CA Versailles, ch. com. 3-2, 22 juillet 2025, n° 25/00298
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4IF
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 22 JUILLET 2025
N° RG 25/00298 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W6TP
AFFAIRE :
S.A.S. GALLDIS
société en liquidation
C/
S.A.S. C.S.F.
...
S.C.P. [N] [E]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Juin 2023 par le Tribunal de Commerce de Chartres
N° RG : 2022F01104
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Asma MZE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A.S. GALLDIS
[Adresse 9]
[Localité 6]
société en liquidation
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
Plaidant : Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0873 -
****************
INTIMES :
S.A.S. C.S.F.
Ayant son siège
[Adresse 10]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2371661
Plaidant : Me Pascal WILHELM de la SAS WILHELM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0024 -
Plaidant : Me Emilie DUMUR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0024
S.C.P. [N] [E]
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
Plaidant : Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0873 -
S.E.L.A.R.L. FHBX
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
Plaidant : Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0873 -
****************
PARTIE INTERVENANTE :
S.C.P. [N] [E] société civile profssionnelle, prise en la personne de Maître [N] [E], mandataire judiciaire désigné à la liquidation judiciaire de la SAS GALLDIS.
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
Plaidant : Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0873 -
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Mai 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ronan GUERLOT, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Le 25 novembre 2021, le tribunal de commerce de Chartres a placé en redressement judiciaire et désigné la SELARL FHBX en qualité d'administrateur judiciaire et la société [N] [E] en qualité de mandataire judiciaire.
Le 31 janvier 2022, la société CSF a déclaré à la procédure collective une créance chirographaire de 1 324 042,92 euros au titre de marchandises impayées.
Le 8 février 2022, elle a formé auprès de l'administrateur judiciaire une demande en revendication de marchandises pour le montant de sa déclaration de créance.
Le 7 décembre 2022, le juge-commissaire a déclaré la société CSF mal fondée en sa demande de revendication en nature ou en espèces des marchandises impayées.
La société CSF a formé un recours à l'encontre de cette ordonnance.
Le 21 juin 2023, par jugement contradictoire, le tribunal de commerce de Chartres a :
- dit la société CSF recevable en son recours ;
- infirmé l'ordonnance du juge-commissaire du 7 décembre 2022 sauf en ce qu'elle a déclaré la société CSF recevable en son action de revendication ;
Statuant à nouveau,
- dit la société CSF recevable en son action de revendication ;
Pour le surplus,
- dit que la clause de réserve de propriété a été valablement acceptée par la société Galldis, qu'elle lui est opposable ;
- reconnu le droit de propriété de la société CSF, sur quelques marchandises impayées par la société Galldis au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
- déclaré la société CSF bien fondée à revendiquer en valeur pour la somme de 244 000 euros ;
- dit que la restitution en valeur devra intervenir sans délai ;
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;
- dit que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Galldis aux entiers dépens qui seront passés en frais privilégiés de la procédure collective.
Le 2 juillet 2023, la société Galldis a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.
Le 27 septembre 2023, le tribunal de commerce de Chartres a converti le redressement en liquidation judiciaire, maintenu la société FHBX en qualité d'administrateur judiciaire et nommé la société [N] [E] en qualité de liquidateur.
Le 20 novembre 2024, la société CSF a assigné en intervention forcée la société [N] [E].
