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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 17 juillet 2025, n° 22/01277

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

C M

Défendeur :

S

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boudy

Conseiller :

M. Figerou

Conseiller :

Mme Defoy

Avocats :

Me Chauvet, Me Lagarde-Coudert

TJ Périgueux, du 1er mars 2022, n° 18/00…

1 mars 2022

EXPOSE DU LITIGE

1. M. [S] [V] exerce une activité d'artisan jardinier paysagiste sous l'enseigne « Jardins espaces verts Ripériens ».

2. Depuis le mois de novembre 2011, Madame [C] [O] lui a confié l'aménagement et l'entretien du jardin de sa maison situé sur la commune de [Localité 8] sans qu'un contrat ou devis ait été signé.

Dans le cadre de ces prestations, M. [F] s'est vu confier plusieurs prestations et ce même en l'absence de Madame [O] qui ne réside en France qu'une partie de l'année. Il avait donc libre accès à la propriété.

3. Pour le règlement de ses prestations, il était convenu entre les parties qu'il présente chaque année à Mme [O] ses différentes factures qui étaient acquittées au trimestre échu.

Entre 2011 et 2015, les prestations ont ainsi été facturées à hauteur de 600 000 euros.

4. A compter de l'été 2016, les relations entre les parties se sont dégradées, Madame [O] reprochant à M. [F] de ne plus répondre à ses prises de contact et de se désintéresser de l'entretien de sa propriété, ce que ce dernier conteste.

5. La rupture des relations contractuelles ayant été consommée, M. [F] a transmis l'ensemble de ses factures pour un montant total de 142 975,37 euros couvrant la période du 24 février au 16 août 2016 aux fins de règlement.

Ces factures n'ont pas été acquittées.

6. Par acte d'huissier du 29 décembre 2016,M. [V] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Périgueux aux fins de voir désigner un expert afin d'examiner les travaux qu'il a accomplis et de dire s'ils correspondent aux factures dont le paiement est réclamé au titre de l'année 2016 et de procéder à l'apurement des comptes entre les parties.

Par ordonnance du 30 mars 2017, le juge des référés a fait droit à cette demande et a désigné, après le refus de plusieurs autres experts, Monsieur [U].

L'expert a déposé un pré-rapport le 7 janvier 2018 dans lequel il relève des surfacturations.

7. Dès lors et par acte d'huissier en date du 23 janvier 2018, Mme [O] a sollicité le juge des référés aux fins de voir notamment étendre les mesures d'expertise à l'ensemble des factures réglées depuis 2011.

L'expert a déposé son rapport définitif le 28 février 2018.

Par ordonnance du 8 mars 2018, le juge des référés a débouté Madame [O] de sa demande d'extension des opérations d'expertise, décision confirmée par la cour d'appel de Bordeaux le 22 novembre 2018.

Le 12 mars 2019, Madame [O] a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.

8. Parallèlement et par acte d'huissier en date du 4 mai 2018, M. [V] a assigné Madame [O] devant le tribunal de grande instance de Périgueux sur le fondement des articles 1354 et 1359 du code civil.

9. Par jugement du 1er mars 2022, le tribunal judiciaire de Périgueux a :

- débouté Madame [O] de sa demande de voir ordonner une expertise-paysagiste au titre de la période 2011-2015 et de sa demande de voir ordonner une expertise-comptable pour la période 2011-2016 ;

- débouté Madame [O] de sa demande de condamnation de Monsieur [F] à lui payer la somme de 225 000 euros au titre des surfacturations alléguées pour la période de 2011 à 2015 ;

- débouté Madame [O] de sa demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire ;

- dit n'y avoir lieu à l'homologation du rapport d'expertise ;

- débouté Madame [O] de sa demande de rejet de la demande en paiement de Monsieur [Y] [F] sur le fondement de l'article 1359 du code civil ;

- débouté Madame [O] de sa demande en nullité du contrat sur le fondement de l'erreur ;

- débouté Madame [O] de sa demande de nullité du contrat sur le fondement du dol ;

- débouté Madame [O] de sa demande d'inexécution de son obligation de paiement sur le fondement de l'exception d'inexécution ;

- condamné Madame [O] à payer à Monsieur [Y] [F] la somme de 115 448,62 euros au titre des prestations facturées, majorée au taux d'intérêt légal à compter du 16 décembre 2016 ;

- débouté Monsieur [Y] [F] de sa demande formé à l'encontre de Madame [O] en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamné Madame [O] à payer à Monsieur [Y] [F] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Madame [O] aux dépens de la procédure, en ce compris le coût de la procédure de référé et le coût de l'expertise judiciaire ;

- débouté l'ensemble des parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- prononcé l'exécution provisoire de la décision.

