Livv
Décisions

CA Amiens, 2e protection soc., 3 juillet 2025, n° 23/02026

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 23/02026

3 juillet 2025

ARRET



[11]

C/

Association [8]

Copie certifiée conforme délivrée à :

- [11]

- Association [8]

- Me Laëtitia BEREZIG

- Me Yasmina BELKORCHIA

- tribunal judiciaire

Copie exécutoire :

- Me Laëtitia BEREZIG

- Me Yasmina BELKORCHIA

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 03 JUILLET 2025

*************************************************************

N° RG 23/02026 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYEC - N° registre 1ère instance : 19/01040

Jugement du tribunal judiciaire de Beauvais (pôle social) en date du 23 mars 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

[11] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Me Laetitia BEREZIG de la SCP BROCHARD-BEDIER ET BEREZIG, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIMEE

Association [8] ([7] [Localité 5])

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Me Grégory KUZMA, avocat au barreau de LYON substituant Me Yasmina BELKORCHIA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DEBATS :

A l'audience publique du 06 mars 2025 devant M. Renaud DELOFFRE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 juillet 2025.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Nathalie LÉPEINGLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. Renaud DELOFFRE en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe MELIN, président,

Mme Claire BIADATTI-BERTIN, présidente,

et M. Renaud DELOFFRE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 03 juillet 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe MELIN, président a signé la minute avec Mme Nathalie LÉPEINGLE, greffier.

*

* *

DECISION

L'association [8], en son établissement de [Localité 5], a fait l'objet d'un contrôle d'assiette portant sur les années 2015 à 2017 par l'[10] (l'URSSAF).

Le contrôle a donné lieu à une lettre d'observations de l'URSSAF en date du 28 septembre 2018 adressée à la cotisante aux fins de l'informer d'un redressement de cotisations et contributions de sécurité sociale d'un montant de 47 498 euros.

L'association [8] a contesté le redressement par courrier du 2 novembre 2018.

Par courrier du 29 novembre 2018, l'inspecteur du recouvrement a maintenu le redressement dans son intégralité.

Par mise en demeure émise le 10 janvier 2019, l'URSSAF a sommé l'association [8] de lui verser la somme de 50 950 euros, majorations afférentes incluses.

L'association [8] a saisi la commission de recours amiable en contestation du redressement et de la mise en demeure.

La commission de recours amiable a ramené le montant du chef de redressement n° 7 de 47 950 euros à 39 484 euros afin de tenir compte des salariés omis alors qu'ils auraient pu générer des réductions générales de cotisations sur les années 2015 et 2016.

Suite à cette décision, l'association a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais.

Par jugement du 23 mars 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais a :

- annulé le redressement, portant sur les années 2015 à 2017, de l'URSSAF de Picardie à l'encontre de l'association [8] concernant son établissement situé à [Localité 5],

- rejeté la demande de l'association [8] en remboursement de la somme de 18 642 euros,

- dit que l'association [8] était créditrice (en réalité créancière) de la somme retenue, au titre de la réduction générale des cotisations, par la commission de recours amiable de l'organisme dans sa décision du 19 juillet 2019,

- laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Cette décision a été notifiée à l'URSSAF de Picardie le 27 mars 2023, qui en a relevé appel le 24 avril 2023.

L'appel est limité aux chefs du jugement suivants :

- annule le redressement, portant sur les années 2015 à 2017, de l'URSSAF de Picardie à l'encontre de l'association [8],

- dit que l'association [8] est créditrice (en réalité créancière) de la somme retenue, au titre de la réduction générale des cotisations, par la commission de recours amiable de l'organisme dans sa décision du 19 juillet 2019,

- laisse les dépens à la charge de chaque partie.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 6 mars 2025.

