CA Poitiers, ch. soc., 17 juillet 2025, n° 22/01354
POITIERS
Arrêt
Autre
ARRÊT N° 202
N° RG 22/01354
N° Portalis DBV5-V-B7G-GRVU
ASSOCIATION ATMO.NA
C/
[T]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 17 JUILLET 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du 05 mai 2022 rendu par le conseil de prud'hommes de LA ROCHELLE
APPELANTE :
ASSOCIATION RÉGIONALE POUR LA MESURE DE LA QUALITÉ DE L'AIR EN NOUVELLE AQUITAINE (ATMO.NA)
N° SIRET : 311 059 422
[Adresse 8]
[Adresse 9]
[Localité 2]
Ayant pour avocat Me Jean-Charles CHAMPOL de la SELARL CABINET CHAMPOL CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
Madame [U] [T]
Née le 18 août 1960 à [Localité 7] (17)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocat constitué Me Claudy VALIN de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
Ayant pour avocat plaidant Me Alexandra COURNIL de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 22 janvier 2025, en audience publique, devant :
Madame Françoise CARRACHA, présidente qui a présenté son rapport
Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Françoise CARRACHA, présidente
Madame Estelle LAFOND, conseillère
Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile que la décision serait rendue le 3 avril 2025, la date du prononcé ayant été prorogée à plusieurs reprises, les parties avisées, pour l'arrêt être rendu le 17 juillet 2025,
- Signé par Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, conseiller, en remplacement de Madame Françoise CARRACHA, présidente, légitimement empêchée, et par Madame Patricia RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
L'association Agence Régionale pour la Mesure de la qualité de l'Air Nouvelle Aquitaine (ci-après dénommé association ATMO.NA) est spécialisée dans le secteur de la mesure de la qualité de l'air et relève de la convention collective nationale des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air.
Mme [T] a été engagée le 25 mai 1983 en qualité de secrétaire par l'Association pour la Mesure Atmosphérique à [Localité 5] (AMPALR) devenue par la suite l'association ATMO.NA, sans contrat de travail écrit.
Elle a été confirmée dans ses fonctions par la signature le 4 septembre 2008 d'un contrat à durée indéterminée pour une durée de travail de 39 heures avec récupération des heures effectuées entre 35 et 39 heures en jours de repos dits 'RTT', moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle brute correspondant à l'indice 457 de la catégorie 6, échelon 8.
Le 8 mars 2018, Mme [T] a été placée en arrêt de travail, lequel a été renouvelé jusqu'à son licenciement.
Le 1er juillet 2019, le médecin du travail a indiqué que Mme [T] présentait un "syndrome anxio-dépressif constaté le 7 mars 2018, majoré à compter du 21 juin 2018, s'agissant d'un syndrome anxio-dépressif sévère avec pronostic vital engagé ".
Le 24 septembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente Maritime, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, a pris en charge la dépression et le burn out de Mme [T] au titre des maladies professionnelles 'hors tableau'.
Par requête du 18 novembre 2020, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de La Rochelle aux fins que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que l'association ATMO.NA soit condamnée à lui payer des dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Le 1er juin 2021, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude concernant Mme [T] en précisant que " tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ".
Le 16 juin 2021, l'association ATMO.NA a convoqué Mme [T] à un entretien préalable en vue d'un licenciement fixé le 28 juin 2021, auquel Mme [T] ne s'est pas présentée.
Le 1er juillet 2021, l'association ATMO.NA a licencié Mme [T] pour inaptitude définitive avec impossibilité de reclassement.
Devant le conseil de prud'hommes, Mme [T] a demandé que soit constatée la nullité de plein droit du licenciement par violation de l'article L.1152-1 du code du travail et en application de l'article L.1152-3 du code du travail.
Par jugement du 5 mai 2022, le conseil de prud'hommes de La Rochelle a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T],
- condamné l'association ATMO. NA à verser à Mme [T] :
la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice découlant des faits de harcèlement moral,
la somme de 6 103,44 euros au titre de l'indemnité de préavis,
la somme de 610,34 euros au titre des congés payés sur préavis,
la somme de 74 258,52 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture,
la somme de 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- dit qu'il y a lieu à l'exécution provisoire de droit, fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 3 051,70 euros,
- condamné l'association ATMO.NA à rembourser les allocations de chômage à pôle emploi à hauteur d'un mois de salaire,
- dit que les condamnations porteront intérêt de droit à compter du prononcé du présent jugement,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- condamné l'association ATMO.NA aux dépens de l'instance.
Par déclaration électronique du 25 mai 2022, l'association ATMO.NA a relevé appel de cette décision dont elle a critiqué chaque chef de jugement ;
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 août 2022 et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'association ATMO.NA demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de La Rochelle le 5 mai 2022,
- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [T] au paiement de la somme de 4 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 décembre 2022, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, Mme [T] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 5 mai 2022 par le conseil de prud'hommes de La Rochelle sauf en ce qu'il a réduit de 10 000 euros à 5 000 euros le montant des dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Statuant à nouveau sur ce point,
- condamner l'association ATMO. NA à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, sur le fondement de l'article 1240 du code civil quant à la réparation du préjudice subi du temps de sa présence au sein de l'association ATMO. NA sous la direction de M. [Y] ;
- constater que la Commission de première instance de la CPAM de la Charente-Maritime a, par une décision du 26 novembre 2019, rejeté le recours formé contre la reconnaissance à Mme [T] de la maladie professionnelle et qu'aucun recours n'a été formé contre cette décision ;
- confirmer de plus fort le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de La Rochelle en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail la liant à l'association ATMO.NA, sur le fondement des articles 1217 et 1224 du code civil ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association ATMO.NA à lui verser :
la somme de 6 103,44 euros au titre de l'indemnité de préavis,
la somme de 610,34 euros au titre des congés payés sur préavis,
la somme de 74 258,52 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture,
la somme de 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Et y ajoutant,
- condamner l'association ATMO.NA à lui verser une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel,
- dans l'hypothèse où la cour, par extrême impossible, estimerait que les conditions de la résiliation judiciaire ne sont pas réunies,
- prononcer la nullité du licenciement notifié par l'association ATMO.NA le 1er juillet 2021 pour inaptitude et ce en vertu de l'article L.1152-3 du code du travail.
En conséquence,
- condamner l'association ATMO.NA à lui verser les sommes suivantes :
la somme de 6 103,44 euros au titre de l'indemnité de préavis,
la somme de 610,34 euros au titre des congés payés sur préavis,
la somme de 74 258,52 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture,
la somme de 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- dire et juger que les condamnations produiront intérêts de droit à compter du jour de la date du jugement rendu le 5 mai 2022 par le conseil de prud'hommes de La Rochelle, dont il est demandé confirmation pour l'essentiel,
- condamner l'association ATMO.NA en tous les dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Il est constant que la demande de résiliation judiciaire a été formulée par Mme [T] le 18 novembre 2020 et qu'elle a été licenciée le 1er juillet 2021.
Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [T] intervenu postérieurement à sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ne rend pas celle-ci sans objet, de sorte que cette demande doit être abordée en premier lieu.
Sur la résiliation judiciaire
En application des dispositions des articles 1224 et suivants du code civil, le salarié peut demander que soit prononcée la résiliation de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Pour justifier de la résiliation judiciaire, il doit être démontré l'existence de manquements d'une importance et d'une gravité qui rendent impossible la poursuite du contrat de travail.
Au titre des manquements allégués à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, Mme [T] soutient qu'elle a subi divers agissements ayant entraîné une dégradation de son état de santé et constitutifs selon elle de harcèlement moral.
Sur le harcèlement moral
L'association ATMO.NA reproche au jugement déféré d'avoir retenu l'existence d'un harcèlement moral subi par Mme [T] au cours de la relation de travail.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L.1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi n°2018-1088 du 8 août 2016, lorsque le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En matière prud'homale la preuve est libre. Il s'ensuit que la salariée peut produire un écrit qu'elle a établi ainsi que des attestations émanant de membres de sa famille et des certificats médicaux. Ces pièces doivent être examinées par la juridiction, à laquelle il appartient d'en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits.
Mme [T] présente les éléments de faits suivants :
- Elle a subi des humiliations de la part de M. [Y], son responsable hiérarchique, qui lui faisait remarquer qu'elle n'était pas titulaire du baccalauréat, et la réprimandait portes ouvertes ou en présence d'autres salariées.
