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Décisions

CA Orléans, ch. securite soc., 15 juillet 2025, n° 24/03545

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 24/03545

15 juillet 2025

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS

CPAM D'INDRE ET LOIRE

EXPÉDITION à :

S.A.S. [7]

Pole social du TJ de TOURS

ARRÊT DU : 15 JUILLET 2025

Minute n°

N° RG 24/03545 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HEBE

Décision de première instance : Pole social du TJ de TOURS en date du 04 Novembre 2024

ENTRE

APPELANTE :

S.A.S. [7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie RISSE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART,

ET

INTIMÉE :

CPAM D'INDRE ET LOIRE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par M. [C], en vertu d'un pouvoir spécial

D'AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 MAI 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, chargé du rapport.

Lors du délibéré :

Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,

Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.

Greffier :

Madame Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA, greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience publique le 27 MAI 2025.

ARRÊT :

- Contradictoire, en dernier ressort.

- Prononcé le 15 JUILLET 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Madame Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Mme [G], salariée de la société [7], employée successivement en qualité d'employée de bureau, d'assistante commerciale, de responsable d'administration et de responsable d'administration, a présenté une déclaration de maladie professionnelle le 29 juillet 2021. Le certificat médical initial du 13 juillet 2021 fait état de « stress post traumatique ».

Le dossier a été transmis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) du Centre Val de Loire, lequel a considéré, dans son avis du 8 mars 2022, qu'il existait un lien direct et essentiel entre la maladie et les activités professionnelles de Mme [G].

Par courrier du 10 mars 2022, la Caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire a notifié à la société [7] la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Mme [G] au titre de la législation professionnelle, suite à l'avis du CRRMP.

Le 29 mars 2022, la société [7] a saisi la commission de recours amiable d'un recours.

Par requête du 7 juillet 2022, la société [7] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Tours en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie concernant la prise en charge de la maladie de Mme [G] au titre de la législation professionnelle.

Par jugement du 23 janvier 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Tours a :

Déclaré recevable le recours formé par la société [7],

Ordonné la saisine du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 6] sur le point de savoir si la pathologie dont Mme [Y] [G] est victime « suite post traumatique suite rejet AT » a une origine professionnelle ou non,

Dit que ce comité indiquera de façon motivée si, compte tenu des éléments de l'espèce il est établi que la maladie déclarée par Mme [Y] [G] a été essentiellement et directement causée par son travail habituel,

Sursis à statuer dans l'attente du rapport du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 6],

Renvoyé l'affaire à l'audience du 4 décembre 2023.

L'avis du CRRMP des Pays de la Loire a été rendu le 23 avril 2024.

Par jugement du 4 novembre 2024, le pôle social du tribunal judiciaire de Tours a :

Vu les dispositions de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale,

Vu les dispositions de l'article R.142-17-2 du code de la sécurité sociale,

Débouté la société [7] de son recours,

Déclaré opposable à la société [7] la décision de prise en charge de la maladie de Mme [Y] [G] au titre de la législation sur les risques professionnels en date du 10 mars 2022,

Débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamné la société [7] aux dépens de l'instance.

Le jugement lui ayant été notifié, la société [7] en a relevé appel par déclaration du 25 novembre 2024.

Aux termes de ses conclusions soutenues oralement à l'audience du 27 mai 2025, la société [7] demande de :

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du Tribunal judiciaire de Tours le 4 novembre 2024, et qu'elle statue à nouveau en vue de :

Accueillir la contestation de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Mme [G] et de la déclarer bien fondée,

Annuler la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle de Mme [G] en date du 10 mars 2022,

Condamner la Cpam au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions soutenues oralement à l'audience du 27 mai 2025, la Caisse primaire d'assurance maladie demande de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 novembre 2024 par le pôle social du tribunal judiciaire de Tours,

Statuant à nouveau :

débouter la société [7] de l'ensemble de ses demandes,

confirmer la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par Mme [G] en date du 16 février 2021,

condamner la société [7] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est référé, pour le surplus aux écritures déposées par les parties à l'appui de leurs explications orales devant la cour.

SUR QUOI, LA COUR

La société [7] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a confirmé la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Mme [S] de la Caisse primaire d'assurance maladie, alors que, s'agissant d'une maladie « hors tableau », il appartient à la salariée de montrer que la maladie est liée à l'exercice de son travail.

