CA Nouméa, ch. com., 21 juillet 2025, n° 24/00027
NOUMÉA
Arrêt
Autre
N° de minute : 2025/28
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 21 Juillet 2025
Chambre commerciale
N° RG 24/00027 - N° Portalis DBWF-V-B7I-UZC
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 19 Avril 2024 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG n° :2023/01798)
Saisine de la cour : 14 Mai 2024
APPELANT
M. [C] [X]
né le 07 Juillet 1971 à [Localité 2]
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Sophie BRIANT de la SELARL SOPHIE BRIANT, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
M. [Z] [G]
né le 19 Juillet 1988 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Béatrice AUPLAT-GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, substitué par Me Magali MANUOHALALO, avocat du même barreau.
S.E.L.A.R.L. [B] [P], prise en la personne de son représentant légal en exercice, ès-qualités de Liquidateur judiciaire de la SARL J7 désignée par jugement TMC du 28/03/2024
Siège social [Adresse 1]
S.A.R.L. HOLDING FM2J
Siège social [Adresse 4]
Représentée par Me Philippe GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, substitué par Me Magali MANUOHALALO, avocat du même barreau.
21.07.2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire : - Me GILLARDIN ; Me AUPLAT-GILLARDIN ;
Expéditions : - Me BRIANT ; ML [P] ;
- Copie CA ; TMC
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Juillet 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
M. François GENICON, Président de chambre, président, rapporteur,
M. Philippe ALLARD, Conseiller,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François GENICON.
Greffier lors des débats : Mme Sabrina VAKIE
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Sabrina VAKIE
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. François GENICON, président, et par Mme Sabrina VAKIE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
FAITS ET PROCEDURE
En septembre 2018, M. [X] et M. [G] ont constitué ensemble la société HOLDING FM2J en vue de procéder à l'acquisition de la totalité du capital de la SARL J7, société qui développe une activité de travaux de bâtiment.
C'est ainsi que la société HOLDING FM2J, détenue égalitairement par Messieurs [X] et [G], est devenue associée unique de la SARL J7.
M. [X] et M. [G] ont été désignés co-gérants tant de la SARL HOLDING FM2J que de la SARL J7.
La SARL J7 a connu des difficultés financières et les gérants ont saisi le tribunal de commerce pour solliciter le bénéfice d'un redressement judiciaire qui a été ouverte par jugement du 6 décembre 2021 ; la SELARL [B] [P] a été désignée comme mandataire judiciaire .
Un plan d'apurement du passif a été homologué par jugement du 30 novembre 2022; la SELARL [B] [P] a été désignée comme commissaire à l'exécution du plan.
M. [X] a émis le souhait, en octobre 2022, de démissionner de son mandat de gérance et a solliciter l'octroi d'une indemnité de départ, ce qui lui a été refusé par le commissaire à l'exécution du plan.
Les relations avec M. [G] se sont tendues.
La révocation de M. [X] de sa fonction de gérant a été envisagée.
M. [G] a donc convoqué une assemblée générale de la SARL J7 le 19 avril 2023, avec pour ordre du jour " la révocation de M. [C] [X] de ses fonctions de co-gérant et quitus de sa gestion ".
M. [X] a été convoqué par lettre remise par huissier de justice le 4 avril 2023.
L'assemblée a voté la révocation de M. [X] et M. [G] a alors demandé à ce dernier de ne plus paraître au sein de la société.
Comprenant ultérieurement qu'il avait commis une erreur de droit en pensant que la révocation pouvait être décidée à la majorité et considérant que la révocation de M. [X] était actée, M. [G] a, au nom de la société J7, saisi le tribunal mixte de commerce le 2 juin 2023 d'une demande de révocation judiciaire de M. [X] de son mandat de gérance.
Le tribunal ne s'est pas reconnu valablement saisi.
Se plaignant d'avoir été révoqué de son mandat de gérance en dehors de tout cadre légal, M. [X] a, par actes d'huissier de justice réceptionnés au greffe le 05 octobre 2023 fait assigner M. [Z] [G], la SARL J7, la SELARL [S] [J] [P] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL J7 et la SARL Holding FM2J devant le président du tribunal de commerce statuant en référé au visa des articles 808 et 809 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, L 622-17 et L 223-22 du Code de commerce, auquel il a demandé :
- condamner la SARL J7 Rénovation, par provision, à lui payer la somme de 2.000.000 F.CFP au titre des rémunérations de gérance non réglées depuis le 1 er avril 2023, sauf à parfaire,
- condamner M. [G], par provision, à lui payer à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de 2.400,000 F.CFP pour préjudice financier,
- condamner M. [G] à lui payer à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de 3.000.000 F.CFP pour préjudice moral,
- condamner M. [G] à lui payer la somme de 500.000 F.CFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile applicable en Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Briant Bertone.