10. Par déclaration du 14 mars 2022, Madame [O] a interjeté appel de cette décision.

11. Par ordonnance du 28 avril 2022, le juge des référés de la cour d'appel de Bordeaux a notamment autorisé Madame [O] a consigner la somme de 151 746,32 euros sur le compte Carpa de Madame la bâtonnière de l'ordre des avocats de Bordeaux.

12. Dans ses dernières conclusions du 12 avril 2022, Madame [O] demande à la cour de :

- déclarer recevable son appel ;

In limite litis :

- réformer le jugement intégralement ;

- Statuant à nouveau, annuler le rapport d'expertise ;

Au fond :

- réformer intégralement ledit jugement ;

A titre principal, sur le fondement de l'article 1359 du code civil,

- débouter M. [Y] [F] de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1110 du code civil et, à défaut, de l'article 1116 du code civil,

- débouter Monsieur [Y] [F] de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre très subsidiaire, sur le fondement des articles 1217 et 1219 du code civil,

- débouter Monsieur [Y] [F] de ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause,

- débouter Monsieur [Y] [F] de ses demandes, fins et prétentions ;

- le condamner à lui régler la somme de 225 000 euros au titre des surfacturations des années antérieures entre 2011 et 2015 avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

- le condamner à lui régler 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

12.Dans ses dernières conclusions du 23 août 2022, M. [V] demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

- condamner Madame [O] à payer la somme de 115 448,62 euros au titre des prestations facturées, majorées de l'intérêt légal à compter du 16 décembre 2016, date de la sommation de payer jusqu'à parfait paiement ;

- débouter Madame [O] de toutes ses demandes, fins et prétentions comme on fondées ;

Y ajoutant,

- condamner Madame [O] à payer une amende civile qu'il conviendra d'apprécier ainsi que des dommages et intérêts qui ne sauraient être inférieurs à la somme de 5 000 euros ;

- condamner Madame [O] au paiement d'une somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens comprenant les incidents de première instance et les dépens de première instance et d'appel.

13. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2025.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

14. Dans son rapport, l'expert a examiné les factures impayées soit dix-sept factures datées du 24 février au 16 août 2016.

Pour certaines d'entre elles, il a proposé des réfactions en considération de facturations excessives quant aux quantités de fournitures ou quant au nombre d'heures de travail ou bien en considération de malfaçons.

Il a estimé que ces réfactions, variant de 20 à 50 % des factures en question, justifiaient donc de ramener la somme due de 142 975,37 € à 115 448,62 €.

I-Sur la nullité du rapport d'expertise

15. Mme [O] sollicite que soit prononcée la nullité du rapport d'expertise.

Elle se fonde sur plusieurs points :

16. A) La violation du principe du contradictoire

Selon Mme [O], son contradicteur aurait violé à plusieurs reprises ses droits de la défense, notamment en violant le principe du contradictoire.

Elle relève ainsi notamment que l'avant-veille de la première et unique réunion d'expertise, son conseil était destinataire d'un grand nombre de pièces qui n'ont pu être analysées à temps, ce dont elle a informé l'expert judiciaire qui n'a pas voulu en tenir compte alors qu'elle se trouvait dans l'incapacité d'étudier les pièces communiquées et de les commenter.

Elle lui reproche également d'avoir opéré la visite des lieux dans un temps extrêmement restreint et de façon désordonnée puisqu'il a quitté son domicile vers 14 h alors que le nombre important des factures contestées et la taille de son jardin d'un hectare impliquaient des investigations longues, minutieuses et poussées.

Selon elle, de surcroît, l'expert s'est laissé conduire par M. [V], son avocat et ceux qui l'assistaient de sorte qu'elle n'avait plus réellement accès à lui.

17. B) Les manquements de l'expert

Madame [O] rappelle que l'expert a sollicité la production de différentes pièces que son contradicteur n'a pas été en mesure de communiquer, en particulier un cahier rouge détaillant notamment la nature des prestations et la durée des interventions s'y rapportant, qui a été très largement cancellé par M. [V] de sorte qu'il en était devenu inexploitable.

Elle reproche donc à l'expert d'avoir accepté ces pièces au lieu de noter les carences de l'intéressé et de saisir le juge en charge du contrôle de l'expertise.

