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Décisions

CA Metz, 6e ch., 17 juillet 2025, n° 22/01969

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 22/01969

17 juillet 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 22/01969 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FZLY

Minute n° 25/00106

S.A.R.L. SOCIETE INDUSTRIELLE DE MECANIQUE ET DE MODELAGE B LANVILLOISE - SI2MB

C/

S.C.I. SCI DE LA FILATURE

Tribunal de Grande Instance de NANCY

23 Décembre 2019

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Cour d'Appel de NANCY

13 Janvier 2021

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Cour de cassation

Arrêt du 1er Juin 2022

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

RENVOI APRES CASSATION

ARRÊT DU 17 JUILLET 2025

DEMANDEREESE A LA REPRISE D'INSTANCE :

SARL SOCIETE INDUSTRIELLE DE MECANIQUE ET DE MODELAGE B LANVILLOISE - SI2MB, représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat postulant au barreau de METZ et Me Julien COMBIER substitué lors des débats par Me Shirley ZARO, avocats plaidant du barreau de LYON

DEFENDERESSE A LA REPRISE D'INSTANCE :

SCI DE LA FILATURE, représentée par son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Elise SEBBAN, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 06 Février 2025 l'affaire a été mise en délibéré, pour l'arrêt être rendu le 17 Juillet 2025, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nejoua TRAD-KHODJA

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD,Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 22 décembre 2010, la SCI de la Filature a donné à bail à la SAS Société Industrielle de Mécanique Blainvilloise, ci-après dénommée SIMB, un ensemble de six bâtiments situés au [Adresse 1] à Blainville-sur-L'Eau, d'une surface totale de 7 259 mètres carrés.

Par jugement du 19 janvier 2016, le tribunal de commerce de Nancy a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SIMB.

Par jugement du 3 juin 2016, le tribunal de commerce de Nancy a ordonné la cession de la SAS SIMB à la SARL Développement Fonderie Industrie, aux droits de laquelle est venue la SARLU Société Industrielle de Mécanique et de Modelage Blainvilloise (SI2MB).

La cession de fonds de commerce est intervenue le 21 septembre 2016.

La société SI2MB et la SCI de la Filature se sont opposées sur le paiement des loyers et de la taxe foncière, ainsi que sur l'état des locaux et le montant des loyers afférents.

Par exploit d'huissier signifié le 12 juin 2017, la société SI2MB a fait assigner la SCI de la Filature devant le tribunal de grande instance de Nancy aux fins d'obtenir sa condamnation à faire refaire la toiture de l'ensemble des ateliers, à diminuer de 40 % le montant du loyer, à lui rembourser la somme de 19 265,34 euros correspondant à la part des loyers ainsi diminués entre juin 2016 et janvier 2017 et à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement du 23 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Nancy a débouté la société SI2MB de ses demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SCI de la Filature, condamné la société SI2MB aux dépens de l'instance avec recouvrement direct au profit de Me Meneveau pour ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir relevé que le bail conclu le 22 décembre 2010 comportait une clause laissant à la charge du preneur les réparations de toute nature, y compris celles visées à l'article 606 du code civil, et y compris également tous travaux de ravalement de façade, a considéré que cette clause était claire et précise et qu'il ne ressortait pas des pièces produites aux débats que les travaux à accomplir consistent en la réfection totale d'une partie des immeubles donnés à bail ou qu'ils entrainent une modification de la structure de la chose louée, de sorte qu'elle devait s'appliquer. Il en a déduit qu'il appartenait au locataire initial, lequel avait reconnu avoir pris les locaux en bon état aux termes du contrat de bail, et à présent à la société SI2MB, venant aux droits du locataire initial, de pourvoir à l'entretien des locaux loués et de procéder aux réparations qui s'imposaient.

Le 28 janvier 2020, la société SI2MB a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions devant la cour d'appel de Nancy.

Par arrêt du13 janvier 2021, la cour d'appel de Nancy a :

Confirmé le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamné la société à responsabilité limitée SI2MB à payer à la société civile immobilière de la Filature la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance,

Ajoutant au jugement déféré,

Déclaré recevable la demande reconventionnelle de la société civile immobilière de la Filature,

Condamné la SI2MB à effectuer les travaux de réfection des couvertures, zingueries, et étanchéité des bâtiments affectés par des infiltrations, et de réfection de la charpente du bâtiment à usage administratif dans un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision.

Débouté la société civile immobilière de la Filature de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

Condamné la société SI2MB à payer à la SCI de la Filature la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel,

Condamné la SI2MB aux dépens d'appel.

La SI2MB a formé un pourvoi contre cet arrêt.

Par arrêt du 1er juin 2022, la troisième chambre civile de la cour de cassation a :

Cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société civile immobilière de La Filature aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société civile immobilière de La Filature et l'a condamné à payer à la Société industrielle de mécanique et de modelage blainvilloise la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Pour statuer ainsi, la cour de cassation a notamment considéré que la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait en l'absence d'une stipulation claire et précise du bail commercial mettant à la charge du preneur la réfection de la couverture et la charpente des bâtiments loués, a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, 1720 et 1754 du code civil.

Par déclaration de saisine du 1er août 2022, la SI2MB a saisi la cour d'appel de Metz aux fins de reprise d'instance après cassation.

Par conclusions du 16 décembre 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SI2MB demande à la cour d'appel de :

« Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nancy du 23 décembre 2019 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Juger son appel recevable et bien fondé,

Juger ses demandes, fins et prétentions recevables et bien fondées,

En conséquence :

Condamner la SCI de la Filature à exécuter ou les faire exécuter à sa charge les travaux de réfection des couvertures, zingueries et étanchéité des bâtiments loués affectés par des infiltrations, et de réfection de la charpente du bâtiment à usage administratif et tous travaux qui s'avéreraient nécessaires à la remise en état des toitures des locaux loués dans un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision.

A défaut de réalisation dans ce délai, la SCI Filature sera condamnée à réaliser lesdits travaux sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Fixer le loyer mensuel à 4409,78 euros HT pour l'année 2024 du fait de la réduction de loyer demandée égale à 40 % dans l'attente de la réalisation des travaux susvisés par la SCI Filature compte tenu de l'impossibilité d'exploiter certains bâtiments loués et l'état de dégradation et de vétusté d'autres bâtiments,

Condamner la SCI de la Filature au paiement de la somme de 319 067,41 euros TTC euros au titre du remboursement d'une partie des loyers perçus depuis le mois de juin 2016 jusqu'à septembre 2024, en application de la réduction de 40 % des loyers payés, somme à parfaire en cours d'instance à jour de la décision à intervenir,

Voire subsidiairement :

Désigner tel expert qu'il plaira, avec pour mission de confirmer l'état de vétusté des locaux loués et d'estimer le montant des travaux de réfection dû par la SCI de la Filature à la société SIZMB,

Fixer le prix du loyer commercial dû par la société Sl2MB à SCI de la Filature,

Dire que l'expert devra rendre son rapport dans le délai de 12 mois à compter de sa désignation,

En tout état de cause :

Juger les demandes reconventionnelles de la SCI de la Filature irrecevables sinon mal fondées.

Rejeter les demandes reconventionnelles ainsi que toutes demandes, fins et prétentions,

Condamner la SCI de la Filature à payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SCI de la Filature à payer les dépens »

Par conclusions du 10 janvier 2025, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI de la Filature demande à la cour d'appel de:

« Rejeter l'appel.

Déclarer irrecevables les demandes de la SARLU SI2MB formées pour la première fois dans ses conclusions du 27 janvier 2023 et 17 septembre 2024 à savoir :

Condamner la SCI LA Filature à exécuter ou les faire exécuter à sa charge les travaux de réfection des couvertures, zinguerie et étanchéité des bâtiments affectés par des infiltrations, et de réfection de la charpente du bâtiment à usage administratif et tous travaux nécessaires à la remise en état des toitures des locaux loués dans un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision.