Par dernières conclusions du 18 avril 2025, la société [N] [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Galldis, demande à la cour de :
A titre liminaire, vu la liquidation judiciaire prononcée,
- prononcer la mise hors de cause de :
la société FHBX, mission conduite par Mme [C], administrateur judiciaire, agissant en son ancienne qualité d'administrateur judiciaire de la société Galldis ;
la société [N] [E], prise en la personne de M. [E], mandataire judiciaire, agissant en son ancienne qualité de mandataire judiciaire de la société Galldis ;
- déclarer recevable et bien-fondé l'appel de la société Galldis et lui donner acte de sa reprise d'instance afin d'intervention forcée ;
A titre principal :
- infirmer le jugement du 21 juin 2023 en ce qu'il a :
infirmé l'ordonnance du 7 décembre 2022 ;
reconnu le droit de propriété de la société CSF ;
fait droit à la demande de revendication en valeur de la société CSF à hauteur de la somme de 244 000 euros ;
Et statuant à nouveau :
- débouter la société CSF en son appel à incident, en l'ensemble de ses demandes et plus particulièrement en sa demande de revendication en nature ou en espèces des marchandises impayées et rétablir les effets de l'ordonnance du 7 décembre 2022 en ce qu'elle a déclaré mal fondée la société CSF en sa demande de revendication en nature ou en espèces des marchandises impayées ;
A titre subsidiaire :
- confirmer le jugement du 21 juin 2023 en toutes ses dispositions ;
A titre très subsidiaire :
- infirmer le jugement du 21 juin 2023 en ce qu'il a fait droit à la demande de revendication en valeur de la société CSF à hauteur de la somme de 244 000 euros ;
Et statuant à nouveau :
- reconnaître le droit de propriété de la société CSF sur les marchandises impayées à hauteur de la somme de 531 454 euros ;
En tout état de cause :
- débouter la société CSF de l'ensemble de ses demandes et de son appel incident, irrecevable en tout cas, mal fondés ;
- condamner la société CSF à lui payer, ainsi qu'à la société FHBX, prise en la personne de Mme [C], la somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Par dernières conclusions d'intimée et d'appelante incidente du 28 avril 2025, la société CSF demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il :
l'a dite recevable en son recours ;
infirmé l'ordonnance du 7 décembre 2022, sauf en ce qu'elle l'a déclarée recevable en son action en revendication ;
la dite recevable en son action en revendication ;
dit que la clause de réserve de propriété a été valablement acceptée par la société Galldis, qu'elle lui est opposable ;
reconnu son droit de propriété sur quelques marchandises impayées par la société Galldis au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
dit que la restitution en valeur interviendra sans délai ;
condamné la société Galldis aux entiers dépens ;
rappelé que l'exécution provisoire est de plein droit ;
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il " déboute les parties de toutes leur autres demandes " mais seulement en ce qu'il a limité son droit à revendiquer en valeur pour la somme de 244 000 euros ;
Statuant à nouveau,
- reconnaître son droit de propriété sur l'intégralité des marchandises impayées et détenues par la société Galldis au jour d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire pour un montant de 1 324 042,92 euros ;
- à défaut, reconnaître son droit de propriété sur les marchandises impayées et détenues par la société Galldis au jour d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire pour un montant de 773 596 euros reconnu par les appelants ;
- à défaut, reconnaître son droit de propriété sur les marchandises impayées et détenues par la société Galldis au jour d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à tout le moins pour un montant de 531 454 euros reconnu par les appelants ;
A titre subsidiaire,
- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement attaqué ;
En tout état de cause,
- débouter la société Galldis, l'administrateur judiciaire et le liquidateur judiciaire, ès-qualités, de l'intégralité de leurs prétentions, fins et moyens ;
- ordonner de lui restituer sans délais l'intégralité des marchandises impayées existantes en nature au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, ou à défaut, des biens fongibles de même espèce, de même qualité et de même quantité ;
- condamner à défaut de restitution en nature, l'administrateur judiciaire et le liquidateur judiciaire à lui restituer la valeur du prix des marchandises revendues ;
- condamner la société Galldis, l'administrateur judiciaire et le liquidateur judiciaire, ès qualités, à lui verser chacun la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les appelants aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 avril 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
Sur les demandes de mises hors de cause
Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société [E], qui demeure valablement intimée en sa qualité de liquidateur.
En revanche, depuis la conversion de la procédure collective en liquidation judiciaire, seul le liquidateur représente la société Galldis, de sorte que la société FHBX, administrateur judiciaire, doit être mise hors de cause.
Sur la revendication
Le liquidateur fait observer qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective, le 25 novembre 2021, la valeur des stocks de marchandises de la société Galldis était largement inférieure à la valeur des marchandises revendiquées ; que selon les derniers documents comptables, cette valeur n'a d'ailleurs jamais excédé 734 000 euros ; qu'il en résulte qu'une revendication correspondant à une valeur de quelque 1,3 million d'euros n'est pas possible.
Il ajoute que les livraisons de CSF se sont étalées sur une période de 4 ans ; qu'une partie des marchandises revendiquées correspond à des livraisons très anciennes ; que ces marchandises ne peuvent donc pas se retrouver dans les stocks au jour de l'ouverture de la procédure, d'autant que ces stocks contiennent des produits périssables, très rapidement vendus et que, plus généralement, l'activité de supermarché de la société Galldis implique une rotation très rapide des stocks ; que le doublement du poste client entre les 15 et 25 novembre 2021, passant de 639 320,11 à 1 324 042,92 euros interroge alors que la société CSF a cessé ses livraisons à compter du 15 novembre 2021.
Répondant à la société CFS qui indique que le montant de sa revendication est cohérent avec sa créance déclarée de 1 174 270,70 euros reconnue par la société Galldis, le liquidateur soutient que la société CFS confond le bien-fondé de sa créance et le bien-fondé de sa revendication dont le montant ne peut pas excéder la valeur des stocks existants au jour du jugement d'ouverture.