Elle indique en outre avoir recherché, avec les indices ressortant des pièces raturées, les factures correspondantes et a noté des divergences, ce que l'expert n'a pas pris en compte.

Enfin, elle reproche à l'expert de ne pas s'être penché plus en avant sur les défauts qu'il a constatés à propos du système d'arrosage, système qui a pourtant été facturé à hauteur de 14 835 euros.

Elle lui reproche en effet de s'être arrêté aux investigations portant sur la main d'oeuvre et non sur les défauts matériels dont la réparation a été estimée à 59 000 euros par une autre société.

Elle estime en conséquence que le montant des factures relatives au système d'arrosage devait être intégralement déduit, le travail ayant été mal réalisé et une reprise totale étant nécessaire. La décote de 50 ' préconisée par l'expert serait donc insuffisante eu égard aux carences constatées.

C) Le défaut d'accomplissement par l'expert de sa mission avec conscience, objectivité et impartialité et la formulation d'avis juridique

18. Selon Madame [O], il n'appartenait pas à l'expert d'inscrire dans son rapport la somme qui serait due par elle, cette mission ne lui ayant pas été confiée par l'ordonnance du 30 mars 2017.

En effet, elle affirme que la formule employée dans le rapport d'expertise selon laquelle « la somme due par Mme [O] à M. [Y] [F] est donc de 115 448,62 euros TTC » revient à déterminer la responsabilité des parties et donc à porter une appréciation juridique, ce qui est en contradiction avec l'article 238 du code de procédure civile.

L'expert aurait ainsi manqué à son obligation d'objectivité et d'impartialité en s'arrogeant le droit d'émettre un avis sur la responsabilité des parties avant qu'un procès au fond soit engagé.

Sur ce,

19. S'il est impératif que l'expert conduise ses opérations en respectant le principe cardinal du respect de la contradiction et s'il en résulte en particulier, qu'il ne peut s'appuyer sur des éléments et des pièces qui n'ont pas été communiqués aux parties, ce principe n'impose nullement que la totalité des pièces et documents invoqués par les parties leur aient été mutuellement communiqués dans un temps suffisant avant la première réunion en présence de l'expert.

Celle-ci n'est pas assimilable à une audience mais ne constitue le plus souvent au contraire que l'ouverture des opérations qui se poursuivent jusqu'à la rédaction du pré-rapport.

Ce n'est d'ailleurs parfois, si ce n'est le plus souvent, qu'à l'issue de cette réunion sur place que l'expert sollicitera la communication de différentes pièces qu'il estime nécessaires ou que les parties prendront l'initiative de lui communiquer différentes pièces.

Il s'ensuit que les pièces fournies tout au long de l'expertise peuvent être débattues par le biais des observations adressées par les avocats à l'expert et que les conclusions que ce dernier en tire peuvent elle-mêmes être discutées après communication du pré-rapport.

Au demeurant, en l'espèce, Mme [O] n'invoque pas un préjudice particulier lié à la communication de pièces qu'elle juge tardive.

20. S'agissant des autres griefs, s'il est exact que M. [V] a étrangement communiqué un agenda maculé d'épaisses ratures le rendant illisible et inexploitable et si cette attitude frise l'incorrection, il n'en résulte pas pour autant un vice affectant l'expertise elle-même, l'expert, et la juridiction, en tirant les conséquences qu'il convient.

De la même manière s'il est possible de reprocher à l'expert de s'être livré à des investigations insuffisantes et si en l'espèce, il est bien exact que le rapport déposé par M. [U] est assez succinct, il n'en résulte pas pour autant la nullité du rapport qui ne peut résulter que de la violation d'un texte.

Il appartient à la juridiction saisie d'apprécier la qualité d'un rapport d'expertise.

De même, s'il est certain que l'expert ne doit jamais porter d'appréciation d'ordre juridique, la formulation de l'expert selon laquelle la somme 'due' par Mme [O] s'élève à un montant déterminé n'est, bien sûr, que l'expression de son opinion et ne lie le juge en aucune façon.

Il n'en résulte donc aucun grief et le rapport d'expertise ne sera pas annulé.

II- Sur l'absence de convention liant les parties

21. Mme [O] invoque l'article 1359 du code civil selon lequel un acte portant sur une somme supérieure à 1 500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

Or, elle n'aurait jamais signé de devis pour les factures objet du litige de sorte que son contradicteur ne pourrait régulièrement s'en prévaloir, à l'exception des deux dont le montant est inférieur à 1 500 euros (facture [Localité 3] 0200 et [Localité 3] 0206).