Le 19 avril 2024, le juge des référés a rendu la décision dont la teneur suit :
- METTONS hors de cause la SARL Holding FM2J
- DISONS n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [C] [X]
- DÉBOUTONS en conséquence M. [C] [X] de l'ensemble de ses demandes et le renvoyons à mieux se pourvoir
- CONDAMNONS M. [C] [X] à payer à la SARL Holding FM2J la somme de 30,000 F.CFP en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie
- DÉBOUTONS M. [C] [X] de ses demandes au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie
- DÉBOUTONS M. [Z] [G] et la SARL J7 de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
- CONDAMNONS M. [C] [X] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SARL Gillardin avocats.
M. [X] a fait appel de cette décision et demande à la cour de :
Vu les articles 808 et 809 du Code de Procédure Civile de la Nouvelle Calédonie ;
Vu l'article L223-22 du Code de Commerce, dans sa version applicable à la Nouvelle-Calédonie,
Vu l'article 1382 du Code Civil, dans sa version applicable à la Nouvelle-Calédonie;
- Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 19 avril 2024 ;
Statuant à nouveau :
- Condamner M. [Z] [G], par provision, à payer à M. [C] [X], à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de 2.400.000 XPF pour préjudice financier ;
- Condamner M. [Z] [G] à payer à M. [C] [X], à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de 3.000.000 XPF pour préjudice moral
- Condamner M. [Z] [G] à payer à M. [C] [X] la somme de 500.000 XPF au titre des frais irrépétibles de première instance ;
- Condamner M. [Z] [G] à payer à M. [C] [X] la somme de 500.000 XPF au titre des frais irrépétibles d'appel :
- Condamner M. [Z] [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SELARL BRIANT BERTONE.
M. [G] et la SARL holding FM2J demandent à la cour de:
- REJETER toutes les demandes formulées par M. [X] ;
En conséquence,
- CONFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 avril 2024;
- CONDAMNER M. [X] à payer la somme de 50.000 FCFP à la société HOLDING FM2J au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle Calédonie ;
- CONDAMNER M. [X] à payer la somme de 265.000 FCFP à la société HOLDING FM2J au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
- CONDAMNER M. [X] à payer la somme de 265'000 Fr. CFP à M. [G] au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle Calédonie;
CONDAMNER M. [X] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SARL GILLARDIN AVOCATS.
Me [P] ès qualité de liquidateur de la SARL J7 n'a pas comparu.
Vu les conclusions de M. [X] du 8 avril 2025 déposées le 23 juin 2025;
Vu les conclusions de M. [G] du 8 janvier 2025, déposées le 5 mai 2025;
Ensemble d'écrits auxquels il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties.
MOTIFS
Le juge des référés est une juridiction d'exception dont les pouvoirs sont limitativement énumérés par le code de procédure civile.
Ainsi, les articles 808, 809 alinéa 1, et 809 alinéa 2 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie définissent trois cas distincts et indépendants d'ouverture au référé.
La demande apparaît indistinctement fondée sur les articles 808 et 809 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie puisque les deux articles sont cités dans les conclusions de M. [X]. De plus, ce dernier évoque tout à la fois les notions de trouble manifestement illicite et de provision.
Examen de la demande au regard des dispositions de l'article 809 alinéa premier du code de procédure civile
Selon l'article 809 alinéa premier du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite peut se définir comme toute perturbation dommageable actuelle résultant d'un fait matériel (qu'il s'agisse d'une action ou d'une omission) ou d'un fait juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente et incontestée d'une disposition légale ou réglementaire, d'une disposition contractuelle claire, ou d'une décision non contestable émanant d'une autorité légitime.
M. [X] soutient que le trouble manifestement illicite est démontré par le fait qu'il a été victime d'une 'voie de fait', sa révocation étant dépourvue de toute légalité, ce que conteste M. [G] qui argue de l'erreur de droit.