Par conclusions parvenues au greffe le 5 mars 2025 et soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF de Picardie demande à la cour de :

- débouter l'association [8] de son appel incident,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Beauvais le 23 mars 2023 en ce qu'il a annulé le redressement portant sur les années 2015 à 2017 à l'encontre de l'association [8] concernant son établissement situé à Beauvais,

- valider le redressement notifié à l'association [8] par lettre d'observations du 28 septembre 2018,

- dire bien fondé le chef de redressement n° 7 portant sur la réduction générale des cotisations : absences ' proratisation, dégageant un crédit de 39 484 euros,

- condamner l'association au paiement de ladite somme,

- confirmer la décision déférée pour le surplus et notamment en ce qu'elle a rejeté la demande de l'association [8] en remboursement d'une somme de 18 642 euros,

- condamner l'association [8] à lui payer une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Concernant la régularité de la procédure de redressement, elle indique que la liste des documents figurant dans l'avis de contrôle préalable n'est qu'indicative ; que les documents ayant fondé le redressement ont été réclamés auprès de l'employeur qui les a remis à l'inspecteur du recouvrement ; que dès lors que la lettre d'observations comporte l'ensemble des mentions requises par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, un redressement ne peut être annulé sur le fondement du non-respect du contradictoire ; que l'association ne démontre pas que l'inspecteur du contrôle a réalisé le contrôle en ayant recours au matériel informatique de l'employeur pour traiter de manière automatisée les données ; que l'inspecteur du recouvrement précise les anomalies constatées, l'année, les bases du redressement, les cotisations correspondantes, mais également la formule et les feuilles de calcul de la réduction générale des cotisations 2015, 2016 et 2017.

S'agissant de la régularité de la mise en demeure, elle soutient que la mention « régime général » suffit à permettre à l'association de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation.

Sur le bien-fondé du redressement et le crédit sollicité par l'association, l'URSSAF indique que :

- il a été constaté des anomalies quant au calcul de la réduction générale des cotisations notamment sur la proratisation à effectuer en cas d'absence maladie ou d'entrée/sortie d'un salarié en cours de mois,

- la proratisation doit se faire par la rémunération et non par les heures,

- les contrats uniques d'insertion (CUI), les contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et les contrats d'avenir sont exclus du champ d'application de la réduction générale des cotisations,

- le calcul de la réduction est erroné pour les salariés ayant bénéficié de contrats à durée déterminée successifs,

- l'inspecteur a uniquement formulé une observation pour l'avenir s'agissant de la prime d'ancienneté et qu'elle n'a pas été exclue de la formule de calcul de la réduction générale,

- la prime d'ancienneté n'est pas impactée par l'absence.

Par conclusions parvenues au greffe le 6 décembre 2024 et soutenues oralement à l'audience, l'association [8] demande à la cour de :

- déclarer recevable son appel incident,

- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le redressement portant sur les années 2015 à 2017 et dit qu'elle était créditrice de la somme retenue, au titre de la réduction générale de cotisations, par la commission de recours amiable dans sa décision du 19 juillet 2019,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande en remboursement de la somme de 18 642 euros,

- constater que les primes d'ancienneté versées au sein de l'association [8] sont des éléments affectés par l'absence,

- constater que l'association a fait une stricte application des dispositions légales et réglementaires relatives à la réduction générale des cotisations patronales,

- annuler le chef de redressement n° 7,

- ordonner le remboursement par l'URSSAF de la somme de 16 642 euros correspondant au recalcul réalisé par elle au titre de la réduction générale des cotisations patronales,

- confirmer le montant du crédit dégagé par la décision de la commission de recours amiable, à savoir 4 474 euros,

- ordonner l'exécution provisoire.

Au titre des irrégularités de la procédure de contrôle, elle fait valoir que la liste des documents consultés par l'inspecteur du recouvrement est lacunaire et qu'elle mentionne des intitulés imprécis sans aucune mention de temporalité ; qu'elle n'a pas été informée quant au traitement automatisé de ses données et au délai d'opposition de 15 jours dont elle disposait ; que l'organisme n'a pas précisé les modalités de calculs utilisées s'agissant du chef de redressement n° 7, ne lui permettant pas de vérifier la réalité de l'erreur reprochée par l'organisme.

S'agissant de la régularité de la mise en demeure, l'association soutient que la nature des sommes réclamées n'a pas été précisément indiquée et que le rapport de contrôle ne lui a pas été communiqué, ne lui permettant donc pas de s'assurer que les garanties internes ont été respectées.