Elle produit les attestations de :
- M. [C], stagiaire en 2003, qui a constaté des tensions entre M. [Y] et les salariés, dont son maître de stage, M. [W], qui subissait des critiques, remarques et brimades, et Mme [T] dont le bureau à l'accueil ouvert sur le rez-de-chaussée ne permettait pas la confidentialité qu'auraient nécessitée les remarques désobligeantes prononcées à haute voix ;
- Mme [A], assistante de communication, qui précise que le 8 mars 2018, lors d'un entretien dont elle a été témoin, Mme [T] s'est faite réprimander par M. [Y] de façon très audible dans le bureau de celui-ci porte grande ouverte ;
S'agissant des remarques, il ressort de l'entretien d'évaluation du 15 janvier 2016 que Mme [T] a formulé les observations suivantes'suite à cet entretien et à la remarque récurrente du directeur, il semble qu'il devient nécessaire d'envisager plusieurs formations pour combler les lacunes dues au fait que je ne sois pas titulaire du Bac. Toutefois si mes compétences intellectuelles me le permettent je m'investirai avec enthousiasme dans la nouvelle organisation envisagée dans le cadre de la fusion'.
Au cours du bilan par rapport à l'avancement, Mme [T] a précisé au sujet de 'la remarque récurrente du directeur', 'cette remarque me blesse énormément car elle me semble discriminatoire. En effet je me demande si l'expérience de 33 années au sein de l'association et ma polyvalence au cours de ces années (comptabilité, social, communication) ne méritent pas un peu plus de considération '.
M. [Y] a indiqué de manière manuscrite sur les deux documents 'je suis en désaccord avec le terme 'récurrente'.
- Mme [T] indique qu'il lui a été imposé des tâches de comptabilité à compter de 1996 jusqu'à l'arrivée de Mme [Z] en qualité de comptable en juillet 1999 alors qu'elle n'avait pas reçu la formation requise et qu'elle se faisait réprimander en cas d'erreur.
On lui a demandé ensuite de prendre en charge des tâches de communication.
Les pièces produites traduisent cet accroissement des tâches confiées à Mme [T].
Le 31 octobre 2012, la mise à jour de sa fiche de mission mentionne qu'au titre de ses missions principales, celles d'assistante de communication se sont ajoutées à ses fonctions de secrétaire, ainsi que des missions particulières.
- Mme [T] expose que l'année 2016 a été particulièrement éprouvante du fait de la fusion des trois pôles de surveillance de la qualité de l'air, ceux d'Aquitaine, du Limousin et de Poitou-Charentes, ayant conduit en novembre 2016 à la création de Atmo Nouvelle Aquitaine. Ses activités ont alors été recentrées sur le secrétariat pour toute la région Nouvelle-Aquitaine, le standard téléphonique devant être partagé sur les trois pôles.
Toutefois, la secrétaire de [Localité 6] ayant refusé la tâche du standard téléphonique, M. [Y] lui a imposé de l'assumer.
La gestion des appels à cotisation a été aussi source de tension entre les trois secrétaires des associations fusionnées. Ce travail comprend l'envoi des appels auprès des membres ainsi que les appels aux dons auprès des industriels soumis à la Taxe générale sur les activités polluantes, mais aussi l'imputation des règlements en comptabilité et l'envoi des attestations de paiement.
Il a été convenu avec M. [Y] qu'elle prendrait en charge l'ensemble des appels à cotisations pour l'année 2017, (passés de 65 à 350 du fait de la fusion) et que cette tâche serait assumée à compter de 2018 par Mme [N].
Toutefois fin décembre 2017, M. [Y] lui a demandé de prendre en charge à nouveau les appels à cotisation pour l'année 2018 ; elle indique qu'elle a osé refuser compte tenu des engagements pris, mais M. [Y] a crié qu'elle n'avait que le droit d'exécuter ses ordres et de se taire, cela en présence d'autres salariés. Elle est partie en pleurs. Le lendemain M. [Y] s'est excusé et il a été convenu que pour l'année 2018 elle ferait les appels à cotisation et Mme [N] les attestations de paiement.
Il résulte des pièces produites et notamment du 'bilan par rapport à l'avancement ' signé le 19 décembre 2017 par M. [Y] et le 18 janvier 2018 par Mme [T], que la question de cette répartition des missions est évoquée par les parties, Mme [T] faisant part de ce qu'il ne s'agit pas d'une répartition mais d'un compromis supplémentaire de sa part par rapport à ce qui avait été initialement envisagé.
Mme [T] observe lors de ce bilan que le travail dans l'urgence est un point récurrent des entretiens annuels, et souhaite par écrit souligner la détérioration du climat de travail depuis la fusion, précisant qu'elle ne travaille pas dans un climat de sérénité, 'éprouve une angoisse chaque matin en venant travailler' et 'déplore cet état d'esprit de tension qui n'aide pas à la motivation et qui a des répercussions sur sa vie privée'.
- Mme [T] expose que début 2018, elle a demandé des jours pour le mariage de sa fille prévu le 16 juin 2018 ; M. [Y] lui a fait observer que juin étant le mois de l'assemblée générale, il lui conseillait de consulter sa fille pour une modification de la date du mariage.
Sa fille, [H] [T], témoigne de cette demande et des réflexions faites par M. [Y] à sa mère sur cette demande de congés pendant la période de l'assemblée générale de juin.
- Mme [T] fait valoir que le 8 mars 2018, M. [Y] lui a demandé de prendre en charge la partie du travail que Mme [N] devait pourtant effectuer à compter de cette année. Elle a osé refuser en considération de ce qui avait été convenu précédemment et M. [Y] s'est mis en colère, hurlant qu'elle n'avait pas à discuter ses ordres, la faisant passer pour une fainéante. Elle est partie en pleurs ne supportant pas d'avoir été humiliée publiquement, elle voulait en finir et a appelé son mari pour lui dire adieu. Celui-ci étant en déplacement, elle a été prise en charge par ses enfants.
Sur ces faits, M. [T] témoigne que lorsque M. [Y] est devenu directeur, sa femme s'est plainte d'un changement d'attitude à son égard consistant à la surcharger de travail et à lui faire des réprimandes devant ses collègues. Le 8 mars 2018 il a reçu un appel téléphonique de sa femme en pleurs, tenant des propos incohérents, voulant mettre un terme à sa souffrance.
En déplacement professionnel il a contacté sa fille pour qu'elle prenne en charge sa mère.
Mme [H] [T], indique avoir constaté que sa mère était de plus en plus stressée par son travail lors de la fusion aboutissant à la création d'ATMO Nouvelle Aquitaine et se sentait humiliée par les réflexions qui lui étaient faites. Elle fait part également de la détresse de sa mère et de son idée suicidaire, le 8 mars 2008, après une altercation avec son directeur, son état justifiant de la conduire le jour même chez le médecin traitant qui a prescrit un arrêt de travail.
M.[F] [T] précise avoir entendu sa mère se plaindre du comportement de M. [Y] qui la surchargeait de travail et se moquait d'elle.
Il fait état du changement de comportement de sa mère au moment de la fusion, laquelle était stressée et irritable jusqu'au jour où, avec sa soeur, ils ont dû la conduire chez le médecin. Il précise que sa mère était en pleurs, tremblait et parlait de mettre fin à ses jours.
L'entourage amical de Mme [T] témoigne également des difficultés professionnelles éprouvées par celle-ci : Mme [R], indique que Mme [T] lui avait confié les soucis rencontrés au travail et qu'elle redoutait la surcharge de travail que lui donnait M. [Y] et sa façon de la rabaisser.
Mme [J] atteste qu'au début de sa rencontre avec Mme [T] en 1990, celle-ci parlait de façon positive de son travail. Quelques années plus tard, elle se plaignait de M. [Y], un de ses collègues devenu directeur, qui lui demandait toujours plus de travail et dont elle craignait les 'rebuffades' et le jugement. Elle a constaté le changement de comportement de Mme [T] qui n'arrivait plus à se détendre et était dans une grande détresse morale jusqu'à être hospitalisée.