L'article 15 des statuts de la SARL J7 prévoient que les gérants sont révocables par décision des associés représentant plus de la moitié du capital social
Il est constant que les règles de majorité n'ont pas été respectées lors de la prise de décision de révocation de M. [X] de son mandat de co-gérant, ce qui rend la révocation incontestablement irrégulière.
Toutefois, cette décision n'a pas été suivie d'effet étant précisé qu' aucune formalité ni publicité afférente à un changement de gérance n'a été réalisée auprès du RCS.
M. [G] et la SARL J7 admettent également dans leurs écritures que M. [X] demeure gérant de la société.
Aucun trouble manifestement illicite n'est donc caractérisé.
De plus, il ne sollicite pas la prise de mesures conservatoires ou de remise en état pour faire cesser cette irrégularité, qui sont seules admises sur ce fondement, mais seulement des condamnations pécuniaires au titre de rémunération de gérance non réglées ou de dommages-intérêts compensateurs de préjudices financier et moral.
Il ne peut y avoir lieu à référé sur ce fondement.
Examen de la demande au regard des dispositions de l'article 809 alinéa deux du code de procédure civile
Selon l'article 809 alinéa deux du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il résulte de ce texte que l'absence de contestation sérieuse implique l'évidence de la solution qu'appelle le point contesté.
C'est ainsi qu'une contestation sérieuse survient et fait obstacle au référé lorsqu'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît immédiatement et évidemment vain, et laisse subsister un doute raisonnable sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point.
Le juge des référés est en effet le juge de l'évident et de l'incontestable, et il ne peut ordonner les mesures prévues à l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie que dans la mesure où il n'est pas amené à prendre parti sur l'existence du droit invoqué que les juges appelés à connaître du fond auraient à apprécier.
Ainsi, le juge des référés ne peut notamment se prononcer sur l'existence et la nature d'un manquement contractuel ou sur les éventuels dommages et intérêts qui peuvent en découler.
En l'espèce :
M. [G] et la SARL J7 soutiennent que M. [X] n'accomplit plus aucun acte de gérance, et qu'il ne peut prétendre à une quelconque rémunération compte tenu de son attitude et sa nocivité dans les relations avec les salariés qui mettait en péril la pérennité de la société depuis début 2023 et du fait qu'il ne consacre aucun temps ni soins aux affaires sociales de la société, étant notamment salarié à temps plein depuis à minima mai 2023.
Il n'appartient pas au juge des référés d'apprécier la légitimité des motifs de la révocation de M. [X] avancés par M. [G] qui verse plusieurs attestations de tiers à l'appui de ses allégations.
Par ailleurs, il résulte des explications des parties et des attestations que M. [X] produit aux débats qu'il a été embauché comme responsable de magasins depuis mai 2023, que les parties sont en désaccord sur l'application de l'article L 622-17 al. 1er du Code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie et ses conséquences quant à l'existence d'un préjudice financier et moral subi par M. [X], ce qui nécessiterait que le juge des référés se livre à son interprétation , ce qui ne relève pas de la juridiction des référés.
La demande en paiement de provision se heurte donc à des contestations sérieuses.
Examen de la demande regard des dispositions de l'article 808 du code de procédure civile
Selon l'article 808 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de première instance de Nouméa et des sections détachées de Koné et de Lifou et le président du tribunal mixte de commerce de Nouméa dans les limites de la compétence de cette juridiction peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'urgence n'est pas démontrée, ni même alléguée.
De plus, ainsi qu'il a déjà été indiqué plus haut, que les demandes se heurtent à des contestations sérieuses.
En définitive, il n'y a pas lieu de référé quel que soit le fondement allégué.
L'ordonnance critiquée doit être confirmée en toutes ses dispositions
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
M. [X] succombe sera donc condamné aux dépens d'appel.
Par voie de conséquence, il est redevable au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie envers M. [G] d'une somme qui sera fixée à 265'000 Fr. CFP et envers la société HOLDING FM2J d'une somme qui sera fixée à 50'000 Fr. CFP.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire
CONFIRME l'ordonnance de référé du président du tribunal mixte de commerce de Nouméa du 19 avril 2024 en toutes ses dispositions.
Y AJOUTANT,
CONDAMNE M.[X] à payer à M. [G] la somme 265'000 francs CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie et à la société HOLDING FM2J la somme de 50'000 francs CFP au titre de l'article 700 du code des pensions civiles.
