CA Versailles, ch. com. 3-2, 22 juillet 2025, n° 24/06241
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4AF
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 22 JUILLET 2025
N° RG 24/06241 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WYSW
AFFAIRE :
S.A.S.U. ASASP PREVENTION & SECURITY
C/
URSSAF
LE PROCUREUR GENERAL
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Septembre 2024 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
N° chambre : 8
N° RG : 2024P00975
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Christelle APAIRE
Me Christophe DEBRAY
PG
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A.S.U. ASASP PREVENTION & SECURITY représentée par son Président en exercice, Madame [X] [E], domiciliée en cette qualité audit siège, habilité à l'effet des présentes et de ses suites
Ayant son siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Christelle APAIRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 381 -
Plaidant : Me Sophia KERBAA substituée par Me Aurélie BENOIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G630
****************
INTIMES :
LE PROCUREUR GENERAL
POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 5]
[Localité 6]
UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES - URSSAF IDF
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 9]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 25013
S.E.L.A.R.L. [I] mission conduite par Me [F] [B] [I] [Adresse 2], liquidateur judiciaire, ayant seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, avec mission d'établir dans le mois de sa désignation, conformément aux dispositions de l'article L.641-2 du code de commerce, un rapport sur la situation du débiteu
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
Défaillant - déclaration d'appel signifiée à personne morale
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Février 2025, Madame Gwenael COUGARD, conseillère ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN
En la présence du Ministère Public, représenté par Madame Anne CHEVALIER, Avocat Général dont l'avis du 22 janvier 2025 a été transmis le même jour au greffe par la voie électronique.
EXPOSE DU LITIGE
Le 1er août 2024, l'URSSAF d'Ile de France a assigné la société Asasp Prévention & Security devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de voir ouvrir à son égard une procédure collective.
Le 11 septembre 2024, par jugement réputé contradictoire, ce tribunal a :
- ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société Asasp Prévention & Security ;
- désigné la SELARL [I], mission conduite par M. [B] [I], liquidateur judiciaire;
- fixé provisoirement au 12 mars 2023 la date de cessation des paiements compte tenu de l'ancienneté de la dette URSSAF.
Le 27 septembre 2024, la société ASASP Prévention & Security a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.
Par dernières conclusions du 17 décembre 2024, elle demande à la cour de :
- déclarer recevables et bien fondées ses demandes, fins et conclusions ;
- infirmer / réformer le jugement du 11 septembre 2024 en tous ses chefs de disposition ;
Et statuant de nouveau :
- infirmer / réformer le jugement du 11 septembre 2024 et par révocation ;
- juger qu'elle justifie d'une exploitation effective d'activité depuis près de neuf années, générant un chiffre d'affaires stable et en évolution, ce qui contribue à sa pérennité ;
- juger qu'elle justifie qu'elle est en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ;
- juger qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements, en application de l'article L.631-1 du code de commerce ;
- juger qu'elle est en mesure de se redresser malgré ses dettes Urssaf de sorte que les dispositions de l'article L. 640-1 du code de commerce ne sont pas réunies pour prononcer sa liquidation judiciaire ;
En conséquence,
- infirmer le jugement attaqué,
- juger qu'il n'y a pas lieu à l'ouverture de sa procédure de liquidation judiciaire, les conditions de l'article L. 640-1 du code de commerce ne sont pas réunies en l'espèce ;
En conséquence,
- débouter l'Urssaf d'Ile de France de sa demande de la placer en liquidation judiciaire ainsi que de l'ensemble de ses demandes dirigées contre elle ;
- enjoindre/inviter l'Urssaf d'Ile de France à mettre place un échéancier avec elle afin de payer la créance réclamée.
La déclaration d'appel a été signifiée à la société de Keating le 17 octobre 2024 par remise à personne morale.
Les conclusions lui ont été signifiées le 3 janvier 2025 par remise à personne morale.
Celle-ci n'a pas constitué avocat.
Le 22 janvier 2025, le ministère public a émis un avis tendant à ce que la cour confirme le jugement entrepris en tous points.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 février 2025.