- Au titre de son état de santé, Mme [T] produit notamment :
les certificats médicaux de son médecin traitant dont celui établi le 8 mars 2018, qui fait état de 'dépression grave - burn out ' avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 19 mars 2018, et celui du 16 août 2018 qui indique que 'Mme [T] présente actuellement un état anxio dépressif sévère, en arrêt de travail depuis le 8 mars 2018.
L'ensemble de son état de santé actuel semble en rapport avec son activité professionnelle'.
un certificat établi le 2 août 2018 par le docteur [H] [B], psychiatre, qui a accueilli Mme [T] à la [Adresse 4] du 29 juin au 2 août 2018 devant un syndrome dépressif. Ce certificat précise que 'la patiente ne présente pas d'antécédent psychiatrique ; 'Elle décrit un sentiment d'humiliation au travail (...) 'La patiente révèle des idées suicidaires scénarisées sur le lieu de son travail, dans le but de mobiliser sa hiérarchie. Son sommeil est altéré et ponctué de cauchemars sur le thème du travail. La patiente décrit un épuisement psychique et physique qui serait en lien avec une ambiance négative sur son lieu de travail ainsi qu'une surcharge de travail. L'effondrement thymique est inquiétant et s'exprime lorsqu'elle évoque son activité professionnelle. En ce sens, il apparaît qu'un arrêt de travail prolongé soit indispensable pour améliorer son état thymique et éviter un passage à l'acte suicidaire.'
une attestation de suivi établie le 29 août 2018 par Mme [M], psychologue clinicienne, qui suit Mme [T] depuis fin mai 2018 et indique que 'celle-ci présente de nombreux symptômes présents dans le tableau clinique d'un traumatisme, ici lié au travail'(les dits symptômes étant listés) et précise que Mme [T] 'semble avoir atteint ses limites face à la situation compliquée qui perdurait depuis deux ans selon elle et qui a pris fin le 8 mars 2018.'
Un certificat du docteur [L], médecin du travail, du 1er février 2019, indiquant avoir constaté le syndrome dépressif le 7 mars 2018 lors d'une visite. Il précise que pendant les entretiens, en présentiel ou au téléphone, Mme [T] est en pleurs et qu'il s'agit d'un syndrome anxiodépressif sévère avec pronostic vital 'engagé'.
le certificat médical d'inaptitude établi par le médecin du travail le 1er juin 2021, mentionnant que 'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.'
La décision du 24 septembre 2019 de la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime de prendre en charge la pathologie de Mme [T] au titre des maladies professionnelles, après instruction et saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a rendu le 16 septembre 2019 un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie concernée.
Les pièces produites par Mme [T] sont suffisamment circonstanciées et convergentes pour établir la matérialité des faits reprochés.
Ces éléments de fait, pris et appréciés dans leur ensemble, sont de nature à laisser supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral.
Il incombe dès lors à l'employeur d'établir que ces agissements et faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Il résulte des pièces produites par l'employeur que Mme [T] travaillait essentiellement au secrétariat sous la direction du directeur général, M. [Y].
L'employeur souligne que Mme [T] ne produit pas d'éléments extérieurs à ses propres allégations, que les attestations ne relatent aucun fait précis, certaines étant par ailleurs dénuées de valeur probante en ce qu'elles émanent de sa famille.
Il convient cependant d'observer que les différents témoignages de salariés, de membres de l'entourage familial ou amical font état de situations constatées personnellement par chacun, qu'il s'agisse des tensions entre M. [Y] et Mme [T] et des réprimandes faites à Mme [T] dont témoignent les salariés, du constat du stress subi par Mme [T] au cours de la période entourant et suivant la fusion des trois associations fin 2016 dont font état sa famille et ses amis et enfin de sa détresse physique et morale constatée par les membres de sa famille et par le médecin traitant le 8 mars 2018, à la suite d'une confrontation houleuse avec M. [Y].
S'agissant de la remarque récurrente faite à Mme [T] concernant le fait qu'elle n'était pas titulaire du bac, M. [Y] s'est borné à contester sur l'évaluation évoquée plus avant le terme 'récurrente' sans remettre en cause l'existence, le contenu et la portée de cette remarque, dont Mme [T] soulignait pourtant le caractère blessant à son égard.
Il n'est pas contesté par l'employeur qu'il a été demandé à Mme [T] d'effectuer en plus du secrétariat des tâches pour lesquelles elle n'avait pas été formée, notamment quand elle a dû effectuer des travaux de comptabilité à partir de 1996 sous la supervision de M. [Y] jusqu'au recrutement d'une comptable en 1999, puis en 2014 quand elle a occupé le poste d'assistante de communication en plus du secrétariat, sans formation spécifique, ce qui la mettait parfois en difficulté et suscitait des réprimandes de la part de M. [Y] en cas d'erreur.
À cette occasion, elle n'a pas obtenu d'avancement mais une bonification d'ancienneté.
Son passage en catégorie 5 échelon 8 est intervenu au 1er janvier 2017, M. [Y] admettant lors du bilan par rapport à l'avancement signé le 6 février 2017 que la charge de travail pour l'année 2016 avait été importante.
En considération des évaluations et bilans par rapport à l'avancement produits aux débats, l'association ATMO.NA ne peut valablement soutenir que Mme [T] ne s'est jamais plainte auprès de l'employeur et qu'elle n'a formulé aucune réclamation lors des différents entretiens individuels, alors qu'elle a exprimé notamment en janvier 2016 subir une situation de stress au travail, évoquant une mauvaise ambiance et a déploré au cours de plusieurs évaluations devoir travailler dans l'urgence avec une charge de travail conséquente.
Malgré la réitération de ce mal-être au travail en décembre 2017, Mme [T] se plaignant de travailler dans l'urgence, dans un climat sans sérénité et faisant part de son angoisse chaque matin en venant travailler, l'association ATMO.NA ne justifie pas de disposition particulière pour répondre à ce mal-être, ni des mesures qui ont été prises pour que la nouvelle organisation résultant de la fusion soit mise en place de manière plus sereine et concertée.
Si l'association ATMO.NA produit des attestations de salariés faisant état d'une bonne ambiance de travail, il apparaît cependant que la plupart d'entre elles n'évoquent pas les relations de travail entre Mme [T] et M. [Y].
La réalité des tensions entre M. [Y] et Mme [T] en mars 2018 est cependant rapportée par Mme [S] qui indique avoir vu Mme [T] pour la dernière fois la veille de son arrêt de travail, et que 'Mme [T] et M. [Y] lui sont apparus en désaccord car elle les a brièvement entendus hausser le ton'.
Il ressort par ailleurs de l'attestation de Mme [Z], comptable, qu'au moment de la période de fusion, l'ambiance s'est détériorée au niveau du secrétariat entre les secrétaires des trois sites et que la répartition des tâches a été à l'origine de cette détérioration.
L'association ATMO.NA fait valoir que le report de tâches sur la salariée s'est inscrit dans une réorganisation du service et ne constitue pas un harcèlement moral. Ce faisant, elle ne s'explique pas sur le fait que M. [Y] soit revenu sur la décision initiale de répartition des tâches liées notamment aux appels à cotisation pour l'année 2018 entre Mme [N] et Mme [T], ainsi qu'il résulte de la fiche d'évaluation précitée, tâches qu'il a finalement imposées en totalité à Mme [T], en l'état du refus de Mme [N] de s'en charger.
L'employeur ne peut valablement contester la surcharge de travail de Mme [T] au seul motif qu'elle n'a jamais effectué d'heures supplémentaires ou de façon exceptionnelle lors des conseils d'administration, alors que des tâches supplémentaires lui ont été confiées notamment pendant la période de préparation puis de mise en place de la fusion des trois associations, les deux autres secrétaires ayant demandé à être affectées à d'autres tâches que le secrétariat.
L'association ATMO.NA dénie le caractère probant de l'enquête de la caisse primaire d'assurance maladie et des certificats médicaux produits qui, selon elle, ne font que reprendre les propos ou déclarations de Mme [T].
Toutefois, cette enquête a permis également à M. [Y], directeur général, et M. [I], président d'ATMO.NA de s'exprimer auprès de l'agent assermenté de la caisse primaire d'assurance maladie (pôle risques professionnels) le 11 février 2019. Ils ont pu préciser notamment que l'année 2016 de préparation et de mise en place de la fusion avait été chargée, et que cela avait généré un climat d'angoisse et d'interrogations de la part de tous les salariés.
S'agissant précisément des faits du 8 mars 2018, M. [Y] a indiqué que sa décision de confier finalement les appels à cotisation à Mme [T] était motivée par le fait que Mme [N] ne voulait pas s'en charger. Il indique que le ton est monté et que Mme [T] a quitté en pleurs les bureaux de l'association.
Ces déclarations sont concordantes avec le témoignage précité de Mme [A] selon lequel le 8 mars 2018, Mme [T] a été réprimandée par M. [Y] de façon très audible par tout un chacun.
Les éléments médicaux produits par Mme [T], qui font état de son épuisement physique et psychique et d'un sentiment d'humiliation au travail, peuvent être mis en rapport avec la dégradation de ses conditions de travail résultant entre 2016 et le 8 mars 2018 d'une surcharge de travail à effectuer dans l'urgence, dans un climat de tension et de remarques dévalorisantes.
Ces éléments figurent par conséquent au nombre des données à prendre en considération pour apprécier l'existence d'une situation de harcèlement.
Au vu des pièces médicales évoquées précédemment qui rapportent notamment l'absence d'antécédent psychiatrique de Mme [T], c'est vainement que l' association ATMO.NA sur le fondement d'un arrêt de travail prescrit par un médecin psychiatre en août 1997 conclut que 'la situation morale difficile de Mme [T]' en 2018 est à rattacher à 'une situation personnelle difficile et ancienne', sans lien avec son activité professionnelle.
À l'issue de l'examen de l'ensemble des éléments soumis, des pièces et arguments des parties, il y a lieu de constater que l'employeur échoue à démontrer que les agissements litigieux sont étrangers à tout harcèlement.
En conséquence, le jugement de première instance doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu que Mme [T] a été victime de harcèlement moral.
Il est avéré que les faits de harcèlement moral ont eu des répercussions importantes sur la santé physique et psychique de Mme [T], ce qui justifie l'octroi de dommages et intérêts d'un montant de 10 000 euros en réparation du préjudice moral.
La décision déférée doit être infirmée en ce sens.
Le harcèlement moral constitue un manquement imputable à l'employeur d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.
Les effets de la résiliation judiciaire du contrat de travail doivent être fixés à la date du licenciement intervenu le 1er juillet 2021 pour inaptitude avec mention dans l'avis du médecin du travail que 'tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.'
Compte tenu de la nature du manquement retenu, il y a lieu en application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail, de juger que la résiliation du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul et non pas sans cause réelle et sérieuse comme l'ont retenu les premiers juges.
Dès lors qu'il est fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de nullité du licenciement pour inaptitude présentée à titre subsidiaire par Mme [T].
Sur l'indemnisation de la rutpure
Il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé à la somme de 6 103,44 euros l'indemnité de préavis accordée à Mme [T] outre la somme de 610,34 euros au titre des congés payés y afférents, montants non discutés par les parties.
Il résulte du solde de tout compte produit aux débats que l'employeur a versé à Mme [T] une indemnité spéciale de licenciement d'un montant de 75 542,78 euros en application des dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail.
Aucune demande devant la cour n'est formulée au titre de cette indemnité spéciale de licenciement.
Mme [T] sollicite sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail l'indemnité retenue par le conseil de prud'hommes soit la somme de 74 258,52 euros.
Il résulte du jugement déféré que dans leur motivation les juges ont fixé à 74 258,52 euros l'indemnité spéciale de licenciement due en application de l'article L.1226-4 du code du travail et à 10 000 euros la somme due au titre de l'article L.1235-3 du code du travail. Cependant, le dispositif du jugement condamne l'association ATMO.NA au paiement de la somme de 74 258,52 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement d'une somme de 10 000 euros pour dommages et intérêts au titre de la rupture.
Il en résulte que le conseil de prud'hommes a alloué à la salariée deux sommes à titre de dommages et intérêts en indemnisation de la rupture abusive du contrat de travail.
L'indemnisation de Mme [T] doit être appréciée au regard des dispositions de l'article L.1235-3-2 du code du travail selon lesquelles, 'lorsque la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge aux torts de l'employeur ou fait suite à une demande du salarié dans le cadre de la procédure mentionnée à l'article L. 1451-1, le montant de l'indemnité octroyée est déterminée selon les règles fixées à l'article L.1235-3, sauf lorsque cette rupture produit les effets d'un licenciement nul afférent aux cas mentionnés au 1° à 6° de l'article L.1235-3-1 pour lesquels il est fait application du premier alinéa du même alinéa L.1235-3-1'.
Dès lors que la résiliation du contrat de travail de Mme [T] est prononcée aux torts de l'employeur à raison du manquement grave que constituent les faits de harcèlement moral (visés au 2° de l'article L.1235-3-1) et produit les effets d'un licenciement nul, le régime indemnitaire de la salariée déroge à celui prévu par l'article L.1235-3 du code du travail.
En application de l'alinéa 1er de l'article L.1235-3-1 du code du travail, Mme [T] dont la réintégration n'est pas demandée et en tout état de cause impossible comme préjudiciable à son état de santé, a droit à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Mme [T] justifie que sa maladie a été reconnue comme étant imputable à son activité professionnelle et prise en charge au titre des maladies professionnelles.
Elle ne produit aucun élément sur sa situation actuelle et il n'est versé aux débats aucune pièce pour justifier des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail.
En application de l'article L. 1226-7 alinéa 4 du code du travail, il convient de prendre en compte la durée des périodes de suspension résultant de la maladie professionnelle pour la détermination de l'ancienneté.
Dès lors compte tenu de l'ancienneté de Mme [T] au 1er juillet 2021 (38 ans et 3 mois), de son âge (60 ans) du montant de la rémunération versée, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, des circonstances et des conséquences de la rupture du contrat de travail à son égard, tels qu'il résulte des pièces et des explications fournies, il convient de lui allouer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Mme [T] doit être déboutée de sa demande tendant à la confirmation du jugement en ce qu'il lui a octroyé la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, cette décision n'étant pas motivée et Mme [T] ne justifiant d'aucun préjudice autre que ceux déjà indemnisés, résultant de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur et de la situation de harcèlement moral qu'elle a subie.
Sur l'application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail
Dans les cas prévus aux articles L.1132-4, L.1134-4, L 1144-3, L1152-3, L.1152-4, L.1235-3 et L.1235-11 du code du travail, l'article L.1235-4 fait obligation au juge d'ordonner, même d'office, le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du prononcé.
L'association ATMO.NA employant habituellement plus de 11 salariés (18), un tel remboursement sera ordonné en tant que de besoin dans la limite d'un mois, la décision étant confirmée de ce chef.
Sur les dépens et les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile
L'association ATMO.NA qui succombe à la présente instance doit être condamnée aux dépens de l'instance et déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association ATMO.NA à payer à Mme [T] la somme de 1 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une indemnité de 2 000 euros sur le même fondement pour les frais non compris dans les dépens et exposés en cause d'appel.
Les sommes allouées à Mme [T] porteront intérêts au taux légal comme précisé au dispositif de la décision.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de La Rochelle le 5 mai 2022 en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] ;
- condamné l'association ATMO Nouvelle Aquitaine à verser à Mme [T] :
la somme de 6 103,44 euros au titre de l'indemnité de préavis,
la somme de 610,34 euros au titre des congés payés sur préavis,
la somme de 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné l'association ATMO Nouvelle Aquitaine à rembourser les allocations de chômage à Pôle emploi (France Travail) à hauteur d'un mois de salaire ;
- condamné l'association ATMO Nouvelle Aquitaine aux dépens de l'instance.
Infirme pour le surplus
Statuant à nouveau,
Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] produit les effets d'un licenciement nul à la date du 1er juillet 2021 ;
Condamne l'association ATMO Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [T] les sommes de :
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
Dit que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal dans les conditions suivantes :
- s'agissant des créances indemnitaires, exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables, à compter de la présente décision ;
- s'agissant des créances salariales, à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par Mme [T].