S'agissant de l'argument de fongibilité des marchandises avancé par CSF pour revendiquer l'intégralité des stocks quelle que soit la nature des marchandises livrées, il objecte que la diversité des marchandises de la société Galldis ne permet pas de considérer que l'intégralité des marchandes sont fongibles et substituables. Il souligne que toutes les denrées alimentaires et les liquides ne sont pas fongibles, que la société CSF se contente d'affirmer que les marchandises livrées sont intégralement fongibles sans ventiler sa demande en fonction des rayons, des natures et des qualités des marchandises revendiquées ; que la société CSF verse aux débats des centaines de factures sur lesquelles figurent des centaines de références ; qu'elle ne ventile pas les produits revendiqués par nature ou rayon ce qui permettrait de rapprocher leur valeur de celle des stocks.
La société CSF réplique que le liquidateur n'a pas démontré que les marchandises qu'elle revendique à hauteur de 1 324 042,92 euros n'existaient pas à l'ouverture de la procédure ; que les documents utilisés par le liquidateur ne permettent pas de prouver l'absence des marchandises revendiquées à hauteur du quantum sollicité lors de l'ouverture de la procédure collective ; qu'aucun de ces documents ne correspond en effet à la date du jugement d'ouverture du 25 novembre 2021.
Elle expose qu'elle verse un extrait de compte certifié au 25 novembre 2021 ainsi que la liste des factures des marchandises impayées sous réserve de propriété permettant d'identifier les marchandises revendiquées. Elle ajoute que le liquidateur se réfère à pas moins de quatre valeurs différentes de stock pour prouver que sa revendication n'est pas réaliste ; qu'elle est au contraire réaliste puisqu'elle a déclaré une créance à hauteur de 1 174 270,70 euros au passif de la société Galldis.
Elle ajoute que selon la jurisprudence, la rotation des stocks, qui exclut que les biens retrouvés en nature chez le débiteur soient les mêmes que ceux qui ont été livrés, ne fait pas obstacle à l'action en revendication ; que les biens fongibles retrouvés chez le débiteur appartiennent au vendeur s'ils sont de même nature et qualité que ceux livrés.
Contestant l'analyse du liquidateur, elle prétend que les denrées alimentaires sont par nature fongibles ; que contrairement à ce que le liquidateur affirme, elle a ventilé sa demande de revendication selon les rayons du supermarché ; que l'intégralité des factures qu'elle verse aux débats relatives aux produits revendiqués permet de les identifier ; que son droit de propriété peut s'exercer tant sur les marchandises de même espèce ou de même nature que sur la valeur de ces marchandises ; qu'il importe donc peu que les marchandises livrées par le revendiquant aient disparu physiquement du stock du débiteur dès lors qu'elles sont fongibles ou si elles n'existent plus, le revendiquant peut en réclamer la valeur.
Elle explique que si elle a suspendu ses livraisons à compter du 15 novembre 2021, elle a continué à honorer après cette date des commandes antérieures, ce qui explique que le compte client a continué à croître.
Elle fait en outre valoir qu'elle rapporte la preuve de la livraison des marchandises impayées en fournissant un extrait de compte client certifié au 26 janvier 2022 attestant d'un solde en sa faveur de 1 324 042,92 euros et en versant l'intégralité des factures correspondant aux marchandises impayées sous réserves de propriété. Elle estime qu'il n'est pas irréaliste que l'intégralité des marchandises se retrouvent en nature ou en valeur dans le patrimoine de la débitrice au jour de l'ouverture de la procédure collective.
Réponse de la cour
Selon l'article L. 624-16, du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-14 du même code, peuvent être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété ; la revendication en nature peut également s'exercer sur des biens fongibles lorsque des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur.
Aux termes de l'article L. 624-18 de ce code, peut être revendiqué le prix ou la partie du prix des biens visés à l'article L. 624-16 qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure.
Il résulte de l'article L. 624-16 :
- que pour pouvoir être revendiqués, les biens doivent exister en nature dans le patrimoine du débiteur ; cette condition s'apprécie au jour du jugement d'ouverture (par exemple, Com., 23 mai 2024, n° 23-12.841) ;
- que l'existence du bien en nature s'entend de sa conservation dans son état initial (Com., 11 juin 2014, n° 13-14.844, publié) ;
- que la preuve de l'existence en nature des biens revendiqués incombe au revendiquant (par exemple : Com. 10 mars 2015, n° 13-23424 ; Com., 13 septembre 2023, n° 22-12.206) ;
- que toutefois, en l'absence d'inventaire, ou en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, la charge de la preuve est renversée, la preuve que le bien revendiqué, précédemment détenu par le débiteur, n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture, incombant à la procédure collective (par exemple : Com., 13 septembre 2023, n° 22-12.206, précité).
La société Galldis exploitait un supermarché à l'enseigne [Adresse 8] ; elle se fournissait auprès de la société CSF, centrale d'achat du groupe [Adresse 7].
L'article 2.4 du contrat d'approvisionnement " supermarché-réseau Carrefour Market " conclu le 1er juillet 2013 stipule en termes usuelles une clause de réserve de propriété selon laquelle :
" Les marchandises livrées et facturées par le Fournisseur resteront la propriété de ce dernier jusqu'à complet paiement de leur prix, ceci conformément à la Loi n°80-832 du 12 mai 1980 et aux articles L. 624-9 et suivants du code de commerce (')
Les ventes sont donc conclues avec réserve de propriété et le transfert de cette propriété n'intervient qu'après complet paiement du prix. Le défaut de paiement de l'une quelconque des échéances pourra entraîner la revendication des marchandises (') ".
Il n'est pas contesté que les clients d'un supermarché paient comptant, le jour même de leur achat. Partant, la demande de la société CSF ne peut être fondée sur les dispositions de l'article L. 624-18 du code de commerce, qui suppose l'existence d'un délai entre la vente du produit grevé d'une sûreté et la perception de son prix par le débiteur.
Il n'est pas contesté que l'inventaire des biens de la société débitrice réalisé par le commissaire-priseur le 7 décembre 2021, soit douze jours après le jugement d'ouverture, est inexploitable, ce qui équivaut à une absence d'inventaire.
Il appartient donc aux organes de la procédure collective d'établir que les biens revendiqués ne se trouvaient pas en nature entre les mains du débiteur le 25 novembre 2021.
Au soutien de sa demande, la société CSF produit une série de factures ou d'avoirs émis entre novembre 2017 et le 23 novembre 2021 pour paiement de marchandises variées, alimentaires et non-alimentaires, et un extrait du compte client certifié conforme le 26 janvier 2022 par M. [P], contrôleur de gestion franchise, pour un total de 1 324 042,92 euros, soit la somme réclamée au titre de la restitution en valeur.
La rotation du stock ne constitue aucun obstacle de principe à l'action en revendication de la société CSF.
Le liquidateur estime le taux moyen de rotation de ce stock à 7 jours sans être contredit.
S'il exact que les documents produits par ce dernier, tout particulièrement les deux états de stocks et la balance générale, ne sont pas arrêtés précisément au 25 novembre 2021, la cour observe que compte tenu de la proximité de ces documents avec la date du jugement d'ouverture, il en résulte que les biens revendiqués par la société CSF ne pouvaient pas se retrouver en nature dans le patrimoine de la débitrice au jour du jugement d'ouverture à hauteur de la somme de 1 324 042,92 euros.
Ainsi il rapporte la preuve que le stock au jour du jugement d'ouverture ne pouvait être constitué en totalité par les marchandises impayées revendiquées par la société CSF, pour l'essentiel livrées à la société Galldis à des dates bien antérieures au 18 novembre 2021, date précédant de 7 jours le jugement d'ouverture.
Si certaines marchandises sous clause de réserve de propriété objet des factures produites existaient toujours dans le stock de la société Galldis au jour du jugement d'ouverture, leur restitution est impossible en nature, dès lors, en premier lieu, que l'inventaire réalisé ne permet pas de les identifier avec précision, en second lieu et surtout, que le supermarché a poursuivi son activité durant près de deux ans après l'ouverture du redressement judiciaire et a nécessairement, au cours de cette période, écoulé l'intégralité de ce stock.
Il convient en conséquence de retenir que l'action en revendication est bien fondée dans son principe et que la restitution peut être réalisée en valeur.
Il résulte des mentions du jugement attaqué qu'en première instance, la société Galldis a admis qu'au jour du jugement d'ouverture, la valeur des marchandises sous clause de réserve de propriété de CSF était de 244 000 euros.
Elle ne saurait revenir sur cet aveu judiciaire sans se contredire au détriment de la société CSF.
La cour constate qu'au jour du jugement d'ouverture, le stock total était estimé à de 531 454 euros ; elle estime que le liquidateur rapporte suffisamment la preuve de ce qu'en raison du taux de rotation du stock, la valeur des marchandises objet des factures litigieuses et encore dans ce stock au jour du jugement d'ouverture ne peut en aucun cas excéder 244 000 euros.
Le jugement entrepris en conséquence confirmé en ce qu'il a accueilli la demande de la société CSF à hauteur de cette somme.