Par conclusions du 21 février 2025, l'URSSAF a conclu et demande à la cour de :
ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture
prononcer la nullité de l'acte de signification des conclusions, délivré le 3 janvier 2025 à l'URSSAF, sans précision de l'avocat constitué devant la cour et du délai requis pour conclure,
prononcer par voie de conséquence la caducité de l'appel au visa des dispositions des articles 906-2 et 911 du code de procédure civile,
subsidiairement,
confirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions,
en tout état de cause, débouter la société Asasp Prevention & Security de l'ensemble de ses demandes,
condamner la société Asasp Prevention & Security aux entiers dépens qui seront recouvrés en frais privilégiés de procédure collective.
Le 17 février 2025, la société Asasp Prevention & Security a notifié de nouvelles conclusions dont le dispositif est identique à celui des précédentes.
Le 24 février 2025, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture, accueilli les dernières conclusions des parties et rendu une nouvelle ordonnance de clôture.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
1 - Sur la nullité de l'acte de signification du 3 janvier 2025
Au soutien de sa demande d'annulation de l'acte de signification des conclusions de la société Asasp Prevention & Security qui lui a été délivré le 3 janvier 2025, l'URSSAF avance que cet acte délivré ne comporte pas la constitution l'avocat de l'appelante ni aucune mention du délai prévu à l'article 906-2 du code de procédure civile, ce qui caractérise une atteinte aux droits de sa défense emportant une nullité de fond.
La société Asasp Prevention & Security fait valoir que la déclaration d'appel signifiée à l'URSSAF contient une constitution d'avocat et l'avis de fixation à bref délai du 7 octobre 2024.
Réponse de la cour
L'article 899 du code de procédure civile prévoit que « les parties sont tenues, sauf dispositions contraires, de constituer avocat ». Le défaut de constitution d'avocat de la part de l'appelant entraîne la nullité de la déclaration d'appel pour vice de fond.
La constitution d'avocat n'est soumise à aucun formalisme particulier : elle résulte suffisamment des mentions figurant sur la déclaration d'appel.
La cour constate que la déclaration d'appel du 27 septembre 2024 comporte une constitution d'avocat et que, par exploit du 16 octobre 2024, l'appelante l'a signifiée à l'URSSAF ; qu'aucun de ces actes de procédure n'est critiqué par l'intimée. L'exploit du 3 janvier 2025 n'avait pas donc pas à contenir une telle constitution.
Selon l'article 906-2 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe.
La mention de ce délai doit figurer à l'acte de notification ou de signification de ces conclusions, mais aucun texte ne sanctionne son absence.
Si l'URSSAF soutient en substance que la mention d'un délai pour conclure à l'acte de signification des conclusions de l'appelante à l'intimé non constitué constitue une formalité substantielle au sens de l'article 114 du code de procédure civile et que l'absence d'une telle mention à l'exploit du 3 janvier 2025 a porté atteinte à son droit de se défendre, elle avait déjà connaissance de l'existence d'une procédure à bref délai, l'avis de fixation lui ayant été signifié le 16 octobre 2024, et a été en mesure de conclure au fond, de sorte qu'elle ne subit aucun grief lié à cette prétendue irrégularité.
Il n'y a donc pas lieu d'annuler l'acte de signification du 3 janvier 2025.
La demande de prononcé de la caducité de la déclaration d'appel présentée par voie de conséquence sur le fondement de l'article 906-1 du code de procédure civile ne peut donc qu'être écartée.
2- Sur la liquidation judiciaire
La société Asasp Prevention & Security soutient qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements, son actif disponible lui permettant de faire face à son passif exigible.
Elle précise que les difficultés rencontrées résultent notamment de la perte d'un client, la société Go Sport qui a été placée en redressement, puis en liquidation judiciaire. Toutefois, selon elle, sa situation n'est pas irrémédiablement compromise, son chiffre d'affaires pour 2023 étant de 382 036 euros.
Afin d'apurer sa dette URSSAF, elle sollicite la mise en place d'un échéancier, ce qui lui permettra également de redresser sa situation économique.
L'URSSAF soutient quant à elle que le chiffre d'affaires ne correspond pas au bénéfice net et que les deux saisies-attributions pratiquées se sont révélées infructueuses.
