CA Limoges, ch. civ., 17 juillet 2025, n° 24/00118
LIMOGES
Arrêt
Autre
ARRET N° 230.
N° RG 24/00118 - N° Portalis DBV6-V-B7I-BIRGO
AFFAIRE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
Mme [P] [L] épouse [M], M. [T] [M], Société INOGREEN
SG/TT
Prêt - Demande en nullité du contrat ou d'une clause du contrat
Grosse délivrée aux avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
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ARRET DU 17 JUILLET 2025
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Le DIX SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Carole GUILLOUT, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'une décision rendue le 31 JANVIER 2024 par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE TULLE
ET :
Madame [P] [L] épouse [M]
née le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 5] (ALLEMAGNE),
demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES
Monsieur [T] [M]
né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 7]
représenté par Me Philippe CHABAUD de la SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES
Société INOGREEN
demeurant [Adresse 2]
non représentée
- Ordonnance de mise en état du 08 janvier 2025 prononçant la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de la Société INOGREEN-
INTIMES
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 15 Mai 2025. L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2025.
La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Stéphanie GASNIER, Conseillers, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. A cette audience, Madame Stéphanie GASNIER, Conseiller, a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 03 Juillet 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. A cette date, le délibéré a été prorogé au 17 Juillet 2025.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure
Suite à un démarchage à domicile, M. [T] [M] a signé le 16 janvier 2020 un bon de commande avec la S.A.S. INOGREEN pour la fourniture et la pose d'une centrale photovoltaïque de 3kw couplée à un gestionnaire de régulation de chauffage et d'énergie, ainsi qu'un ballon thermodynamique, moyennant la somme de 26 900 euros.
Mme [P] [L] épouse [M] a accepté le 12 février 2020 une offre de crédit affecté auprès de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, sous l'enseigne CETELEM, d'un montant de 26 900 euros, remboursable en 144 mensualités de 251,57 euros avec report de six mois, au taux débiteur fixe annuel de 4,84 %.
Une attestation de conformité de l'installation a été établie le 21 février 2020 et les fonds ont été débloqués le 15 juin 2020 au profit de la S.A.S. INOGREEN. L'installation photovoltaïque a fait l'objet d'un raccordement au réseau ENEDIS le 12 mai 2021.
S'apercevant qu'ils ne pourraient bénéficier de l'autoconsommation avancée, et au regard de la perception de leurs premiers revenus énergétiques le 12 mai 2022, soit plus d'un an après leur installation, les époux [M] s'étant aperçus par ailleurs que le coût du crédit et de l'entretien de l'installation ne leur permettait pas de rentrer dans leurs frais, ont tenté une résolution amiable mais en vain.
Par exploit d'huissier en date du 8 juin 2022, les époux [M] ont assigné la société INOGREEN et la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE devant le tribunal judiciaire de Tulle aux fins de voir prononcer à titre principal :
la nullité du contrat de vente conclu le 16 janvier 2020 avec la société INOGREEN,
la nullité subséquente du contrat de crédit affecté conclu avec la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
et de voir celle-ci condamner à leur rembourser les échéances d'emprunt acquittées. Subsidiairement, ils sollicitaient la condamnation de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la négligence fautive de cette dernière.
A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitaient de voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts à l'égard de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et la condamnation de celle-ci et de la société INOGREEN à des dommages et intérêts pour préjudice moral, outre la dépose et la remise en état de la toiture à la charge de la société INOGREEN avec astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par jugement contradictoire rendu le 31 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Tulle a :
prononcé la nullité du contrat de fourniture et installation d'une centrale photovoltaïque et d'un ballon thermodynamique conclu le 16 janvier 2020 entre M. [M] et la société INOGREEN,
prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 12 février 2020 entre Mme [L] épouse [M] et la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
condamné M. [M] et Mme [L] à tenir à disposition de la société INOGREEN l'installation objet du contrat du 16 janvier 2020, à charge pour elle de la déposer, ou de la faire déposer, et de remettre la toiture en l'état antérieur, le tout à ses frais ;
dit qu'à défaut pour la société INOGREEN de procéder à cette dépose, dans un délai de deux ans à compter de la présente décision, les époux [M] pourront librement disposer de ce matériel ;
condamné la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à rembourser aux époux [M] le montant des échéances perçues au titre du prêt, soit la somme de 10 149,38 euros suivant décompte arrêté au 30 novembre 2023, outre les sommes perçues ultérieurement, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
dit que les époux [M] ne seront pas tenus au remboursement du capital restant dû au titre du contrat de crédit affecté annulé au-delà des échéances impayées ;
débouté les époux [M] de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice économique, financier et moral ;
condamné la société INOGREEN à payer aux époux [M] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamné la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer aux époux [M] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamné in solidum la société INOGREEN et la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens, en ce compris le coût des assignations.
Selon déclaration reçue au greffe de cette Cour le 16 février 2024, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance de mise en état rendue le 8 janvier 2025, la présidente de la chambre civile de la Cour d'appel de Limoges chargée de la mise en état a :
prononcé la caducité partielle de la déclaration d'appel de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à l'égard de la partie intimée désignée comme étant la société INOGREEN,
dit que l'instance d'appel initiée par la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE se poursuivra à l'égard des époux [M] dans les limites des prétentions formulées par l'appelante dans ses conclusions n° 3 du 28 novembre 2024.
La procédure devant la Cour a été clôturée par ordonnance du 23 avril 2025.