Sur les demandes accessoires
L'équité commande de rejeter les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement,
Met hors de cause la société FHBX ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure ;
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
DE
VERSAILLES
Code nac : 4IF
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 22 JUILLET 2025
N° RG 25/00298 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W6TP
AFFAIRE :
S.A.S. GALLDIS
société en liquidation
C/
S.A.S. C.S.F.
...
S.C.P. [N] [E]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Juin 2023 par le Tribunal de Commerce de Chartres
N° RG : 2022F01104
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Asma MZE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A.S. GALLDIS
[Adresse 9]
[Localité 6]
société en liquidation
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
Plaidant : Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0873 -
****************
INTIMES :
S.A.S. C.S.F.
Ayant son siège
[Adresse 10]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2371661
Plaidant : Me Pascal WILHELM de la SAS WILHELM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0024 -
Plaidant : Me Emilie DUMUR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0024
S.C.P. [N] [E]
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
Plaidant : Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0873 -
S.E.L.A.R.L. FHBX
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
Plaidant : Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0873 -
****************
PARTIE INTERVENANTE :
S.C.P. [N] [E] société civile profssionnelle, prise en la personne de Maître [N] [E], mandataire judiciaire désigné à la liquidation judiciaire de la SAS GALLDIS.
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
Plaidant : Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0873 -
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Mai 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ronan GUERLOT, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Le 25 novembre 2021, le tribunal de commerce de Chartres a placé en redressement judiciaire et désigné la SELARL FHBX en qualité d'administrateur judiciaire et la société [N] [E] en qualité de mandataire judiciaire.
Le 31 janvier 2022, la société CSF a déclaré à la procédure collective une créance chirographaire de 1 324 042,92 euros au titre de marchandises impayées.
Le 8 février 2022, elle a formé auprès de l'administrateur judiciaire une demande en revendication de marchandises pour le montant de sa déclaration de créance.
Le 7 décembre 2022, le juge-commissaire a déclaré la société CSF mal fondée en sa demande de revendication en nature ou en espèces des marchandises impayées.
La société CSF a formé un recours à l'encontre de cette ordonnance.
Le 21 juin 2023, par jugement contradictoire, le tribunal de commerce de Chartres a :
- dit la société CSF recevable en son recours ;
- infirmé l'ordonnance du juge-commissaire du 7 décembre 2022 sauf en ce qu'elle a déclaré la société CSF recevable en son action de revendication ;
Statuant à nouveau,
- dit la société CSF recevable en son action de revendication ;
Pour le surplus,
- dit que la clause de réserve de propriété a été valablement acceptée par la société Galldis, qu'elle lui est opposable ;
- reconnu le droit de propriété de la société CSF, sur quelques marchandises impayées par la société Galldis au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
- déclaré la société CSF bien fondée à revendiquer en valeur pour la somme de 244 000 euros ;
- dit que la restitution en valeur devra intervenir sans délai ;
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;
- dit que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Galldis aux entiers dépens qui seront passés en frais privilégiés de la procédure collective.
Le 2 juillet 2023, la société Galldis a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.
Le 27 septembre 2023, le tribunal de commerce de Chartres a converti le redressement en liquidation judiciaire, maintenu la société FHBX en qualité d'administrateur judiciaire et nommé la société [N] [E] en qualité de liquidateur.
Le 20 novembre 2024, la société CSF a assigné en intervention forcée la société [N] [E].