A défaut de la réalisation dans ce délai, la SCI Filature sera condamnée à réaliser lesdits travaux sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Débouter la SARLU SI2MB de toutes ses demandes.

Recevoir l'appel incident.

Débouter la SARLU SI2MB de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Infirmer le jugement et statuant à nouveau :

Déclarer la SARL SI2MB responsable de l'état actuel des toitures et des bâtiments objet du contrat de bail en raison de sa défaillance fautive.

Condamner la SARLU SI2MB à réparer le préjudice de la SCI de la Filature.

Condamner la SARLU SI2MB à réaliser ou à faire réaliser les travaux de réfection d'entretien et de réparation de toutes natures nécessaires à la remise en état des bâtiments et de leur toiture.

Pour le surplus confirmer le jugement.

Condamner la SARLU SI2MB à régler à la SCI de la Filature la somme de 4 000 euros correspondant aux frais irrépétibles engagés en première instance, et la somme de 10 000 euros correspondant aux frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel, et ce au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SARLU SI2MB aux entiers dépens,

A titre infiniment subsidiaire :

Condamner la SARLU SI2MB à rembourser à la SCI de la Filature en réparation du préjudice résultant de sa défaillance fautive, le cout des travaux dans l'hypothèse où par impossible la cour venait à condamner cette dernière à réaliser les travaux de réfection de la couverture et de la charpente des bâtiments affectés. »

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la recevabilité des demandes de la SI2MB tendant à condamner la SCI LA FILATURE à exécuter ou les faire exécuter à sa charge les travaux de réfection des couvertures, zinguerie et étanchéité des bâtiments affectés par des infiltrations, et de réfection de la charpente du bâtiment à usage administratif et tous travaux nécessaires à la remise en état des toitures des locaux loués dans un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision, et, à défaut de la réalisation dans ce délai, à réaliser lesdits travaux sous astreinte de 500 € par jour de retard

Il résulte de l'article 910-4 du code de procédure civile alinéa 1er , dans sa rédaction applicable à la date de l'appel du 28 janvier 2020, qu'à peine d'irrecevabilité les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Par ailleurs selon l'article 631 du code de procédure civile, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.

L'article 1037-1 du code de procédure civile précise qu'en cas de renvoi après cassation devant la cour d'appel, « lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905. En ce cas, les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables.

La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président.

Les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration.

Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration.

La notification des conclusions entre parties est faite dans les conditions prévues par l'article 911 et les délais sont augmentés conformément à l'article 911-2.

Les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé. (...) »

Il résulte des articles 631 et 1037-1 du code de procédure civile précités que, lorsque la connaissance d'une affaire est renvoyée à une cour d'appel par la Cour de Cassation, ce renvoi n'introduit pas une nouvelle instance, la cour d'appel de renvoi étant investie, dans les limites de la cassation intervenue, de l'entier litige tel que dévolu à la juridiction dont la décision a été cassée, l'instruction étant reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.

Ainsi, la cassation de l'arrêt n'anéantit pas les actes et formalités de la procédure antérieure, et la cour d'appel demeure saisie des conclusions remises à la cour d'appel initialement saisie.

Il s'ensuit que le principe de concentration des prétentions résultant de l'article 910-4 du code de procédure civile s'applique devant la cour d'appel de renvoi, non pas au regard des premières conclusions remises devant elle par l'appelant, mais en considération des premières conclusions de celui-ci devant la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé (Cass. 2ème chambre civile, 12 janvier 2023 n° 21-18.762).

La SI2MB a interjeté appel devant la cour d'appel de Nancy le 28 janvier 2020. Il ressort des actes de la procédure que dans ses premières conclusions devant ladite cour elle avait demandé de : « condamner la SCI de la Filature à exécuter les travaux de réfection nécessaires ou à les faire exécuter à sa charge ».

Dans ses dernières conclusions du 16 décembre 2024 la SI2MB demande à la cour d'appel de Metz de : « Condamner la SCI de la Filature à exécuter ou les faire exécuter à sa charge les travaux de réfection des couvertures, zingueries et étanchéité des bâtiments loués affectés par des infiltrations, et de réfection de la charpente du bâtiment à usage administratif et tous travaux qui s'avéreraient nécessaires à la remise en état des toitures des locaux loués dans un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision.

A défaut de réalisation dans ce délai, la SCI Filature sera condamnée à réaliser lesdits travaux sous astreinte de 500 euros par jour de retard. »

La demande formulée dans les conclusions du 16 décembre 2024 en ce qu'elle vise des travaux spécifiques, est moins large que la demande formulée devant la cour d'appel de Nancy qui portait sur l'ensemble des travaux nécessaires. Elle est dès lors recevable.

En revanche la demande tendant à réaliser ces travaux « dans un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision », et ce, « à défaut de réalisation dans ce délai », « sous astreinte de 500 euros par jour de retard » est une demande nouvelle qui n'existait pas dans les premières conclusions de l'appelante. Elle est irrecevable.

II- Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle

Conformément à l'article 567 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel.

En l'espèce la demande reconventionnelle du bailleur tendant à la condamnation du preneur à exécuter des travaux de réfection d'entretien et de réparation de toute nature nécessaires à la remise en état des bâtiments et de leur toiture se rattache par un lien suffisant, au sens de l'article 70 du code de procédure civile, avec les demandes originaires du preneur en première instance. Elle est recevable.

III- Au fond

Sur la demande de condamnation du bailleur à réaliser des travaux

Selon l'article 1720 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.

L'article 1754 du code civil indique que les réparations locatives « dont le locataire est tenu, s'il n'y a clause contraire, sont celles désignées comme telles par l'usage des lieux, et, entre autres, les réparations à faire :

Aux âtres, contre-coeurs, chambranles et tablettes de cheminées ;

Au recrépiment du bas des murailles des appartements et autres lieux d'habitation à la hauteur d'un mètre ;

Aux pavés et carreaux des chambres, lorsqu'il y en a seulement quelques-uns de cassés ;

Aux vitres, à moins qu'elles ne soient cassées par la grêle ou autres accidents extraordinaires et de force majeure, dont le locataire ne peut être tenu ;

Aux portes, croisées, planches de cloison ou de fermeture de boutiques, gonds, targettes et serrures. »

Il résulte de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et des articles 1720 et 1754 du code civil que le bailleur, à qui incombe la charge des travaux de réparations, autres que celles locatives, qui intéressent la structure et la solidité de l'immeuble loué, peut, par une clause claire et précise dont la portée doit être interprétée restrictivement, en transférer la charge au preneur.

En l'espèce le bail liant les parties comporte la clause suivante : « le preneur devra, en cours de bail, conserver les locaux loués en bon état d'entretien et de réparation locatives, il devra également effectuer à ses frais et sous sa seule responsabilité les réparations de toute nature y compris celles visées à l'article 606 du code civil, et y compris également tous travaux de ravalement de façade. »

Cette clause qui doit être interprétée restrictivement, ne met pas expressément à charge du preneur les travaux de réfection de la couverture, de la zinguerie, de l'étanchéité, ni de la charpente des bâtiments loués.

En l'absence de stipulation claire et précise du bail commercial mettant à la charge du preneur la réfection de la couverture et la charpente des bâtiments loués, les travaux s'avérant nécessaires en cours de bail, quelle qu'en soit la cause, incombent au bailleur.

Le bail liant les parties désigne 6 bâtiments dans l'ensemble immobilier loué : un bâtiment à usage privatif, un à usage de remise, un à usage d'atelier, un à usage de bureaux, un à usage de chaufferie, et un à usage industriel.

Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 27 octobre 2016 que de nombreuses infiltrations affectent les plafonds sous-toiture du bâtiment administratif, de la maison, du local chaufferie, et de l'atelier, et que la toiture de tous ces bâtiments est très dégradée.

Le procès-verbal de constat de commissaire de justice du 10 octobre 2023 démontre que la toiture est très dégradée dans les bâtiments abritant les ateliers, dans le bâtiment administratif, dans le bâtiment chaufferie, dans le « magasin FER », dans la maison d'habitation, et que la charpente est dégradée dans le bâtiment administratif.

En revanche l'appréciation de M. [C], ingénieur en environnement ' hydrologie de l'[Localité 6] nationale supérieure de Géologie de [Localité 7], concernant l'état des toitures, n'a pas à être prise en compte dès lors que le bilan environnemental qu'il a réalisé le 2 juin 2016 avait pour objectif d'identifier une possible pollution, la caractérisation de l'environnement du site et la vulnérabilité des milieux, et de surveiller l'impact de l'environnement, et non pas de vérifier quelles réparations sont nécessaires au sens de l'article 1720 du code civil, et que de surcroît ce bilan est antérieur aux constats précités. Par ailleurs les attestations produites par le bailleur en pièces 17 et 18 ne concernent que l'état des locaux avant la cession de bail, et ne sont pas de nature à invalider les constatations faites par huissiers de justice qui sont quant à elles étayées par des photographies.

Au vu des éléments sérieux et concordants que constituent les deux constats d'huissier précités, la réfection de la couverture s'avère nécessaire afin de remédier aux infiltrations dans les bâtiments désignés et photographiés dans le dernier constat du 10 octobre 2023 à savoir les ateliers (salle de contrôle, salle tridimensionnelle, atelier tournage, halle tôlerie) ' que la SCI Filature désigne comme étant « les bâtiments industriels » en page 16 de ses conclusions-, le bâtiment administratif, le bâtiment chaufferie, le « magasin FER », la maison, et la réfection de la charpente du bâtiment administratif est également nécessaire. La bailleresse est condamnée à réaliser ces travaux.

Conformément à l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution l'astreinte peut être ordonnée d'office afin d'assurer l'exécution de la décision. Il y a lieu de condamner la bailleresse à réaliser les travaux sous astreinte de 50 euros par jour de retard, l'astreinte prenant effet à l'expiration d'un délai de 10 mois suivant la signification du présent arrêt.

Sur la demande en réduction des loyers

Le manquement du bailleur à l'obligation de délivrance n'est pas sanctionné par la modification des dispositions du contrat fixant le loyer. De surcroît la révision du loyer est encadrée par les dispositions des articles L. 145-37 et suivants et R. 145-27 et suivants du code de commerce, dont la procédure n'a pas été suivie en l'espèce.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en réduction du loyer. En outre la demande tendant à modifier le montant du loyer mensuel pour l'année 2024 en le fixant à 4 409,78 euros HT est rejetée.

En revanche la demande formée devant la cour tendant à condamner le bailleur au paiement de la somme de 319 067,41 euros TTC au titre du remboursement d'une partie du loyer perçus depuis le mois de juin 2016 jusqu'à septembre 2024 en application de la réduction de 40 % des loyers payés s'analyse en demande en dommages-intérêts pour préjudice de jouissance. En effet le preneur explique sa demande en page 22 de ses dernières conclusions en se prévalant d'un préjudice de jouissance.

La SI2MB ne démontre pas l'impossibilité d'exploiter deux des six bâtiments loués, et ne les désigne d'ailleurs pas.

En revanche il est démontré par les constats d'huissier et commissaire de justice produits que les toitures de cinq bâtiments sont très dégradées, et que de l'eau s'infiltre en période de pluies et précipitations, de sorte que les conditions d'exploitation des lieux loués sont également dégradées. En outre le preneur avait informé le bailleur des dégradations affectant les toitures et des infiltrations d'eau dans trois bâtiments sur six par courrier officiel du 14 octobre 2016, puis a assigné le bailleur le 12 juin 2017, et dès l'instance devant la cour d'appel de Nancy il a formulé ses demandes de manière très large en demandant la condamnation du bailleur à «exécuter les travaux de réfection nécessaire ou à les faire exécuter », avant de communiquer le dernier constat de commissaire de justice dans le cadre de la présente procédure. Dès lors le bailleur est informé des dégradations affectant les toitures depuis le 14 octobre 2016.