Sur l'évaluation du taux d'IPP prévisible à 25%, elle s'étonne que, s'agissant d'une maladie psychique, un expert psychiatre n'ait pas été sollicité et qu'elle puisse être établie pour une patiente dont l'état n'est pas consolidé. Elle considère en outre comme improbable que le taux d'IPP soit évalué à 25% le 2 août 2021, alors que Mme [G] a repris un travail du même type un mois plus tard.

Elle critique par ailleurs le jugement en ce qu'il a considéré qu'elle n'apportait pas la preuve du caractère fallacieux des griefs formulés par Mme [G] pour justifier du caractère professionnel de sa maladie, alors que Mme [G] n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'existence d'un lien entre son travail habituel et sa pathologie, le « stress post traumatique » dont elle se dit victime depuis l'entretien du 16 février 2021.

La société fait valoir que Mme [G] n'apporte aucun élément de preuve quant aux propos tenus par M. [V], son employeur, lors de l'entretien, alors que ce dernier l'a toujours soutenue et ne l'a jamais menacée. Elle rappelle que M. [V] a seulement refusé la demande de rupture conventionnelle de la salariée et lui a fait rapidement une proposition financière. Elle conteste la teneur des propos prêtés à M. [V] par Mme [G]. Le stress post-traumatique ne repose sur aucun élément tangible et la Caisse n'apporte aucun autre élément de preuve.

Elle fait également valoir que le stress post-traumatique résulterait d'un entretien qui constitue un événement unique et soudain, constitutif d'un accident du travail et non d'une maladie professionnelle. De plus, elle produit des attestations de salariés, collègues de Mme [G], démontrant l'absence de tensions entre cette dernière et M. [V], et l'absence de harcèlement ou manque de respect à l'encontre de ses salariés. Elle soutient que Mme [G] ne s'était jamais plainte de ses conditions de travail, laquelle avait 35 ans d'ancienneté. Elle considère que la salariée n'apporte pas la preuve d'une discrimination, de mauvaises conditions de travail ou de surcharge de travail qu'elle allègue et ne rapporte pas la preuve que la maladie déclarée résulterait de ses conditions de travail habituelles.

La Caisse primaire d'assurance maladie sollicite la confirmation du jugement entrepris. Elle fait valoir que la société n'apporte aucun élément de nature à contredire l'évaluation du taux d'IPP prévisible à 25%, se contentant d'affirmations dubitatives, alors qu'ainsi que l'a retenu le tribunal, le médecin conseil a pu se prononcer sur l'évaluation de ce taux au regard des éléments médicaux objectifs.

Elle s'appuie sur les avis concordants des deux CRRMP saisis dans le cadre de l'instruction qu'elle a menée, ainsi que sur les éléments de fait recueillis par son agent enquêteur, qui démontrent, selon elle, que Mme [G] a été exposée à des conditions de travail dégradées, marquée par une pression constante, des propos humiliants et un climat professionnel anxiogène. Elle estime que la société n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le lien direct et essentiel établi entre la maladie déclarée et le travail de la victime.

Appréciation de la Cour.

L'article L.461-1 du code de la sécurité sociale dispose : « Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident :

1° La date la première constatation médicale de la maladie ;

2° Lorsqu'elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L.461-5 ;

3° Pour l'application des règles de prescription de l'article L.431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraine le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L.434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé [25%].

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité, ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixées par décret. L'avis du comité s'impose à la Caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L.315-1.

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues au septième et avant-dernier alinéa du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire ».

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie déclarée par Mme [G] ' « stress post traumatique suite rejet AT » est une maladie hors tableau.

- Sur l'évaluation du taux d'IPP prévisible à 25%

La société [7] conteste le taux d'IPP prévisible fixé à 25% par le médecin conseil.

Au contraire de ce qu'affirme l'employeur, la fiche colloque présentée par la Caisse primaire est à relier au dossier de Mme [G], puisqu'elle comporte le numéro NIR de l'assurée, ainsi que le n° de sinistre, dont l'employeur avait connaissance, puisque ces mêmes références figurent sur le questionnaire d'instruction auquel il a répondu le 6 octobre 2021.