CONDAMNE M. [X] aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président.
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 21 Juillet 2025
Chambre commerciale
N° RG 24/00027 - N° Portalis DBWF-V-B7I-UZC
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 19 Avril 2024 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG n° :2023/01798)
Saisine de la cour : 14 Mai 2024
APPELANT
M. [C] [X]
né le 07 Juillet 1971 à [Localité 2]
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Sophie BRIANT de la SELARL SOPHIE BRIANT, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
M. [Z] [G]
né le 19 Juillet 1988 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Béatrice AUPLAT-GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, substitué par Me Magali MANUOHALALO, avocat du même barreau.
S.E.L.A.R.L. [B] [P], prise en la personne de son représentant légal en exercice, ès-qualités de Liquidateur judiciaire de la SARL J7 désignée par jugement TMC du 28/03/2024
Siège social [Adresse 1]
S.A.R.L. HOLDING FM2J
Siège social [Adresse 4]
Représentée par Me Philippe GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, substitué par Me Magali MANUOHALALO, avocat du même barreau.
21.07.2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire : - Me GILLARDIN ; Me AUPLAT-GILLARDIN ;
Expéditions : - Me BRIANT ; ML [P] ;
- Copie CA ; TMC
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Juillet 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
M. François GENICON, Président de chambre, président, rapporteur,
M. Philippe ALLARD, Conseiller,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François GENICON.
Greffier lors des débats : Mme Sabrina VAKIE
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Sabrina VAKIE
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. François GENICON, président, et par Mme Sabrina VAKIE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
En septembre 2018, M. [X] et M. [G] ont constitué ensemble la société HOLDING FM2J en vue de procéder à l'acquisition de la totalité du capital de la SARL J7, société qui développe une activité de travaux de bâtiment.
C'est ainsi que la société HOLDING FM2J, détenue égalitairement par Messieurs [X] et [G], est devenue associée unique de la SARL J7.
M. [X] et M. [G] ont été désignés co-gérants tant de la SARL HOLDING FM2J que de la SARL J7.
La SARL J7 a connu des difficultés financières et les gérants ont saisi le tribunal de commerce pour solliciter le bénéfice d'un redressement judiciaire qui a été ouverte par jugement du 6 décembre 2021 ; la SELARL [B] [P] a été désignée comme mandataire judiciaire .
Un plan d'apurement du passif a été homologué par jugement du 30 novembre 2022; la SELARL [B] [P] a été désignée comme commissaire à l'exécution du plan.
M. [X] a émis le souhait, en octobre 2022, de démissionner de son mandat de gérance et a solliciter l'octroi d'une indemnité de départ, ce qui lui a été refusé par le commissaire à l'exécution du plan.
Les relations avec M. [G] se sont tendues.
La révocation de M. [X] de sa fonction de gérant a été envisagée.
M. [G] a donc convoqué une assemblée générale de la SARL J7 le 19 avril 2023, avec pour ordre du jour " la révocation de M. [C] [X] de ses fonctions de co-gérant et quitus de sa gestion ".
M. [X] a été convoqué par lettre remise par huissier de justice le 4 avril 2023.
L'assemblée a voté la révocation de M. [X] et M. [G] a alors demandé à ce dernier de ne plus paraître au sein de la société.
Comprenant ultérieurement qu'il avait commis une erreur de droit en pensant que la révocation pouvait être décidée à la majorité et considérant que la révocation de M. [X] était actée, M. [G] a, au nom de la société J7, saisi le tribunal mixte de commerce le 2 juin 2023 d'une demande de révocation judiciaire de M. [X] de son mandat de gérance.
Le tribunal ne s'est pas reconnu valablement saisi.
Se plaignant d'avoir été révoqué de son mandat de gérance en dehors de tout cadre légal, M. [X] a, par actes d'huissier de justice réceptionnés au greffe le 05 octobre 2023 fait assigner M. [Z] [G], la SARL J7, la SELARL [S] [J] [P] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL J7 et la SARL Holding FM2J devant le président du tribunal de commerce statuant en référé au visa des articles 808 et 809 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, L 622-17 et L 223-22 du Code de commerce, auquel il a demandé :
- condamner la SARL J7 Rénovation, par provision, à lui payer la somme de 2.000.000 F.CFP au titre des rémunérations de gérance non réglées depuis le 1 er avril 2023, sauf à parfaire,
- condamner M. [G], par provision, à lui payer à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de 2.400,000 F.CFP pour préjudice financier,
- condamner M. [G] à lui payer à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de 3.000.000 F.CFP pour préjudice moral,
- condamner M. [G] à lui payer la somme de 500.000 F.CFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile applicable en Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Briant Bertone.