Elle précise qu'au 15 décembre 2024, sa créance était de 102 970,75 euros et qu'elle n'a reçu aucune proposition d'apurement. Elle soutient encore que sa créance trouve son origine dans quatre exercices comptables et qu'il est donc fort probable que la société Asasp Prevention & Security soit débitrice à l'égard d'autres sociétés.
Réponse de la cour
Selon les articles L. 640-1 et L. 640-2 du code de commerce, la liquidation judiciaire est une procédure collective ouverte à toute personne morale exerçant une activité commerciale en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
A- Sur l'état de cessation des paiements
L'article L. 631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme la situation dans laquelle le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible.
En cas d'appel, l'état de cessation des paiements est apprécié par la cour au jour où elle statue.
Sur le passif, la cour constate que, suivant décompte établi le 15 décembre 2024, la société Asasp Prévention & Sécurité est débitrice de 102 970,75 euros à l'égard de l'Urssaf, dont 25 569,83 euros au titre des parts salariales.
Le bilan détaillé de la société Asasp Prévention & Sécurité au 6 décembre 2024 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2023 laisse également apparaitre une "caisse" débitrice de 1 296 euros.
Sur l'actif, le bilan de la société Asasp Prévention & Sécurité justifie d'un actif de 265 139 euros se décomposant comme suit :
- 940 euros au titre des immobilisations financières, sans autre précision,
- 258 988 euros au titre de créances clients dont les factures sont établies, comptabilisées dans le chiffre d'affaires, mais pas encore encaissées.
La cour rappelle que l'actif disponible représente l'actif réalisable immédiatement, auquel on peut assimiler celui qui est réalisable à très court terme.
Or, certaines des créances (Arsike pour 14 114 euros ; Go Sport pour 27 287 euros et Greenyellow pour 241 euros) figuraient déjà dans le bilan 2023 au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2022, de sorte que ces créances ne peuvent pas être considérées comme un actif disponible.
Pour ce qui est des autres créances clients, la société Asasp Prévention & Sécurité ne verse aucun élément permettant à la cour de s'assurer qu'elles sont réalisables à très court terme.
Par ailleurs, la créance que détient la société Asasp Prévention & Sécurité sur la société Go Sport France de 156 338 euros n'est pas réalisable à très court terme, cette dernière ayant été placée en redressement, puis en liquidation judiciaire, le conseil de la société Asasp Prévention & Sécurité sollicitant son paiement depuis le 20 octobre 2023, en vain.
Au surplus, la cour constate que le bilan détaillé au 6 décembre 2024 fait apparaitre un déficit de 46 251 euros.
Au 16 septembre 2024, la société Asasp Prévention & Sécurité employait 32 salariés, ce qui représentait une masse salariale conséquente.
La société appelante n'a pas versé aux débats ses relevés bancaires.
Par conséquent, il résulte de tout ce qui précède que la société Asasp Prévention & Sécurité est à ce jour en état de cessation des paiements.
B- Sur le redressement manifestement impossible
Si la société Asasp Prévention & Sécurité indique dans ses conclusions avoir perdu l'un de ses principaux clients, la société Go Sport France, ce qui a eu un impact négatif sur saa trésorerie, il ressort des pièces produites que depuis 2021, le bénéfice qu'elle a réalisé n'a cessé de s'effondrer, passant de 30 957 euros en 2021, 4 222 euros en 2022 et à une perte de 46 251 euros en 2023.
La société appelante ne verse aux débats aucun contrat, relevé de compte, ou tout autre élément factuel relatif à des relations contractuelles poursuivies avec un tiers.
Aucun échéancier ne lui a été accordé par l'URSSAF.
Le redressement étant ainsi manifestement impossible, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
3 - Sur les demandes accessoires
L'appelant, qui succombe dans l'essentiel de ses prétentions, sera condamné aux dépens d'appel, qui seront passés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.
Il convient de débouter la société Asasp Prevention & Security au titre des frais non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt réputé contradictoire,
Déboute l'URSSAF Ile-de-France de ses demandes tendant à l'annulation de la signification du 3 janvier 2025 et au prononcé de la caducité de la déclaration d'appel ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire ;
Rejette la demande de la société Asasp Prévention & Sécurité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
DE
VERSAILLES
Code nac : 4AF
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 22 JUILLET 2025
N° RG 24/06241 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WYSW
AFFAIRE :
S.A.S.U. ASASP PREVENTION & SECURITY
C/
URSSAF
LE PROCUREUR GENERAL
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Septembre 2024 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
N° chambre : 8
N° RG : 2024P00975
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Christelle APAIRE
Me Christophe DEBRAY
PG
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A.S.U. ASASP PREVENTION & SECURITY représentée par son Président en exercice, Madame [X] [E], domiciliée en cette qualité audit siège, habilité à l'effet des présentes et de ses suites
Ayant son siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Christelle APAIRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 381 -
Plaidant : Me Sophia KERBAA substituée par Me Aurélie BENOIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G630
****************
INTIMES :
LE PROCUREUR GENERAL
POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 5]
[Localité 6]
UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES - URSSAF IDF
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 9]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 25013
S.E.L.A.R.L. [I] mission conduite par Me [F] [B] [I] [Adresse 2], liquidateur judiciaire, ayant seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, avec mission d'établir dans le mois de sa désignation, conformément aux dispositions de l'article L.641-2 du code de commerce, un rapport sur la situation du débiteu
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
Défaillant - déclaration d'appel signifiée à personne morale
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Février 2025, Madame Gwenael COUGARD, conseillère ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN
En la présence du Ministère Public, représenté par Madame Anne CHEVALIER, Avocat Général dont l'avis du 22 janvier 2025 a été transmis le même jour au greffe par la voie électronique.
EXPOSE DU LITIGE
Le 1er août 2024, l'URSSAF d'Ile de France a assigné la société Asasp Prévention & Security devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de voir ouvrir à son égard une procédure collective.
Le 11 septembre 2024, par jugement réputé contradictoire, ce tribunal a :
- ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société Asasp Prévention & Security ;
- désigné la SELARL [I], mission conduite par M. [B] [I], liquidateur judiciaire;
- fixé provisoirement au 12 mars 2023 la date de cessation des paiements compte tenu de l'ancienneté de la dette URSSAF.
Le 27 septembre 2024, la société ASASP Prévention & Security a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.
Par dernières conclusions du 17 décembre 2024, elle demande à la cour de :
- déclarer recevables et bien fondées ses demandes, fins et conclusions ;
- infirmer / réformer le jugement du 11 septembre 2024 en tous ses chefs de disposition ;
Et statuant de nouveau :
- infirmer / réformer le jugement du 11 septembre 2024 et par révocation ;
- juger qu'elle justifie d'une exploitation effective d'activité depuis près de neuf années, générant un chiffre d'affaires stable et en évolution, ce qui contribue à sa pérennité ;
- juger qu'elle justifie qu'elle est en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ;
- juger qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements, en application de l'article L.631-1 du code de commerce ;
- juger qu'elle est en mesure de se redresser malgré ses dettes Urssaf de sorte que les dispositions de l'article L. 640-1 du code de commerce ne sont pas réunies pour prononcer sa liquidation judiciaire ;
En conséquence,
- infirmer le jugement attaqué,
- juger qu'il n'y a pas lieu à l'ouverture de sa procédure de liquidation judiciaire, les conditions de l'article L. 640-1 du code de commerce ne sont pas réunies en l'espèce ;
En conséquence,
- débouter l'Urssaf d'Ile de France de sa demande de la placer en liquidation judiciaire ainsi que de l'ensemble de ses demandes dirigées contre elle ;
- enjoindre/inviter l'Urssaf d'Ile de France à mettre place un échéancier avec elle afin de payer la créance réclamée.
La déclaration d'appel a été signifiée à la société de Keating le 17 octobre 2024 par remise à personne morale.
Les conclusions lui ont été signifiées le 3 janvier 2025 par remise à personne morale.
Celle-ci n'a pas constitué avocat.
Le 22 janvier 2025, le ministère public a émis un avis tendant à ce que la cour confirme le jugement entrepris en tous points.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 février 2025.
Par conclusions du 21 février 2025, l'URSSAF a conclu et demande à la cour de :
ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture
prononcer la nullité de l'acte de signification des conclusions, délivré le 3 janvier 2025 à l'URSSAF, sans précision de l'avocat constitué devant la cour et du délai requis pour conclure,
prononcer par voie de conséquence la caducité de l'appel au visa des dispositions des articles 906-2 et 911 du code de procédure civile,
subsidiairement,
confirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions,
en tout état de cause, débouter la société Asasp Prevention & Security de l'ensemble de ses demandes,
condamner la société Asasp Prevention & Security aux entiers dépens qui seront recouvrés en frais privilégiés de procédure collective.
Le 17 février 2025, la société Asasp Prevention & Security a notifié de nouvelles conclusions dont le dispositif est identique à celui des précédentes.
Le 24 février 2025, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture, accueilli les dernières conclusions des parties et rendu une nouvelle ordonnance de clôture.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
1 - Sur la nullité de l'acte de signification du 3 janvier 2025
Au soutien de sa demande d'annulation de l'acte de signification des conclusions de la société Asasp Prevention & Security qui lui a été délivré le 3 janvier 2025, l'URSSAF avance que cet acte délivré ne comporte pas la constitution l'avocat de l'appelante ni aucune mention du délai prévu à l'article 906-2 du code de procédure civile, ce qui caractérise une atteinte aux droits de sa défense emportant une nullité de fond.
La société Asasp Prevention & Security fait valoir que la déclaration d'appel signifiée à l'URSSAF contient une constitution d'avocat et l'avis de fixation à bref délai du 7 octobre 2024.
Réponse de la cour
L'article 899 du code de procédure civile prévoit que « les parties sont tenues, sauf dispositions contraires, de constituer avocat ». Le défaut de constitution d'avocat de la part de l'appelant entraîne la nullité de la déclaration d'appel pour vice de fond.
La constitution d'avocat n'est soumise à aucun formalisme particulier : elle résulte suffisamment des mentions figurant sur la déclaration d'appel.
La cour constate que la déclaration d'appel du 27 septembre 2024 comporte une constitution d'avocat et que, par exploit du 16 octobre 2024, l'appelante l'a signifiée à l'URSSAF ; qu'aucun de ces actes de procédure n'est critiqué par l'intimée. L'exploit du 3 janvier 2025 n'avait pas donc pas à contenir une telle constitution.
Selon l'article 906-2 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe.
La mention de ce délai doit figurer à l'acte de notification ou de signification de ces conclusions, mais aucun texte ne sanctionne son absence.
Si l'URSSAF soutient en substance que la mention d'un délai pour conclure à l'acte de signification des conclusions de l'appelante à l'intimé non constitué constitue une formalité substantielle au sens de l'article 114 du code de procédure civile et que l'absence d'une telle mention à l'exploit du 3 janvier 2025 a porté atteinte à son droit de se défendre, elle avait déjà connaissance de l'existence d'une procédure à bref délai, l'avis de fixation lui ayant été signifié le 16 octobre 2024, et a été en mesure de conclure au fond, de sorte qu'elle ne subit aucun grief lié à cette prétendue irrégularité.
Il n'y a donc pas lieu d'annuler l'acte de signification du 3 janvier 2025.
La demande de prononcé de la caducité de la déclaration d'appel présentée par voie de conséquence sur le fondement de l'article 906-1 du code de procédure civile ne peut donc qu'être écartée.
2- Sur la liquidation judiciaire
La société Asasp Prevention & Security soutient qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements, son actif disponible lui permettant de faire face à son passif exigible.
Elle précise que les difficultés rencontrées résultent notamment de la perte d'un client, la société Go Sport qui a été placée en redressement, puis en liquidation judiciaire. Toutefois, selon elle, sa situation n'est pas irrémédiablement compromise, son chiffre d'affaires pour 2023 étant de 382 036 euros.
Afin d'apurer sa dette URSSAF, elle sollicite la mise en place d'un échéancier, ce qui lui permettra également de redresser sa situation économique.
L'URSSAF soutient quant à elle que le chiffre d'affaires ne correspond pas au bénéfice net et que les deux saisies-attributions pratiquées se sont révélées infructueuses.
Elle précise qu'au 15 décembre 2024, sa créance était de 102 970,75 euros et qu'elle n'a reçu aucune proposition d'apurement. Elle soutient encore que sa créance trouve son origine dans quatre exercices comptables et qu'il est donc fort probable que la société Asasp Prevention & Security soit débitrice à l'égard d'autres sociétés.
Réponse de la cour
Selon les articles L. 640-1 et L. 640-2 du code de commerce, la liquidation judiciaire est une procédure collective ouverte à toute personne morale exerçant une activité commerciale en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
A- Sur l'état de cessation des paiements
L'article L. 631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme la situation dans laquelle le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible.
En cas d'appel, l'état de cessation des paiements est apprécié par la cour au jour où elle statue.
Sur le passif, la cour constate que, suivant décompte établi le 15 décembre 2024, la société Asasp Prévention & Sécurité est débitrice de 102 970,75 euros à l'égard de l'Urssaf, dont 25 569,83 euros au titre des parts salariales.
Le bilan détaillé de la société Asasp Prévention & Sécurité au 6 décembre 2024 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2023 laisse également apparaitre une "caisse" débitrice de 1 296 euros.
Sur l'actif, le bilan de la société Asasp Prévention & Sécurité justifie d'un actif de 265 139 euros se décomposant comme suit :
- 940 euros au titre des immobilisations financières, sans autre précision,
- 258 988 euros au titre de créances clients dont les factures sont établies, comptabilisées dans le chiffre d'affaires, mais pas encore encaissées.
La cour rappelle que l'actif disponible représente l'actif réalisable immédiatement, auquel on peut assimiler celui qui est réalisable à très court terme.
Or, certaines des créances (Arsike pour 14 114 euros ; Go Sport pour 27 287 euros et Greenyellow pour 241 euros) figuraient déjà dans le bilan 2023 au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2022, de sorte que ces créances ne peuvent pas être considérées comme un actif disponible.
Pour ce qui est des autres créances clients, la société Asasp Prévention & Sécurité ne verse aucun élément permettant à la cour de s'assurer qu'elles sont réalisables à très court terme.
Par ailleurs, la créance que détient la société Asasp Prévention & Sécurité sur la société Go Sport France de 156 338 euros n'est pas réalisable à très court terme, cette dernière ayant été placée en redressement, puis en liquidation judiciaire, le conseil de la société Asasp Prévention & Sécurité sollicitant son paiement depuis le 20 octobre 2023, en vain.
Au surplus, la cour constate que le bilan détaillé au 6 décembre 2024 fait apparaitre un déficit de 46 251 euros.
Au 16 septembre 2024, la société Asasp Prévention & Sécurité employait 32 salariés, ce qui représentait une masse salariale conséquente.
La société appelante n'a pas versé aux débats ses relevés bancaires.
Par conséquent, il résulte de tout ce qui précède que la société Asasp Prévention & Sécurité est à ce jour en état de cessation des paiements.
B- Sur le redressement manifestement impossible
Si la société Asasp Prévention & Sécurité indique dans ses conclusions avoir perdu l'un de ses principaux clients, la société Go Sport France, ce qui a eu un impact négatif sur saa trésorerie, il ressort des pièces produites que depuis 2021, le bénéfice qu'elle a réalisé n'a cessé de s'effondrer, passant de 30 957 euros en 2021, 4 222 euros en 2022 et à une perte de 46 251 euros en 2023.
La société appelante ne verse aux débats aucun contrat, relevé de compte, ou tout autre élément factuel relatif à des relations contractuelles poursuivies avec un tiers.
Aucun échéancier ne lui a été accordé par l'URSSAF.
Le redressement étant ainsi manifestement impossible, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
3 - Sur les demandes accessoires
L'appelant, qui succombe dans l'essentiel de ses prétentions, sera condamné aux dépens d'appel, qui seront passés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.
Il convient de débouter la société Asasp Prevention & Security au titre des frais non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt réputé contradictoire,
Déboute l'URSSAF Ile-de-France de ses demandes tendant à l'annulation de la signification du 3 janvier 2025 et au prononcé de la caducité de la déclaration d'appel ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire ;
Rejette la demande de la société Asasp Prévention & Sécurité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT