Livv
Décisions

CA Amiens, 2e protection soc., 4 juillet 2025, n° 23/03755

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 23/03755

4 juillet 2025

ARRET



[I]

C/

[9]

Copie certifiée conforme délivrée à :

- M. [C] [I]

- [9]

- Me Frédéric GARNIER

- tribunal judiciaire

Copie exécutoire :

- [9]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 04 JUILLET 2025

*************************************************************

N° RG 23/03755 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I3P4 - N° registre 1ère instance : 21/00217

Jugement du tribunal judiciaire de Beauvais (pôle social) en date du 27 juillet 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [C] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté et plaidant par Me Diane DEDIEU, avocat au barreau de SENLIS substituant Me Frédéric GARNIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat au barreau de SENLIS

ET :

INTIMEE

[9]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Mme [G] [Z], munie d'un pouvoir régulier

DEBATS :

A l'audience publique du 22 avril 2025 devant Mme Claire BIADATTI-BERTIN, présidente, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 juillet 2025.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Nathalie LÉPEINGLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Claire BIADATTI-BERTIN en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe MELIN, président,

Mme Claire BIADATTI-BERTIN, présidente,

et M. Renaud DELOFFRE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 04 juillet 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe MELIN, président a signé la minute avec Mme Nathalie LÉPEINGLE, greffier.

*

* *

DECISION

La [7] ([8]) de l'Oise a procédé à un contrôle de facturation des actes infirmiers de M. [I], infirmier libéral, sur la période courant du 1er janvier au 31 décembre 2018, à l'issue duquel plusieurs anomalies ont été constatées pour un montant total de 90 656,22 euros.

Le 27 novembre 2020, la caisse a notifié à M. [I] l'engagement d'une procédure de pénalité financière pouvant s'élever à la somme de 45 328,11 euros en raison des anomalies détectées au cours du contrôle de facturation.

Ce courrier précisait également que l'infirmier pouvait formuler des observations, ce qu'il a fait par mail du 23 décembre 2020.

Le directeur de la [9] a saisi les membres de la commission des pénalités, lesquels se sont réunis le 20 janvier 2021 et ont reconnu que le comportement de M. [I] était manifestement fautif, ce qui justifiait une pénalité arrondie à 40 000 euros.

Par courrier du 26 février 2021, la [9] a notifié à l'infirmier la pénalité financière de 40 000 euros.

Par jugement rendu le 10 février 2022, le tribunal judiciaire de Senlis a prononcé la liquidation judiciaire de M. [I] et a désigné la SCP [5] en qualité de liquidateur judiciaire.

Contestant la pénalité financière, M. [I] a saisi, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 26 avril 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais lequel, après avoir été informé par la caisse le 5 octobre 2022 de sa liquidation judiciaire, a renvoyé l'affaire pour appeler en la cause la SCP [5].

Alors que le tribunal judiciaire de Senlis a, par jugement du 16 mars 2023, prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de M. [I] pour insuffisance d'actif, l'action en contestation de la pénalité financière a été retenue le même jour à l'audience du pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais, à laquelle ni le liquidateur judiciaire ni M. [I], régulièrement convoqués, n'ont comparu.

Par jugement du 27 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Beauvais, relevant qu'il n'était saisi d'aucun moyen de contestation quant à la pénalité financière, a :

condamné M. [I], en sa qualité d'infirmier libéral, représenté par la SCP [5], en qualité de liquidateur, à verser à la caisse la somme de 40 000 euros au titre de la pénalité financière prononcée le 26 février 2021 par le directeur de l'organisme social,

mis les dépens à la charge de M. [I], en sa qualité d'infirmier libéral, représenté par la SCP [5] en qualité de liquidateur.

M. [I] a relevé appel de cette décision le 4 août 2023, suite à la notification intervenue le 3 août précédent.

Après un renvoi lors de l'audience du 17 octobre 2024, les parties ont été convoquées à l'audience du 22 avril 2025.