Prétentions des parties
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par message électronique le 28 novembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE demande à la Cour :
d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit que les époux [M] ne seront pas tenus au remboursement du capital restant dû au titre du contrat de crédit affecté annulé au-delà des échéances impayées,
de débouter les époux [M] de leurs demandes visant à la voir privée de son droit à restitution du capital, au motif qu'elle n'a commis aucune faute et que les époux [M] ne justifient pas de l'existence d'un préjudice actuel et certain ainsi que d'un lien de causalité à son égard.
Par conséquent,
de condamner les époux [M] à lui payer la somme de 26 900 euros correspondant au montant du capital prêté, outre intérêts au taux légal, sous déduction des échéances réglées,
de débouter les époux [M] de toutes autres demandes, fins ou prétentions,
En tout état de cause :
- de condamner la partie succombante à payer à lui payer une indemnité à hauteur de 2400 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Par dernières écritures notifiées par message électronique le 3 avril 2025, les époux [M] demandent à la Cour de :
confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions querellées relatives à la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, sauf en ce qu'elle les a débouté de leurs demandes indemnitaires ;
Et statuant à nouveau,
de débouter la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l'ensemble de ses demandes;
de condamner la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à leur restituer le montant des échéances perçues au titre du prêt, soit la somme de 15 209,80 euros suivant décompte arrêté en avril 2025, outre les mensualités postérieures perçues, avec intérêts au taux légal ;
A titre subsidiaire,
de condamner la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à leur verser :
* la somme de 15 209,80 euros à titre de dommages et intérêts, à parfaire au jour de l'exécution de l'arrêt à intervenir, à titre de la perte de chance de ne pas contracter,
En tout état de cause :
* la somme de 3000 euros au titre de leur préjudice moral,
* la somme de 4554 euros, sauf à parfaire, au titre du préjudice lié aux frais de dépose et de remise en état,
* la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et la condamner in solidum avec la société INOGREEN aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de Me CHABAUD.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il ressort des écritures des parties que la nullité du contrat principal, et la nullité subséquente du contrat de crédit affecté ne sont pas remises en question, l'objet du litige ne portant que sur les conséquences de la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, appelante, et les époux [M], intimés.
I ' Sur le bien-fondé de la demande en remboursement du capital formulée par la banque :
Au soutien de ses prétentions, la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE soutient qu'elle n'a commis aucun manquement dans ses obligations lors :
de la formation du contrat de crédit, en ce qu'elle a respecté toutes les prescriptions légales, qu'elle n'a aucune obligation de formation des démarcheurs ;
du déblocage des fonds, en ce que la prestation prévue au bon de commande a bien été réalisée, au regard du procès-verbal de réception et de l'attestation de livrée signée par les époux [M]
dans le contrôle du contrat principal, en ce qu'il n'appartient pas au prêteur de juger du caractère suffisamment précis ou non des mentions au contrat de vente, et faisant valoir une apparence de régularité qui ne peut être remise en cause par le juge.
Les époux [M] s'opposent à cette analyse. Ils estiment que la banque ayant financé un contrat nul, elle a commis une faute qui la prive de son droit à restitution de la somme empruntée, car il appartenait à la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de vérifier la régularité du contrat de vente conclu avec la société INOGREEN, en raison de nombreuses causes de nullité affectant ledit contrat que la banque ne pouvait ignorer pour avoir déjà été condamnée à de multiples reprises sur ces mêmes chefs comme l'a justement relevé le premier juge.
Ils invoquent l'existence de deux préjudices : celui d'avoir été liés définitivement à une société peu sérieuse par la validation de l'opération par la banque, en faisant valoir qu'en dépit de la nullité des contrats ils ne pourront jamais récupérer le prix de vente de l'installation compte tenu de la liquidation de la société INOGREEN.
Ils soutiennent que la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a commis une faute dans le déblocage prématuré des fonds, alors que les travaux n'étaient aucunement achevés faute de possibilité de raccordement de l'installation qui n'a pu se faire qu'un an plus tard et donc postérieurement aux premières échéances bancaires. Ils estiment que la banque ne peut se prévaloir de l'attestation de fin de travaux ou d'un certificat de livraison pour s'exempter de sa responsabilité, alors qu'elle devait s'assurer de la réalité de l'exécution des travaux.
Sur l'existence d'une faute commise par la banque
La nullité du contrat de vente n'étant pas remise en question, c'est à bon droit que le premier juge a prononcé la nullité corrélative du contrat de crédit affecté, car il convient de replacer les parties dans leur état antérieur à la conclusion du contrat de vente d'une installation photovoltaïque. La nullité du contrat de crédit affecté, consécutive à la nullité du contrat principal qu'il finançait, emporte de plein droit l'obligation pour la banque de rembourser les sommes perçues. C'est donc à bon droit que le premier juge a condamné la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à rembourser aux époux [M] le montant des échéances perçues au titre du prêt, la cour devant, au jour où elle statue, actualiser à la somme de 15 209,80 euros suivant décompte arrêté au mois d'avril 2025, outre les sommes perçues ultérieurement, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
La nullité du contrat de vente, et corrélativement celle du crédit affecté, emporte aussi pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté, et ce, même si ce capital a été versé directement entre les mains du vendeur. Il est toutefois fait exception à cette règle s'il est établi que le prêteur a commis une faute causant un préjudice à l'emprunteur, notamment en versant les fonds avant l'exécution complète du contrat principal ou en ne respectant pas ses propres obligations de prêteur. Le prêteur ne peut s'exonérer des effets de la nullité s'il est établi qu'il a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution.
En l'espèce, le premier juge a retenu la nullité du contrat principal de vente conclu entre les époux [M] et la société INOGREEN le 16 janvier 2020 aux motifs qu'il ne respectait pas les prescriptions du Code de la consommation, et notamment :
il n'est pas indiqué le coût unitaire des divers éléments,
la marque du système de régulation du chauffage et d'énergie n'est pas mentionnée,
les caractéristiques techniques des autres éléments ne sont pas spécifiées, privant les époux [M] de la possibilité de comparer les prix et la performance du matériel,
ne comporte pas les conditions d'exécution du contrat (modalités et délais de livraison),
ne prévoit pas la nature des diverses prestations d'installation et de livraison, notamment les démarches administratives que le fournisseur s'engage à effectuer à sa charge et qui sont indispensables avant la mise en fonctionnement d'une centrale photovoltaïque,
le consentement des époux [M] n'a pas été suffisamment éclairé car le bon de commande ne contient aucune information sur la nécessité ultérieure pour les acheteurs d'avoir à contracter avec d'autres prestataires pour son installation, les frais supplémentaires comme ceux de raccordement et la location d'un compteur, aucune information sur le prix de rachat de l'électricité pratiqué par EDF, la durée de vie du matériel et la nécessité de changer périodiquement certaines pièces coûteuses.
les renseignements relatifs au financement reportés sur le bon de commande sont incomplets car ne figure pas sur le bon de commande le coût total du crédit,
l'identité du démarcheur de la société INOGREEN n'est pas renseignée, portant uniquement la mention « technicien conseil », et sans démontré que ce démarcheur avait bénéficié de la formation nécessaire pour proposer aux particuliers des crédits à la consommation,
Les époux [M] imputent différentes fautes de la banque devant la priver de son droit à obtenir restitution du capital prêté, et notamment de ne pas avoir vérifié la régularité du contrat de vente conclu avec la société INOGREEN qui était affecté de nombreuses causes de nullité comme l'a retenu le premier juge. Si la banque n'est tenue de déceler que les irrégularités flagrantes, force est de constater que son attention aurait dû être attirée par les nombreux manques et imprécisions du bon de commande. La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait valoir qu'elle s'est, sans commettre de faute, dessaisie des fonds au vu d'une attestation de livraison et d'une demande de financement manifestant l'acceptation de la livraison du matériel et que l'installation n'appelait aucune restriction ni réserve de la part des consommateurs, outre que les époux [M] ne justifiaient d'aucun préjudice, l'installation étant achevée et aucune non-conformité n'étant alléguée.
Cependant, il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Or, le premier juge a relevé que le bon de commande conclu avec la société INOGREEN, par l'intermédiaire de laquelle la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a présenté son offre de crédit, était affecté de nombreuses irrégularités formelles apparentes. Le prêteur n'avait certes pas à assister les emprunteurs lors de la conclusion du contrat principal, mais en sa qualité de professionnel des opérations de crédit affecté, il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, et n'aurait donc pas dû libérer les fonds avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès des époux [M] qu'ils entendaient confirmer l'acte irrégulier. Par ailleurs, s'agissant du déblocage des fonds sur la base d'un bon de commande nul, si la banque ne saurait être tenue à une analyse fine du bon de commande au regard de la réglementation applicable en matière de démarchage à domicile ou encore au regard d'une jurisprudence évolutive, notamment des exigences en matière de désignation des matériels et prestations, elle doit en revanche être en mesure, avant de débloquer les fonds, de s'assurer que le bon de commande n'était pas entaché d'une irrégularité manifeste. La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE qui est un organisme de crédit rompu aux mécanismes de financement de ce type d'installation, aurait dû constater que le bon de commande n'était visiblement pas conforme aux dispositions du code de la consommation. En outre, il est flagrant de constater que la banque a libéré les fonds le 15 juin 2020 en se basant sur une attestation de conformité datée du 21 février 2020, alors même que le chantier n'était pas terminé puisque l'attestation de fin de chantier est postérieure et datée du 12 mars 2020. La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne peut donc soutenir n'avoir commis aucune faute, car elle ne pouvait ignorer les énonciations du bon de commande au vu duquel elle a apporté son concours, qui présentait un nombre important d'irrégularité, outre d'avoir libéré des fonds avant que le chantier soit terminé et sans s'assurer que toutes les prestations avaient été réalisées. Il s'ensuit que la faute ainsi commise par la banque est de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté, sachant qu'il reste à examiner s'il existe un préjudice effectivement souffert par les époux [M].
Sur l'existence d'un préjudice subi par les époux [M]
A titre liminaire, il convient de rappeler que pour être réparable, le préjudice doit se rattacher par un lien suffisant au comportement dommageable de son auteur.
La BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait valoir que l'emprunteur ne démontre pas l'existence d'un préjudice en lien avec la faute alléguée pour qu'elle puisse être privée de son droit à restitution du capital prêté, car les travaux ont bien été réalisés et le matériel fonctionne parfaitement. Elle ajoute que le prêteur n'est pas le garant des éventuelles promesses non tenues du vendeur. Le premier juge ayant condamné la société INOGREEN à reprendre le matériel, elle estime que les époux [M] réaliseraient un enrichissement sans cause en conservant la somme accordée au titre du prêt. Elle ajoute que les intimés ne justifient pas de l'existence et du montant du préjudice financier et du trouble de jouissance invoqué ainsi que du préjudice moral.
Les emprunteurs intimés soutiennent que si la banque avait fait preuve de sérieux et de diligence dans la vérification du contrat, ils ne se seraient pas retrouvés dans une situation financière et personnelle alarmante, à rembourser un crédit excessif sur la base d'un contrat qui ne respecte pas les exigences du code de la consommation, soulignant que ce n'est que grâce au concours de la banque que cette opération a été rendue possible. Ils rappellent que la banque leur a accordé le prêt malgré les pièces manquantes sur leur solvabilité, outre d'avoir libéré les fonds en se fondant sur une attestation de conformité avant même que l'installation n'ait eu lieu.
Si le prêteur fait valoir à juste titre que cette dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la démonstration par les emprunteurs de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur, celui-ci est en l'espèce établi en ce que les emprunteurs font valoir à juste titre qu'ils ne pourront obtenir auprès de la société INOGREEN mise en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente et le démontage et la remise en état à ses frais. Par ailleurs, au regard du nombre important d'irrégularités que présentait le bon de commande, la banque a commis une faute en consentant un crédit au vu d'un bon de commande affecté d'irrégularités manifestes qui auraient dû l'alerter sur les insuffisances du vendeur, ce qu'elle ne pouvait ignorer d'autant que la BNP PARIS PERSONAL FINANCE a à plusieurs reprises était condamnée pour des motifs identiques. Cette faute a causé aux emprunteurs un préjudice équivalent au capital emprunté, et qui sera réparé par la privation du prêteur du droit à restitution de ce capital. Peu importe que l'installation photovoltaïque fonctionne, les époux [M] subissent néanmoins un préjudice en lien direct avec la faute de la banque qui s'est abstenue de tout contrôle, y compris de vérifier avant la libération des fonds si l'installation fonctionnait pleinement auprès des acquéreurs, et pas seulement au regard des documents produits par la société INOGREEN, manquant ainsi à ses obligations. Il est en effet de jurisprudence constante que la signature d'une attestation d'achèvement des travaux ne dispense pas la banque de s'assurer de la réalité de l'exécution des travaux et leur bon fonctionnement.
Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a débouté la BNP de sa demande de remboursement du capital emprunté restant dû.
II ' Sur les demandes indemnitaires formulées par les époux [M] :
Sur le préjudice financier allégué par les époux [M]
Les époux [M] revendiquent un préjudice financier en lien avec la situation de la société INOGREEN, qui ayant été mise en liquidation judiciaire, ne procèdera pas la dépose et la remise en état à ses frais de leur toiture, comme elle y avait été condamnée par le premier juge.
S'agissant des obligations de remise en état, les travaux de retrait de l'installation et de remise en état de la toiture sont à la charge exclusive du vendeur. S'agissant du coût de dépose des panneaux et de la remise en état de la toiture, il doit être observé que le prêteur, tiers au contrat principal, ne saurait se voir imputer les conséquences dommageables des restitutions consécutives à l'annulation dudit contrat. Par ailleurs, force est de constater que l'installation litigieuse fonctionne parfaitement.
Il s'ensuit que le préjudice financier allégué par les époux [M] n'est pas démontré, de sorte qu'il convient de les débouter de ce chef.
Sur le préjudice moral invoqué par les époux [M]
Les époux [M] revendiquent un préjudice moral en ce qu'ils s'estiment avoir été victimes d'un dol et d'une escroquerie, outre le fait d'avoir dû consacrer du temps et de l'énergie pour rechercher des solutions aux difficultés rencontrées et causées par l'opération commerciale litigieuse.
En l'espèce, l'information insuffisante sur les caractéristiques de l'équipement vendu ne suffit pas à caractériser une man'uvre dolosive. En outre, l'emprunteur qui a signé une offre de crédit simultanément au contrat de vente litigieux, qui précisait les conditions de financement et de remboursement, ne pouvait ignorer qu'il s'engageait dans une relation contractuelle ferme et non pas dans une simple candidature à un projet. Enfin, la déception des époux [M] s'agissant de la performance de l'installation et du décalage entre la charge de crédit et le bénéfice espéré de l'opération ne peut caractériser un dol qui doit être apprécié à la date de conclusion du contrat. Par ailleurs, comme l'a justement relevé le premier juge, si les désagréments allégués sont réels, ils sont suffisamment réparés par la nullité des contrats, le remboursement des sommes versées et la remise des parties dans l'état antérieur à la signature des conventions litigieuses.
Faute de justification de l'existence d'un préjudice moral et d'un lien causal avec la faute du prêteur, le jugement attaqué sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande des époux [M] de ce chef.
III ' Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :
Pour avoir succombé en son recours, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sera condamnée à supporter les entiers dépens d'appel, ce qui exclut par ailleurs qu'elle puisse bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il serait par contre inéquitable de laisser les époux [M] supporter la totalité des frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer en cause d'appel pour assurer la défense de leurs intérêts, de sorte qu'ils se verront allouer une indemnité de 1500 euros pour leurs frais irrépétibles d'appel en sus de la somme octroyée par le premier juge.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour d'appel statuant publiquement, par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de TULLE, sauf à actualiser à la somme de 15 209,80 euros suivant décompte arrêté au mois d'avril 2025, la condamnation prononcée à l'encontre de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au titre du remboursement aux époux [M] du montant des échéances perçues au titre du prêt litigieux, et à préciser que ladite somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et sera à majorer des sommes perçues ultérieurement audit décompte ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer aux époux [M] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
L.MALLEVERGNE. C. BALIAN.
N° RG 24/00118 - N° Portalis DBV6-V-B7I-BIRGO
AFFAIRE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
Mme [P] [L] épouse [M], M. [T] [M], Société INOGREEN
SG/TT
Prêt - Demande en nullité du contrat ou d'une clause du contrat
Grosse délivrée aux avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
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ARRET DU 17 JUILLET 2025
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Le DIX SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Carole GUILLOUT, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'une décision rendue le 31 JANVIER 2024 par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE TULLE
ET :
Madame [P] [L] épouse [M]
née le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 5] (ALLEMAGNE),
demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES
Monsieur [T] [M]
né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 7]
représenté par Me Philippe CHABAUD de la SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES
Société INOGREEN
demeurant [Adresse 2]
non représentée
- Ordonnance de mise en état du 08 janvier 2025 prononçant la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de la Société INOGREEN-
INTIMES
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 15 Mai 2025. L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2025.
La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Stéphanie GASNIER, Conseillers, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. A cette audience, Madame Stéphanie GASNIER, Conseiller, a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 03 Juillet 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. A cette date, le délibéré a été prorogé au 17 Juillet 2025.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure
Suite à un démarchage à domicile, M. [T] [M] a signé le 16 janvier 2020 un bon de commande avec la S.A.S. INOGREEN pour la fourniture et la pose d'une centrale photovoltaïque de 3kw couplée à un gestionnaire de régulation de chauffage et d'énergie, ainsi qu'un ballon thermodynamique, moyennant la somme de 26 900 euros.
Mme [P] [L] épouse [M] a accepté le 12 février 2020 une offre de crédit affecté auprès de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, sous l'enseigne CETELEM, d'un montant de 26 900 euros, remboursable en 144 mensualités de 251,57 euros avec report de six mois, au taux débiteur fixe annuel de 4,84 %.
Une attestation de conformité de l'installation a été établie le 21 février 2020 et les fonds ont été débloqués le 15 juin 2020 au profit de la S.A.S. INOGREEN. L'installation photovoltaïque a fait l'objet d'un raccordement au réseau ENEDIS le 12 mai 2021.
S'apercevant qu'ils ne pourraient bénéficier de l'autoconsommation avancée, et au regard de la perception de leurs premiers revenus énergétiques le 12 mai 2022, soit plus d'un an après leur installation, les époux [M] s'étant aperçus par ailleurs que le coût du crédit et de l'entretien de l'installation ne leur permettait pas de rentrer dans leurs frais, ont tenté une résolution amiable mais en vain.
Par exploit d'huissier en date du 8 juin 2022, les époux [M] ont assigné la société INOGREEN et la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE devant le tribunal judiciaire de Tulle aux fins de voir prononcer à titre principal :
la nullité du contrat de vente conclu le 16 janvier 2020 avec la société INOGREEN,
la nullité subséquente du contrat de crédit affecté conclu avec la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
et de voir celle-ci condamner à leur rembourser les échéances d'emprunt acquittées. Subsidiairement, ils sollicitaient la condamnation de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la négligence fautive de cette dernière.
A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitaient de voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts à l'égard de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et la condamnation de celle-ci et de la société INOGREEN à des dommages et intérêts pour préjudice moral, outre la dépose et la remise en état de la toiture à la charge de la société INOGREEN avec astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par jugement contradictoire rendu le 31 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Tulle a :
prononcé la nullité du contrat de fourniture et installation d'une centrale photovoltaïque et d'un ballon thermodynamique conclu le 16 janvier 2020 entre M. [M] et la société INOGREEN,
prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 12 février 2020 entre Mme [L] épouse [M] et la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
condamné M. [M] et Mme [L] à tenir à disposition de la société INOGREEN l'installation objet du contrat du 16 janvier 2020, à charge pour elle de la déposer, ou de la faire déposer, et de remettre la toiture en l'état antérieur, le tout à ses frais ;
dit qu'à défaut pour la société INOGREEN de procéder à cette dépose, dans un délai de deux ans à compter de la présente décision, les époux [M] pourront librement disposer de ce matériel ;
condamné la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à rembourser aux époux [M] le montant des échéances perçues au titre du prêt, soit la somme de 10 149,38 euros suivant décompte arrêté au 30 novembre 2023, outre les sommes perçues ultérieurement, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
dit que les époux [M] ne seront pas tenus au remboursement du capital restant dû au titre du contrat de crédit affecté annulé au-delà des échéances impayées ;
débouté les époux [M] de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice économique, financier et moral ;
condamné la société INOGREEN à payer aux époux [M] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamné la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer aux époux [M] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamné in solidum la société INOGREEN et la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens, en ce compris le coût des assignations.
Selon déclaration reçue au greffe de cette Cour le 16 février 2024, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance de mise en état rendue le 8 janvier 2025, la présidente de la chambre civile de la Cour d'appel de Limoges chargée de la mise en état a :
prononcé la caducité partielle de la déclaration d'appel de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à l'égard de la partie intimée désignée comme étant la société INOGREEN,
dit que l'instance d'appel initiée par la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE se poursuivra à l'égard des époux [M] dans les limites des prétentions formulées par l'appelante dans ses conclusions n° 3 du 28 novembre 2024.
La procédure devant la Cour a été clôturée par ordonnance du 23 avril 2025.
Prétentions des parties
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par message électronique le 28 novembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE demande à la Cour :
d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit que les époux [M] ne seront pas tenus au remboursement du capital restant dû au titre du contrat de crédit affecté annulé au-delà des échéances impayées,
de débouter les époux [M] de leurs demandes visant à la voir privée de son droit à restitution du capital, au motif qu'elle n'a commis aucune faute et que les époux [M] ne justifient pas de l'existence d'un préjudice actuel et certain ainsi que d'un lien de causalité à son égard.
Par conséquent,
de condamner les époux [M] à lui payer la somme de 26 900 euros correspondant au montant du capital prêté, outre intérêts au taux légal, sous déduction des échéances réglées,
de débouter les époux [M] de toutes autres demandes, fins ou prétentions,
En tout état de cause :
- de condamner la partie succombante à payer à lui payer une indemnité à hauteur de 2400 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Par dernières écritures notifiées par message électronique le 3 avril 2025, les époux [M] demandent à la Cour de :
confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions querellées relatives à la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, sauf en ce qu'elle les a débouté de leurs demandes indemnitaires ;
Et statuant à nouveau,
de débouter la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l'ensemble de ses demandes;
de condamner la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à leur restituer le montant des échéances perçues au titre du prêt, soit la somme de 15 209,80 euros suivant décompte arrêté en avril 2025, outre les mensualités postérieures perçues, avec intérêts au taux légal ;
A titre subsidiaire,
de condamner la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à leur verser :
* la somme de 15 209,80 euros à titre de dommages et intérêts, à parfaire au jour de l'exécution de l'arrêt à intervenir, à titre de la perte de chance de ne pas contracter,
En tout état de cause :
* la somme de 3000 euros au titre de leur préjudice moral,
* la somme de 4554 euros, sauf à parfaire, au titre du préjudice lié aux frais de dépose et de remise en état,
* la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et la condamner in solidum avec la société INOGREEN aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de Me CHABAUD.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il ressort des écritures des parties que la nullité du contrat principal, et la nullité subséquente du contrat de crédit affecté ne sont pas remises en question, l'objet du litige ne portant que sur les conséquences de la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, appelante, et les époux [M], intimés.
I ' Sur le bien-fondé de la demande en remboursement du capital formulée par la banque :
Au soutien de ses prétentions, la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE soutient qu'elle n'a commis aucun manquement dans ses obligations lors :
de la formation du contrat de crédit, en ce qu'elle a respecté toutes les prescriptions légales, qu'elle n'a aucune obligation de formation des démarcheurs ;
du déblocage des fonds, en ce que la prestation prévue au bon de commande a bien été réalisée, au regard du procès-verbal de réception et de l'attestation de livrée signée par les époux [M]
dans le contrôle du contrat principal, en ce qu'il n'appartient pas au prêteur de juger du caractère suffisamment précis ou non des mentions au contrat de vente, et faisant valoir une apparence de régularité qui ne peut être remise en cause par le juge.
Les époux [M] s'opposent à cette analyse. Ils estiment que la banque ayant financé un contrat nul, elle a commis une faute qui la prive de son droit à restitution de la somme empruntée, car il appartenait à la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de vérifier la régularité du contrat de vente conclu avec la société INOGREEN, en raison de nombreuses causes de nullité affectant ledit contrat que la banque ne pouvait ignorer pour avoir déjà été condamnée à de multiples reprises sur ces mêmes chefs comme l'a justement relevé le premier juge.
Ils invoquent l'existence de deux préjudices : celui d'avoir été liés définitivement à une société peu sérieuse par la validation de l'opération par la banque, en faisant valoir qu'en dépit de la nullité des contrats ils ne pourront jamais récupérer le prix de vente de l'installation compte tenu de la liquidation de la société INOGREEN.
Ils soutiennent que la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a commis une faute dans le déblocage prématuré des fonds, alors que les travaux n'étaient aucunement achevés faute de possibilité de raccordement de l'installation qui n'a pu se faire qu'un an plus tard et donc postérieurement aux premières échéances bancaires. Ils estiment que la banque ne peut se prévaloir de l'attestation de fin de travaux ou d'un certificat de livraison pour s'exempter de sa responsabilité, alors qu'elle devait s'assurer de la réalité de l'exécution des travaux.
Sur l'existence d'une faute commise par la banque
La nullité du contrat de vente n'étant pas remise en question, c'est à bon droit que le premier juge a prononcé la nullité corrélative du contrat de crédit affecté, car il convient de replacer les parties dans leur état antérieur à la conclusion du contrat de vente d'une installation photovoltaïque. La nullité du contrat de crédit affecté, consécutive à la nullité du contrat principal qu'il finançait, emporte de plein droit l'obligation pour la banque de rembourser les sommes perçues. C'est donc à bon droit que le premier juge a condamné la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à rembourser aux époux [M] le montant des échéances perçues au titre du prêt, la cour devant, au jour où elle statue, actualiser à la somme de 15 209,80 euros suivant décompte arrêté au mois d'avril 2025, outre les sommes perçues ultérieurement, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
La nullité du contrat de vente, et corrélativement celle du crédit affecté, emporte aussi pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté, et ce, même si ce capital a été versé directement entre les mains du vendeur. Il est toutefois fait exception à cette règle s'il est établi que le prêteur a commis une faute causant un préjudice à l'emprunteur, notamment en versant les fonds avant l'exécution complète du contrat principal ou en ne respectant pas ses propres obligations de prêteur. Le prêteur ne peut s'exonérer des effets de la nullité s'il est établi qu'il a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution.
En l'espèce, le premier juge a retenu la nullité du contrat principal de vente conclu entre les époux [M] et la société INOGREEN le 16 janvier 2020 aux motifs qu'il ne respectait pas les prescriptions du Code de la consommation, et notamment :
il n'est pas indiqué le coût unitaire des divers éléments,
la marque du système de régulation du chauffage et d'énergie n'est pas mentionnée,
les caractéristiques techniques des autres éléments ne sont pas spécifiées, privant les époux [M] de la possibilité de comparer les prix et la performance du matériel,
ne comporte pas les conditions d'exécution du contrat (modalités et délais de livraison),
ne prévoit pas la nature des diverses prestations d'installation et de livraison, notamment les démarches administratives que le fournisseur s'engage à effectuer à sa charge et qui sont indispensables avant la mise en fonctionnement d'une centrale photovoltaïque,
le consentement des époux [M] n'a pas été suffisamment éclairé car le bon de commande ne contient aucune information sur la nécessité ultérieure pour les acheteurs d'avoir à contracter avec d'autres prestataires pour son installation, les frais supplémentaires comme ceux de raccordement et la location d'un compteur, aucune information sur le prix de rachat de l'électricité pratiqué par EDF, la durée de vie du matériel et la nécessité de changer périodiquement certaines pièces coûteuses.
les renseignements relatifs au financement reportés sur le bon de commande sont incomplets car ne figure pas sur le bon de commande le coût total du crédit,
l'identité du démarcheur de la société INOGREEN n'est pas renseignée, portant uniquement la mention « technicien conseil », et sans démontré que ce démarcheur avait bénéficié de la formation nécessaire pour proposer aux particuliers des crédits à la consommation,
Les époux [M] imputent différentes fautes de la banque devant la priver de son droit à obtenir restitution du capital prêté, et notamment de ne pas avoir vérifié la régularité du contrat de vente conclu avec la société INOGREEN qui était affecté de nombreuses causes de nullité comme l'a retenu le premier juge. Si la banque n'est tenue de déceler que les irrégularités flagrantes, force est de constater que son attention aurait dû être attirée par les nombreux manques et imprécisions du bon de commande. La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait valoir qu'elle s'est, sans commettre de faute, dessaisie des fonds au vu d'une attestation de livraison et d'une demande de financement manifestant l'acceptation de la livraison du matériel et que l'installation n'appelait aucune restriction ni réserve de la part des consommateurs, outre que les époux [M] ne justifiaient d'aucun préjudice, l'installation étant achevée et aucune non-conformité n'étant alléguée.
Cependant, il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Or, le premier juge a relevé que le bon de commande conclu avec la société INOGREEN, par l'intermédiaire de laquelle la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a présenté son offre de crédit, était affecté de nombreuses irrégularités formelles apparentes. Le prêteur n'avait certes pas à assister les emprunteurs lors de la conclusion du contrat principal, mais en sa qualité de professionnel des opérations de crédit affecté, il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, et n'aurait donc pas dû libérer les fonds avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès des époux [M] qu'ils entendaient confirmer l'acte irrégulier. Par ailleurs, s'agissant du déblocage des fonds sur la base d'un bon de commande nul, si la banque ne saurait être tenue à une analyse fine du bon de commande au regard de la réglementation applicable en matière de démarchage à domicile ou encore au regard d'une jurisprudence évolutive, notamment des exigences en matière de désignation des matériels et prestations, elle doit en revanche être en mesure, avant de débloquer les fonds, de s'assurer que le bon de commande n'était pas entaché d'une irrégularité manifeste. La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE qui est un organisme de crédit rompu aux mécanismes de financement de ce type d'installation, aurait dû constater que le bon de commande n'était visiblement pas conforme aux dispositions du code de la consommation. En outre, il est flagrant de constater que la banque a libéré les fonds le 15 juin 2020 en se basant sur une attestation de conformité datée du 21 février 2020, alors même que le chantier n'était pas terminé puisque l'attestation de fin de chantier est postérieure et datée du 12 mars 2020. La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne peut donc soutenir n'avoir commis aucune faute, car elle ne pouvait ignorer les énonciations du bon de commande au vu duquel elle a apporté son concours, qui présentait un nombre important d'irrégularité, outre d'avoir libéré des fonds avant que le chantier soit terminé et sans s'assurer que toutes les prestations avaient été réalisées. Il s'ensuit que la faute ainsi commise par la banque est de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté, sachant qu'il reste à examiner s'il existe un préjudice effectivement souffert par les époux [M].
Sur l'existence d'un préjudice subi par les époux [M]
A titre liminaire, il convient de rappeler que pour être réparable, le préjudice doit se rattacher par un lien suffisant au comportement dommageable de son auteur.
La BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait valoir que l'emprunteur ne démontre pas l'existence d'un préjudice en lien avec la faute alléguée pour qu'elle puisse être privée de son droit à restitution du capital prêté, car les travaux ont bien été réalisés et le matériel fonctionne parfaitement. Elle ajoute que le prêteur n'est pas le garant des éventuelles promesses non tenues du vendeur. Le premier juge ayant condamné la société INOGREEN à reprendre le matériel, elle estime que les époux [M] réaliseraient un enrichissement sans cause en conservant la somme accordée au titre du prêt. Elle ajoute que les intimés ne justifient pas de l'existence et du montant du préjudice financier et du trouble de jouissance invoqué ainsi que du préjudice moral.
Les emprunteurs intimés soutiennent que si la banque avait fait preuve de sérieux et de diligence dans la vérification du contrat, ils ne se seraient pas retrouvés dans une situation financière et personnelle alarmante, à rembourser un crédit excessif sur la base d'un contrat qui ne respecte pas les exigences du code de la consommation, soulignant que ce n'est que grâce au concours de la banque que cette opération a été rendue possible. Ils rappellent que la banque leur a accordé le prêt malgré les pièces manquantes sur leur solvabilité, outre d'avoir libéré les fonds en se fondant sur une attestation de conformité avant même que l'installation n'ait eu lieu.
Si le prêteur fait valoir à juste titre que cette dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la démonstration par les emprunteurs de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur, celui-ci est en l'espèce établi en ce que les emprunteurs font valoir à juste titre qu'ils ne pourront obtenir auprès de la société INOGREEN mise en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente et le démontage et la remise en état à ses frais. Par ailleurs, au regard du nombre important d'irrégularités que présentait le bon de commande, la banque a commis une faute en consentant un crédit au vu d'un bon de commande affecté d'irrégularités manifestes qui auraient dû l'alerter sur les insuffisances du vendeur, ce qu'elle ne pouvait ignorer d'autant que la BNP PARIS PERSONAL FINANCE a à plusieurs reprises était condamnée pour des motifs identiques. Cette faute a causé aux emprunteurs un préjudice équivalent au capital emprunté, et qui sera réparé par la privation du prêteur du droit à restitution de ce capital. Peu importe que l'installation photovoltaïque fonctionne, les époux [M] subissent néanmoins un préjudice en lien direct avec la faute de la banque qui s'est abstenue de tout contrôle, y compris de vérifier avant la libération des fonds si l'installation fonctionnait pleinement auprès des acquéreurs, et pas seulement au regard des documents produits par la société INOGREEN, manquant ainsi à ses obligations. Il est en effet de jurisprudence constante que la signature d'une attestation d'achèvement des travaux ne dispense pas la banque de s'assurer de la réalité de l'exécution des travaux et leur bon fonctionnement.
Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a débouté la BNP de sa demande de remboursement du capital emprunté restant dû.
II ' Sur les demandes indemnitaires formulées par les époux [M] :
Sur le préjudice financier allégué par les époux [M]
Les époux [M] revendiquent un préjudice financier en lien avec la situation de la société INOGREEN, qui ayant été mise en liquidation judiciaire, ne procèdera pas la dépose et la remise en état à ses frais de leur toiture, comme elle y avait été condamnée par le premier juge.
S'agissant des obligations de remise en état, les travaux de retrait de l'installation et de remise en état de la toiture sont à la charge exclusive du vendeur. S'agissant du coût de dépose des panneaux et de la remise en état de la toiture, il doit être observé que le prêteur, tiers au contrat principal, ne saurait se voir imputer les conséquences dommageables des restitutions consécutives à l'annulation dudit contrat. Par ailleurs, force est de constater que l'installation litigieuse fonctionne parfaitement.
Il s'ensuit que le préjudice financier allégué par les époux [M] n'est pas démontré, de sorte qu'il convient de les débouter de ce chef.
Sur le préjudice moral invoqué par les époux [M]
Les époux [M] revendiquent un préjudice moral en ce qu'ils s'estiment avoir été victimes d'un dol et d'une escroquerie, outre le fait d'avoir dû consacrer du temps et de l'énergie pour rechercher des solutions aux difficultés rencontrées et causées par l'opération commerciale litigieuse.
En l'espèce, l'information insuffisante sur les caractéristiques de l'équipement vendu ne suffit pas à caractériser une man'uvre dolosive. En outre, l'emprunteur qui a signé une offre de crédit simultanément au contrat de vente litigieux, qui précisait les conditions de financement et de remboursement, ne pouvait ignorer qu'il s'engageait dans une relation contractuelle ferme et non pas dans une simple candidature à un projet. Enfin, la déception des époux [M] s'agissant de la performance de l'installation et du décalage entre la charge de crédit et le bénéfice espéré de l'opération ne peut caractériser un dol qui doit être apprécié à la date de conclusion du contrat. Par ailleurs, comme l'a justement relevé le premier juge, si les désagréments allégués sont réels, ils sont suffisamment réparés par la nullité des contrats, le remboursement des sommes versées et la remise des parties dans l'état antérieur à la signature des conventions litigieuses.
Faute de justification de l'existence d'un préjudice moral et d'un lien causal avec la faute du prêteur, le jugement attaqué sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande des époux [M] de ce chef.
III ' Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :
Pour avoir succombé en son recours, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sera condamnée à supporter les entiers dépens d'appel, ce qui exclut par ailleurs qu'elle puisse bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il serait par contre inéquitable de laisser les époux [M] supporter la totalité des frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer en cause d'appel pour assurer la défense de leurs intérêts, de sorte qu'ils se verront allouer une indemnité de 1500 euros pour leurs frais irrépétibles d'appel en sus de la somme octroyée par le premier juge.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour d'appel statuant publiquement, par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de TULLE, sauf à actualiser à la somme de 15 209,80 euros suivant décompte arrêté au mois d'avril 2025, la condamnation prononcée à l'encontre de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au titre du remboursement aux époux [M] du montant des échéances perçues au titre du prêt litigieux, et à préciser que ladite somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et sera à majorer des sommes perçues ultérieurement audit décompte ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer aux époux [M] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
L.MALLEVERGNE. C. BALIAN.