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CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 17 juillet 2025, n° 23/10402

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/10402

17 juillet 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 17 JUILLET 2025

(n° / 2025, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10402 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHYY4

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 3 mai 2023 -Juge commissaire du Tribunal de commerce de BOBIGNY - RG n° 2022M04520

APPELANTE

S.A.S. CM-CIC LEASING SOLUTIONS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 352 862 346,

Dont le siège social est situé [Adresse 10]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocate au barreau de PARIS, toque : K0111,

Assistée de Me Thibaud PETITGIRARD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : C 495,

INTIMÉS

Maître [J] [P], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS IXIO,

De nationalité française

Dont l'étude est située [Adresse 3]

[Localité 9]

S.A.S. IXIO, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 501 199 590,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 6]

Représentées par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistées de Me Thierry MONTERAN de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261,

S.E.L.A.S. MJS PARTNERS, prise en la personne de Maître [F] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société IXIO,

Dont l'étude est située [Adresse 4]

[Localité 9]

Non constituée

LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 5]

[Localité 7]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame constance LACHEZE, conseillère,

Monsieur François VARICHON, conseiller.

Greffier, lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Réputée contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Constance LACHEZE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

Par acte sous seing privé en date du 24 janvier 2017, la société Ixio et la société CM CIC Leasing Solutions (ci-après CM-CIC ) ont conclu un contrat de location financière longue durée (66 mois, soit 22 trimestres outre un loyer intercalaire en début de contrat) portant sur 10 copieurs de la marque Xerox pour un loyer trimestriel initialement de 31.259,68 euros, exigible les 1er mai, 1er août, 1er novembre et 1er février de chaque année .

Par jugement 23 janvier 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Ixio et a désigné la SELARL [W], prise en la personne de [C] et Maître [M], en qualité d'administrateurs judiciaires, et Maître [P] et la SELAS MJS Partners, prise en la personne de Maître [G], en qualité de mandataires judiciaires.

Le contrat a été résilié à la demande de l'administrateur judiciaire le 13 mars 2020.

Par lettre recommandée du 23 mars 2020, CM- CIC a déclaré au passif de la procédure de sauvegarde d'Ixio une créance à titre chirographaire représentant une indemnité de résiliation d'un montant total de 316.821,60 euros ainsi réparti:

- 288.019,62 euros au titre des 9 loyers trimestriels à échoir (article 11.5.a du contrat),

- 28.801,98 euros au titre de la clause pénale (article 11.5.b du contrat),

en précisant qu'il n'existait pas d'impayés.

Par jugement du 3 juin 2020, le tribunal a converti la procédure de sauvegarde d'Ixio en procédure de redressement judiciaire.

Le 17 juin 2020, la société CM-CIC a actualisé sa créance à titre chirographaire, postérieurement à la conversion en redressement judiciaire, ladite déclaration comportant le même montant que celui initialement déclaré.

Le 24 septembre 2020, le tribunal a converti la procédure de redressement judiciaire d'Ixio en liquidation judiciaire et désigné Maître [P] et la SELAS MJS Partners prise en la personne de Maître [G] en qualité de liquidateurs judiciaires.

Le 27 octobre 2021, le liquidateur judiciaire a contesté la créance en invoquant le défaut de pouvoir du signataire de la déclaration de créance et le fait que l'indemnité de résiliation s'analysait en une clause pénale soumise au pouvoir modérateur du juge, clause pénale dont il a demandé la réduction.

Le 5 novembre 2021, la société CM-CIC a maintenu sa déclaration de créance, transmis la suite des délégations de pouvoirs de Mme [Z] [T] qui avait déclaré la créance et objecté que l'indemnité de résiliation était constituée, selon les conditions générales du contrat qui avaient été acceptées, de la somme des loyers restant à échoir à la date de résiliation du contrat, qui était incontestable, et d'une clause pénale forfaitaire de 10% qui venait sanctionner l'inexécution du contrat, et pour laquelle elle s'en remettait à l'appréciation du juge-commissaire.

Par ordonnance du 4 mai 2023, le juge-commissaire a admis la créance à titre chirographaire pour un montant de 1 euro et l'a rejetée pour un montant de 316.820,50 euros.

Pour statuer ainsi, le juge-commissaire a tout d'abord dit que les justificatifs de délégation de pouvoir avaient été produits, ensuite que l'intégralité de la créance déclarée au titre de l'indemnité de résiliation revêtait la nature de clause pénale, qu'en effet cette clause avait pour objet de contraindre la société Ixio à exécuter le contrat jusqu'à son terme et d'évaluer forfaitairement et à l'avance le préjudice subi, qu'en vertu de l'article 1231-5 du code civil, il pouvait même d'office modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire, enfin que le caractère excessif de la pénalité devait s'apprécier au regard des circonstances, que la société Ixio était à jour du paiement des loyers, que le montant était disproportionné au regard du préjudice effectivement subi, qu'il y avait lieu en conséquence d'évaluer la pénalité à un euro .

Le 12 juin 2023, la société CM-CIC a interjeté appel de cette ordonnance.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 12 avril 2024 la société CM-CIC Leasing Solutions demande à la cour de la dire recevable et bien fondée en ses conclusions, débouter la société Ixio de toutes ses demandes, fins et prétentions, constater qu'aucune contestation ne s'oppose à l'admission des créances qu'elle a déclarées, constater qu'elle justifie pleinement de sa créance au passif de sa locataire défaillante, par conséquent, infirmer l'ordonnance qui a admis sa créance à titre chirographaire pour la somme de 1 euro et l'a rejetée pour un montant de 316.820,60 euros, statuant à nouveau, admettre sa créance au passif de la procédure collective de la société Ixio pour un montant total de 316.821,60 euros TTC décomposé comme suit :

- Loyers à échoir: 288.019,62 euros TTC

- Indemnité contractuelle 28.801,99 euros,

en tout état de cause, condamner solidairement la société Ixio, Me [P] et la SELAS MJS Partners, ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Ixio, à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais privilégiés de la procédure collective et condamner tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte- Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe de la cour et notifiées par RPVA le 30 avril 2024, la société Ixio et Maître [J] [P], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ixio, demandent à la cour, vu l'article 1231-5 du code civil, à titre principal, de confirmer purement et simplement l'ordonnance du juge-commissaire en ce qu'elle a ordonné l'admission de la créance déclarée par CM CIC Leasing Solutions pour un montant de 1 euro et l'a rejetée pour le surplus, à titre subsidiaire, prononcer l'admission de la créance du CM CIC Leasing Solutions à hauteur du préjudice réel subi et justifié par elle, la rejeter pour le surplus, en tout état de cause, condamner CM-CIC Leasing Solutions à leur payer la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux enriers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP AFG Avocats en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société CM-CIC a signifié la déclaration d'appel et ses conclusions d'appelante le 4 septembre 2023 à la SELAS MJS Partners, à une personne se déclarant habilité à en recevoir copie.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 septembre 2024.

SUR CE

La société CM-CIC expose qu'en tant que bailleur financier elle a parfaitement respecté ses obligations contractuelles, qu'elle a réglé l'intégralité de la facture d'achat du matériel émise par le fournisseur, la société Xeroboutique, c'est à dire une somme de 392.465,71 euros , qu'elle a livré le matériel pris en location financière, que le contrat de location a été signé et parfaitement exécuté par la locataire pendant plusieurs années, qu'il avait été souscrit pour une durée irrévocable mais a été résilié de manière anticipée.

Elle affirme n'avoir perçu que la somme de 152.343,29 euros, les loyers ayant cessé d'être payés en mai 2018 et que le matériel ne lui a pas été restitué.

Elle soutient que dans la mesure où elle n'a pu percevoir la somme de 288.019,62 euros au titre des neuf loyers trimestriels postérieurs à la résiliation du contrat, il est incontestable qu'elle subit un préjudice en ce qu'elle ne peut recouvrer les sommes investies pour le compte de sa locataire ou être rémunérée pour sa prestation financière .

Elle ne remet pas en cause la qualification de clause pénale du contrat mais prétend que la créance dont elle demande l'admission correspond à son préjudice.

La société Ixio et Maître [P] demandent à la cour de confirmer la qualification de clause pénale retenue par le juge commissaire pour l'entièreté de la clause d'indemnité de résiliation anticipée stipulée au contrat. Ils relèvent ensuite que la société Ixio était à jour du paiement des loyers couvrant la période antérieure au jugement d'ouverture de la sauvegarde, qu'elle a donc réglé une somme totale de 406.375,84 euros, c'est à dire supérieure à la somme qui aurait été investie par CM-CIC, ou a minima une somme de 361.110,03 euros, qu'il ressort du récolement d'inventaire qu'aucun des matériels objets du contrat n'a été retrouvé dans les locaux du groupe et qu'ainsi la société CM-CIC ne justifie pas d'un préjudice financier égal à la clause pénale déclarée au passif d'Ixio et qu'elle est donc manifestement excessive.

Sur ce la cour,

Le défaut de pouvoir du signataire de la déclaration de créance n'est plus invoqué à hauteur d'appel et la société CM-CIC ne discute plus la qualification de clause pénale donnée à l'indemnité de résiliation.

Aux termes de l'article 1231-5 du code civil, ' Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.'

En l'espèce, la créance, dont la société CM-CIC demande l'admission à hauteur de 316.821,60 euros TTC, correspond à l'indemnité de résiliation prévue à l'article 11 des conditions générales qui donne au bailleur la faculté de résilier de plein droit le contrat notamment dans le cas prévu à l'article L 622-13 du code de commerce après renonciation du mandataire judiciaire judiciaire à poursuivre le contrat.La clause 11.5 est libellée en ces termes ' le bailleur se réserve également la faculté d'exiger, outre le paiement des loyers impayés de toutes sommes dues jusqu'à la date de restitution effective du matériel, le paiement [....]

- en cas de location:

a) en réparation du préjudice subi d'une indemnité de résiliation HT égale au montant total des loyers HT postérieurs à la résiliation et

b) pour assurer la bonne exécution du contrat d'une pénalité égale à 10% de l'indemnité de résiliation'.

L'article 1-2 du contrat prévoit que la durée du contrat est irrévocable .

La résiliation de plein droit du contrat de location intervenue en application de l'article L622-13, III du code de commerce n'est pas discutée.

Compte tenu des termes de sa déclaration de créance et des stipulations du contrat versé aux débats, la cour constate que la société CM-CIC a perçu la somme totale de 409.028,38 euros (2.652,54 euros au titre du loyer interclaire + 13 trimestrialités de 31.259,68 euros ).

La société CM-CIC verse aux débats la facture d'achat du matériel loué qui s'élève à 392.465,71 euros .

S'agissant du matériel qui n'aurait pas été restitué, la société CM-CIC verse aux débats un procès verbal de carence établi le 24 juillet 2020, dans lequel aucun matériel n'est identifié, et où figure dans le cadre réservé à l'estimation '546€' et où est cochée la case ' non joignable'. Comme l'indiquent les intimés, cette pièce n'est pas susceptible de constituer une preuve et il n'est justifié d'aucun contentieux relatif à la revendication et à la restitution et il n'est pas allégué que la société Ixio a conservé les matériels.

En tout état de cause, le juge qui décide de réduire le montant d'une clause pénale doit préciser en quoi la pénalité convenue est manifestement excessive et donc établir qu'il existe une disproportion manifeste résultant de la comparaison entre l'importance du préjudice effectivement subi par le bénéficiaire de la clause et le montant de la peine conventionnellement fixée, qui en l'espèce consiste dans le montant des loyers à échoir.

Il est manifeste que l'interruption de la location avant le terme initialement fixé cause un préjudice financier au bailleur qui ne pourra pas amortir le capital dans les conditions initialement prévues ni réaliser sa marge commerciale.

Cependant, il sera relevé qu'eu égard aux paiements effectués avant la résiliation, le prix d'achat des matériels loués a été remboursé.

Il apparaît donc que le montant de l'indemnité de résiliation, 316.821,60 euros TTC, présente un caractère manifestement excessif, dès lors qu'il est censé correspondre au préjudice équivalant au montant de la marge que comptait réaliser la société CM-CIC.

Il y a donc lieu de réduire l'indemnité de résiliation en vertu du pouvoir conféré au juge et de fixer celle-ci à 100.000 euros et de dire que l'indemnité complémentaire de 10% est manifestement excessive et qu'elle doit donc être réduite à 1 euro.

L'équité ne commande pas de prononcer une condamnation en faveur de quiconque au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance déférée,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Admet la créance de la société CM CIC Leasing Solutions au passif de la procédure collective de la société Ixio au titre du contrat conclu le 24 janvier 2017, pour un montant total de 100.001 euros, à titre chirographaire,

Rejette la plus ample demande d'admission de la société CM CIC Leasing Solutions,

Dit que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire et recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement d'une indemnité procédurale.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Constance LACHEZE,

Conseillère faisant fonction de présidente

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