Sur l'annulation du chef de redressement n° 7, elle expose que la prime d'ancienneté d'un salarié, étant réduite à due proportion de son absence, doit être prise en compte dans la formule de calcul du coefficient de réduction générale sans qu'il ne soit nécessaire qu'elle soit proratisée.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel incident de l'association

Selon les dispositions de l'article 561 du code de procédure civile, l'effet dévolutif de l'appel permet à un plaideur de soumettre son litige à la cour d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.

L'article 562 du même code apporte une limite à cet effet dévolutif en disposant que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent et que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

La portée de l'appel est déterminée par l'acte d'appel et non par les dernières conclusions de la partie appelante.

Aux termes des articles 548 et 550 du code de procédure civile l'appel limité peut être étendu par un appel incident, qui peut être formé en tout état de cause par l'intimé, et qui est recevable dès lors que l'appel principal l'est également.

En l'espèce, l'appel de l'URSSAF de Picardie est limité aux dispositions suivantes :

- annule le redressement, portant sur les années 2015 à 2017, de l'URSSAF de Picardie à l'encontre de l'association [8],

- dit que l'association [8] est créditrice (en réalité créancière) de la somme retenue, au titre de la réduction générale des cotisations, par la commission de recours amiable de l'organisme dans sa décision du 19 juillet 2019,

- laisse les dépens à la charge de chaque partie.

L'appel ne porte donc pas sur les dispositions du jugement déféré disant que le tribunal rejette la demande de l'association [8] en remboursement de la somme de 18 642 euros.

Cet appel interjeté par l'organisme le 24 avril 2023 à l'encontre d'une décision qui lui a été notifiée le 27 mars 2023, dans le délai d'un mois suivant notification de la décision contestée est parfaitement recevable.

L'association [8] a donc pu valablement étendre par conclusions l'appel formé par l'URSSAF en sollicitant l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande en remboursement.

Il s'ensuit que la cour est saisie de la totalité des dispositions du jugement déféré.

Sur la régularité de la procédure de contrôle et la validité de la mise en demeure

Sur la liste des documents

Il résulte de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale que la lettre d'observations doit mentionner l'ensemble des documents consultés par l'inspecteur du recouvrement ayant servi à établir le bien-fondé du redressement.

L'association soutient que les intitulés figurant dans la liste des documents consultés ne lui permettent pas d'avoir pleinement conscience des documents consultés dès lors qu'ils ne comportent aucune précision de temporalité et qu'ils sont imprécis. Elle ajoute également que la liste des documents est lacunaire dès lors que certains documents utilisés par l'inspecteur du travail et mentionnés dans la lettre d'observations n'y sont pas repris.

La cotisante fait valoir que ces manquements ne lui permettent pas de formuler des observations et de savoir précisément quelles pièces n'ont pas fait l'objet d'observations de la part de l'inspecteur.

En réplique, l'URSSAF soutient que la liste des documents figurant dans l'avis n'est qu'indicative et que la mention dans le corps de la lettre d'observations des documents justifiant les redressements envisagés est suffisante pour permettre d'instaurer un débat contradictoire.

La lettre d'observations comporte en page 2, un encadré de la liste des documents consultés détaillé comme suit :

- extrait d'inscription au registre du commerce,

- statuts et registre des assemblées,

- rapport du commissaire aux comptes

- DAS2,

- états justificatifs de la réduction générales des cotisations,

- liste des logements et affectations,

- avantage en nature logement,

- dossiers des départs de personnel,

- listes des véhicules et attribution,

- avantage en nature véhicule,

- contrats liés à une exonération,

- DSN 2017,

- DADS 2015-2016 tableaux récapitulatifs annuels 2015-2016,

- livre et fiches de paie 2015-2016-2017,

- contrats de prévoyance et mutuelle ' formalisme de mise en place,

- comptabilité du comité d'entreprise,

- pièces justificatives de frais de déplacements,

- accords spécifiques,

- contrats de travail,

- balances générales, bilans, comptes et résultats,

- grands livres comptables 2015-2016-2017,

- pièces comptables.