Par conclusions visées par le greffe le 22 avril 2025 et développées oralement par son conseil lors de l'audience, M. [I], appelant, demande à la cour de :

à titre principal, dire que le jugement est réputé non avenu dans ses rapports avec la caisse et la SCP [5] en qualité de liquidateur,

dire n'y avoir lieu à statuer sur son appel à l'encontre de la caisse,

subsidiairement, au fond, infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

débouter la caisse de toutes ses prétentions,

condamner la caisse à la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il subit en raison de l'abus de droit d'ester de la caisse,

condamner la caisse aux dépens et à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il explique qu'il est interdit à un créancier de poursuivre une action en paiement à l'encontre d'un débiteur placé sous la protection du juge de la faillite ; en dépit de cet état du droit, et alors que l'instance en cours, interrompue par l'effet du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Senlis le 20 octobre 2022 qui, renonçant à la procédure de liquidation judiciaire simplifiée, a fait application des règles de la liquidation judiciaire du régime général, n'aurait donc dû être reprise que sur justification d'une déclaration de créance, la caisse a maintenu sa demande de condamnation.

Il précise qu'il n'y a jamais eu de déclaration de créance au passif, que l'instance qui a été interrompue par l'effet du jugement du 20 octobre 2022 ne pouvait être reprise, que le tribunal devait statuer sur l'interruption de l'instance.

Il soutient que la règle de l'arrêt des poursuites individuelles pendantes au jour du jugement d'ouverture d'une procédure collective constitue une fin de non-recevoir dont le caractère d'ordre public impose au juge de la relever d'office.

L'infirmier précise également que jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire, tous les créanciers antérieurs, qu'ils aient ou non déclaré leur créance, perdent l'exercice individuel de leur action en paiement contre le débiteur.

Par conclusions visées par le greffe le 22 avril 2025 et soutenues oralement lors de l'audience par son représentant, la [9], intimée, demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Elle soutient que si, par principe, les créanciers ne recouvrent pas leurs droits de poursuite individuelle à l'encontre du débiteur, il existe des exceptions, notamment dans le cas où l'organisme de sécurité sociale a prononcé une pénalité.

S'agissant de la pénalité financière, elle précise que l'infirmier n'en a jamais contesté ni le bien-fondé ni le quantum, que les faits reprochés relèvent bien d'une pénalité financière, et que le montant correspond à celui prévu par les textes.

Concernant la demande de dommages-intérêts, elle indique que c'est l'infirmer qui a pris l'initiative de saisir le tribunal puis la cour, et que celui-ci ne subit aucun préjudice.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

Sur l'action en paiement de la pénalité financière

Aux termes de l'article L. 640-2 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, la procédure de liquidation judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale, artisanale ou une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé.

Selon l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

L'article L. 622-24 du code de commerce fait obligation, à partir de la publication du jugement d'ouverture, à tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, d'adresser leur déclaration de créance au mandataire judiciaire dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC.

Selon l'article L. 622-26 du même code, à défaut de déclaration dans le délai imparti, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions des dividendes, à moins que le juge-commissaire ne les relève de la forclusion encourue. Les créances antérieures non déclarées régulièrement dans le délai sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan.

En effet si, avant la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, le défaut de déclaration d'une créance au passif du débiteur en procédure collective entraînait son extinction, depuis cette loi, la créance est inopposable à la procédure.

L'article L. 643-11 du code de commerce prévoit que : « I. - Le jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. Il est fait exception à cette règle :

1° Pour les actions portant sur des biens acquis au titre d'une succession ouverte pendant la procédure de liquidation judiciaire ;

2° Lorsque la créance trouve son origine dans une infraction pour laquelle la culpabilité du débiteur a été établie ou lorsqu'elle porte sur des droits attachés à la personne du créancier ;

3° Lorsque la créance a pour origine des man'uvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale mentionnés à l'article L. 114-12 du code de la sécurité sociale. L'origine frauduleuse de la créance est établie soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L. 114-17, L. 114-17-1 et L. 114-17-2 du même code. [']

IV. - En outre, en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier à l'encontre du débiteur. Le tribunal statue lors de la clôture de la procédure après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur et les contrôleurs. Il peut statuer postérieurement à celle-ci, à la demande de tout intéressé, dans les mêmes conditions.

V. - Les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu'ils disposent déjà d'un tel titre, sans avoir fait constater qu'ils remplissent les conditions prévues au présent article. Le président du tribunal, saisi à cette fin, statue par ordonnance.

Les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en 'uvre dans les conditions du droit commun ».

Aux termes de l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, relevant de la section 2 relative aux contrôles et à la lutte contre la fraude, peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, les professionnels de santé, ou toute autre personne physique ou morale autorisée à dispenser des soins.

M. [I] fait essentiellement valoir que :

il n'y a jamais eu de déclaration de créance au passif, la requête aux fins de relevé de forclusion a été rejetée,

le tribunal devait relever l'interruption de l'instance, faute de déclaration de la créance au passif,

l'instance en cours doit aboutir à l'inopposabilité de la créance concernée à la procédure collective et ne peut entraîner une condamnation à paiement,

l'action en justice introduite avant ou pendant la procédure est frappée d'interdit et ne peut être sauvée après la procédure.

La caisse indique qu'en application de l'article L. 643-11 du code du commerce, elle a prononcé une sanction, et se trouve parfaitement fondée à solliciter la condamnation de M. [I] à lui payer la pénalité financière de 40 000 euros.

A la lecture des pièces du dossier, la cour constate que :

par jugement rendu le 10 février 2022, le tribunal judiciaire de Senlis a prononcé la liquidation judiciaire de M. [I] et a désigné la SCP [5] en qualité de liquidateur judiciaire,

le 6 octobre 2022, la [9] a déclaré sa créance à hauteur de 130 656,22 euros, dont 90 656,22 euros au titre de l'indu et 40 000 euros au titre de la pénalité financière, et déposé au même moment une requête en relevé de forclusion, arguant qu'elle n'avait pas été avisée de l'ouverture de la liquidation judiciaire,

par ordonnance du 15 décembre 2022, le juge commissaire a déclaré irrecevable la requête en relevé de forclusion, constatant que la [9] était hors délai pour agir,

par jugement du 16 mars 2023, le tribunal judiciaire de Senlis a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.

Avant même l'ouverture de la liquidation judiciaire, par courrier du 27 novembre 2020, la caisse avait notifié à l'infirmier les griefs susceptibles d'entraîner une pénalité financière par application de l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale et, par courrier du 26 février 2021, l'organisme lui avait notifié une pénalité financière de 40 000 euros.

M. [I] a contesté cette pénalité en saisissant le tribunal judiciaire de Beauvais par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 26 avril 2021.

Le 10 février 2022, suivant jugement rendu par le tribunal judiciaire de Senlis, une procédure de liquidation judiciaire simplifiée a été ouverte à l'égard de M. [I], un liquidateur a été désigné, et la caisse en a informé le pôle social du tribunal judiciaire Beauvais le 5 octobre 2022, lequel a renvoyé l'affaire pour mise en état et convocation du liquidateur judiciaire pris en la personne de la SCP [5].

Par jugement du 20 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Senlis, renonçant à la procédure de liquidation judiciaire simplifiée, a jugé qu'il serait fait application des règles de la liquidation judiciaire du régime général.

Les parties ont ensuite été convoquées à l'audience du 16 mars 2023 devant le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais tandis que, le même jour, le tribunal judiciaire de Senlis a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de M. [I] pour insuffisance d'actif.

Selon l'infirmier, le premier juge devait relever l'interruption de l'instance, dans la mesure où la caisse n'avait pas valablement déclaré sa créance au passif, quand bien même le liquidateur avait bien été appelé en la cause par la juridiction.

Or, d'une part, si l'article L. 622-21 précité prévoit que le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance est née antérieurement à ce jugement, il reste qu'aucune action n'a été ici introduite par le créancier, M. [I] débiteur étant à l'origine de la saisine du tribunal.

En effet, il ressort de ces dispositions qu'il n'y a aucune interruption à l'égard des instances pour lesquelles le débiteur, placé en procédure collective, est demandeur.

D'autre part, s'il résulte des dispositions de l'article L. 622-22 que la juridiction saisie au fond d'une demande tendant au paiement d'une somme d'argent doit, lorsqu'elle relève qu'au cours de l'instance, une procédure collective a été ouverte à l'égard du défendeur, constater l'interruption de cette instance jusqu'à ce que le créancier demandeur la reprenne en justifiant de sa déclaration de créance et de la mise en cause du mandataire judiciaire et, qu'en application de l'article 372 du code de procédure civile, un jugement qui aurait été rendu sans que les organes de la procédure collective n'aient été appelés en la cause serait non avenu de sorte que, selon l'infirmier, le tribunal ne serait pas dessaisi et qu'il n'y aurait pas lieu de statuer sur l'appel, il reste que le demandeur n'est pas le créancier.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelant, le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Beauvais ne saurait être réputé non avenu et il convient de statuer sur l'appel.

En outre, l'article L. 643-11 précité dispose que lorsque la créance a pour origine des man'uvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale mentionnés à l'article L. 114-12 du code de la sécurité sociale, les créanciers peuvent recouvrer l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur.

La procédure prévue au IV de l'article L. 643-11 ne trouve pas à s'appliquer ici dès lors que l'origine frauduleuse de la créance est établie par la sanction prononcée par l'organisme de sécurité sociale.

Enfin, l'article L. 643-11 V, prévoit que les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en 'uvre dans les conditions du droit commun.

En l'espèce, l'origine frauduleuse de la créance est ici établie par une pénalité financière prononcée par la [9] le 26 février 2021 à l'égard de M. [I], conformément aux dispositions des articles L. 114-17-1 et R. 147-2 du code de la sécurité sociale.

Il s'ensuit qu'en dépit de l'inopposabilité à la procédure collective de la créance non déclarée par la caisse, celle-ci recouvre l'exercice individuel de son action en paiement de la pénalité financière contre l'infirmier après le jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.

La [9] étant recevable à réclamer la condamnation de M. [I] au paiement de la pénalité financière de 40 000 euros, il convient d'apprécier le bien-fondé de cette dernière.

Sur la pénalité financière

Aux termes de l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale modifié par l'ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019, dans sa version applicable au litige,

« I. - Peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, de la caisse mentionnée à l'article L. 215-1 ou L. 215-3 ou de l'organisme local chargé de verser les prestations au titre des assurances obligatoires contre les accidents de travail et les maladies professionnelles des professions agricoles : [']

3° Les professionnels et établissement de santé, ou toute autre personne physique ou morale autorisée à dispenser des soins, à réaliser une prestation de service ou des analyses de biologie médicale ou à délivrer des produits ou dispositifs médicaux aux bénéficiaires mentionnés au 1° ; [']

II. -La pénalité mentionnée au I est due pour :

1° Toute inobservation des règles du présent code, du code de la santé publiques, du code rural et de la pêche maritime ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie, sauf en cas de bonne foi de la personne concernée ; [']

III. - Le montant de la pénalité mentionnée au I est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés, soit proportionnellement aux sommes concernées dans la limite de 70 % de celles-ci, soit, à défaut de sommes déterminées ou clairement déterminables, réserve faite de l'application de l'article L. 162-1-14-2, forfaitairement dans la limite de quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. [']

En cas de man'uvre frauduleuse ou de fausse déclaration, le montant de la pénalité ne peut être inférieur au montant des sommes concernées, majoré d'une pénalité dont le montant est fixé dans la limite de quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. [']

V. - La pénalité ne peut être prononcée qu'après avis d'une commission composée et constituée au sein du conseil ou du conseil d'administration de l'organisme local d'assurance maladie, de la caisse mentionnée à l'article L. 215-1 ou L. 215-3 ou de l'organisme local chargé de verser les prestations au titre des assurances obligatoires contre les accidents de travail et les maladies professionnelles des professions agricoles. Lorsqu'est en cause l'une des personnes mentionnées au 3° du I, des représentants de la même profession ou des établissements concernés participent à cette commission.

La commission mentionnée au premier alinéa du présent V apprécie la responsabilité de la personne physique ou morale dans la réalisation des faits reprochés. Si elle l'estime établie, elle propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant.

L'avis de la commission est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé. ['] »

En application de l'article R. 147-8 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, peuvent faire l'objet d'une pénalité financière les professionnels de santé libéraux :

ayant obtenu ou tenté d'obtenir, pour eux-mêmes ou pour un tiers, le versement d'une somme ou le bénéfice d'un avantage injustifié en ayant notamment présenté ou permis de présenter au remboursement des actes ou prestations non réalisés ou des produits ou matériels non délivrés,

n'ayant pas respecté les conditions de prise en charge des actes produits ou prestations soumis au remboursement dans les cas notamment d'un non-respect des conditions de prise en charge ou prescription prévues lors de l'inscription au remboursement par l'assurance maladie des actes, produits ou prestations,

n'ayant pas respecté, de manière répétée, des formalités administratives, notamment les formalités relatives aux modalités de présentation des documents auxquels sont subordonnés la constatation des soins et l'ouverture du droit aux prestations de l'assurance maladie.

Selon l'article R. 147-8-1 du même code, la pénalité est fixée en fonction de la gravité des faits reprochés à un montant maximal de 50 % de l'indu.

Il appartient au juge saisi d'un recours formé contre la pénalité prononcée de vérifier la matérialité, la qualification et la gravité des faits reprochés à la personne concernée ainsi que l'adéquation du montant de la pénalité à l'importance de l'infraction commisse par cette dernière.

Enfin, la pénalité financière est indépendante de la validité de l'indu de sorte qu'il importe peu qu'une décision définitive ait été rendue concernant la contestation de l'indu.

M. [I] conteste la pénalité financière et invoque à ce titre le fait qu'il n'a jamais été établi qu'il présentait des remboursements d'actes ou de prestations non réalisés, qu'il a simplement appliqué une mauvaise cotation et qu'il n'a jamais auparavant commis aucune faute.

En l'espèce, la caisse a effectué un contrôle sur la facturation présentée au remboursement par M. [I] sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2018, ces vérifications concernant 244 prescriptions.

Un constat d'anomalie a été transmis à l'infirmier le 15 octobre 2020 ; un entretien a eu lieu à sa demande le 5 novembre 2020 afin qu'il puisse apporter toutes observations.

Ses remarques n'ayant pas modifié l'appréciation du dossier par la caisse, celle-ci lui a notifié, par courrier du 27 novembre 2020, les griefs susceptibles d'entraîner une pénalité financière, joignant un tableau récapitulatif des anomalies constatées. La caisse lui a précisé que le préjudice s'élevait à un montant total de 90 656,22 euros et que les manquements constatés pouvaient aboutir à une sanction financière d'un montant maximum de 45 328,11 euros.

Le 20 janvier 2021, après s'être réunie pour examiner le dossier de M. [I], la commission des pénalités en a conclu en substance que :

les pièces adressées par l'infirmier le 23 décembre 2020 n'avaient pas permis de justifier de l'ensemble des facturations,

M. [I] avait déjà fait l'objet d'une notification de la [6] ([10]) de la [12] en 2017 d'un montant de 3 685,32 euros sur la base des mêmes anomalies,

les griefs retenus relevaient bien des dispositions de l'article R. 147-8 du code de la sécurité sociale,

ses membres avaient estimé à l'unanimité que le comportement de M. [I] était manifestement fautif ce qui justifiait une pénalité financière de 40 000 euros.

Au terme de la notification du 26 février 2021, la pénalité financière prononcée est fondée sur :

le non-respect de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) : erreur de cotation et sur-cotation,

des anomalies de prescription : facturation d'actes non prescrits, non-respect de la prescription, prescription hors délai, absence de prescription, et prescription non conforme.

La cour retient qu'en l'espèce, le montant maximal de la pénalité financière pouvait s'élever à la somme de 45 328,11 euros, que l'infirmier a pu formuler toutes observations avant la saisine de la commission des pénalités, mais que la sanction a néanmoins été maintenue en considération des anomalies de prescription.

Le tableau récapitulatif de la caisse relève, pour chaque patient, la date de réalisation des soins, la cotation retenue par l'infirmier, le montant remboursé à ce dernier, le montant qui aurait dû être remboursé par l'organisme, le montant du préjudice occasionné, ainsi que les griefs retenus.

Enfin, la commission des pénalités a, après analyse complète du dossier, retenu à l'unanimité le comportement fautif de M. [I].

Il s'ensuit que M. [I] a bénéficié de remboursements injustifiés et méconnu les règles du code de la sécurité sociale, en commettant des man'uvres frauduleuses et négligeant la [11].

Par conséquent, la pénalité financière prononcée par la caisse est bien fondée, et son montant est justifié.

Le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts

M. [I] sollicite la condamnation de la caisse au paiement de la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi en raison de l'abus de droit de la caisse d'ester en justice.

Il soutient qu'outre la liquidation judiciaire qu'il a subie, la caisse a maintenu sa condamnation au paiement de la pénalité financière litigieuse, et ce au mépris de l'ordre public économique et de la décision de rejet de relevé de forclusion.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'article 9 du code de procédure civile précise qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

La cour constate que M. [I], qui n'avait pas informé la caisse de l'ouverture de sa liquidation judiciaire, et qui a pris l'initiative de saisir le tribunal judiciaire d'une action en contestation, est mal fondé à soulever l'abus du droit d'agir de la caisse, alors qu'il succombe en ses prétentions, et ne justifie nullement du principe même du préjudice moral qu'il allègue.

La cour le déboute de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La solution du litige conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et, statuant à nouveau, à condamner M. [I] aux dépens d'appel, et de le débouter de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 27 juillet 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais,

Y ajoutant,

Déboute M. [C] [I] de sa demande de dommages et intérêts,

Rejette les plus amples prétentions des parties,

Condamne M. [C] [I] aux dépens d'appel,

Déboute M. [C] [I] de sa demande formulée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site