Les factures émises par M. [V] ne seraient pas des actes juridiques réguliers et ne pourraient servir de preuve relative à l'existence d'une relation contractuelle entre les parties et en conséquence, les sommes réclamées à ce titre ne sauraient être dues.

22. Mais comme le soutient l'intimé, cette règle n'est qu'une règle de preuve.

En l'espèce, il faut relever que les factures litigieuses, toutes émises entre février et août 2016, succédaient à de nombreuses autres factures émises régulièrement depuis 2011 qui n'ont donné lieu à aucune contestation et qui ont été intégralement payées.

Elles s'inscrivaient donc dans un flux régulier caractérisant une continuité contractuelle.

Par conséquent, l'existence même de ces relations contractuelles ne saurait être remise en cause.

23. S'agissant de l'étendue et du contenu des prestations convenues entre les parties, il résulte des propres déclarations de Mme [O] que dès l'origine, il n'existait pas de devis.

En acceptant de régler sans discussion les différentes factures émise de 2011 à 2015, elle a donc consenti à dispenser son co-contractant de toute preuve par écrit.

Par suite, elle ne peut revenir sur ce consentement à postériori.

Par ailleurs, comme l'a relevé lé tribunal, s'agissant des factures émises en 2016, Mme [O] ne contestait alors pas la nature et le contenu des prestations mais seulement leur qualité et les prix pratiqués.

Il en résulte qu'il ne peut être opposé à M. [V] l'absence de preuve par écrit.

III- Sur la nullité des relations contractuelles pour erreur ou pour dol

24. Dans l'hypothèse où seraient admise l'existence de relations contractuelles avec M. [V], Mme [O] invoque alors leur nullité pour cause d 'erreur.

Elle expose qu'elle entendait confier à la réalisation de son jardin à un professionnel du secteur.

Qu'il est apparu que M. [V] n'avait pas la formation d'un paysagiste contrairement à ce qu'il a affirmé (pièces 42 et 46 adverses), ce dont elle s'est aperçue lors de la procédure de référé initiale lorsqu'il a été sommé de produire la justification de ses qualifications.

Elle estime par conséquent ne pas avoir eu les informations déterminantes de son consentement en 2015 et avoir ainsi commis une erreur sur les qualités substantielles de son prestataire, cause de nullité du contrat.

25. M. [V] affirme quant à lui exercer une activité de jardinier paysagiste à l'enseigne commerciale « Jardins espaces verts Ripériens » et être titulaire d'un diplôme d'ingénieur de [Localité 6] à [Localité 9] ainsi que de brevets de technicien agricole et de technicien supérieur agricole.

Il soutient ainsi avoir la qualification adéquate pour réaliser les prestations commandées par Madame [O], d'autant plus que cette qualification n'a jamais été contestée jusqu'en 2016.

Sur ce,

26. L'appelante ne démontre en aucune façon que ses exigences concernant la qualification professionnelle de M. [V] étaient une condition déterminante de son consentement.

Celui-ci démontre en tout état de cause disposer de qualifications en parfaite adéquation avec son activité professionnelle telles un diplôme d'ingénieur de l'école de [Localité 6], école réputée dans le domaine agricole, horticole et plus généralement, dans le domaine de l'environnement naturel et des brevets de technicien agricole et de technicien supérieur agricole.

De plus, elle lui a confié de nombreux travaux qui lui ont permis de jauger ses qualités professionnelles et n'a cependant jamais songé à rompre les relations contractuelles qu'elle entretenait avec lui.

Il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité ce derrières pour cause d'erreur.

27. Pour soutenir qu'à tout le moins, la nullité devrait être prononcée pour dol, Mme [O] affirme que M. [V] l'aurait surnommée « La banque », ce qui serait révélateur de son état d'esprit l'ayant amené à surfacturer de manière délibérée, préméditée et récurrente une grande majorité de ses prestations, comme l'a relevé l'expert.

Qu'en outre, le non respect des dispositions du code de commerce et du code général des impôts révèle la volonté de son contradicteur de s'affranchir des règles de transparence comptable et de loyauté dans l'édition des factures, ce dans le but de lui soutirer de l'argent.

Que plusieurs factures ont été éditées deux fois à des dates différentes et pour des montants presque identiques afin que les mêmes prestations soient réglées à deux reprises.

28. Mme [O] met en avant d'autres pratiques dolosives comme la falsification d'un chèque qu'il lui aurait dérobé à son domicile en son absence.

Elle relève plusieurs autres manoeuvres comme notamment, la pose d'environ 700 traverses tandis qu'il lui aurait facturé la pose de 1 135 traverses au total ou l'inscription de données inexactes dans les factures afin d'augmenter le temps de travail et la quantité de matériel acheté.

Enfin, elle souligne que plusieurs prestations pour un montant de 87 337,07 euros lui ont été facturées en août 2016 alors que M. [V] n'avait plus accès à sa propriété à compter du mois de juillet 2016.

29. M. [V] avance que les manoeuvres décrites par Madame [O] ont eu lieu postérieurement à l'établissement de la relation contractuelle.

Il reprend alors l'argumentation du tribunal judiciaire selon laquelle même si l'expert judiciaire a retenu une surfacturation sur certaines factures émises au cours de l'année 2016, il n'est pas possible d'en déduire la preuve de l'existence de manoeuvres dolosives de sa part visant à extorquer des fonds à son employeur.

Sur ce,

30. Mais il suffit de rappeler que selon l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction alors applicable 'Il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol'.

Il s'en déduit que les manoeuvres frauduleuses, à les supposer établies, ne peuvent justifier l'annulation des relations contractuelles que si ont précédé celles-ci et ont déterminé le consentement.

Rien de tel en l'espèce, les manoeuvres ainsi décrites ne concernant que l'exécution du contrat lui-même.

Par conséquent, il ne saurait en être déduit la nullité.

IV- Sur l'exception d'inexécution et le paiement des factures

31. Au regard des carences alléguées dans les prestations de son contradicteur Mme [O], se fonde sur les articles 1217 et 1219 du code civil afin de se soustraire à l'exécution de sa propre obligation.

Elle relève à cet égard les multiples erreurs techniques de M. [V], tant sur les plantations que sur le système d'arrosage.

Ainsi, selon elle, les procès-verbaux réalisés par ministère d'huissier sont accablants pour ce dernier qui a multiplié par ailleurs les erreurs techniques concernant le système d'arrosage de sorte qu'elle a dû en reprendre l'intégralité pour un montant de 17 508 €.

De même soutient-elle que la pelouse a dû être refaite trois fois, des centaines de pieds de lavande sont morts, des rosiers se sont desséchés, des graines plantées trop serrées ont conduit à la disparition de la prairie, des arbres n'ont pas été protégés contre l'échaudage, de la peinture apposée sur des éléments métalliques s'est écaillée et le 'décompte du temps de main d'oeuvre était en déconnexion radicale avec les prestations réalisées'.

32. M. [V] reprend à nouveau l'argumentation développée en première instance, constatant que l'expertise avait eu lieu en automne 2016 alors qu'il est acquis qu'à cette période et depuis le début du moins de juillet, il n'est plus intervenu chez Madame [O].

Dès lors, il ne serait pas possible d'affirmer que le défaut d'entretien général et d'arrosage lui sont imputables.

De même, si l'expert a relevé l'insuffisance de certaines prestations, ce manquement ne saurait être qualifié de grave ou susceptible de justifier le non-paiement des factures.

Sur ce,

33. Cependant, comme l'a parfaitement analysé le tribunal, il n'apparaît pas que les manquements de M. [V], dont certains ne sont pas contestés ou ont été constatés par l'expert, étaient d'une gravité telle qu'ils justifieraient que Mme [O] soit exonérée de ses propres obligations.

En effet, la responsabilité de M. [V] dans le dysfonctionnement du système d'arrosage n'est pas établie puisqu'il n'est pas à l'origine de sa conception ni de son installation et que plusieurs entreprises y sont intervenues.

Les procès-verbaux de constat ne sont pas probants puisqu'ils ont été établis en juillet ou octobre 2016 voire en janvier 2017, c'est-à-dire à des dates où la rupture des relations contractuelles étaient consommée.

De manière générale, l'expert a relevé certains manquements ou des facturations excessives et proposé des réfactions en conséquence;

Force est de constater que Mme [O] ne peut rapporter de preuves supplémentaires.

34. Il est vrai que le montant fort élevé des facturations ne peut que surprendre de prime abord mais ce niveau élevé s'inscrit dans une parfaite continuité des montants semblables facturés entre 2011 et 2015 pour plus de 600 000 € (!) que cependant, Mme [O] a avalisé et payé en toute connaissance de cause.

35. M. [V] verse aux débats copie de différents échanges de messages électroniques et de nombreuses attestations dont il résulte qu'en réalité, Mme [O] suivait de très près les travaux qu'elle ordonnait et qu'elle avait installé des caméras qui lui permettaient de les surveiller à distance lorsqu'elle était absente.

Parmi ces attestations, celles particulièrement circonstanciées de certains salariés, tels M. [W] [G], M. [D] [A] ou encore M. [R] [Z], démontrent qu'il se trouvaient sur place, souvent plusieurs salariés en même temps, pendant de longues périodes, qu'ils étaient astreints non seulement à des travaux de création de différents espaces ou dispositifs mais aussi d'entretien régulier et que Mme [O] était souvent présente et intervenait directement pour donner ses instructions.

36. M. [Z], notamment, présent pendant toute la période, de 2011 à juillet 2016, explique qu'il fallait tailler et nettoyer les haies de laurier, d'eleagnus ou de pyracanthas, opérer de nombreuses plantations, nettoyer les massifs et les allées plusieurs fois par mois, à la main puisque le désherbant était proscrit, traiter également plusieurs fois par mois, les haies et les rosiers etc.

Selon lui et d'autres salariés, Mme [O] surveillait les arrivées et les départs des ouvriers ainsi que leurs horaires et, lorsqu'elle se trouvait à [Localité 4], donnait ses instructions par téléphone.

37. Des attestations de nombreuse entreprises tierces intervenant sur la propriété relatent que que lorsqu'elles s'y rendaient, elles y trouvaient au travail des membres de l'entreprise de M. [V] d'où l'on peut déduire que celle-ci était présente de manière quasi-permanente.

38. En définitive, par conséquent, le jugement sera confirmé qui, tenant compte des propositions faites par l'expert de réfactions de certaines factures, au demeurant non contestées par M. [V], a retenu que Mme [O] était donc redevable de la somme de 115 448,62 €, avec intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 16 décembre 2016.

V- Sur les surfacturations antérieures

39. Une surfacturation ayant été constatée pour les factures de 2016 par l'expertise judiciaire, Mme [O] estime que les factures de 2011 à 2015 en sont également affectées.

Elle demande donc à ce titre un remboursement à hauteur de 225 000 euros, somme obtenue en appliquant une décote de 37,5 ' (chiffre obtenu en faisant la moyenne des décotes opérées par l'expert pour les factures de 2016).

40. Il convient d'observer à ce sujet que la décote moyenne invoquée est inexacte puisqu'elle n'a été calculée que la base des factures ayant donné lieu à une telle décote alors que les factures impayées de l'année 2016 n'ont pas toutes donné lieu à réduction.

41. Surtout, ainsi qu'il a été vu, toutes les factures en question ont été payées sans contestation sans que rien laisse penser que Mme [O] n'aurait pas été en mesure d'en apprécier la pertinence et la justesse.

Elle ne démontre nullement l'existence de facturations injustifiées et à cet égard, il ne saurait être pratiqué d'extrapolations à partir de constatations portant sur une période différente.

Le jugement sera donc confirmé également sur ce point.

VI Sur l'abus du droit d'agir de Madame [O] et sur les autres demandes

42. M. [V] demande à la cour des dommages et intérêts, reprochant à Madame [O] d'avoir abusé de son droit d'agir.

Il lui reproche en effet de tenter par tous moyens de faire échec au règlement des sommes dues, tant en multipliant les actions en matière civile qu'en matière pénale, sa première plainte ayant fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu le 8 août 2022 mais ayant toutefois été suivie d'un nouveau dépôt de plainte auprès du juge d'instruction.

L'objectif de ces différentes procédures serait donc de retarder la date à laquelle le paiement devra intervenir.

43. Madame [O] avance quant à elle que son opposition était bien fondée, en témoigne la réduction de plusieurs factures par l'expert judiciaire.

44. Il n'y a en effet pas lieu de constater l'existence d'un abus dans l'exercice du droit d'agir en justice dès lors en particulier que le montant très élevé des facturations ne pouvait que susciter pour le moins une certaine surprise dont l'expert lui-même s'est fait l'écho et surtout, dès lors qu'il est apparu que les contestations de Mme [O] n'étaient pas infondées puisqu'une réfaction a dû être opérée.

En revanche, Mme [O] qui succombe dans son appel, versera à M. [V] la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera, quant à lui, confirmé en ce qui concerne les dépens de première instance et l'application du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Périgueux du 1er mars 2022;

Y ajoutant,

Condamne Mme [C] [M] à payer à M. [S] [Y] [V] la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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