Il convient de relever en premier lieu qu'il n'est pas contesté que la totalité des données communiquées par l'employeur n'y figurent pas.

En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a précisé, au sein de ses observations relatives au point n° 7 de la lettre d'observations, seul chef de redressement contesté, avoir procédé à son calcul de la réduction générale théorique sur la base d'une comparaison entre les bulletins de salaire des salariés en arrêt maladie fournis par l'employeur et les déclarations de ce dernier.

Il a donc bien été fait référence à ces pièces dans la liste des documents consultés, en tout état de cause, l'absence de mention des pièces litigieuses dans la liste des documents consultés peut être suppléée par la référence à ces éléments dans le corps de la lettre d'observations.

Par ailleurs, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'URSSAF de dresser une liste détaillée de toutes les pièces consultées, ni même de les mentionner en un emplacement unique dans la lettre d'observations.

De plus, les imprécisions de la liste des documents consultés de la lettre d'observations, à les supposer établies, ne justifient pas la nullité des opérations de contrôle dès lors que l'association n'établit pas que l'inspecteur du recouvrement se serait fondé sur une pièce non mentionnée dans la liste des documents consultés ou dans le corps de la lettre d'observations. Elle sera donc déboutée de son moyen de ce chef.

S'agissant de l'absence de référence à la temporalité des documents listés dans la lettre d'observations, la cour constate qu'en première page de cette lettre, il est indiqué « période vérifiée : du 01/01/2015 au 31/12/2017 » et que les observations de l'inspecteur du recouvrement relatives au chef de redressement n° 3 ne portent que sur les années 2015, 2016 et 2017, ce qui est conforté par les documents annexés à la lettre du 28 septembre 2018.

L'association ne pouvait donc ignorer les périodes concernées par les documents visés par l'inspecteur du recouvrement, qu'elle lui a elle-même communiqués, et a donc eu une parfaite connaissance des documents consultés par l'inspecteur du recouvrement et de leur temporalité.

L'association sera donc déboutée de sa demande de nullité du redressement de ce chef et le jugement ne sera pas confirmé sur ce point.

Sur le recours à un mode de traitement automatisé des données

Aux termes de l'article R. 243-59-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 11 juillet 2016 au 14 avril 2023, « Lorsque les documents et les données nécessaires à l'agent chargé du contrôle sont dématérialisés, il peut, après avoir informé la personne contrôlée par écrit, procéder aux opérations de contrôle par la mise en 'uvre de traitements automatisés en ayant recours au matériel informatique utilisé par la personne contrôlée. A la demande de l'agent chargé du contrôle, la personne contrôlée met à disposition un utilisateur habilité pour réaliser les opérations sur son matériel.

A compter de la date de réception de la demande de l'agent chargé du contrôle, la personne contrôlée dispose de quinze jours pour s'opposer par écrit à la mise en 'uvre de traitements automatisés sur son matériel et l'informer de son choix, soit de

1° Mettre à la disposition de l'agent chargé du contrôle les copies des documents, des données et des traitements nécessaires à l'exercice du contrôle. Ces copies sont faites sur fichier informatique répondant aux normes définies par l'agent chargé du contrôle permettant les traitements automatisés et sont détruites avant l'engagement de la mise en recouvrement

2° Prendre en charge lui-même tout ou partie des traitements automatisés. Dans ce cas, l'agent chargé du contrôle lui indique par écrit les traitements à réaliser, les délais accordés pour les effectuer ainsi que les normes des fichiers des résultats attendus

A défaut de réponse de la personne contrôlée dans le délai mentionné au deuxième alinéa, l'agent chargé du contrôle peut procéder aux opérations de contrôle par la mise en place de traitements automatisés sur le matériel de la personne contrôlée. »

En d'autres termes, cet article prévoit que l'inspecteur du recouvrement peut utiliser son propre matériel informatique ou utiliser celui de la personne contrôlée avec son accord.

L'association [8] explique que les inspecteurs du recouvrement ont procédé à des traitements automatisés sans avoir recueilli son aval au préalable.

L'URSSAF réplique en indiquant qu'elle n'a pas eu recours à un traitement automatisé des données via le matériel informatique de l'association et qu'elle n'avait donc pas à respecter la procédure édictée par l'article R. 243-59-1 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, aucun élément ne démontre que l'inspecteur chargé du recouvrement ait souhaité réaliser le traitement des données comptables dématérialisées sur le matériel informatique de l'association, de sorte qu'il n'était pas tenu de solliciter l'accord de la cotisante.

Ainsi, le traitement des données comptables dématérialisées étant régulier, l'association sera déboutée de sa demande de nullité des opérations de contrôle sur ce fondement.

Sur l'absence de motivation du chef de redressement n° 7 : réduction générale des cotisations : absences ' proratisation

Selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, il est prévu qu'à l'issue du contrôle, les agents chargés du contrôle communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée une lettre d'observations datée et signée par eux, mentionnant l'objet du contrôle réalisé, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci.

Les observations sont motivées par chef de redressement, à ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement, et le cas échéant, l'indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales, l'indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités qui sont envisagées.

La cotisante soutient que les éléments portés à sa connaissance par le biais de la lettre d'observations ne lui ont pas permis de comprendre les règles retenues par l'inspecteur du recouvrement pour la détermination des erreurs relevées et plus précisément de l'absence de mode de calcul justifiant le redressement.

Or, la lettre d'observations du 28 septembre 2018 énonce en son septième point le chef de redressement, la formule de calcul applicable et la nature des erreurs relevées pour chaque période. En outre, sont annexées à la lettre d'observations, plusieurs feuilles de calcul concernant la réduction générale des cotisations sur les années 2015 et 2017, reprenant dans des tableaux les données retenues par l'inspecteur du recouvrement pour opérer son calcul.

Ainsi, les observations faites par l'inspecteur du recouvrement sont motivées en droit et en fait dès lors que l'association a bien eu connaissance du mode de calcul et des montants des redressements par année.

La lettre d'observations du 28 septembre 2018 est régulière en ce qu'elle répond aux exigences de motivation et sa nullité ne saurait être encourue de ce chef.

Sur la régularité de la mise en demeure

Aux termes de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale il est prévu que toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant.

Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure doit être précis et motivé.

L'article R. 244-1 du même code dispose que l'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Il est acquis que la référence, dans la mise en demeure, à la lettre d'observations lorsque celle-ci est complète et détaillée, est suffisante pour permettre au cotisant d'avoir connaissance de la cause, de la nature et de l'étendue de son obligation.

L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dispose dans son IV qu'à l'issue du délai mentionné au huitième alinéa du III ou des échanges mentionnés au III, afin d'engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement, l'agent chargé du contrôle transmet à l'organisme effectuant le recouvrement le rapport de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de son propre courrier en réponse.

L'association soutient que la mise en demeure du 10 janvier 2019 ne l'informe pas suffisamment sur la nature des sommes réclamées en ce qu'elle se contente de préciser, comme nature des sommes redressées, qu'il s'agit des cotisations du régime général.

L'URSSAF note que le seul fait que la mise en demeure précise qu'elle porte sur les cotisations du régime général suffit à la rendre régulière.

En l'espèce, la mise en demeure du 10 janvier 2019 indique :

« motif de mise en recouvrement : contrôle. Chefs de redressement notifiés par lettre d'observations du 28/09/18. Article R. 243-59 du code de la sécurité sociale »,

« nature des cotisations : régime général », avec un astérisque dans la colonne cotisations indiquant « incluses contribution d'assurance chômage, cotisations [4] »,

le montant des sommes réclamées pour chaque année au titre des cotisations et majorations, ainsi que le total à payer.

La mise en demeure vise ainsi le contrôle effectué des chefs de redressement notifiés par lettre d'observations du 28 septembre 2018 et le même montant de cotisations et contribution que celui figurant dans cette même lettre (47 498 euros).

Par ailleurs, la mise en demeure mentionne les périodes concernées, le montant des cotisations, les majorations de retard recouvrées et fait référence à la lettre d'observations qui comporte elle des explications détaillées sur les chefs de redressement et plaçait, de ce fait, la cotisante en situation de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation.

Au soutien de ce même moyen, l'association [8] fait grief à l'organisme de ne pas lui avoir communiqué le rapport de contrôle au stade contentieux, ne lui permettant pas de vérifier que toutes les garanties internes avaient été respectées.

D'une part, l'association ne justifie pas avoir sollicité cet élément, pas plus qu'elle ne justifie s'être heurtée à un refus de communication de cette pièce par l'URSSAF.

D'autre part, il ne découle d'aucune disposition légale que ce rapport doit être communiqué à la personne contrôlée. Cet élément constitue, en effet, un document interne à destination exclusive de l'organisme.

Ainsi, la mise en demeure du 10 janvier 2019 étant parfaitement régulière, la cour déboutera l'association de sa demande de nullité du redressement sur ce fondement.

Sur le bien-fondé du chef de redressement n° 7 : réduction générale des cotisations : absences ' proratisation

L'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale dans ses versions successives, applicables au litige a mis en place une réduction générale des cotisations sociales au profit de l'employeur, égale au produit de la rémunération mensuelle brute soumise à cotisation du salarié multiplié par un coefficient déterminé en fonction du rapport entre le SMIC calculé pour un an et la rémunération annuelle du salarié.

Les modalités de calcul de cette réduction sont développées à l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale, et notamment pour les salariés entrant dans le champ d'application de l'article L. 3242-1 du code du travail qui ne sont pas présents toute l'année ou dont le contrat de travail est suspendu sans paiement de la rémunération ou avec paiement partiel de celle-ci, la fraction du montant du salaire minimum de croissance correspondant au mois où a lieu l'absence est corrigée selon le rapport entre la rémunération versée et celle qui aurait été versée si le salarié avait été présent tout le mois, hors éléments de rémunération qui ne sont pas affectés par l'absence. Le salaire minimum de croissance est corrigé selon les mêmes modalités pour les salariés n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 3242-1 susmentionné dont le contrat de travail est suspendu avec paiement partiel de la rémunération

En conséquence de ces dispositions, la fraction du montant du SMIC correspondant au mois où a eu lieu l'absence est corrigée par le rapport entre la rémunération versée et celle qui aurait été versée si le salarié avait été présent tout le mois, hors éléments de rémunération qui ne sont pas affectés par l'absence, tels que les primes ou les heures supplémentaires, et en incluant les seuls éléments entrant dans le calcul de la retenue sur salaire liée à cette absence.

En l'espèce, dans la lettre d'observations du 28 septembre 2018, l'inspecteur du recouvrement dont les constatations font foi jusqu'à preuve du contraire, indique s'agissant du chef de redressement n° 7 « réduction générale des cotisations : absences ' proratisation » que des anomalies ont été relevées sur le calcul de la réduction Fillon sur l'ensemble de la période contrôlée du fait d'erreurs rencontrées sur les prorata à effectuer en cas d'absence maladie ou d'entrée ou sortie d'un salarié en cours de mois.

L'inspecteur du recouvrement a relevé que :

- pour l'année 2015, les prorata n'avaient pas été mis en 'uvre en début d'année de sorte que les rappels de prime de fin de contrat versés aux salariés avaient été pris en compte pour le calcul de la réduction générale des cotisations alors même qu'aucune heure n'avait été rémunérée,

- pour l'année 2015, des écarts avaient également été constatés pour les salariés en maladie, à temps partiel,

- pour l'année 2016, il a constaté que pour les salariés dont le contrat de travail avait été suspendu avec maintien partiel de salaire ou sans maintien de salaire, la fraction du montant du SMIC à prendre en compte dans la formule de calcul de la réduction Fillon n'a pas été corrigée correctement par le rapport entre la rémunération versée et celle qui aurait été versée au salarié s'il avait été présent tout le mois,

- pour l'année 2017, en raison de la pratique du décalage de paie par l'association, le calcul de la réduction générale des cotisations avait été effectué sur 13 mois.