Quant à l'évaluation elle-même, si la société émet des doutes et s'étonne, elle ne présente aucun élément médical objectif de nature à contredire la décision du médecin conseil, lequel a pu consulter, pour prendre sa décision, les documents et certificats médicaux du dossier de Mme [G].

Ce moyen sera donc rejeté.

- Sur le caractère professionnel de la pathologie déclarée par Mme [G]

Il y a lieu de rappeler que si l'accident du travail est lié à un événement soudain, la maladie professionnelle se caractérise par l'exposition prolongée à des risques présents lors de l'exercice de la profession.

En l'espèce, Mme [G] a présenté une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour « stress postraumatique » suite au refus de prise en charge de l'accident qu'elle a déclaré le 16 février 2021 ' suite à un entretien avec son employeur - notifié par la Caisse primaire le 2 juillet 2021.

Dans le cadre d'une maladie « hors tableau », Mme [G] ' et donc la Caisse dans ses relations avec l'employeur ' doit démontrer que son stress « post-traumatique » (le traumatisme évoquant déjà un événement unique) est lié à des événements répétés pour constituer la maladie et que cette pathologie est liée à son activité professionnelle.

La Caisse primaire s'appuie sur les éléments recueillis lors de son instruction, et notamment le courrier de Mme [G] du 30 juillet 2021 : « Je souffre d'un stress post traumatique suite à un entretien que j'ai eu avec mon employeur », le 16 février 2021, entretien qu'elle avait sollicité. Elle explique qu'elle se sentait victime de discrimination, eu égard notamment au statut de cadre, à la voiture de fonction et au salaire.

Elle précise : « Le mardi 16 février, au début de notre entretien, j'ai rappelé tous les faits énoncés ci-dessus sans que M. [V] ne me propose quoi que ce soit. Je lui ai donc dit que j'avais eu des propositions intéressantes et qu'éventuellement je songeais à quitter la société. Il m'a répondu « Ok, et bien tire-toi !... » J'ai tout de même demandé s'il était envisageable de procéder à une rupture conventionnelle et c'est là que tout a commencé'

M. [V] est entré dans une violente colère en m'insultant. « Il faut être vraiment très conne à ton âge avec plus de 30 ans d'ancienneté » et en dénigrant mon travail en me disant que « sans nous derrière, t'es bonne à rien ».

Il m'a dit « si tu pars et que la boite se casse la gueule, il faudra que je licencie tes collègues. S'il y en a un qui se suicide, tu auras leur mort sur ta conscience jusqu'à la fin de tes jours ».

Il m'a menacé en me disant « si tu quittes [7], tu quittes la famille. Je te préviens, si tu pars je vais te massacrer, je vais te pulvériser ; je vais te pourrir dans le métier et auprès de tes collègues' Réfléchies bien ». A ce moment, il avait un regard noir et pénétrant, il a pointé à plusieurs reprises son poing vers moi. J'étais terrorisée.

C'est à ce moment qu'il m'a dit si tu veux partir, tu me donnes ta démission maintenant' J'étais en pleurs, je ne pensais pas qu'on en arriverait là, à des menaces et des paroles si violentes.

J'ai tout de même répondu que j'étais cadre et que je pensais avoir un préavis de 3 mois. Il m'a répondu très en colère « Ah ok, tu veux m'emmerder, je te préviens ton préavis se fera dans le fond du bureau sans téléphone, sans ordinateur, sans accès au toilette, ni à la cuisine », j'ai répondu qu'il n'avait pas le droit de me traiter comme ça. Il m'a dit « ici c'est moi le patron, c'est moi qui commande, je fais ce que je veux ».

J'étais en pleurs, je ne savais plus quoi faire, je voulais juste quitter le bureau' j'étais sur le point de donner ma démission' Et là, je lui ai dit que je voulais réfléchir et demander conseil auprès d'un avocat.

De suite, la situation a changé, il m'a donné un kleenex (j'étais en larmes). Il m'a dit « tu vois, je vais encore être grand seigneur, je vais réfléchir à une proposition financière pour l'année 2022, si tu atteins le million ».

Je l'ai remercié, en lui disant « Ok, je te remercie, on se laisse quelques jours pour réfléchir »' C'est pour moi la seule solution pour quitter ce bureau.

