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Décisions

CA Colmar, ch. 2 a, 16 juillet 2025, n° 22/02923

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 22/02923

16 juillet 2025

MINUTE N° 356/2025

Copie exécutoire

aux avocats

Le 16 juillet 2025

La greffière

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 JUILLET 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02923 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-H4PS

Décision déférée à la cour : 08 Juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Saverne

APPELANTE :

La S.A. MMA IARD prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie ROTH, avocat à la cour

INTIMÉE :

La S.A.S. DENNI LEGOLL prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 3]

représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne RHODE, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre

Monsieur Philippe ROUBLOT, conseiller

Madame Anne RHODE, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Régine VELLAINE, cadre greffier

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par des contrats conclus le 24 juin 2015, M. [Y] [T] et Mme [H] [N] ont confié à la SAS Denni-Legoll les lots terrassement, réseaux extérieurs et aménagements extérieurs dans le cadre de la construction de leur maison d'habitation située [Adresse 2] à [Localité 4].

Suite à l'apparition des désordres, M. [T] et Mme [N] ont assigné le maître d''uvre et une partie des entreprises devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg qui, par ordonnance du 6 juillet 2018, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire.

Le 5 octobre 2018, la SAS Denni-Legoll a régularisé une déclaration de sinistre auprès de son assureur la SA MMA IARD.

Par un courrier du 15 octobre 2018, la SA MMA IARD a informé la SAS Denni-Legoll que le sinistre déclaré n'était pas couvert par sa garantie.

Par une ordonnance du 20 juin 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné in solidum la SCP AEA Architectes et la SAS Denni-Legoll à payer à M. [T] et Mme [N] la somme de 56 664 € à titre de provision.

Par un arrêt du 28 mai 2020, la cour d'appel de Colmar a confirmé l'ordonnance du 20 juin 2019.

Par un courriel du 25 juin 2020 adressé par l'intermédiaire de son conseil, la SAS Denni-Legoll a demandé à la SA MMA IARD le remboursement de la somme de 30 181,76 € versée en exécution de l'arrêt du 28 mai 2020.

Par acte du 12 octobre 2020, la SAS Denni-Legoll a fait assigner la SA MMA IARD devant le tribunal judiciaire de Saverne.

Par jugement rendu le 8 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Saverne a :

Condamné la SA MMA IARD à payer à la SAS Denni-Legoll la somme de 30 181,76 € avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2020 ;

Rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

Rappelé que le jugement est exécutoire à titre provisoire ;

Condamné la SA MMA IARD à payer à la SAS Denni-Legoll la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SA MMA IARD aux dépens.

La SA MMA IARD a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 25 juillet 2022.

La SAS Denni-Legoll s'est constituée intimée le 31 août 2022.

Par ordonnance du 6 février 2025, l'instruction a été clôturée et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoirie du 26 juin 2024.

Par ordonnance du 15 avril 2025, la présidente de la deuxième chambre de la cour a ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à l'audience de la chambre autre composée du 4 juin 2025.

Dans ses dernières conclusions datées du 6 juillet 2023, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SA MMA IARD demande à la cour de :

Infirmer le jugement prononcé le 8 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Saverne en ce qu'il a :

Condamné la SA MMA IARD à payer à la SAS Denni-Legoll la somme de 30 181,76 € avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2020,

Condamné la SA MMA IARD à payer à la SAS Denni-Legoll la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SA MMA IARD aux dépens,

Statuant à nouveau ;

Débouter la SAS Denni-Legoll de toutes ses demandes dirigées contre MMA IARD SA es qualité d'assureur de la société Denni-Legoll ;

Si par impossible la cour venait à entrer en voie de condamnation à l'encontre de MMA IARD SA,

Vu les articles 1101 et suivants du code civil,

Vu l'article L 214-1 du code des assurances,

Juger bien fondée MMA IARD SA à opposer à la société Denni-Legoll la franchise tel que stipulée à la police n°107640255 soit la somme de 6 690 € ;

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile,

Condamner la SAS Denni-Legoll aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SAS Denni-Legoll à payer à MMA IARD SA, la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.

Dans ses dernières conclusions datées du 23 janvier 2023, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SAS Denni-Legoll demande à la cour de :

Déclarer l'appel mal fondé,

Rejeter l'appel,

Confirmer le jugement entrepris du 8 juillet 2022 en toutes ses dispositions,

Débouter la SA MMA IARD de l'intégralité de ses fins et conclusions,

Condamner la SA MMA IARD à payer à la SAS Denni-Legoll la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

Condamner la SA MMA IARD aux entiers frais et dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

L'affaire a été évoquée à l'audience de plaidoirie du 4 juin 2025 puis mise en délibéré à la date du 16 juillet 2025, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1383-2 du code civil dispose que l'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté. Il fait foi contre celui qui l'a fait. Il ne peut être divisé contre son auteur. Il est irrévocable, sauf en cas d'erreur de fait.

En l'espèce, par arrêt du 28 mai 2020, la cour d'appel de Colmar a confirmé la condamnation solidaire, prononcée en référé, de la SAS Denni-Legoll à payer aux époux [T] la provision de 56 664 € au titre des désordres affectant leur maison d'habitation retenant que le vice affectant le talus de la maison engageait la responsabilité décennale de cette première.

Suite à cette condamnation, la SAS Denni-Legoll a sollicité, sans succès, la garantie de son assureur, la SA MMA IARD.

A hauteur d'appel, la SA MMA IARD ne conteste pas être l'assureur décennal de la société Denni-Legoll.

Rappelant à juste titre que la décision du 28 mai 2020 n'est pas assortie de l'autorité de la chose jugée au principal, elle conteste devoir sa garantie considérant que les travaux litigieux n'ont pas été réceptionnés. Elle indique ainsi que les maîtres d'ouvrage ont écrit dans leurs conclusions d'appel que la réception de l'ouvrage n'était pas intervenue et que cela ressort tant du corps de l'arrêt du 28 mai 2020 que de la note aux parties n°2 de l'expert judiciaire et du rapport d'expertise subséquemment déposé.

La cour relève néanmoins, d'une part, que la notion de réception est une notion juridique qui échappe à la compétence de l'expert et, d'autre part, que l'aveu judiciaire fait foi contre celui qui l'a fait, et non contre les tiers, et est révocable en cas d'erreur de fait. Or, en l'espèce, le moyen tiré de l'aveu judiciaire ne peut prospérer dans la mesure où l'assureur ne se fonde pas sur les déclarations de la SAS Denni-Legoll.

Concernant la réception des travaux, le document intitulé « Réception des travaux ' procès-verbal des opérations préalables à la réception », signé entre la SAS Denni-Legoll et le maître d''uvre le 20 avril 2017, ne peut valoir procès-verbal de réception dans la mesure où il n'est pas signé par le maître de l'ouvrage conformément aux dispositions de l'article 1792-6 du code civil.

Concernant une éventuelle réception tacite des travaux, la SAS Denni-Legoll justifie que les époux [T] se sont acquittés du paiement de l'ensemble de ses factures. Il résulte en outre des pièces produites que les époux [T] ont pu entrer dans les lieux au mois d'août 2016 et ont ensuite cédé leur bien aux termes d'un acte notarié conclu le 15 février 2022.

Or, la prise de possession de l'ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de les recevoir étant rappelé en outre que la réception partielle par lots est possible puisqu'elle n'est pas prohibée par la loi (Cass. civ. 3, 16 novembre 2010, n° 10-10.828 ; Cass. civ. 3, 21 juin 2011, n° 10-20.216 ; Cass. civ. 3, 23 septembre 2014, n° 13-18.183).

Les contestations du maître de l'ouvrage, postérieurement au paiement des factures et à la prise de possession de l'ouvrage, ne sont pas de nature à remettre en cause la réception tacite qui s'était d'ores et déjà opérée.

L'assureur ne contestant pas que les autres conditions de la garantie décennale sont réunies, la condamnation prononcée sera confirmée sous réserve de l'application de l'application de la franchise à hauteur de la somme de 6 690 €.

Cette demande présentée pour la première fois par l'assureur à hauteur d'appel entre dans le champ d'application de l'article 566 du code de procédure civile qui dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En conséquence, la SA MMA IARD sera condamnée à payer à la SAS Denni-Legoll la somme de 23 491,76 € avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2020.

Succombant pour l'essentiel, la SA MMA IARD sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de la SA MMA IARD une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 500 € au profit de la SAS Denni-Legoll, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe après débats en audience publique,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saverne le 8 juillet 2022 sauf en ce qu'il a condamné la SA MMA IARD à payer à la SAS Denni-Legoll la somme de 30 181,76 € avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2020 ;

L'infirme de ce seul chef ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SA MMA IARD à payer à la SAS Denni-Legoll la somme de 23 491,76 € (vingt-trois mille quatre cent quatre-vingt-onze euros et soixante-seize centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2020 ;

Condamne la SA MMA IARD aux dépens de la procédure d'appel ;

Condamne la SA MMA IARD à payer à la SAS Denni-Legoll la somme de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SA MMAR IARD de ses prétentions au titre des frais irrépétibles ;

La greffière, Le président,

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