670-1 du code de procédure civile, « en cas de retour au greffe de la juridiction d'une lettre de notification dont l'avis de réception n'a pas été signé dans les conditions prévues à l'article 670, le greffier invite la partie à procéder par voie de signification ».

En l'espèce, il ne résulte pas du jugement que le courrier recommandé convoquant la société Le Faubourg lui soit parvenu et contrairement aux dispositions de l'article 670-1 du code de procédure civile, elle n'a pas été convoquée par voie de signification.

Il s'ensuit qu'elle n'a pas été régulièrement convoquée et il convient donc d'annuler le jugement.

Cependant, la cour ayant été saisie par la requête du ministère public, l'irrégularité de la convocation n'affecte pas la saisine de la cour, de sorte que par l'effet dévolutif de l'appel, la cour statuera au fond.

Sur l'état de cessation des paiements :

La société Le Faubourg conteste être en état de cessation des paiements.

Elle fait valoir que la dette envers le bailleur a été réglée par des paiements effectués par le dirigeant à titre personnel et verse au débat un décompte dressé par le mandataire du bailleur démontrant que la dette a été entièrement soldée.

Elle conteste être débitrice de la société Veolia et indique n'avoir jamais eu connaissance d'une telle dette.

Elle conteste également être débitrice d'une dette Engie d'un montant de 1.711,18 euros invoquée par le liquidateur, indiquant n'avoir jamais été informée de cette dette et relevant que la déclaration de créance faite par la société Eos ne contient aucun détail et aucun justificatif.

Enfin, s'agissant des dettes fiscales, elle indique être débitrice d'un montant de 1.908,54 euros.

Au total elle admet que son passif exigible est de 1.908,54 euros.

Elle soutient que son actif disponible s'élève à la somme de 1.011,46 euros, comme indiqué par le liquidateur judiciaire, mais qu'elle dispose également d'une réserve de crédit de 5.770 euros correspondant aux fonds détenus par son dirigeant M. [O], que celui-ci a voulu employer pour solder les dettes, ce qui lui a été refusé par les créanciers en raison de la survenance de la liquidation judiciaire. Elle en conclut qu'elle est en mesure de faire face à son passif exigible.

Le liquidateur judiciaire, prétend que le passif échu d'un montant de 12.042,19 euros est constitué :

- d'une dette envers le bailleur de 6.192,62 euros,

- d'une dette à l'égard de Veolia d'un montant de 1.463,39 euros,

- d'une dette à l'égard de la société Engie d'un montant de 1.711,18 euros

- d'une dette fiscale à hauteur de 2.675 euros correspondant à de la TVA 2023 et Juillet 2024 et de la CFE 2024

Il indique que son actif disponible s'élève à 1.011,46 euros correspondant au solde du compte bancaire.

Il en conclut que la société Le Faubourg est en état de cessation des paiements.

Sur ce

Il résulte de l'article L. 631-1 du code de commerce que la cessation des paiements se définit comme étant l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, mais que le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en état de cessation des paiements.

En l'espèce, il résulte des pièces versées au débat :

- que la créance du bailleur a été soldée en raison des paiements effectués en mai et juin 2025 par le gérant, ainsi qu'il en est attesté par le décompte établi le 10 juin 2025 par la société Jurigest, intervenant pour le compte du bailleur ( pièce 25),

- que la créance de Veolia est sérieusement contestée puisque la déclaration de créance vise la société Boune Frères, ce qui explique que la société Le Faubourg n'en ait pas eu connaissance,

- que la créance de Engie est également sérieusement contestée puisque aucun justificatif, aucun décompte et aucune facture ne sont joints à la déclaration de créance,

- que la créance de l'administration fiscale est effectivement de 1.908,54 euros, puisque le bordereau de situation fiscale établi par le PRS de la Seine et Marne et adressé à Me [V] le 9 avril 2025 fait état d'un reste à payer de 1.908,54 euros ( pièce 22).

Il s'ensuit que le passif exigible s'élève à 1.908,54 euros.

Face à ce passif, l'actif disponible est de 1.011,46 euros, correspondant au solde bancaire viré chez le liquidateur judiciaire et par ailleurs la société Le Faubourg dispose d'une réserve de crédit de 5.770 euros correspondant aux fonds détenus par son dirigeant M. [O] ( pièce 26), que celui-ci a voulu employer pour solder les dettes, ce qui lui a été refusé par les créanciers en raison de la survenance de la liquidation judiciaire.

Il s'ensuit que le passif exigible étant inférieur à l'actif disponible, la société Le Faubourg n'est pas en état de cessation des paiements et il n'y a donc pas lieu d'ouvrir une procédure collective à son encontre.

Compte tenu du prononcé de la nullité du jugement déféré ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Le Faubourg et désignant la SELARL Garnier Philippe et [V], prise en la personne de Me [K] [V], en qualité de liquidateur judiciaire, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de mettre à la charge de la société LE FAUBOURG les frais et honoraires de justice relevant de la présente instance et de la liquidation judiciaire ainsi que les dépens d'instance.

Les dépens seront à la charge du Trésor Public.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Annule le jugement,

Saisie par l'effet dévolutif de l'appel,

Constate que la société Le Faubourg n'est pas en état de cessation des paiements,

Dit n'y avoir lieu à ouverture à son égard d'une procédure de liquidation judiciaire,

Rejette la demande de la SELARL Garnier Philippe et [V], prise en la personne de Me [K] [V], de mettre à la charge de la société LE FAUBOURG les frais et honoraires de justice relevant de la présente instance et de la liquidation judiciaire ainsi que les dépens d'instance.

Met les dépens de l'instance à la charge du Trésor Public,

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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