Le 19 avril 2024, le juge des référés a rendu la décision dont la teneur suit :
- METTONS hors de cause la SARL Holding FM2J
- DISONS n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [C] [X]
- DÉBOUTONS en conséquence M. [C] [X] de l'ensemble de ses demandes et le renvoyons à mieux se pourvoir
- CONDAMNONS M. [C] [X] à payer à la SARL Holding FM2J la somme de 30,000 F.CFP en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie
- DÉBOUTONS M. [C] [X] de ses demandes au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie
- DÉBOUTONS M. [Z] [G] et la SARL J7 de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
- CONDAMNONS M. [C] [X] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SARL Gillardin avocats.
M. [X] a fait appel de cette décision et demande à la cour de :
Vu les articles 808 et 809 du Code de Procédure Civile de la Nouvelle Calédonie ;
Vu l'article L223-22 du Code de Commerce, dans sa version applicable à la Nouvelle-Calédonie,
Vu l'article 1382 du Code Civil, dans sa version applicable à la Nouvelle-Calédonie;
- Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 19 avril 2024 ;
Statuant à nouveau :
- Condamner M. [Z] [G], par provision, à payer à M. [C] [X], à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de 2.400.000 XPF pour préjudice financier ;
- Condamner M. [Z] [G] à payer à M. [C] [X], à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de 3.000.000 XPF pour préjudice moral
- Condamner M. [Z] [G] à payer à M. [C] [X] la somme de 500.000 XPF au titre des frais irrépétibles de première instance ;
- Condamner M. [Z] [G] à payer à M. [C] [X] la somme de 500.000 XPF au titre des frais irrépétibles d'appel :
- Condamner M. [Z] [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SELARL BRIANT BERTONE.
M. [G] et la SARL holding FM2J demandent à la cour de:
- REJETER toutes les demandes formulées par M. [X] ;
En conséquence,
- CONFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 avril 2024;
- CONDAMNER M. [X] à payer la somme de 50.000 FCFP à la société HOLDING FM2J au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle Calédonie ;
- CONDAMNER M. [X] à payer la somme de 265.000 FCFP à la société HOLDING FM2J au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
- CONDAMNER M. [X] à payer la somme de 265'000 Fr. CFP à M. [G] au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle Calédonie;
CONDAMNER M. [X] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SARL GILLARDIN AVOCATS.
Me [P] ès qualité de liquidateur de la SARL J7 n'a pas comparu.
Vu les conclusions de M. [X] du 8 avril 2025 déposées le 23 juin 2025;
Vu les conclusions de M. [G] du 8 janvier 2025, déposées le 5 mai 2025;
Ensemble d'écrits auxquels il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties.
MOTIFS
Le juge des référés est une juridiction d'exception dont les pouvoirs sont limitativement énumérés par le code de procédure civile.
Ainsi, les articles 808, 809 alinéa 1, et 809 alinéa 2 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie définissent trois cas distincts et indépendants d'ouverture au référé.
La demande apparaît indistinctement fondée sur les articles 808 et 809 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie puisque les deux articles sont cités dans les conclusions de M. [X]. De plus, ce dernier évoque tout à la fois les notions de trouble manifestement illicite et de provision.
Examen de la demande au regard des dispositions de l'article 809 alinéa premier du code de procédure civile
Selon l'article 809 alinéa premier du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite peut se définir comme toute perturbation dommageable actuelle résultant d'un fait matériel (qu'il s'agisse d'une action ou d'une omission) ou d'un fait juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente et incontestée d'une disposition légale ou réglementaire, d'une disposition contractuelle claire, ou d'une décision non contestable émanant d'une autorité légitime.
M. [X] soutient que le trouble manifestement illicite est démontré par le fait qu'il a été victime d'une 'voie de fait', sa révocation étant dépourvue de toute légalité, ce que conteste M. [G] qui argue de l'erreur de droit.