Après avoir constaté une surévaluation des déclarations de la cotisante pour un montant de 4 306 euros pour l'année 2015, 43 958 pour 2017 et une sous-évaluation à hauteur de 314 euros pour l'année 2016, l'agent chargé du contrôle a conclu à un restant dû de 47 950 euros à la charge de l'association.

Par courrier en réponse aux observations de l'employeur du 29 novembre 2018, l'inspecteur du recouvrement a procédé au maintien des redressements effectués. Il a argué d'une part que les primes forfaitaires et les diverses indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail étaient exclues du calcul de la réduction Fillon.

D'autre part, il a indiqué : « Ainsi, étant précisé que l'association applique la loi de mensualisation (maintien de salaire intégral) pour les salariés en cas de maladie. Quand un salarié perçoit une prime d'ancienneté, cet élément ne doit donc pas être pris en compte dans le rapport entre la rémunération versée par l'employeur et celle qui aurait été versée si le salarié n'avait pas été absent.

En outre, après vérification, j'ai relevé dans ce cas que mes calculs préalablement établis vous sont favorables puisque je n'ai pas exclu à tort de ce rapport la prime d'ancienneté. Cependant, je vous demande donc de prendre en compte cette disposition à l'avenir. »

Dans le cadre de ses conclusions d'appel, l'association [8] soutient que la proratisation de la prime d'ancienneté n'est pas prévue par les textes applicables, c'est donc à bon droit qu'elle l'a intégrée dans ses calculs dès lors que son montant est affecté par l'absence.

En réplique, l'URSSAF reprend l'argumentaire figurant à la lettre d'observations et entend faire valoir que dans le cadre de son recalcul l'association a :

- appliqué à tort la réduction générale des cotisations sur les CUI, [6] et contrats d'avenir,

- commis des erreurs de calcul pour les salariés bénéficiant de contrats à durée déterminée successifs,

- omis de prendre en compte le décalage de la paie en 2017.

Elle soutient également que seuls les éléments impactés par l'absence doivent être pris en compte dans le calcul de la réduction générale des cotisations et qu'en ce sens l'association aurait dû exclure la prime d'ancienneté de la formule de calcul.

L'association produit au soutien de ses prétentions un tableau comparatif de la situation de deux salariées portant sur l'année 2015, reproduit ci-dessous.

Réduction Fillon appliquée

Année

Salaire brut cumulé

SMIC de référence cumulé

Coefficient applicable

Réduction Fillon applicable

Ecart annuel

Mme [E]

2015

19 848,65

13 717,02

0,0500

992,43

992,43

Mme [F]

3 061,30

2015

14 166,11

12 538,09

0,1966

2 785,06

276,24

Ainsi qu'une pièce n° 8 intitulée « transmission des éléments de calcul via e-barreau » consistant en un courriel transmis par la messagerie sécurisée e-barreau adressé à l'URSSAF, ainsi qu'au greffe de la cour et comportant un lien sécurisé donnant accès à un ensemble de bulletins de salaire des salariés de ses différents établissements.

En premier lieu, la cour constate que les CUI, [6] et contrats d'avenir bénéficiant d'un dispositif d'allègement propre, ils ne peuvent se cumuler avec la réduction prévue à l'article L. 214-13 du code de la sécurité sociale. C'est donc à tort que l'association les a intégrés dans son calcul.

S'agissant des contrats à durée déterminée successifs, l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale dispose que le coefficient de la réduction générale des cotisations sociales est déterminé pour chaque contrat. La cour relève que l'association ne conteste pas l'erreur relevée par l'inspecteur du recouvrement relative à l'application de la réduction Fillon dans le cadre des contrats à durée déterminée successifs.

Il en est de même concernant l'omission de la prise en compte de la pratique du décalage de la paie, l'association n'opposant aucun argument à l'organisme sur ce point.

Demeure toutefois la question de la prise en compte de la prime d'ancienneté dans le calcul de la réduction générale des cotisations et plus particulièrement celle de savoir si cette prime est liée à la durée de travail effectif, dès lors que l'article D. 241-7 exclut du calcul de la réduction sur les bas salaires les éléments de rémunération qui ne sont pas affectés par l'absence. Il incombe à l'association [8] de démontrer que cette prime doit être intégrée au calcul de la réduction Fillon pour les années concernées.

Concernant l'étude comparative de la situation de Mmes [E] et [F], s'il est bien démontré une différence dans la réduction Fillon applicable à ces deux salariées, la tableau produit est insuffisant à démontrer que la prime d'ancienneté est bien affectée par l'absence, faute de précision sur l'ancienneté des salariées concernées, les modalités d'attribution de la prime et le détail de son calcul.

Par ailleurs, les bulletins de salaire produits ne permettent pas non plus de démontrer un impact de l'absence sur le montant de la prime d'ancienneté versée chaque mois. En effet, tous les bulletins de salaires font apparaître une base de calcul uniforme pour la prime d'ancienneté correspondant au salaire de base contractuel, non minoré des éventuelles absences.

A titre d'exemple, il ressort des bulletins de salaire produits que Mme [O], salariée de l'établissement de [Localité 5] de l'association [8], a perçu une prime d'ancienneté d'un montant identique de 87 euros au titre des mois de mai et juin 2015. Or, si aucune absence n'est constatée au mois de juin, le bulletin de salaire du mois de mai fait apparaître une journée d'absence. Cette circonstance n'a toutefois eu aucune incidence apparente sur le montant de la prime d'ancienneté versée.

En tout état de cause, les éléments figurant sur les fiches de paie ne permettent pas de démontrer qu'une déduction aurait été appliquée sur la prime d'ancienneté en lien avec cette absence, aucune ligne spécifique n'y est consacrée et aucune ventilation détaillée ne permet de l'établir.

Il n'est donc pas démontré par l'employeur que la prime d'ancienneté serait affectée par l'absence du salarié et qu'elle devrait donc être incluse dans l'assiette de calcul de la réduction Fillon.

Ainsi, les éléments produits par l'employeur sont insuffisants à remettre en cause les constatations des inspecteurs du recouvrement qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

Le jugement sera infirmé de ce chef, le chef de redressement n° 7 portant sur la réduction générale des cotisations : absences ' proratisation, opérant régularisation pour un montant 47 950 euros, ramené à 39 484 euros, sera dit bien fondé et le redressement notifié à l'association [8] par lettre d'observations du 28 septembre 2018 validé.

Sur la demande d'octroi d'un crédit formée par l'association

Compte tenu des éléments mentionnés précédemment, la demande de crédit formée par l'association [8] ne peut qu'être rejetée.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande d'exécution provisoire

Le présent arrêt n'étant susceptible d'aucun recours suspensif, il est exécutoire sans qu'il y ait lieu d'ordonner son exécution provisoire.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Compte tenu de l'issue du litige, le jugement sera infirmé de ce chef et l'association [8], qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à l'[11] la charge de ses frais irrépétibles.

L'association [8] sera condamnée à verser la somme de 1 000 euros à l'[11] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par sa mise à disposition au greffe,

- Déclare recevable l'appel incident formé par l'association [8],

- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de l'association [8] en remboursement de la somme de 18 642 euros,

- L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Déclare régulière la procédure de contrôle de l'association [8] en son établissement de [Localité 5] par l'URSSAF de Picardie,

- Déclare régulière la mise en demeure émise le 10 janvier 2019 par l'URSSAF de Picardie,

- Déclare bien fondé le chef de redressement n° 7 portant sur la réduction générale des cotisations : absences ' proratisation,

- Valide le redressement portant sur les années 2015 à 2017 notifié à l'association [8] par lettre d'observations du 28 septembre 2018,

- Condamne l'association [8] à payer à l'[11] la somme de 39 484 euros,

- Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- Condamne l'association [8] aux dépens de première instance et d'appel,

- Condamne l'association [8] à payer à l'[11] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Le greffier, Le président,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site