Au vu des indications et photographies jointes aux constats le trouble de jouissance subi par le preneur est évalué par la cour à 20 % du montant du loyer sur la période du 14 octobre 2016 à septembre 2024. Il y a dès lors lieu d'allouer à la SI2MB la somme de 153 264,07 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance pour la période du 14 octobre 2016 au 30 septembre 2024 inclus, et celle de 13 229,35 euros au titre de la période d'octobre 2024 à juin 2025 inclus, soit un total de 166493,42 euros.

Il n'est pas nécessaire d'ordonner une expertise judiciaire.

Sur la demande reconventionnelle

Il a déjà été observé que la réfection des toitures, couvertures et charpentes des bâtiments loués incombe au bailleur. Dès lors les dégâts provoqués par les infiltrations d'eau en provenance des toitures sont imputables au bailleur qui n'a pas réalisé les travaux nécessaires alors qu'il a été informé de leur nécessité à partir du 14 octobre 2016. Au surplus le bailleur ne démontre pas que l'état des bâtiments provient d'un manquement du preneur à son obligation d'entretien définie par la clause précitée du bail.

La demande reconventionnelle est rejetée.

IV- Sur les dépens et l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance sont infirmées.

La bailleresse, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux de la décision cassée, et à payer à la preneuse la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les demandes de la bailleresse au titre des dépens et indemnités prévues par l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable la demande de la SI2MB tendant à « condamner la SCI de la Filature à exécuter ou les faire exécuter à sa charge les travaux de réfection des couvertures, zingueries et étanchéité des bâtiments loués affectés par des infiltrations, et de réfection de la charpente du bâtiment à usage administratif et tous travaux qui s'avéreraient nécessaires à la remise en état des toitures des locaux loués » ;

Déclare irrecevable la demande de la SI2MB tendant à « réaliser ces travaux dans un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision, et, à défaut de réalisation dans ce délai, la SCI Filature sera condamnée à réaliser lesdits travaux sous astreinte de 500 euros par jour de retard » ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en réduction du loyer ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Condamne la SCI de la Filature à réaliser ou à faire réaliser à ses frais les travaux de réfection de la couverture des bâtiments désignés dans le constat de commissaire de justice du 10 octobre 2023 à savoir les ateliers (salle de contrôle, salle tridimensionnelle, atelier tournage, halle tôlerie), le bâtiment administratif, le bâtiment chaufferie, le « magasin FER », et la maison, qui sont nécessaires pour remédier aux infiltrations, ainsi qu'à réaliser ou à faire réaliser à ses frais les travaux de réfection de la charpente du bâtiment administratif, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard, l'astreinte prenant effet à l'expiration d'un délai de 10 mois suivant la signification du présent arrêt ;

Condamne la SCI de la Filature aux dépens de première instance ;

Rejette les demandes de la SCI de la Filature au titre des dépens et indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Déclare la demande reconventionnelle recevable ;

Rejette la demande de réduction du loyer de l'année 2024 ;

Condamne la SCI de la Filature à payer à la SARL Société industrielle de mécanique et de modelage Blainvilloise (SI2MB) la somme de 166 493,42 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance de la période du 14 octobre 2016 au 30 juin 2025 inclus ;

Condamne la SCI de la Filature aux dépens de la procédure d'appel ;

Condamne la SCI de la Filature à payer à la SARL Société industrielle de mécanique et de modelage Blainvilloise (SI2MB) la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel ;

Déboute la SCI de la Filature de ses demandes au titre des dépens et de l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

La Greffière La Présidente de chambre

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