L'article 15 des statuts de la SARL J7 prévoient que les gérants sont révocables par décision des associés représentant plus de la moitié du capital social
Il est constant que les règles de majorité n'ont pas été respectées lors de la prise de décision de révocation de M. [X] de son mandat de co-gérant, ce qui rend la révocation incontestablement irrégulière.
Toutefois, cette décision n'a pas été suivie d'effet étant précisé qu' aucune formalité ni publicité afférente à un changement de gérance n'a été réalisée auprès du RCS.
M. [G] et la SARL J7 admettent également dans leurs écritures que M. [X] demeure gérant de la société.
Aucun trouble manifestement illicite n'est donc caractérisé.
De plus, il ne sollicite pas la prise de mesures conservatoires ou de remise en état pour faire cesser cette irrégularité, qui sont seules admises sur ce fondement, mais seulement des condamnations pécuniaires au titre de rémunération de gérance non réglées ou de dommages-intérêts compensateurs de préjudices financier et moral.
Il ne peut y avoir lieu à référé sur ce fondement.
Examen de la demande au regard des dispositions de l'article 809 alinéa deux du code de procédure civile
Selon l'article 809 alinéa deux du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il résulte de ce texte que l'absence de contestation sérieuse implique l'évidence de la solution qu'appelle le point contesté.
C'est ainsi qu'une contestation sérieuse survient et fait obstacle au référé lorsqu'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît immédiatement et évidemment vain, et laisse subsister un doute raisonnable sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point.
Le juge des référés est en effet le juge de l'évident et de l'incontestable, et il ne peut ordonner les mesures prévues à l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie que dans la mesure où il n'est pas amené à prendre parti sur l'existence du droit invoqué que les juges appelés à connaître du fond auraient à apprécier.
Ainsi, le juge des référés ne peut notamment se prononcer sur l'existence et la nature d'un manquement contractuel ou sur les éventuels dommages et intérêts qui peuvent en découler.
En l'espèce :
M. [G] et la SARL J7 soutiennent que M. [X] n'accomplit plus aucun acte de gérance, et qu'il ne peut prétendre à une quelconque rémunération compte tenu de son attitude et sa nocivité dans les relations avec les salariés qui mettait en péril la pérennité de la société depuis début 2023 et du fait qu'il ne consacre aucun temps ni soins aux affaires sociales de la société, étant notamment salarié à temps plein depuis à minima mai 2023.
Il n'appartient pas au juge des référés d'apprécier la légitimité des motifs de la révocation de M. [X] avancés par M. [G] qui verse plusieurs attestations de tiers à l'appui de ses allégations.
Par ailleurs, il résulte des explications des parties et des attestations que M. [X] produit aux débats qu'il a été embauché comme responsable de magasins depuis mai 2023, que les parties sont en désaccord sur l'application de l'article L 622-17 al. 1er du Code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie et ses conséquences quant à l'existence d'un préjudice financier et moral subi par M. [X], ce qui nécessiterait que le juge des référés se livre à son interprétation , ce qui ne relève pas de la juridiction des référés.
La demande en paiement de provision se heurte donc à des contestations sérieuses.
Examen de la demande regard des dispositions de l'article 808 du code de procédure civile
Selon l'article 808 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de première instance de Nouméa et des sections détachées de Koné et de Lifou et le président du tribunal mixte de commerce de Nouméa dans les limites de la compétence de cette juridiction peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'urgence n'est pas démontrée, ni même alléguée.
De plus, ainsi qu'il a déjà été indiqué plus haut, que les demandes se heurtent à des contestations sérieuses.
En définitive, il n'y a pas lieu de référé quel que soit le fondement allégué.
L'ordonnance critiquée doit être confirmée en toutes ses dispositions
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
M. [X] succombe sera donc condamné aux dépens d'appel.
Par voie de conséquence, il est redevable au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie envers M. [G] d'une somme qui sera fixée à 265'000 Fr. CFP et envers la société HOLDING FM2J d'une somme qui sera fixée à 50'000 Fr. CFP.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire
CONFIRME l'ordonnance de référé du président du tribunal mixte de commerce de Nouméa du 19 avril 2024 en toutes ses dispositions.
Y AJOUTANT,
CONDAMNE M.[X] à payer à M. [G] la somme 265'000 francs CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie et à la société HOLDING FM2J la somme de 50'000 francs CFP au titre de l'article 700 du code des pensions civiles.
CONDAMNE M. [X] aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président.