Avant de sortir, il m'a demandé d'aller me calmer dehors, et surtout de ne rien dire à mes collègues.

Je suis allée dehors pendant quelques minutes, et je suis rentrée dans l'open space où est placé mon bureau. Il y avait [Y] [P] et [E] [B]. Elles ont tout de suite vu que je n'allais pas bien' J'étais toujours en larmes, et tremblante. Elles m'ont demandé ce qu'il c'était passé. J'ai raconté les grandes lignes' Elles m'ont réconfortée. Puis après une vingtaine de minutes, j'ai décidé de partir (j'étais normalement en chômage partiel l'après-midi). Quelques minutes avant de quitter le bureau, [D] [J] est arrivé au bureau de [Y] [P]. C'est à ce moment que j'ai plié mes affaires, j'ai dit au revoir à mes collègues. [D] [J] m'a demandé ce qui se passait (je lui ai répondu « rien ») et je suis partie en saluant M. [V].

Après 31 années passées chez [7], je n'aurais jamais pensé vivre ce genre d'expérience. J'étais choquée, sur la route du retour, je me suis arrêtée à plusieurs reprises parce que mes jambes tremblées. J'avais peur.

Le mercredi 17 février, j'étais en télétravail le matin et chômage partiel l'après-midi. J'ai eu énormément de mal à me concentrer, je pleurais tout le temps. J'avais rendez-vous chez mon médecin traitant le vendredi mais j'ai préféré avancé mon rendez-vous au jeudi car je me sentais vraiment mal.

Le jeudi 18 février, j'ai prévenu M. [V] que je ne me sentais pas bien et que j'avais rendez-vous avec mon médecin.

Le jeudi 18 février, j'ai également contacté la médecine du travail pour les informer de ce qui s'était passé. Ils m'ont donné un rendez-vous pour le lundi 22 février. Je n'ai pas pu reprendre mon activité.

A ce jour, je suis toujours sous traitement anti-dépresseurs et parfois anxiolytiques.

Lors de ma dernière visite à la médecine du travail (le 27/07/2021), le Dr [N] a indiqué que j'étais inapte à reprendre mon activité au sein de la société [7] ».

Figure également au dossier de la Caisse primaire un certificat du médecin traitant de Mme [G] qui atteste qu'il la suit depuis 10 ans et qu'elle « n'avait jamais souffert de pathologie psychiatrique ni d'épisode anxieux. Je la connais dynamique et battante.

Elle me dit que ces symptômes ont débuté suite à un événement survenu dans le cadre de son travail. Devant l'ampleur des symptômes (angoisses, attaques de panique, troubles du sommeil, phobies) nous avons débuté un traitement anxiolytique (alprazolam) et un traitement de fond anti-dépresseur (escitalopram). Malgré son suivi et une certaine amélioration de la composante anxieuse, elle reste à ce jour dans l'incapacité de retravailler à son poste ». Si le certificat confirme la pathologie de Mme [G], il n'établit pas son origine, le médecin ne faisant que reprendre les dires de sa patiente.

Il convient de relever d'une part que, quant à l'origine de ces symptômes, le médecin traitant établit son certificat sur la base des dires de Mme [G], et d'autre part qu'elle ne présente aucune attestation de témoin relatant les faits, comme ceux de Mme [P], Mme [B] ou M. [J] pourtant cités par la salariée et qui l'auraient réconfortée après l'entretien.

En réponse à ces allégations, M. [V], employeur a répondu lors de l'instruction de la Caisse que « Mme [G] ne m'a alerté sur ses difficultés que le 16 février 2021 (') date à laquelle elle m'a demandé une rupture conventionnelle de son contrat de travail que j'ai refusé, ce qui lui a fortement déplu ». Il explique qu'en cas de difficultés dans le travail, « en cas de difficultés techniques, Mme [G] se référait à [A] [Z], le responsable technique. Pour les difficultés dans le suivi commercial des dossiers, elle se tournait vers moi. D'ailleurs un grand nombre de projet ont été finalisés grâce à la collaboration de [A] [Z] et moi-même ».

Interrogé sur les raisons de son mal-être, il répond qu'il n'est pas certain de l'existence de son mal être. « Je pense que Mme [G] a été heurtée par mon refus de rompre de manière conventionnelle son contrat de travail.

Lors de notre entrevu le 16 février 2021, elle venait m'informer qu'elle souhaitait que je lui accorde une rupture conventionnelle (précisant que je lui devait pour bons et loyaux services') pour aller travailler chez un concurrent car la proposition salariale était meilleure. J'ai en toute logique refusé.

Je suis dubitatif que le mal être dont elle se prévaut.

En effet, après son licenciement pour inaptitude effectif au 30 août 2021, Mme [G] a repris un poste identique chez un concurrent (société [3] basé dans le 44 voir copie Linkedin) tel qu'elle me l'avait annoncé lors de notre entrevue du 16 février 2021.

Elle tenté de faire reconnaître un accident de travail et faute d'aboutir, tente maintenant de faire reconnaître une maladie professionnelle ».

Dans un courrier du 23 juin 2021 adressé à la Caisse primaire, M. [V] affirme avoir rétorqué à Mme [G] à sa demande de rupture conventionnelle « il faudrait être 'con' pour un dirigeant d'accepter une rupture conventionnelle d'un salarié ayant 31 ans d'ancienneté pour le voir partir à la concurrence ». Il affirme ne lui avoir jamais dit « de se tirer » ni l'avoir insultée ou dénigrée son travail et indique au contraire l'avoir toujours soutenue, comme l'indique la copie d'un échange de sms qu'il verse au dossier.

Il affirme ne l'avoir à aucun moment menacée : « cela ne correspond pas du tout à mon mode de management que j'exerce depuis 1995 chez la société [7] ». De fait, l'employeur verse au dossier plusieurs attestations de salariés qui témoignent de ce que M. [V] n'a jamais parlé ni eu de comportement agressif ou déplacé vis-à-vis de ses collaborateurs.

De même, M. [M], ancien directeur général qui a travaillé avec la société [7], atteste : « au cours des différentes périodes que j'ai passées à [Localité 4] sur le terrain avec les équipes, je n'ai jamais constaté de comportement irrationnel de [A] [V] qui était en tant que Directeur commercial, un proche collaborateur. Tout au contraire ses rapports avec Mme [G] et M. [H] étaient plus que cordiaux, pour preuve :

l'évolution (décidée par M. [V]) de Mme [G] d'un poste de sédentaire à une fonction de technico-commerciale,

l'intégration (proposée par M. [V]) de M. [H] dans le pacte d'actionnaires et sa nomination comme responsable des ventes.

Si [A] [V] avait le comportement et le jugement tel que décrit envers ces deux collaborateurs, alors pourquoi les promouvoir '

[A] [V] a toujours eu un langage direct mais dans le respect de ses collaborateurs (je n'aurai jamais accepté ce genre de dérive). Pour l'ensemble du personnel [7], il a toujours été protecteur et parfois un peu paternaliste même face à des défaillances ou des écarts notoires ».

Il y a toutefois lieu de relever que ces attestations restent générales et ne témoignent pas du comportement de M. [V] à l'égard de Mme [G], de sorte que la portée de ces attestations doit être limitée.

Le seul témoignage contraire est celui de M. [H] qui a affirmé à l'agent enquêteur de la Caisse primaire le 20 octobre 2021 que « tous les salariés dans cette entreprise subissent une pression importante de la part de M. [V] [A] ». Toutefois, M. [H] ayant été en conflit prud'hommal avec la société [7] et ayant de plus débauché Mme [G], celle-ci l'ayant rejoint dans l'entreprise où il travaille depuis début septembre 2021, il convient de prendre ce témoignage avec circonspection.

Pour démontrer les événements répétés constitutifs de la maladie professionnelle, la Caisse primaire reprend les allégations de Mme [G] qui s'est dite victime de discrimination, notamment eu égard à sa voiture de fonction, à son statut cadre et à la rémunération, par rapport à ses collègues.

Répondant à ces affirmations, M. [V], dans un courrier adressé à la Caisse primaire le 23 juin 2021, explique : « Je tiens tout d'abord à préciser que Mme [G] a effectivement connu une évolution professionnelle importante au sein de la société, puisqu'elle a démarré en tant qu'employée de bureau avant de devenir responsable de secteur.

C'est à l'occasion du départ en retraite d'un responsable de secteur, M. [L], que Mme [G] a souhaité tenter sa chance sur ce poste, ce que j'ai accepté.

Il a fallu, pendant plusieurs années et même encore récemment, lui apporter le soutien technique et parfois commercial nécessaire pour mener à bien les missions de commercial qu'elle venait de prendre ».

Il indique que Mme [G] ne s'est jamais plainte de discrimination auprès de lui. Il précise que « Mme [G] a toujours refusé d'avoir un véhicule de fonction 4 places car cela aurait imposé d'appliquer un avantage en nature sur sa rémunération et aurait diminué son net à payer.

De la même façon, elle a longtemps refusé d'avoir un statut cadre car cela l'aurait obligée à cotiser plus et aurait là encore diminué son salaire net.

Quant à M. [X], deuxième responsable de secteur, il a été embauché à un salaire supérieur à celui de Mme [G], au regard de ses 25 ans d'expérience de vente de peinture dans le monde de l'industrie et dans la mesure où il apportait à la société un fichier de clients et un réseau très important de connaissances.

Mme [G] avait une rémunération plus faible que son collègue, mais elle a bénéficié du versement de commissions non négligeables, y compris lorsque ses affaires ont dû être suivies techniquement par le responsable technique d'études de la société (M. [Z]) ou par moi-même pour le suivi commercial de certains dossiers importants ».

Ces explications sont parfaitement claires, justifiées et parfaitement valables pour admettre une différence sans qu'il y ait discrimination. C'est ce qu'a d'ailleurs décidé le Conseil des Prud'hommes de Tours le 10 septembre 2024 : « La différence de rémunération et de statut entre Mme [G] et M. [X] est justifiée par une situation différente tant personnelle (qualification et diplôme de niveau BTS pour M. [X]) que professionnelle, (ancienneté dans la fonction, missions de prospection et de développement sans clientèle attribuée pour M. [X] », Mme [G] ayant été déboutée de ses demandes.

Par ailleurs, il ressort de la lecture de la synthèse du rapport d'enquête réalisée le 18 octobre 2021 par l'agent enquêteur de la Caisse primaire que ce dernier s'est fondé uniquement sur les allégations de Mme [G] et qu'il n'est jamais fait état des réponses de l'employeur.

Enfin, la copie de la main courante relatant une altercation entre M. [V] et M. [G] n'apporte rien à la cause : il n'y a pas de témoin et elle est datée du 12 septembre 2021, et donc postérieure au licenciement pour inaptitude de Mme [G].

La Caisse, qui, dans ses rapports avec l'employeur, doit démontrer le lien entre la pathologie de Mme [G] et son activité professionnelle, doit en apporter la preuve autrement que par les seules allégations de la salariée et ne peut se retrancher derrière les seuls avis concordants de deux CRRMP, - lesquels ne s'imposent pas au juge -, pour pallier à sa carence.

Or, en l'espèce, la Caisse ne démontre pas que l'entretien du 16 février 2021 est l'aboutissement un long processus de conditions de travail dégradées, ni les événements répétés constitutifs d'une maladie professionnelle, cet entretien restant un événement isolé. Elle ne démontre pas non plus, alors que la charge de la preuve lui incombe, autrement que par les seules affirmations de Mme [G] que la pathologie déclarée par la salariée est en lien avec son activité professionnelle.

Dès lors, le jugement du pôle judiciaire de Tours du 4 novembre 2024 sera infirmé en toutes ses dispositions et la décision de prise en charge de la maladie de Mme [G] au titre de la législation professionnelle notifiée le 10 mars 2022 sera déclarée inopposable à l'employeur, la société [7].

Partie succombante, la Caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel qu'à payer à la société [7] la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La Caisse primaire d'assurance maladie sera en conséquence déboutée de sa propre demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition, contradictoire et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Tours du 4 novembre 2024 ;

Statuant à nouveau,

Déclare la décision de prise en charge de la maladie de Mme [G] au titre de la législation professionnelle notifiée le 10 mars 2022 inopposable à l'employeur, la société [7] ;

Condamne la Caisse primaire d'assurance maladie à verser à la société [7] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la Caisse primaire d'assurance maladie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Caisse primaire d'assurance maladie aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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