Par dernières conclusions du 18 avril 2025, la société [N] [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Galldis, demande à la cour de :
A titre liminaire, vu la liquidation judiciaire prononcée,
- prononcer la mise hors de cause de :
la société FHBX, mission conduite par Mme [C], administrateur judiciaire, agissant en son ancienne qualité d'administrateur judiciaire de la société Galldis ;
la société [N] [E], prise en la personne de M. [E], mandataire judiciaire, agissant en son ancienne qualité de mandataire judiciaire de la société Galldis ;
- déclarer recevable et bien-fondé l'appel de la société Galldis et lui donner acte de sa reprise d'instance afin d'intervention forcée ;
A titre principal :
- infirmer le jugement du 21 juin 2023 en ce qu'il a :
infirmé l'ordonnance du 7 décembre 2022 ;
reconnu le droit de propriété de la société CSF ;
fait droit à la demande de revendication en valeur de la société CSF à hauteur de la somme de 244 000 euros ;
Et statuant à nouveau :
- débouter la société CSF en son appel à incident, en l'ensemble de ses demandes et plus particulièrement en sa demande de revendication en nature ou en espèces des marchandises impayées et rétablir les effets de l'ordonnance du 7 décembre 2022 en ce qu'elle a déclaré mal fondée la société CSF en sa demande de revendication en nature ou en espèces des marchandises impayées ;
A titre subsidiaire :
- confirmer le jugement du 21 juin 2023 en toutes ses dispositions ;
A titre très subsidiaire :
- infirmer le jugement du 21 juin 2023 en ce qu'il a fait droit à la demande de revendication en valeur de la société CSF à hauteur de la somme de 244 000 euros ;
Et statuant à nouveau :
- reconnaître le droit de propriété de la société CSF sur les marchandises impayées à hauteur de la somme de 531 454 euros ;
En tout état de cause :
- débouter la société CSF de l'ensemble de ses demandes et de son appel incident, irrecevable en tout cas, mal fondés ;
- condamner la société CSF à lui payer, ainsi qu'à la société FHBX, prise en la personne de Mme [C], la somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Par dernières conclusions d'intimée et d'appelante incidente du 28 avril 2025, la société CSF demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il :
l'a dite recevable en son recours ;
infirmé l'ordonnance du 7 décembre 2022, sauf en ce qu'elle l'a déclarée recevable en son action en revendication ;
la dite recevable en son action en revendication ;
dit que la clause de réserve de propriété a été valablement acceptée par la société Galldis, qu'elle lui est opposable ;
reconnu son droit de propriété sur quelques marchandises impayées par la société Galldis au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
dit que la restitution en valeur interviendra sans délai ;
condamné la société Galldis aux entiers dépens ;
rappelé que l'exécution provisoire est de plein droit ;
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il " déboute les parties de toutes leur autres demandes " mais seulement en ce qu'il a limité son droit à revendiquer en valeur pour la somme de 244 000 euros ;
Statuant à nouveau,
- reconnaître son droit de propriété sur l'intégralité des marchandises impayées et détenues par la société Galldis au jour d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire pour un montant de 1 324 042,92 euros ;
- à défaut, reconnaître son droit de propriété sur les marchandises impayées et détenues par la société Galldis au jour d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire pour un montant de 773 596 euros reconnu par les appelants ;
- à défaut, reconnaître son droit de propriété sur les marchandises impayées et détenues par la société Galldis au jour d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à tout le moins pour un montant de 531 454 euros reconnu par les appelants ;
A titre subsidiaire,
- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement attaqué ;
En tout état de cause,
- débouter la société Galldis, l'administrateur judiciaire et le liquidateur judiciaire, ès-qualités, de l'intégralité de leurs prétentions, fins et moyens ;
- ordonner de lui restituer sans délais l'intégralité des marchandises impayées existantes en nature au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, ou à défaut, des biens fongibles de même espèce, de même qualité et de même quantité ;
- condamner à défaut de restitution en nature, l'administrateur judiciaire et le liquidateur judiciaire à lui restituer la valeur du prix des marchandises revendues ;
- condamner la société Galldis, l'administrateur judiciaire et le liquidateur judiciaire, ès qualités, à lui verser chacun la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les appelants aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 avril 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
Sur les demandes de mises hors de cause
Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société [E], qui demeure valablement intimée en sa qualité de liquidateur.
En revanche, depuis la conversion de la procédure collective en liquidation judiciaire, seul le liquidateur représente la société Galldis, de sorte que la société FHBX, administrateur judiciaire, doit être mise hors de cause.
Sur la revendication
Le liquidateur fait observer qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective, le 25 novembre 2021, la valeur des stocks de marchandises de la société Galldis était largement inférieure à la valeur des marchandises revendiquées ; que selon les derniers documents comptables, cette valeur n'a d'ailleurs jamais excédé 734 000 euros ; qu'il en résulte qu'une revendication correspondant à une valeur de quelque 1,3 million d'euros n'est pas possible.
Il ajoute que les livraisons de CSF se sont étalées sur une période de 4 ans ; qu'une partie des marchandises revendiquées correspond à des livraisons très anciennes ; que ces marchandises ne peuvent donc pas se retrouver dans les stocks au jour de l'ouverture de la procédure, d'autant que ces stocks contiennent des produits périssables, très rapidement vendus et que, plus généralement, l'activité de supermarché de la société Galldis implique une rotation très rapide des stocks ; que le doublement du poste client entre les 15 et 25 novembre 2021, passant de 639 320,11 à 1 324 042,92 euros interroge alors que la société CSF a cessé ses livraisons à compter du 15 novembre 2021.
Répondant à la société CFS qui indique que le montant de sa revendication est cohérent avec sa créance déclarée de 1 174 270,70 euros reconnue par la société Galldis, le liquidateur soutient que la société CFS confond le bien-fondé de sa créance et le bien-fondé de sa revendication dont le montant ne peut pas excéder la valeur des stocks existants au jour du jugement d'ouverture.
S'agissant de l'argument de fongibilité des marchandises avancé par CSF pour revendiquer l'intégralité des stocks quelle que soit la nature des marchandises livrées, il objecte que la diversité des marchandises de la société Galldis ne permet pas de considérer que l'intégralité des marchandes sont fongibles et substituables. Il souligne que toutes les denrées alimentaires et les liquides ne sont pas fongibles, que la société CSF se contente d'affirmer que les marchandises livrées sont intégralement fongibles sans ventiler sa demande en fonction des rayons, des natures et des qualités des marchandises revendiquées ; que la société CSF verse aux débats des centaines de factures sur lesquelles figurent des centaines de références ; qu'elle ne ventile pas les produits revendiqués par nature ou rayon ce qui permettrait de rapprocher leur valeur de celle des stocks.
La société CSF réplique que le liquidateur n'a pas démontré que les marchandises qu'elle revendique à hauteur de 1 324 042,92 euros n'existaient pas à l'ouverture de la procédure ; que les documents utilisés par le liquidateur ne permettent pas de prouver l'absence des marchandises revendiquées à hauteur du quantum sollicité lors de l'ouverture de la procédure collective ; qu'aucun de ces documents ne correspond en effet à la date du jugement d'ouverture du 25 novembre 2021.
Elle expose qu'elle verse un extrait de compte certifié au 25 novembre 2021 ainsi que la liste des factures des marchandises impayées sous réserve de propriété permettant d'identifier les marchandises revendiquées. Elle ajoute que le liquidateur se réfère à pas moins de quatre valeurs différentes de stock pour prouver que sa revendication n'est pas réaliste ; qu'elle est au contraire réaliste puisqu'elle a déclaré une créance à hauteur de 1 174 270,70 euros au passif de la société Galldis.
Elle ajoute que selon la jurisprudence, la rotation des stocks, qui exclut que les biens retrouvés en nature chez le débiteur soient les mêmes que ceux qui ont été livrés, ne fait pas obstacle à l'action en revendication ; que les biens fongibles retrouvés chez le débiteur appartiennent au vendeur s'ils sont de même nature et qualité que ceux livrés.
Contestant l'analyse du liquidateur, elle prétend que les denrées alimentaires sont par nature fongibles ; que contrairement à ce que le liquidateur affirme, elle a ventilé sa demande de revendication selon les rayons du supermarché ; que l'intégralité des factures qu'elle verse aux débats relatives aux produits revendiqués permet de les identifier ; que son droit de propriété peut s'exercer tant sur les marchandises de même espèce ou de même nature que sur la valeur de ces marchandises ; qu'il importe donc peu que les marchandises livrées par le revendiquant aient disparu physiquement du stock du débiteur dès lors qu'elles sont fongibles ou si elles n'existent plus, le revendiquant peut en réclamer la valeur.
Elle explique que si elle a suspendu ses livraisons à compter du 15 novembre 2021, elle a continué à honorer après cette date des commandes antérieures, ce qui explique que le compte client a continué à croître.
Elle fait en outre valoir qu'elle rapporte la preuve de la livraison des marchandises impayées en fournissant un extrait de compte client certifié au 26 janvier 2022 attestant d'un solde en sa faveur de 1 324 042,92 euros et en versant l'intégralité des factures correspondant aux marchandises impayées sous réserves de propriété. Elle estime qu'il n'est pas irréaliste que l'intégralité des marchandises se retrouvent en nature ou en valeur dans le patrimoine de la débitrice au jour de l'ouverture de la procédure collective.
Réponse de la cour
Selon l'article L. 624-16, du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-14 du même code, peuvent être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété ; la revendication en nature peut également s'exercer sur des biens fongibles lorsque des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur.
Aux termes de l'article L. 624-18 de ce code, peut être revendiqué le prix ou la partie du prix des biens visés à l'article L. 624-16 qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure.
Il résulte de l'article L. 624-16 :
- que pour pouvoir être revendiqués, les biens doivent exister en nature dans le patrimoine du débiteur ; cette condition s'apprécie au jour du jugement d'ouverture (par exemple, Com., 23 mai 2024, n° 23-12.841) ;
- que l'existence du bien en nature s'entend de sa conservation dans son état initial (Com., 11 juin 2014, n° 13-14.844, publié) ;
- que la preuve de l'existence en nature des biens revendiqués incombe au revendiquant (par exemple : Com. 10 mars 2015, n° 13-23424 ; Com., 13 septembre 2023, n° 22-12.206) ;
- que toutefois, en l'absence d'inventaire, ou en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, la charge de la preuve est renversée, la preuve que le bien revendiqué, précédemment détenu par le débiteur, n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture, incombant à la procédure collective (par exemple : Com., 13 septembre 2023, n° 22-12.206, précité).
La société Galldis exploitait un supermarché à l'enseigne [Adresse 8] ; elle se fournissait auprès de la société CSF, centrale d'achat du groupe [Adresse 7].
L'article 2.4 du contrat d'approvisionnement " supermarché-réseau Carrefour Market " conclu le 1er juillet 2013 stipule en termes usuelles une clause de réserve de propriété selon laquelle :
" Les marchandises livrées et facturées par le Fournisseur resteront la propriété de ce dernier jusqu'à complet paiement de leur prix, ceci conformément à la Loi n°80-832 du 12 mai 1980 et aux articles L. 624-9 et suivants du code de commerce (')
Les ventes sont donc conclues avec réserve de propriété et le transfert de cette propriété n'intervient qu'après complet paiement du prix. Le défaut de paiement de l'une quelconque des échéances pourra entraîner la revendication des marchandises (') ".
Il n'est pas contesté que les clients d'un supermarché paient comptant, le jour même de leur achat. Partant, la demande de la société CSF ne peut être fondée sur les dispositions de l'article L. 624-18 du code de commerce, qui suppose l'existence d'un délai entre la vente du produit grevé d'une sûreté et la perception de son prix par le débiteur.
Il n'est pas contesté que l'inventaire des biens de la société débitrice réalisé par le commissaire-priseur le 7 décembre 2021, soit douze jours après le jugement d'ouverture, est inexploitable, ce qui équivaut à une absence d'inventaire.
Il appartient donc aux organes de la procédure collective d'établir que les biens revendiqués ne se trouvaient pas en nature entre les mains du débiteur le 25 novembre 2021.
Au soutien de sa demande, la société CSF produit une série de factures ou d'avoirs émis entre novembre 2017 et le 23 novembre 2021 pour paiement de marchandises variées, alimentaires et non-alimentaires, et un extrait du compte client certifié conforme le 26 janvier 2022 par M. [P], contrôleur de gestion franchise, pour un total de 1 324 042,92 euros, soit la somme réclamée au titre de la restitution en valeur.
La rotation du stock ne constitue aucun obstacle de principe à l'action en revendication de la société CSF.
Le liquidateur estime le taux moyen de rotation de ce stock à 7 jours sans être contredit.
S'il exact que les documents produits par ce dernier, tout particulièrement les deux états de stocks et la balance générale, ne sont pas arrêtés précisément au 25 novembre 2021, la cour observe que compte tenu de la proximité de ces documents avec la date du jugement d'ouverture, il en résulte que les biens revendiqués par la société CSF ne pouvaient pas se retrouver en nature dans le patrimoine de la débitrice au jour du jugement d'ouverture à hauteur de la somme de 1 324 042,92 euros.
Ainsi il rapporte la preuve que le stock au jour du jugement d'ouverture ne pouvait être constitué en totalité par les marchandises impayées revendiquées par la société CSF, pour l'essentiel livrées à la société Galldis à des dates bien antérieures au 18 novembre 2021, date précédant de 7 jours le jugement d'ouverture.
Si certaines marchandises sous clause de réserve de propriété objet des factures produites existaient toujours dans le stock de la société Galldis au jour du jugement d'ouverture, leur restitution est impossible en nature, dès lors, en premier lieu, que l'inventaire réalisé ne permet pas de les identifier avec précision, en second lieu et surtout, que le supermarché a poursuivi son activité durant près de deux ans après l'ouverture du redressement judiciaire et a nécessairement, au cours de cette période, écoulé l'intégralité de ce stock.
Il convient en conséquence de retenir que l'action en revendication est bien fondée dans son principe et que la restitution peut être réalisée en valeur.
Il résulte des mentions du jugement attaqué qu'en première instance, la société Galldis a admis qu'au jour du jugement d'ouverture, la valeur des marchandises sous clause de réserve de propriété de CSF était de 244 000 euros.
Elle ne saurait revenir sur cet aveu judiciaire sans se contredire au détriment de la société CSF.
La cour constate qu'au jour du jugement d'ouverture, le stock total était estimé à de 531 454 euros ; elle estime que le liquidateur rapporte suffisamment la preuve de ce qu'en raison du taux de rotation du stock, la valeur des marchandises objet des factures litigieuses et encore dans ce stock au jour du jugement d'ouverture ne peut en aucun cas excéder 244 000 euros.
Le jugement entrepris en conséquence confirmé en ce qu'il a accueilli la demande de la société CSF à hauteur de cette somme.
Sur les demandes accessoires
L'équité commande de rejeter les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement,
Met hors de cause la société FHBX ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure ;
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT