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Décisions

CA Aix-en-Provence, retention administrative, 16 juillet 2025, n° 25/01395

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 25/01395

16 juillet 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 16 JUILLET 2025

N° RG 25/01395 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BO76R

Copie conforme

délivrée le 16 Juillet 2025 par courriel à :

- l'avocat

- le préfet

- le CRA

- le JLD/TJ

- le retenu

- le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention de [Localité 6] en date du 15 juillet 2025.

APPELANT

Monsieur [I] [F]

né le 21 Juillet 1992 à [Localité 4]

de nationalité Marocaine

comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA

Assisté de Maître Sylvain MARCHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office.

et de Monsieur [O] [M], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

INTIMÉE

PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

Avisée et non représentée

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 16 Juillet 2025 devant Madame Catherine OUVREL, Conseillère à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Mme Fabienne NIETO, Greffière,

ORDONNANCE

Par décision réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 16 Juillet 2025 à 16h00,

Signée par Madame Catherine OUVREL, Conseillère et Mme Fabienne NIETO, Greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu la condamnation prononcée par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en date du 29 janvier 2025 ordonnant contradictoirement une interdiction temporaire du territoire français pour une durée de trois ans ;

Vu l'arrêté pris par le préfet des Bouches-du-Rhône en date du 15 juin 2025 portant à exécution la mesure d'éloignement, notifié le 16 juin 2025 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 15 juin 2025 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE notifiée le 16 juin 2025 à 9 h 18 ;

Vu l'ordonnance du 19 juin 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention décidant une première fois le maintien de Monsieur [I] [F] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, décision confirmée par la cour le 20 juin 2025 ;

Vu l'ordonnance du 15 juillet 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention décidant une deuxième fois le maintien de Monsieur [I] [F] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 15 Juillet 2025 à 16h46 par Monsieur [I] [F] ;

Monsieur [I] [F] a comparu en visio conférence, a eu la parole en dernier et a été entendu en ses explications. Il déclare : 'Je suis né le 29 /09/1992. Je veux vous dire que j'ai fait une erreur, je l'ai payé et je vous promets que dans l'avenir je ne ferai plus rien. Je respecterai la loi; je vais au pays, je n'ai pas envie de retourner au Maroc mais je quitterai la France pour aller en Suisse ou en Espagne. En Espagne, j'ai des preuves j'ai déjà résidé là bas, j'étais hébergé par une association, et suivi je suis venu en France pour voir un ami. Je me suis retrouvé ici. Je ne m'en souviens plus d'un arrêté du préfet de Gironde en 2024; je veux sortir, je suis pris en charge suite à une blessure au CRA. j'espère que je serai relâché'.

Son avocat a été régulièrement entendu. S'en référant à l'acte d'appel, et se limitant aux deux moyens ci-après développés, il conclut à l'infirmation de l'ordonnance entreprise.

- Il soulève l'irrecevabilité de la requête du préfet, faute de comporter, à titre de pièce justificative utile, la copie actualisée du registre du centre de rétention administrative comprenant les diligences requises.

- Il invoque le défaut de diligences du préfet qui n'a procédé qu'à deux relances auprès des autorités consulaires marocaines, ce qui caractérise une inertie administrative.

Le représentant de la préfecture n'a pas comparu et n'a pas présenté d'observation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire

L'article R.742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.

A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 8] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas, la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.

Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le paragraphe IV de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la fin de la rétention et l'éloignement les informations suivantes :

1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de I'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de I'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire;

2° Réservation du moyen de transport national et international: date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte;

3° Fin de la rétention: date et motif de la fin de rétention.

En l'espèce l'appelant soulève le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où les diligences consulaires n'y sont pas mentionnées.

Toutefois, les diligences consulaires effectuées par l'administration ne constituent nullement des droits au sens des articles L. 744-4 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le défaut de mention dans le registre de rétention rendrait irrecevable la requête en prolongation de la mesure de rétention, s'agissant au surplus d'une question de fond en application de l'article L741-3 du même code.

Pour le surplus, l'intéressé ne précise pas quelles sont les pièces utiles qui seraient manquantes.

En conséquence il y aura lieu de rejeter l'irrégularité soulevée qui constitue en faite une fin de non recevoir tirée du défaut de mention des diligences consulaires dans le registre de rétention et de production de pièces utiles.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance des diligences préfectorales

La directive européenne n°2008-115/CE dite directive 'retour' dispose en son article 15§1 que toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. La rétention doit reposer sur des circonstances de fait qui la rendent nécessaire et proportionnée (CJUE 5 juin 2014 M. MAHDI, C-146/14).

Aux termes de l'article L742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le juge des libertés et de la détention peut être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.

Si aux termes de cet article, l'exigence de la démonstration par l'administration d'un éloignement à bref délai n'est requise que pour les troisième et quatrième prolongations de la rétention, il n'en demeure pas moins, qu'en application de l'article L.741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Il résulte du dossier que le préfet a saisi les autorités marocaines le 13 juin 2025. La préfecture justifie avoir relancé des autorités les 18 juin, 23 juin et 11 juillet 2025, chaque relance étant réceptionnée et le dossier d'identification étant en cours d'instruction.

Il est constant que l'administration n'a pas de pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires et ne peut leur adresser d'injonctions. Rien ne permet en l'état d'affirmer qu'aucune perspective raisonnable d'éloignement n'existe alors qu'une enquête en vue de l'identification de l'appelant au Marocest actuellement en cours.

Par ailleurs, il n'est pas possible de présumer d'une tardiveté ou d'une potentielle absence de réponse des autorités consulaires marocaines dans les délais de la rétention administrative, de sorte qu'il existe de réelles perspectives d'éloignement dans le temps non écoulé de la rétention administrative.

Dès lors, les diligences utiles à l'exécution de la mesure d'éloignement ont été accomplies et il existe de réelles perspectives d'éloignement.

M. [I] [F] ne justifie d'aucun passeport ou document de voyage en cours de validité, de sorte que les conditions de l'article L 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont remplies et que la prolongation de la rétention administrative de ce dernier est justifiée, étant observé qu'il fait l'objet d'une interdiction temporaire du territoire français et est sortant de détention, ayant déclaré être sans domicile fixe.

L'ordonnance entreprise doit donc être confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention en date du 14 Août 2025.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [I] [F]

Assisté d'un interprète

COUR D APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 5]

Aix-en-Provence, le 16 Juillet 2025

À

- PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE

- Maître Sylvain MARCHI

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 16 Juillet 2025, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur [I] [F]

né le 21 Juillet 1992 à [Localité 4]

de nationalité Marocaine

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.

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