Déboute Mme [T] du surplus de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne l'association ATMO Nouvelle Aquitaine aux dépens de l'instance d'appel ;
Condamne l'association ATMO Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute l'association ATMO Nouvelle Aquitaine de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
LE GREFFIER, P°/ LA PRÉSIDENTE,
N° RG 22/01354
N° Portalis DBV5-V-B7G-GRVU
ASSOCIATION ATMO.NA
C/
[T]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 17 JUILLET 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du 05 mai 2022 rendu par le conseil de prud'hommes de LA ROCHELLE
APPELANTE :
ASSOCIATION RÉGIONALE POUR LA MESURE DE LA QUALITÉ DE L'AIR EN NOUVELLE AQUITAINE (ATMO.NA)
N° SIRET : 311 059 422
[Adresse 8]
[Adresse 9]
[Localité 2]
Ayant pour avocat Me Jean-Charles CHAMPOL de la SELARL CABINET CHAMPOL CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
Madame [U] [T]
Née le 18 août 1960 à [Localité 7] (17)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocat constitué Me Claudy VALIN de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
Ayant pour avocat plaidant Me Alexandra COURNIL de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 22 janvier 2025, en audience publique, devant :
Madame Françoise CARRACHA, présidente qui a présenté son rapport
Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Françoise CARRACHA, présidente
Madame Estelle LAFOND, conseillère
Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile que la décision serait rendue le 3 avril 2025, la date du prononcé ayant été prorogée à plusieurs reprises, les parties avisées, pour l'arrêt être rendu le 17 juillet 2025,
- Signé par Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, conseiller, en remplacement de Madame Françoise CARRACHA, présidente, légitimement empêchée, et par Madame Patricia RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
L'association Agence Régionale pour la Mesure de la qualité de l'Air Nouvelle Aquitaine (ci-après dénommé association ATMO.NA) est spécialisée dans le secteur de la mesure de la qualité de l'air et relève de la convention collective nationale des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air.
Mme [T] a été engagée le 25 mai 1983 en qualité de secrétaire par l'Association pour la Mesure Atmosphérique à [Localité 5] (AMPALR) devenue par la suite l'association ATMO.NA, sans contrat de travail écrit.
Elle a été confirmée dans ses fonctions par la signature le 4 septembre 2008 d'un contrat à durée indéterminée pour une durée de travail de 39 heures avec récupération des heures effectuées entre 35 et 39 heures en jours de repos dits 'RTT', moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle brute correspondant à l'indice 457 de la catégorie 6, échelon 8.
Le 8 mars 2018, Mme [T] a été placée en arrêt de travail, lequel a été renouvelé jusqu'à son licenciement.
Le 1er juillet 2019, le médecin du travail a indiqué que Mme [T] présentait un "syndrome anxio-dépressif constaté le 7 mars 2018, majoré à compter du 21 juin 2018, s'agissant d'un syndrome anxio-dépressif sévère avec pronostic vital engagé ".
Le 24 septembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente Maritime, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, a pris en charge la dépression et le burn out de Mme [T] au titre des maladies professionnelles 'hors tableau'.
Par requête du 18 novembre 2020, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de La Rochelle aux fins que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que l'association ATMO.NA soit condamnée à lui payer des dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Le 1er juin 2021, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude concernant Mme [T] en précisant que " tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ".
Le 16 juin 2021, l'association ATMO.NA a convoqué Mme [T] à un entretien préalable en vue d'un licenciement fixé le 28 juin 2021, auquel Mme [T] ne s'est pas présentée.
Le 1er juillet 2021, l'association ATMO.NA a licencié Mme [T] pour inaptitude définitive avec impossibilité de reclassement.
Devant le conseil de prud'hommes, Mme [T] a demandé que soit constatée la nullité de plein droit du licenciement par violation de l'article L.1152-1 du code du travail et en application de l'article L.1152-3 du code du travail.
Par jugement du 5 mai 2022, le conseil de prud'hommes de La Rochelle a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T],
- condamné l'association ATMO. NA à verser à Mme [T] :
la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice découlant des faits de harcèlement moral,
la somme de 6 103,44 euros au titre de l'indemnité de préavis,
la somme de 610,34 euros au titre des congés payés sur préavis,
la somme de 74 258,52 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture,
la somme de 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- dit qu'il y a lieu à l'exécution provisoire de droit, fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 3 051,70 euros,
- condamné l'association ATMO.NA à rembourser les allocations de chômage à pôle emploi à hauteur d'un mois de salaire,
- dit que les condamnations porteront intérêt de droit à compter du prononcé du présent jugement,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- condamné l'association ATMO.NA aux dépens de l'instance.
Par déclaration électronique du 25 mai 2022, l'association ATMO.NA a relevé appel de cette décision dont elle a critiqué chaque chef de jugement ;
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 août 2022 et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'association ATMO.NA demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de La Rochelle le 5 mai 2022,
- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [T] au paiement de la somme de 4 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 décembre 2022, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, Mme [T] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 5 mai 2022 par le conseil de prud'hommes de La Rochelle sauf en ce qu'il a réduit de 10 000 euros à 5 000 euros le montant des dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Statuant à nouveau sur ce point,
- condamner l'association ATMO. NA à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, sur le fondement de l'article 1240 du code civil quant à la réparation du préjudice subi du temps de sa présence au sein de l'association ATMO. NA sous la direction de M. [Y] ;
- constater que la Commission de première instance de la CPAM de la Charente-Maritime a, par une décision du 26 novembre 2019, rejeté le recours formé contre la reconnaissance à Mme [T] de la maladie professionnelle et qu'aucun recours n'a été formé contre cette décision ;
- confirmer de plus fort le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de La Rochelle en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail la liant à l'association ATMO.NA, sur le fondement des articles 1217 et 1224 du code civil ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association ATMO.NA à lui verser :
la somme de 6 103,44 euros au titre de l'indemnité de préavis,
la somme de 610,34 euros au titre des congés payés sur préavis,
la somme de 74 258,52 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture,
la somme de 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Et y ajoutant,
- condamner l'association ATMO.NA à lui verser une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel,
- dans l'hypothèse où la cour, par extrême impossible, estimerait que les conditions de la résiliation judiciaire ne sont pas réunies,
- prononcer la nullité du licenciement notifié par l'association ATMO.NA le 1er juillet 2021 pour inaptitude et ce en vertu de l'article L.1152-3 du code du travail.
En conséquence,
- condamner l'association ATMO.NA à lui verser les sommes suivantes :
la somme de 6 103,44 euros au titre de l'indemnité de préavis,
la somme de 610,34 euros au titre des congés payés sur préavis,
la somme de 74 258,52 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture,
la somme de 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- dire et juger que les condamnations produiront intérêts de droit à compter du jour de la date du jugement rendu le 5 mai 2022 par le conseil de prud'hommes de La Rochelle, dont il est demandé confirmation pour l'essentiel,
- condamner l'association ATMO.NA en tous les dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Il est constant que la demande de résiliation judiciaire a été formulée par Mme [T] le 18 novembre 2020 et qu'elle a été licenciée le 1er juillet 2021.
Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [T] intervenu postérieurement à sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ne rend pas celle-ci sans objet, de sorte que cette demande doit être abordée en premier lieu.
Sur la résiliation judiciaire
En application des dispositions des articles 1224 et suivants du code civil, le salarié peut demander que soit prononcée la résiliation de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Pour justifier de la résiliation judiciaire, il doit être démontré l'existence de manquements d'une importance et d'une gravité qui rendent impossible la poursuite du contrat de travail.
Au titre des manquements allégués à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, Mme [T] soutient qu'elle a subi divers agissements ayant entraîné une dégradation de son état de santé et constitutifs selon elle de harcèlement moral.
Sur le harcèlement moral
L'association ATMO.NA reproche au jugement déféré d'avoir retenu l'existence d'un harcèlement moral subi par Mme [T] au cours de la relation de travail.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L.1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi n°2018-1088 du 8 août 2016, lorsque le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En matière prud'homale la preuve est libre. Il s'ensuit que la salariée peut produire un écrit qu'elle a établi ainsi que des attestations émanant de membres de sa famille et des certificats médicaux. Ces pièces doivent être examinées par la juridiction, à laquelle il appartient d'en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits.
Mme [T] présente les éléments de faits suivants :
- Elle a subi des humiliations de la part de M. [Y], son responsable hiérarchique, qui lui faisait remarquer qu'elle n'était pas titulaire du baccalauréat, et la réprimandait portes ouvertes ou en présence d'autres salariées.
Elle produit les attestations de :
- M. [C], stagiaire en 2003, qui a constaté des tensions entre M. [Y] et les salariés, dont son maître de stage, M. [W], qui subissait des critiques, remarques et brimades, et Mme [T] dont le bureau à l'accueil ouvert sur le rez-de-chaussée ne permettait pas la confidentialité qu'auraient nécessitée les remarques désobligeantes prononcées à haute voix ;
- Mme [A], assistante de communication, qui précise que le 8 mars 2018, lors d'un entretien dont elle a été témoin, Mme [T] s'est faite réprimander par M. [Y] de façon très audible dans le bureau de celui-ci porte grande ouverte ;
S'agissant des remarques, il ressort de l'entretien d'évaluation du 15 janvier 2016 que Mme [T] a formulé les observations suivantes'suite à cet entretien et à la remarque récurrente du directeur, il semble qu'il devient nécessaire d'envisager plusieurs formations pour combler les lacunes dues au fait que je ne sois pas titulaire du Bac. Toutefois si mes compétences intellectuelles me le permettent je m'investirai avec enthousiasme dans la nouvelle organisation envisagée dans le cadre de la fusion'.
Au cours du bilan par rapport à l'avancement, Mme [T] a précisé au sujet de 'la remarque récurrente du directeur', 'cette remarque me blesse énormément car elle me semble discriminatoire. En effet je me demande si l'expérience de 33 années au sein de l'association et ma polyvalence au cours de ces années (comptabilité, social, communication) ne méritent pas un peu plus de considération '.
M. [Y] a indiqué de manière manuscrite sur les deux documents 'je suis en désaccord avec le terme 'récurrente'.
- Mme [T] indique qu'il lui a été imposé des tâches de comptabilité à compter de 1996 jusqu'à l'arrivée de Mme [Z] en qualité de comptable en juillet 1999 alors qu'elle n'avait pas reçu la formation requise et qu'elle se faisait réprimander en cas d'erreur.
On lui a demandé ensuite de prendre en charge des tâches de communication.
Les pièces produites traduisent cet accroissement des tâches confiées à Mme [T].
Le 31 octobre 2012, la mise à jour de sa fiche de mission mentionne qu'au titre de ses missions principales, celles d'assistante de communication se sont ajoutées à ses fonctions de secrétaire, ainsi que des missions particulières.
- Mme [T] expose que l'année 2016 a été particulièrement éprouvante du fait de la fusion des trois pôles de surveillance de la qualité de l'air, ceux d'Aquitaine, du Limousin et de Poitou-Charentes, ayant conduit en novembre 2016 à la création de Atmo Nouvelle Aquitaine. Ses activités ont alors été recentrées sur le secrétariat pour toute la région Nouvelle-Aquitaine, le standard téléphonique devant être partagé sur les trois pôles.
Toutefois, la secrétaire de [Localité 6] ayant refusé la tâche du standard téléphonique, M. [Y] lui a imposé de l'assumer.
La gestion des appels à cotisation a été aussi source de tension entre les trois secrétaires des associations fusionnées. Ce travail comprend l'envoi des appels auprès des membres ainsi que les appels aux dons auprès des industriels soumis à la Taxe générale sur les activités polluantes, mais aussi l'imputation des règlements en comptabilité et l'envoi des attestations de paiement.
Il a été convenu avec M. [Y] qu'elle prendrait en charge l'ensemble des appels à cotisations pour l'année 2017, (passés de 65 à 350 du fait de la fusion) et que cette tâche serait assumée à compter de 2018 par Mme [N].
Toutefois fin décembre 2017, M. [Y] lui a demandé de prendre en charge à nouveau les appels à cotisation pour l'année 2018 ; elle indique qu'elle a osé refuser compte tenu des engagements pris, mais M. [Y] a crié qu'elle n'avait que le droit d'exécuter ses ordres et de se taire, cela en présence d'autres salariés. Elle est partie en pleurs. Le lendemain M. [Y] s'est excusé et il a été convenu que pour l'année 2018 elle ferait les appels à cotisation et Mme [N] les attestations de paiement.
Il résulte des pièces produites et notamment du 'bilan par rapport à l'avancement ' signé le 19 décembre 2017 par M. [Y] et le 18 janvier 2018 par Mme [T], que la question de cette répartition des missions est évoquée par les parties, Mme [T] faisant part de ce qu'il ne s'agit pas d'une répartition mais d'un compromis supplémentaire de sa part par rapport à ce qui avait été initialement envisagé.
Mme [T] observe lors de ce bilan que le travail dans l'urgence est un point récurrent des entretiens annuels, et souhaite par écrit souligner la détérioration du climat de travail depuis la fusion, précisant qu'elle ne travaille pas dans un climat de sérénité, 'éprouve une angoisse chaque matin en venant travailler' et 'déplore cet état d'esprit de tension qui n'aide pas à la motivation et qui a des répercussions sur sa vie privée'.
- Mme [T] expose que début 2018, elle a demandé des jours pour le mariage de sa fille prévu le 16 juin 2018 ; M. [Y] lui a fait observer que juin étant le mois de l'assemblée générale, il lui conseillait de consulter sa fille pour une modification de la date du mariage.
Sa fille, [H] [T], témoigne de cette demande et des réflexions faites par M. [Y] à sa mère sur cette demande de congés pendant la période de l'assemblée générale de juin.
- Mme [T] fait valoir que le 8 mars 2018, M. [Y] lui a demandé de prendre en charge la partie du travail que Mme [N] devait pourtant effectuer à compter de cette année. Elle a osé refuser en considération de ce qui avait été convenu précédemment et M. [Y] s'est mis en colère, hurlant qu'elle n'avait pas à discuter ses ordres, la faisant passer pour une fainéante. Elle est partie en pleurs ne supportant pas d'avoir été humiliée publiquement, elle voulait en finir et a appelé son mari pour lui dire adieu. Celui-ci étant en déplacement, elle a été prise en charge par ses enfants.
Sur ces faits, M. [T] témoigne que lorsque M. [Y] est devenu directeur, sa femme s'est plainte d'un changement d'attitude à son égard consistant à la surcharger de travail et à lui faire des réprimandes devant ses collègues. Le 8 mars 2018 il a reçu un appel téléphonique de sa femme en pleurs, tenant des propos incohérents, voulant mettre un terme à sa souffrance.
En déplacement professionnel il a contacté sa fille pour qu'elle prenne en charge sa mère.
Mme [H] [T], indique avoir constaté que sa mère était de plus en plus stressée par son travail lors de la fusion aboutissant à la création d'ATMO Nouvelle Aquitaine et se sentait humiliée par les réflexions qui lui étaient faites. Elle fait part également de la détresse de sa mère et de son idée suicidaire, le 8 mars 2008, après une altercation avec son directeur, son état justifiant de la conduire le jour même chez le médecin traitant qui a prescrit un arrêt de travail.
M.[F] [T] précise avoir entendu sa mère se plaindre du comportement de M. [Y] qui la surchargeait de travail et se moquait d'elle.
Il fait état du changement de comportement de sa mère au moment de la fusion, laquelle était stressée et irritable jusqu'au jour où, avec sa soeur, ils ont dû la conduire chez le médecin. Il précise que sa mère était en pleurs, tremblait et parlait de mettre fin à ses jours.
L'entourage amical de Mme [T] témoigne également des difficultés professionnelles éprouvées par celle-ci : Mme [R], indique que Mme [T] lui avait confié les soucis rencontrés au travail et qu'elle redoutait la surcharge de travail que lui donnait M. [Y] et sa façon de la rabaisser.
Mme [J] atteste qu'au début de sa rencontre avec Mme [T] en 1990, celle-ci parlait de façon positive de son travail. Quelques années plus tard, elle se plaignait de M. [Y], un de ses collègues devenu directeur, qui lui demandait toujours plus de travail et dont elle craignait les 'rebuffades' et le jugement. Elle a constaté le changement de comportement de Mme [T] qui n'arrivait plus à se détendre et était dans une grande détresse morale jusqu'à être hospitalisée.
- Au titre de son état de santé, Mme [T] produit notamment :
les certificats médicaux de son médecin traitant dont celui établi le 8 mars 2018, qui fait état de 'dépression grave - burn out ' avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 19 mars 2018, et celui du 16 août 2018 qui indique que 'Mme [T] présente actuellement un état anxio dépressif sévère, en arrêt de travail depuis le 8 mars 2018.
L'ensemble de son état de santé actuel semble en rapport avec son activité professionnelle'.
un certificat établi le 2 août 2018 par le docteur [H] [B], psychiatre, qui a accueilli Mme [T] à la [Adresse 4] du 29 juin au 2 août 2018 devant un syndrome dépressif. Ce certificat précise que 'la patiente ne présente pas d'antécédent psychiatrique ; 'Elle décrit un sentiment d'humiliation au travail (...) 'La patiente révèle des idées suicidaires scénarisées sur le lieu de son travail, dans le but de mobiliser sa hiérarchie. Son sommeil est altéré et ponctué de cauchemars sur le thème du travail. La patiente décrit un épuisement psychique et physique qui serait en lien avec une ambiance négative sur son lieu de travail ainsi qu'une surcharge de travail. L'effondrement thymique est inquiétant et s'exprime lorsqu'elle évoque son activité professionnelle. En ce sens, il apparaît qu'un arrêt de travail prolongé soit indispensable pour améliorer son état thymique et éviter un passage à l'acte suicidaire.'
une attestation de suivi établie le 29 août 2018 par Mme [M], psychologue clinicienne, qui suit Mme [T] depuis fin mai 2018 et indique que 'celle-ci présente de nombreux symptômes présents dans le tableau clinique d'un traumatisme, ici lié au travail'(les dits symptômes étant listés) et précise que Mme [T] 'semble avoir atteint ses limites face à la situation compliquée qui perdurait depuis deux ans selon elle et qui a pris fin le 8 mars 2018.'
Un certificat du docteur [L], médecin du travail, du 1er février 2019, indiquant avoir constaté le syndrome dépressif le 7 mars 2018 lors d'une visite. Il précise que pendant les entretiens, en présentiel ou au téléphone, Mme [T] est en pleurs et qu'il s'agit d'un syndrome anxiodépressif sévère avec pronostic vital 'engagé'.
le certificat médical d'inaptitude établi par le médecin du travail le 1er juin 2021, mentionnant que 'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.'
La décision du 24 septembre 2019 de la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime de prendre en charge la pathologie de Mme [T] au titre des maladies professionnelles, après instruction et saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a rendu le 16 septembre 2019 un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie concernée.
Les pièces produites par Mme [T] sont suffisamment circonstanciées et convergentes pour établir la matérialité des faits reprochés.
Ces éléments de fait, pris et appréciés dans leur ensemble, sont de nature à laisser supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral.
Il incombe dès lors à l'employeur d'établir que ces agissements et faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Il résulte des pièces produites par l'employeur que Mme [T] travaillait essentiellement au secrétariat sous la direction du directeur général, M. [Y].
L'employeur souligne que Mme [T] ne produit pas d'éléments extérieurs à ses propres allégations, que les attestations ne relatent aucun fait précis, certaines étant par ailleurs dénuées de valeur probante en ce qu'elles émanent de sa famille.
Il convient cependant d'observer que les différents témoignages de salariés, de membres de l'entourage familial ou amical font état de situations constatées personnellement par chacun, qu'il s'agisse des tensions entre M. [Y] et Mme [T] et des réprimandes faites à Mme [T] dont témoignent les salariés, du constat du stress subi par Mme [T] au cours de la période entourant et suivant la fusion des trois associations fin 2016 dont font état sa famille et ses amis et enfin de sa détresse physique et morale constatée par les membres de sa famille et par le médecin traitant le 8 mars 2018, à la suite d'une confrontation houleuse avec M. [Y].
S'agissant de la remarque récurrente faite à Mme [T] concernant le fait qu'elle n'était pas titulaire du bac, M. [Y] s'est borné à contester sur l'évaluation évoquée plus avant le terme 'récurrente' sans remettre en cause l'existence, le contenu et la portée de cette remarque, dont Mme [T] soulignait pourtant le caractère blessant à son égard.
Il n'est pas contesté par l'employeur qu'il a été demandé à Mme [T] d'effectuer en plus du secrétariat des tâches pour lesquelles elle n'avait pas été formée, notamment quand elle a dû effectuer des travaux de comptabilité à partir de 1996 sous la supervision de M. [Y] jusqu'au recrutement d'une comptable en 1999, puis en 2014 quand elle a occupé le poste d'assistante de communication en plus du secrétariat, sans formation spécifique, ce qui la mettait parfois en difficulté et suscitait des réprimandes de la part de M. [Y] en cas d'erreur.
À cette occasion, elle n'a pas obtenu d'avancement mais une bonification d'ancienneté.
Son passage en catégorie 5 échelon 8 est intervenu au 1er janvier 2017, M. [Y] admettant lors du bilan par rapport à l'avancement signé le 6 février 2017 que la charge de travail pour l'année 2016 avait été importante.
En considération des évaluations et bilans par rapport à l'avancement produits aux débats, l'association ATMO.NA ne peut valablement soutenir que Mme [T] ne s'est jamais plainte auprès de l'employeur et qu'elle n'a formulé aucune réclamation lors des différents entretiens individuels, alors qu'elle a exprimé notamment en janvier 2016 subir une situation de stress au travail, évoquant une mauvaise ambiance et a déploré au cours de plusieurs évaluations devoir travailler dans l'urgence avec une charge de travail conséquente.
Malgré la réitération de ce mal-être au travail en décembre 2017, Mme [T] se plaignant de travailler dans l'urgence, dans un climat sans sérénité et faisant part de son angoisse chaque matin en venant travailler, l'association ATMO.NA ne justifie pas de disposition particulière pour répondre à ce mal-être, ni des mesures qui ont été prises pour que la nouvelle organisation résultant de la fusion soit mise en place de manière plus sereine et concertée.
Si l'association ATMO.NA produit des attestations de salariés faisant état d'une bonne ambiance de travail, il apparaît cependant que la plupart d'entre elles n'évoquent pas les relations de travail entre Mme [T] et M. [Y].
La réalité des tensions entre M. [Y] et Mme [T] en mars 2018 est cependant rapportée par Mme [S] qui indique avoir vu Mme [T] pour la dernière fois la veille de son arrêt de travail, et que 'Mme [T] et M. [Y] lui sont apparus en désaccord car elle les a brièvement entendus hausser le ton'.
Il ressort par ailleurs de l'attestation de Mme [Z], comptable, qu'au moment de la période de fusion, l'ambiance s'est détériorée au niveau du secrétariat entre les secrétaires des trois sites et que la répartition des tâches a été à l'origine de cette détérioration.
L'association ATMO.NA fait valoir que le report de tâches sur la salariée s'est inscrit dans une réorganisation du service et ne constitue pas un harcèlement moral. Ce faisant, elle ne s'explique pas sur le fait que M. [Y] soit revenu sur la décision initiale de répartition des tâches liées notamment aux appels à cotisation pour l'année 2018 entre Mme [N] et Mme [T], ainsi qu'il résulte de la fiche d'évaluation précitée, tâches qu'il a finalement imposées en totalité à Mme [T], en l'état du refus de Mme [N] de s'en charger.
L'employeur ne peut valablement contester la surcharge de travail de Mme [T] au seul motif qu'elle n'a jamais effectué d'heures supplémentaires ou de façon exceptionnelle lors des conseils d'administration, alors que des tâches supplémentaires lui ont été confiées notamment pendant la période de préparation puis de mise en place de la fusion des trois associations, les deux autres secrétaires ayant demandé à être affectées à d'autres tâches que le secrétariat.
L'association ATMO.NA dénie le caractère probant de l'enquête de la caisse primaire d'assurance maladie et des certificats médicaux produits qui, selon elle, ne font que reprendre les propos ou déclarations de Mme [T].
Toutefois, cette enquête a permis également à M. [Y], directeur général, et M. [I], président d'ATMO.NA de s'exprimer auprès de l'agent assermenté de la caisse primaire d'assurance maladie (pôle risques professionnels) le 11 février 2019. Ils ont pu préciser notamment que l'année 2016 de préparation et de mise en place de la fusion avait été chargée, et que cela avait généré un climat d'angoisse et d'interrogations de la part de tous les salariés.
S'agissant précisément des faits du 8 mars 2018, M. [Y] a indiqué que sa décision de confier finalement les appels à cotisation à Mme [T] était motivée par le fait que Mme [N] ne voulait pas s'en charger. Il indique que le ton est monté et que Mme [T] a quitté en pleurs les bureaux de l'association.
Ces déclarations sont concordantes avec le témoignage précité de Mme [A] selon lequel le 8 mars 2018, Mme [T] a été réprimandée par M. [Y] de façon très audible par tout un chacun.
Les éléments médicaux produits par Mme [T], qui font état de son épuisement physique et psychique et d'un sentiment d'humiliation au travail, peuvent être mis en rapport avec la dégradation de ses conditions de travail résultant entre 2016 et le 8 mars 2018 d'une surcharge de travail à effectuer dans l'urgence, dans un climat de tension et de remarques dévalorisantes.
Ces éléments figurent par conséquent au nombre des données à prendre en considération pour apprécier l'existence d'une situation de harcèlement.
Au vu des pièces médicales évoquées précédemment qui rapportent notamment l'absence d'antécédent psychiatrique de Mme [T], c'est vainement que l' association ATMO.NA sur le fondement d'un arrêt de travail prescrit par un médecin psychiatre en août 1997 conclut que 'la situation morale difficile de Mme [T]' en 2018 est à rattacher à 'une situation personnelle difficile et ancienne', sans lien avec son activité professionnelle.
À l'issue de l'examen de l'ensemble des éléments soumis, des pièces et arguments des parties, il y a lieu de constater que l'employeur échoue à démontrer que les agissements litigieux sont étrangers à tout harcèlement.
En conséquence, le jugement de première instance doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu que Mme [T] a été victime de harcèlement moral.
Il est avéré que les faits de harcèlement moral ont eu des répercussions importantes sur la santé physique et psychique de Mme [T], ce qui justifie l'octroi de dommages et intérêts d'un montant de 10 000 euros en réparation du préjudice moral.
La décision déférée doit être infirmée en ce sens.
Le harcèlement moral constitue un manquement imputable à l'employeur d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.
Les effets de la résiliation judiciaire du contrat de travail doivent être fixés à la date du licenciement intervenu le 1er juillet 2021 pour inaptitude avec mention dans l'avis du médecin du travail que 'tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.'
Compte tenu de la nature du manquement retenu, il y a lieu en application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail, de juger que la résiliation du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul et non pas sans cause réelle et sérieuse comme l'ont retenu les premiers juges.
Dès lors qu'il est fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de nullité du licenciement pour inaptitude présentée à titre subsidiaire par Mme [T].
Sur l'indemnisation de la rutpure
Il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé à la somme de 6 103,44 euros l'indemnité de préavis accordée à Mme [T] outre la somme de 610,34 euros au titre des congés payés y afférents, montants non discutés par les parties.
Il résulte du solde de tout compte produit aux débats que l'employeur a versé à Mme [T] une indemnité spéciale de licenciement d'un montant de 75 542,78 euros en application des dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail.
Aucune demande devant la cour n'est formulée au titre de cette indemnité spéciale de licenciement.
Mme [T] sollicite sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail l'indemnité retenue par le conseil de prud'hommes soit la somme de 74 258,52 euros.
Il résulte du jugement déféré que dans leur motivation les juges ont fixé à 74 258,52 euros l'indemnité spéciale de licenciement due en application de l'article L.1226-4 du code du travail et à 10 000 euros la somme due au titre de l'article L.1235-3 du code du travail. Cependant, le dispositif du jugement condamne l'association ATMO.NA au paiement de la somme de 74 258,52 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement d'une somme de 10 000 euros pour dommages et intérêts au titre de la rupture.
Il en résulte que le conseil de prud'hommes a alloué à la salariée deux sommes à titre de dommages et intérêts en indemnisation de la rupture abusive du contrat de travail.
L'indemnisation de Mme [T] doit être appréciée au regard des dispositions de l'article L.1235-3-2 du code du travail selon lesquelles, 'lorsque la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge aux torts de l'employeur ou fait suite à une demande du salarié dans le cadre de la procédure mentionnée à l'article L. 1451-1, le montant de l'indemnité octroyée est déterminée selon les règles fixées à l'article L.1235-3, sauf lorsque cette rupture produit les effets d'un licenciement nul afférent aux cas mentionnés au 1° à 6° de l'article L.1235-3-1 pour lesquels il est fait application du premier alinéa du même alinéa L.1235-3-1'.
Dès lors que la résiliation du contrat de travail de Mme [T] est prononcée aux torts de l'employeur à raison du manquement grave que constituent les faits de harcèlement moral (visés au 2° de l'article L.1235-3-1) et produit les effets d'un licenciement nul, le régime indemnitaire de la salariée déroge à celui prévu par l'article L.1235-3 du code du travail.
En application de l'alinéa 1er de l'article L.1235-3-1 du code du travail, Mme [T] dont la réintégration n'est pas demandée et en tout état de cause impossible comme préjudiciable à son état de santé, a droit à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Mme [T] justifie que sa maladie a été reconnue comme étant imputable à son activité professionnelle et prise en charge au titre des maladies professionnelles.
Elle ne produit aucun élément sur sa situation actuelle et il n'est versé aux débats aucune pièce pour justifier des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail.
En application de l'article L. 1226-7 alinéa 4 du code du travail, il convient de prendre en compte la durée des périodes de suspension résultant de la maladie professionnelle pour la détermination de l'ancienneté.
Dès lors compte tenu de l'ancienneté de Mme [T] au 1er juillet 2021 (38 ans et 3 mois), de son âge (60 ans) du montant de la rémunération versée, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, des circonstances et des conséquences de la rupture du contrat de travail à son égard, tels qu'il résulte des pièces et des explications fournies, il convient de lui allouer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Mme [T] doit être déboutée de sa demande tendant à la confirmation du jugement en ce qu'il lui a octroyé la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, cette décision n'étant pas motivée et Mme [T] ne justifiant d'aucun préjudice autre que ceux déjà indemnisés, résultant de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur et de la situation de harcèlement moral qu'elle a subie.
Sur l'application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail
Dans les cas prévus aux articles L.1132-4, L.1134-4, L 1144-3, L1152-3, L.1152-4, L.1235-3 et L.1235-11 du code du travail, l'article L.1235-4 fait obligation au juge d'ordonner, même d'office, le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du prononcé.
L'association ATMO.NA employant habituellement plus de 11 salariés (18), un tel remboursement sera ordonné en tant que de besoin dans la limite d'un mois, la décision étant confirmée de ce chef.
Sur les dépens et les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile
L'association ATMO.NA qui succombe à la présente instance doit être condamnée aux dépens de l'instance et déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association ATMO.NA à payer à Mme [T] la somme de 1 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une indemnité de 2 000 euros sur le même fondement pour les frais non compris dans les dépens et exposés en cause d'appel.
Les sommes allouées à Mme [T] porteront intérêts au taux légal comme précisé au dispositif de la décision.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de La Rochelle le 5 mai 2022 en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] ;
- condamné l'association ATMO Nouvelle Aquitaine à verser à Mme [T] :
la somme de 6 103,44 euros au titre de l'indemnité de préavis,
la somme de 610,34 euros au titre des congés payés sur préavis,
la somme de 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné l'association ATMO Nouvelle Aquitaine à rembourser les allocations de chômage à Pôle emploi (France Travail) à hauteur d'un mois de salaire ;
- condamné l'association ATMO Nouvelle Aquitaine aux dépens de l'instance.
Infirme pour le surplus
Statuant à nouveau,
Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] produit les effets d'un licenciement nul à la date du 1er juillet 2021 ;
Condamne l'association ATMO Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [T] les sommes de :
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
Dit que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal dans les conditions suivantes :
- s'agissant des créances indemnitaires, exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables, à compter de la présente décision ;
- s'agissant des créances salariales, à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par Mme [T].
Déboute Mme [T] du surplus de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne l'association ATMO Nouvelle Aquitaine aux dépens de l'instance d'appel ;
Condamne l'association ATMO Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute l'association ATMO Nouvelle Aquitaine de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
LE GREFFIER, P°/ LA PRÉSIDENTE,