CA Riom, ch. com., 23 juillet 2025, n° 24/00860
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
X
Défendeur :
CNA Insurance Company (Europe) (SA), CGPA (Sté), Auvergne Patrimoine (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubled-Vacheron
Conseillers :
Mme Noir, Mme Berger
Avocats :
Me Chemin-Normandin, Me Lemoux, Me Pincen, Me Lacquit, Me Labasse, Me Rahon
ARRET :
Prononcé publiquement le 23 juillet 2025 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société par actions simplifiée (SAS) Aristophil, ayant pour objet l'achat, la vente, l'expertise et le conditionnement de lettres historiques et de manuscrits, a constitué plusieurs indivisions portant sur des ensembles de lettres, manuscrits et objets anciens.
Les produits créés par la SAS Aristophil, étaient notamment distribués par la société Script'Invest plus tard absorbée par la société Art Courtage.
M. [B] était gérant de la société Courtage Conseils [B], laquelle a pris la dénomination de « Axxo Patrimoine Conseil » ainsi que celui de la société Axxo Courtage Conseil devenue Auvergne Patrimoine.
La société Axxo Patrimoine Conseil, a passé avec la société Script'Invest un contrat d'apporteur d'affaires. Après que la société Art Courtage a absorbé la société Script'Invest, la société Axxo Patrimoine Conseil a présenté les produits Aristophil à ses clients et plus particulièrement au cas d'espèce à M. [O] [L] et Mme [K] [L].
Entre le mois d'août 2008 et le mois de mai 2014, M. et Mme [L] ont ainsi acquis des parts dans certaines des indivisions mises en vente par la SAS Aristophil et une 'uvre en pleine propriété. Ils ont procédé à la prorogation d'investissements initiaux et à la souscription de nouvelles collections. Mme [L] avait préalablement déjà investi dans les produits Aristophil par l'intermédiaire de la société Courtage Conseils [B].
Le 16 février 2015, le tribunal de commerce de Paris a prononcé le redressement judiciaire de la SAS Aristophil, puis sa liquidation judiciaire le 5 août 2015.
La société Axxo Patrimoine Conseil a quant à elle été liquidée suivant jugement du 16 novembre 2015.
Suivant courrier d'avocat du 17 avril 2015, les demandeurs ont mis en demeure M. [B] et la société Axxo Patrimoine Conseil de leur adresser une offre indemnitaire avant d'agir en justice.
Cette mise en demeure a été réitérée à l'encontre de M. [B] le 11 octobre 2019. Enfin les époux [L] ont, suivant courriers du 26 décembre 2019, mis en demeure les sociétés CNA Insurance Company (Europe) et CGPA en leur qualité d'assureurs responsabilité civile professionnelle au visa de l'article L 124-3 alinéa 1 du code des assurances en invoquant une perte en capital de 275 000 euros.
Par exploits d'huissier des 29 janvier, 3 et 11 février 2020, M et Mme [L] ont fait assigner M. [H] [B], la société Auvergne Patrimoine, les sociétés CGPA et CNA Insurance Company (Europe) devant le tribunal judiciaire du Puy en Velay.
Par arrêt du 7 septembre 2022 la cour d'appel de Riom a déclaré non prescrite l'action engagée relative aux placements Aristophil et prescrite l'action engagée par M. [L] pour son investissement Heriteor.
Par jugement du 30 avril 2024, le tribunal judiciaire du Puy en Velay a :
- jugé que la SARL Axxo Patrimoine conseil n'était pas intervenue auprès des demandeurs en qualité de conseiller en investissements financiers ou en qualité de conseiller en gestion de patrimoine mais en qualité d'intermédiaire en commercialisation de placements ; qu'elle n'avait pas manqué à son devoir d'information mais qu'elle avait failli à son devoir de conseil et que seule la garantie subséquente de la SA CNA Insurance Company (Europe) était mobilisable.
Le tribunal a en conséquence :
- rejeté les demandes présentées à l'encontre de la société CGPA,
- jugé que l'assureur devait indemniser les victimes au prix de la course,
- condamné la société CNA Insurance Company (Europe) au titre des polices FN 1549 et FN 1925 à indemniser M et Mme [L] de la perte de chance de ne pas contracter avec la société Aristophil et de faire fructifier leur capital dans un produit d'épargne plus avantageux en leur versant les sommes suivantes :
* Mme [L] seule : 216 698 euros déduction faite de la somme de 3 000 euros au titre de la franchise contractuelle
* M. [L] seul : 26 880 euros déduction faite de la somme de 3 000 euros au titre de la franchise contractuelle
* M et Mme [L] : 32 280 euros déduction faite de la somme de 3 000 euros au titre de la franchise contractuelle
- débouté la SARL Auvergne Patrimoine de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive
- condamné la société CNA Insurance Company (Europe) à verser à M. et Mme [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné in solidum les époux [L] à verser à la SARL Auvergne Patrimoine ainsi qu'à la société d'assurances CGPA la somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société CNA Insurance Company (Europe) aux entiers dépens de l'instance.
La société CNA Insurance Company (Europe) a relevé appel de ce jugement le 28 mai 2024.
Par conclusions d'intimé du 17 octobre 2024 la société CGPA a relevé appel incident du jugement. Par conclusions d'intimés du 10 décembre 2024, les époux [L] ont également relevé appel incident.
Par conclusions récapitulatives notifiées le 4 mars 2025 la société CNA Insurance Company (Europe) demande à la cour :
- de réformer le jugement du tribunal judiciaire du Puy-En-Velay en ce qu'il a :
' Jugé que la société Axxo Patrimoine Conseil n'est pas intervenue auprès des demandeurs en qualité de conseiller en gestion de patrimoine ;
' Jugé que la société Axxo Patrimoine Conseil est intervenue auprès des demandeurs en qualité d'intermédiaire en commercialisation de placement,
' Jugé que la société Axxo Patrimoine Conseil a manqué à son devoir de conseil envers les demandeurs ;
' Jugé que seule la garantie subséquente de la société CNA Insurance Company (Europe) est mobilisable ;
En conséquence,
' Rejeté toutes les demandes dirigées à l'encontre de la société d'assurance mutuelle CGPA;
' Jugé que l'assureur a l'obligation d'indemniser les victimes au prix de la course, les victimes les plus diligentes devant être indemnisées jusqu'à épuisement du plafond de garantie ;
En conséquence,
' Condamné la société CNA Insurance Company (Europe), assureur de la société Axxo Patrimoine Conseil par mise en 'uvre des polices n° FN 1549 et n° FN 1925, à verser les sommes suivantes aux demandeurs en réparation de leur préjudice de perte de chance de ne pas contracter le produit ARISTOPHIL et en réparation de leur préjudice de perte de chance de faire fructifier leur capital investi dans ARISTOPHIL dans un produit d'épargne plus avantageux, outre intérêt au taux légal à compter de la signification du présent jugement :
1) [K] [L] (seule) : 216.698 €, déduction de 3.000 € au titre de la franchise contractuelle ;
2) [O] [L] (seul) : 26.880 €, déduction de 3.000 € au titre de la franchise contractuelle ;
3) [K] [L] et [O] [L] (ensemble) : 32.280 €, déduction de 3.000 € au titre de la franchise contractuelle ;
' Condamné la société CNA Insurance Company (Europe) aux entiers dépens et à verser aux demandeurs la somme globale de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant de nouveau :
A titre liminaire,
- juger que la déclaration d'appel, régularisée le 28 mai 2024 a valablement saisi la cour, et que son effet dévolutif ne saurait être contesté ;
A titre principal :
- juger qu'aucune des garanties souscrites auprès d'elle n'est mobilisable au titre de la responsabilité qu'aurait engagée la société Axxo Patrimoine Conseil, les premières réclamations formulées par les demandeurs étant intervenues après que les polices n° FN 1549 et n° FN 1925 ont cessé leurs effets, et alors que la responsabilité de la société Axxo Patrimoine Conseil était assurée auprès de la société CGPA ;
- débouter les demandeurs de leur appel en garantie à son encontre ;
A titre subsidiaire,
- juger que la société Axxo Patrimoine Conseil n'a commis aucune faute ;
- débouter les consorts [L] de toutes leurs demandes ;
A titre très subsidiaire,
- juger que les consorts [L] échouent à établir un préjudice réparable en lien avec l'intervention de la société Axxo Patrimoine Conseil ;
- débouter les consorts [L] de toutes leurs demandes ;
A titre infiniment subsidiaire,
Sur les investissements souscrits postérieurement au 1er janvier 2013, et présentés par la société Axxo Patrimoine Conseil en sa qualité de mandataire de la société Art Courtage, sur les limites de la police n° FN 1925 :
- juger qu'aucune garantie n'est due au titre de la police n° FN 1925 s'agissant des investissements souscrits avant le 1er janvier 2013, et présentés aux demandeurs par la société Axxo Patrimoine Conseil en qualité de mandataire de la société Script'Invest, et non de la société Art Courtage ;
- juger qu'elle ne saurait être tenue à garantir la société Axxo Patrimoine Conseil au-delà des termes de la police n° FN 1925 souscrite auprès d'elle et donc après application d'une franchise de 3.000 euros par demandeur ;
- juger que la police n° FN 1925 prévoit un plafond de garantie de 2.000.000 euros par période d'assurance applicable à l'ensemble des réclamations formées à l'encontre des assurées au titre de la police n° FN 1925 au cours de la même période d'assurance ;
- juger que la police n° FN 1925 a cessé de produire ses effets à compter du 31 décembre 2014 (date de sa résiliation) ou, subsidiairement, le 29 janvier 2015 (du fait de sa caducité) ;
- juger en conséquence que la réclamation des demandeurs doit être rattachée à la période de garantie subséquente de 5 ans ayant pris effet à la date de cessation des garanties (31 décembre 2014 ou 29 janvier 2015) ;
- constater qu'elle a d'ores et déjà réglé ou séquestré au titre de cette période d'assurance subséquente de 5 ans des condamnations pour un montant de deux millions d'euros égal au plafond de garantie de la police n° FN 1925 applicable à cette période d'assurance subséquente ;
- débouter, en conséquence, les demandeurs de leurs demandes de condamnation à son encontre ;
- juger en revanche que les demandeurs pourront prétendre, en concurrence avec les autres investisseurs bénéficiant de sa garantie au titre de la période d'assurance subséquente de la police n° FN 1925, au bénéfice des condamnations séquestrées , ces sommes devant être réparties au marc l'euro des indemnités allouées par les décisions de justice irrévocables bénéficiant auxdits investisseurs ;
- à titre subsidiaire, juger, si la cour retient que la police n° FN 1925 n'a pas été frappée de caducité au 29 janvier 2015, que la réclamation des demandeurs doit être rattachée à la période d'assurance de 2015 ;
- la condamner à garantir la société Axxo Patrimoine Conseil des conséquences des condamnations prononcées à son encontre dans la limite des condamnations qu'elle aura déjà versées au titre des autres réclamations formulées au titre de la police n° FN 1925 pendant la période d'assurance 2015, et après application de la franchise contractuelle de 3.000 euros par demandeur ;
Sur les investissements souscrits avant le 1 er janvier 2013, et présentés par la société Axxo Patrimoine Conseil en sa qualité de mandataire de la société Script'Invest, sur les limites de la police n° FN 1549 :
- juger qu'aucune garantie n'est due au titre de la police n° FN 1549 s'agissant des investissements souscrits après le 1er janvier 2013, et présentés aux demandeurs par la société Axxo Patrimoine Conseil en qualité de mandataire de la société Art Courtage et non de la société Script'Invest ;
- juger qu'elle ne saurait être tenue à garantir la société Axxo Patrimoine Conseil au-delà des termes de la police n° FN 1549 souscrite auprès d'elle ;
- juger que la condamnation à garantir la société Axxo Patrimoine Conseil qui viendrait à être prononcée à son encontre ne pourra excéder le plafond de garantie de 2.000.000 euros par période d'assurance prévu par la police n° FN 1549 ;
- juger que la première réclamation des demandeurs est en date du 17 avril 2015 et se rattache à la période de garantie subséquente à la résiliation ;
- En conséquence, la condamner à garantir la société Axxo Patrimoine Conseil des conséquences des condamnations prononcées à son encontre dans la limite du plafond de garantie de 2 000 000 euros sous déduction des condamnations qu'elle aura déjà versées au titre des autres réclamations formulées pendant la période d'assurance subséquente de garantie et après déduction d'une franchise de 3.000 euros par demandeur ;
Ou,
- désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les réclamations formées à l'encontre des assurés au titre de la police n° FN 1549 se rattachant à la même période d'assurance, en l'occurrence la période de garantie subséquent et procéder à une répartition au marc l'euro des fonds séquestrés ;
Au surplus :
- juger, dans l'hypothèse où la cour viendrait à retenir qu'elle doit garantir la responsabilité de la société Axxo Patrimoine Conseil aux côté de leur dernier assureur, la société CGPA, que la contribution des sociétés CNA Insurance Company (Europe) et CGPA dans la prise en charge de ces condamnations sera fixé en appliquant à leur montant le rapport existant entre l'indemnité que les sociétés CNA Insurance Company (Europe) et CGPA auraient versée si chacune d'elles avait été seule et le montant cumulé des indemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur s'il avait été seul, conformément à l'article L.124-1 du code des assurances;
En tout état de cause,
- condamner les demandeurs in solidum à lui payer une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de Maître Dubois en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 10 décembre 2024, M et Mme [L] demandent à la cour de:
- constater qu'elle n'est saisie d'aucun litige par la société CNA Insurance Company (Europe) en l'absence d'effet dévolutif de sa déclaration d'appel,
- déclarer recevable et bien fondé leur appel incident et par suite :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay le 30 avril 2024 en ce qu'il a :
- « Jugé que la SARL Axxo Patrimoine Conseil n'est pas intervenue auprès des demandeurs en qualité de conseiller en investissements financiers ;
- Jugé que la SARL Axxo Patrimoine Conseil n'est pas intervenue auprès des demandeurs en qualité de conseiller en gestion de patrimoine ;
- Jugé que la SARL Axxo Patrimoine Conseil est intervenue auprès des demandeurs en qualité d'intermédiaire en commercialisation de placement ; »
- « Jugé que la SARL Axxo Patrimoine Conseil n'a pas manqué à son devoir d'information envers les demandeurs»
- « Jugé que seule la garantie subséquente de la SA CNA Insurance Company (Europe) est mobilisable ;
- « Rejeté toutes les demandes dirigées à l'encontre de la société d'assurance mutuelle CGPA ; »
-« Condamné in solidum [K] [L] et [O] [L] à payer à la société d'assurance mutuelle CGPA la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »
En conséquence, statuant à nouveau,
- juger que la société Axxo Patrimoine Conseil est intervenue auprès d'eux en qualité de conseiller en investissements financiers habilité (statut réglementé), exerçant une autre activité de conseiller en gestion de patrimoine (statut générique), mais également en qualité de mandataire de la société Aristophil et des deux distributeurs Art Courtage et Script'Invest,
- juger que la SARL Axxo Patrimoine Conseil a manqué à son devoir d'information envers eux ;
- juger que la police d'assurance FN 1925 et la police N°FN 1549 de l'assureur CNA Insurance Company (Europe) n'a pas été régulièrement résiliée et demeure en vigueur ; que la police d'assurance FN 1549 n'ont pas été régulièrement résiliées et demeurent en vigueur,
- juger que la police d'assurance RCPIP 0261 de la société CGPA est mobilisable,
- leur donner acte de leur intention de mobiliser exclusivement les polices d'assurance de la compagnie CNA Insurance Company (Europe) FN 1925 et FN 1549 conformément à l'alinéa 4 de l'article L 121-4 du Code des assurances,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay le 30 avril 2024 en ce qu'il a :
* retenu la responsabilité de la société Axxo Patrimoine Conseil et condamné la société CNA Insurance Company (Europe) son assureur à les indemniser de leurs préjudices, au prix de la course.
* débouté la SARL Auvergne Patrimoine de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive ;
* condamné la SA CNA Insurance Company (Europe) aux entiers dépens de l'instance;
* condamné la SA CNA Insurance Company (Europe) à leur verser la somme globale de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y SUBSTITUER la mention erronée de l'année de la réclamation 2019 figurant dans la motivation du jugement par l'année 2015,
En toute hypothèse,
- condamner in solidum les sociétés CNA Insurance Company (Europe) et CGPA à leur verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.
Par conclusions notifiées le 3 mars 2025, la société d'assurances CGPA demande à la cour :
A titre principal,
- juger que la déclaration d'appel de la société CNA Insurance Company (Europe), qui ne vise pas les chefs du jugement expressément critiqués, est sans effet dévolutif et que la cour d'appel n'est pas saisie.
- condamner la société CNA Insurance Company (Europe)à lui verser la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Subsidiairement, si la cour jugeait que l'effet dévolutif opère et/ou que l'appel incident de M. et Mme [L] est recevable :
- confirmer le jugement du tribunal judicaire du Puy en Velay du 30 avril 2024 en ce qu'il a :
* jugé que la société Axxo Patrimoine Conseil n'est pas intervenue auprès de M. Mme [L] dans le cadre d'une activité de Conseillers en Investissements Financiers ou dans le cadre d'une activité de Conseil en Gestion de Patrimoine; qu'elle n'a pas manqué à son devoir d'information envers les demandeurs ; que seule la garantie subséquente de la Sté CNA Insurance Company (Europe) est mobilisable.
* débouté M. et Mme [L] de leurs demandes, fins et prétentions contre elle et les a condamnés à lui verser 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouter M. et Mme [L] de leur appel incident et de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions à son encontre et notamment de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Plus subsidiairement et statuant sur la responsabilité civile de la société Axxo Patrimoine Conseil :
- réformer le jugement en ce qu'il a jugé que cette dernière a manqué à son devoir de conseil envers les demandeurs, ainsi que sur le montant des préjudices allégués par ceux-ci et les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions à son encontre.
Très subsidiairement,
- juger que sa garantie ne peut être retenue que :
* sous déduction pour chacune des opérations invoquées (pour chacune sur le montant cumulé de la perte de chance de ne pas souscrire et pour la perte de chance d'un autre placement) du montant de la franchise contractuelle de 20% avec un minimum de 1.500 euros maximum de 5.000 euros.
* dans la limite du plafond de garantie par année sous déduction des sommes déjà versées au titre de l'année de réclamation 2015.
- débouter M. et Mme [L] de toute demande au-delà du plafond de de 150.000 euros.
Statuant sur la demande formée par CNA Insurance Company,
- juger non applicable l'article L 124-1-1 du code des assurances.
- débouter CNA Insurance Company de sa demande tendant à faire juger que leurs contributions respectives relatives aux fautes imputées à la société Axxo Patrimoine Conseil seront fixées en appliquant à leur montant le rapport existant entre l'indemnité que chacune d'elles aurait versé si elle avait été seule et le montant cumulé des indemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur s'il avait été seul.
Statuant sur les frais irrépétibles et les dépens,
- condamner la SA CNA Insurance Compagny (Europe) ou tout succombant à lui verser la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Rahon.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2025.
Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
MOTIVATION :
I-Sur l'effet dévolutif de l'appel:
Les époux [L] affirment au visa de l'article 901 (ancien) du code de procédure civile, que les chefs du jugement critiqués ne sont pas identifiés dans la déclaration d'appel qui fait référence à un appel total. Ils en concluent que la cour ne doit statuer que sur leur appel incident.
La société d'assurance CGPA indique que faute de contenir la mention des chefs de jugement critiqués, la déclaration d'appel de la société CNA est sans effet dévolutif.
La société CNA répond que la mention expresse des chefs du dispositif non visés par l'appel permet, par élimination, de déterminer précisément les chefs du jugement critiqués, de sorte que l'effet dévolutif peut parfaitement s'opérer.
Elle ajoute :
- que le défaut de mention dans la déclaration d'appel des chefs du jugement critiqués est sanctionné, suivant l'article 901 du code de procédure civile, par la nullité de la déclaration d'appel (article 901 du CPC), à condition que l'irrégularité cause un grief à l'intimé (article 114 du CPC), l'appelant pouvant régulariser l'irrégularité (article 115 du code de procédure civile) ; elle fait valoir que les intimés ne se prévalent d'aucun grief et que ses dernières conclusions reprennent chacun des chefs du jugement critiqué.
- qu'en application de l'article 6§1 de la CEDH la privation de l'effet dévolutif de l'appel invoqué procède d'un formalisme excessif et constitue une sanction manifestement disproportionnée au regard du but poursuivi.
- que les appels incidents sont assortis d'un effet dévolutif propre.
Sur ce :
L'article 901 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret N°2023-1391 du 29 décembre 2023 entrée en vigueur le 1er septembre 2024 applicable à la déclaration formalisée le 28 mai 2024, dispose que la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
L'article 562 du code de procédure civile dans sa version applicable à l'espèce dispose :
« L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».
En l'espèce, la déclaration d'appel régularisée le 28 mai 2024 dans l'intérêt de la société CNA Insurance Company (Europe) est ainsi libellée :
« Il s'agit d'un appel total, sauf en ce qu'il a été jugé que :
- la SARL AXXO PATRIMOINE CONSEIL n'est pas intervenue auprès des demandeurs en qualité de conseiller en investissements financiers ;
- la SARL AXXO PATRIMOINE CONSEIL n'a pas manqué à son devoir d'information envers les demandeurs ».
Il est demandé à la cour de dire si la déclaration d'appel qui énumère les chefs du dispositif dont il est demandé la confirmation répond aux exigences des articles 562 et 901 du code de procédure civile pour opérer l'effet dévolutif.
Depuis le décret n 2017-891 du 17 mai 2017, l'appel est limité aux chefs du jugement expressément critiqués par l'appelant. L'appel général, admis antérieurement, ne subsiste qu'à titre d'exception lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou lorsque l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, la société CNA Insurance Company (Europe) n'a pas simplement formulé un appel total. Elle a désigné expressément les chefs de la décision dont elle sollicite la confirmation. L'acte d'appel précisant ainsi son objet, il s'en déduit nécessairement l'énumération des chefs de jugement critiqués (2e Civ., 27 mars 2025, pourvoi n° 22-21.602)
Cette demande sera donc rejetée.
II- Sur la nature des activités exercées par la société Axxo Patrimoine Conseil et les obligations qui en découlent :
Selon la société CNA Insurance Company Europe, la société Axxo Patrimoine Conseil (anciennement dénommée Courtages Conseil [B]) exerçait l'activité de conseil en gestion de patrimoine (CGP).
M et Mme [L] indiquent que cette société jouissait du statut de conseiller en investissements financiers (CIF) et qu'elle avait souscrit à ce titre une couverture d'assurance obligatoire auprès de la société CGPA.
Ils précisent qu'ils ne prétendent plus que le produit Aristophil relevait de « biens divers » et indiquent qu'il ne s'agit pas non plus des instruments financiers et titres financiers visés aux articles L321-1 et L 211-1 du code monétaire et financier.
Ils font valoir que l'activité du CIF d' Axxo Patrimoine Conseil relevait à leur égard, par défaut, du conseil en gestion de patrimoine en ce que le bien était atypique et échappait à la régulation ; que cependant l'AMF retient que lorsqu'ils exercent d'autres activités de conseil en gestion de patrimoine, les CIF sont tenus d'appliquer des règles de bonne conduite définies à l'article L 541-8-1 du code monétaire et financier et déclinées au sein du règlement général de l'AMF. Les obligations qui en découlent sont : la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent au mieux des intérêts de leurs clients afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et leurs objectifs ; une obligation de renseignement sur les connaissance du client et ses objectifs d'investissement ; une obligation de s'abstenir de proposer les instruments, opérations ou services en l'absence de communication des renseignements nécessaires sur le niveau de connaissance du client et ses objectifs. Ils soutiennent en conséquence que la société Axxo Patrimoine Conseils avait une obligation de conseil renforcée.
Par ailleurs, M et Mme [L] indiquent qu'en plus de sa qualité de conseiller financier, la société Axxo Patrimoine Conseil disposait d'un mandat du vendeur (la société Aristophil et donc de ses sociétés distributrices Art Courtage et Script'Invest) à l'égard des clients. A ce titre, et en application des dispositions de l'article L111-1 du code de la consommation, il lui appartenait de renseigner suffisamment l'acquéreur sur les caractéristiques des biens meubles vendus.
La société CGPA fait valoir que les époux [L], tout en reconnaissant que les produits Aristophil ne relèvent pas du périmètre du CIF, souhaitent que la cour applique les obligations du CIF; que la mission de CGP ne peut se superposer à celle de CIF qui est une activité de conseil qui ne réalise pas la vente ; qu'il en va de même pour le CGP.
Elle souligne le fait que la société Axxo Patrimoine Conseil commercialisait les investissements litigieux et renvoie la cour à l'examen des conventions d'apporteur d'affaires et de courtage produites aux débats. Aux termes de ces conventions, la société Axxo Patrimoine Conseil devait suivant les instructions de sa mandante, promouvoir la souscription des produits de la société Aristophil et négocier directement les produits au nom et pour le compte de la société.
La société CGPA prétend qu'il n'y avait donc pas d'activité de conseil pur en faveur de la recherche d'un investissement mais uniquement la présentation d'un produit Aristophil commercialisé par un intermédiaire dans le cadre de son mandat de commercialisation.
Sur ce,
Le Kbis de la société Axxo Patrimoine Conseil, ayant pour gérant M. [B], mentionne au titre des indemnités exercées : « (') Conseil en investissement financier. Conseil en gestion de patrimoine. (') » Ces mentions ne suffisent cependant pas à considérer que la société Axxo Patrimoine Conseil est intervenue auprès des époux [L] en qualité de CIF ou de CGP.
Selon l'article L.541-1 du code monétaire et financier, pris dans sa rédaction en vigueur à la date des contrats en cause, les conseillers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle les activités suivantes :
1° Le conseil en investissement mentionné au 5 de l'article L. 321-1 ;
2° (abrogé)
3° Le conseil portant sur la fourniture de services d'investissement mentionnés à l'article L.321-1
4° Le conseil portant sur la réalisation d'opérations sur biens divers définis à l'article L.550-1.
Suivant l'article L.321-1. 5 du même code (en vigueur jusqu'au 3 janvier 2018) les services d'investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l'article L.211-1 et comprennent l'activité de conseil en investissement.
Aux termes de ce dernier article (dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016):
I- Les instruments financiers sont les titres financiers et les contrats financiers.
II- Les titres financiers sont :
1. Les titres de capital émis par les sociétés par actions ;
2. Les titres de créance, à l'exclusion des effets de commerce et des bons de caisse;
3. Les parts ou actions d'organismes de placement collectif.
III. - Les contrats financiers, également dénommés " instruments financiers à terme ", sont les contrats à terme qui figurent sur une liste fixée par décret.
L'article L.550-1 dans sa version applicable jusqu'au 19 mars 2014, soit aux contrats souscrits par les consorts [P] dispose :
" Est soumise aux dispositions des articles L.550-2, L.550-3, L.550-4, L.550-5 et L.573-8 :
1. Toute personne qui, directement ou indirectement, par voie de publicité ou de démarchage, propose à titre habituel à des tiers de souscrire des rentes viagères ou d'acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque les acquéreurs n'en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat offre une faculté de reprise ou d'échange et la revalorisation du capital investi ;
2. Toute personne qui recueille des fonds à cette fin ;
3. Toute personne chargée de la gestion desdits biens. "
Ce même article, dans sa version applicable aux présents contrats ajoute :" II.- Est également un intermédiaire en biens divers toute personne qui propose à un ou plusieurs clients ou clients potentiels d'acquérir des droits sur un ou plusieurs biens en mettant en avant la possibilité d'un rendement financier direct ou indirect ou ayant un effet économique similaire. "
La vente d'objets d'art par la société Aristophil n'est pas assimilée à un produit financier au sens de l'article L.321-1 du code monétaire et financier susvisé. M et Mme [L] en conviennent et reconnaissent également que le produit Aristophil ne relève pas des « biens divers » visés à l'article L550-1 du code monétaire et financier.
La convention de garde et de conservation établie entre la société Aristophil et chacun des acquéreurs, précise que le propriétaire confie à la société " la garde et la conservation, par dépôt à la collection " lesquelles ne peuvent être assimilées à un acte de gestion.
La société Axxo Patrimoine Conseil n'est donc pas intervenue auprès des époux [L] en qualité de conseiller en investissement financier au sens de l'article L.550-1 du code monétaire et financier.
Il résulte de l'étude des pièces relatives aux souscriptions réalisées par le couple que M. [B] faisait renseigner à ses clients, en qualité de conseiller, une fiche de déontologie dans laquelle était spécifiés le poids des placements par rapport au patrimoine global des clients, l'origine des fonds, la motivation de l'opération, et la mention portant sur l'information donnée sur les conséquences fiscales et/ou financières de l'opération. Cette fiche s'accompagnait d'une fiche de préconisation permettant de déterminer les objectif poursuivis, la durée de l'investissement souhaitée et le niveau de risque accepté.
Il est ainsi établi que la société Axxo Patrimoine Conseil est intervenue aux côtés de M et Mme [L] en qualité de CGP. Cette qualité n'est pas incompatible avec celle de mandataire ou d'intermédiaire dans la vente de placements. L'audition de M. [C], dirigeant de la SAS Megara Finance, conseil en gestion de patrimoine, et président de la compagnie des conseils en gestion de patrimoine confirme le fait qu'un conseil en gestion de patrimoine a plusieurs partenaires qui sont à l'origine des produits proposés Il fait également du courtage sur les produits proposés et sert d'intermédiaire.
En l'espèce, M. et Mme [L] produisent aux débats les bons de commandes signés par M. [B] en qualité de mandataire de la société Aristophil.
Il est ainsi démontré que la société Axxo Patrimoine Conseil cumulait avec la qualité de CGP celle de mandataire de la société Aristophil.
En qualité de CGP, la société Axxo Patrimoine Conseil était tenue par une obligation de conseil et d'information. En qualité de mandataire du vendeur et en application de l'article L111-1 du code de la consommation qui dispose que tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien, la société Axxo Patrimoine Conseil avait également une obligation d'information.
Il sera rappelé qu'en cas de litige il appartient au débiteur de l'obligation de conseil de justifier qu'il a rempli cette obligation.
III- Sur la responsabilité de la société Axxo Patrimoine Conseil à l'égard de M et Mme [L]:
M et Mme [L] reprochent à la société Axxo Patrimoine Conseil de s'être contentée de vendre des collections d''uvres d'art et manuscrits anciens en limitant les informations délivrées aux seuls éléments figurant dans les contrats types établis par la société Aristophil, à savoir le nom des collections et leur valeur totale alléguée.
La société CNA Insurance Company (Europe) ne conteste pas le fait que la société Axxo Patrimoine Conseil soit tenue d'une obligation d'information et de conseil mais elle souligne qu'il s'agit d'une obligation de moyens qui ne permet pas de retenir la responsabilité du CGP des aléas inhérents aux investissements et qui s'apprécie au regard de l'état des connaissances du CGP au jour où il intervient.
Elle entend démontrer que contrairement à ce que soutiennent les époux [L], les stipulations contractuelles sont claires et dépourvues d'ambiguïté sur le fait qu'il était consenti à la société Aristophil une promesse de vente que cette dernière se réservait de lever ou non.
Elle indique que les demandeurs ont reçu avant souscription, des fiches de préconisation et de déontologie, des fiches connaissance client et dossier connaissance client destinées à recueillir des informations sur l'origine des fonds que les demandeurs envisageaient d'investir et sur leurs objectifs d'investissements aux termes desquelles ils reconnaissent avoir été informés du risque intrinsèque de leur investissement.
Elle rappelle qu'il y avait alors bien un marché des lettres et manuscrits ; que la société Aristophil jouissait d'une réputation de sérieux et de solidité et que contrairement à leurs affirmations, les époux [L] étaient clairement informés à la lecture des documents contractuels que la garantie souscrite auprès des LLOYD'S était destinée à couvrir un cas de perte ou de vol pendant la durée de la convention de garde de la chose.
Elle souligne par ailleurs que parmi les collections, certaines 'uvres ont été acquises en pleine propriété pour indiquer que c'est par de simples assertions que Mme [L] affirme que la composition des collections ne lui aurait pas été précisée avant ses investissements. S'agissant des collections en indivision, elle rappelle que les actes notariés dressés lors de la constitution des indivisions ont été communiqués.
S'agissant du prétendu risque de revendication par l'Etat, elle fait valoir :
* que deux lettres signées de Napoléon 1er qui auraient été revendiquées se trouvaient en réalité dans une collection dont les parts indivises détenues par Mme [L] ont été rachetées en 2013 par la société Aristophil. La revendication par l'Etat est donc sans incidence pour Mme [L]. Elle ajoute que la société Axxo Patrimoine Conseil ne pouvait prévoir cette situation.
Les demandeurs faisant grief à la société Axxo Patrimoine Conseil de s'être désintéressée de la valorisation des collections, la société CNA Insurance Company (Europe) objecte que ce grief est inopérant pour les biens acquis en pleine propriété et que s'agissant des parts d'indivision, la composition des collections n'était pas connue au jour où le conseil a été prodigué.
Elle indique que les conséquences des pratiques commerciales trompeuses de la société Aristophil ne peuvent être imputées à son mandataire qui n'est pas débiteur des obligations du vendeur.
S'agissant de la valeur des 'uvres, elle souligne le fait que le dossier de présentation des investissements mentionnait l'expertise d'experts indépendants, mais également le fait qu'à aucun moment la société Axxo Patrimoine Conseil n'a prétendu avoir effectué des vérifications préalables et que cette dernière n'avait d'ailleurs aucune raison valable de douter des expertises diligentées à la demande de la société Aristophil ; qu'à l'époque de la souscription aucune surévaluation ne pouvait être suspectée.
S'agissant du conseil prodigué elle observe que le reproche formulé n'est pas fondé sur l'inadéquation du conseil à l'objectif poursuivi mais bien la non obtention du bénéfice escompté à la revente. Elle soutient que ce faisant, les époux [L] tentent d'imposer à leur conseiller une obligation de résultat alors qu'il ne saurait être reproché à M. [B] simple conseiller en gestion de patrimoine de ne pas s'être informé de manière autonome sur la société Aristophil.
Sur ce :
Il résulte de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu, à l'égard de l'investisseur , d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, de l'opération proposée, ainsi que sur les risques qui lui sont associés (Com, 30 avril 2025, N° 23-23.253, 24-11.717).
S'agissant de la responsabilité encourue à l'égard des acquéreurs en qualité de mandataire, dès lors que le mandataire agit par représentation du mandant, le principe est que son action produit directement effet sur le représenté et aucun sur lui-même. Il n'est donc pas tenu personnellement et il ne répond pas de la bonne ou de la mauvaise exécution du contrat. Mais le mandataire répond sur un fondement extra-contractuel des fautes dont il se rend coupable envers les tiers.
La responsabilité du mandataire professionnel est appréciée de manière plus rigoureuse, ce qu'impose d'ailleurs l'article 1992 alinéa 2 du code civil, qui énonce que la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire. C'est ainsi que la jurisprudence considère que le mandataire professionnel engage sa responsabilité extra-contractuelle à l'égard du tiers pour manquement à son devoir de conseil.
Le tribunal a justement pu indiquer que les engagements de chaque partie sont clairement définis au contrat de vente suivant lequel la société Aristophil vend des parts de propriété sur le bien indivis.
Le mécanisme contractuel étant toujours le même, suivant le contrat de garde et de conservation, la société Aristophil s'engage à garder et à conserver la collection dans les meilleures conditions pendant la durée du contrat pour la rendre au propriétaire au terme de la convention. Cette convention est conclue pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction pendant 5 ans.
Le propriétaire s'engage unilatéralement à vendre à la société la collection dont il est propriétaire au terme des 5 ans du contrat de garde. Cette promesse a une durée de trois mois à compter du terme de la convention de dépôt. Durant ces trois mois, la société Aristophil dispose d'une option d'achat au prix convenu ou à un prix d'expertise. Ce prix sera alors au minimum supérieur de 8.75% par an au prix d'acquisition. Cette convention ne garantit donc aucun rendement. L'hypothèse de l'absence de rachat est visée à l'article VII de la convention de garde, qui précise qu'au terme de la convention le propriétaire reprend la possession de sa collection ; qu'il peut la conserver, la vendre sur le marché national ou international des 'uvres d'art ou appliquer la promesse de vente et revendre la collection à la société Aristophil.
Le conseil donné par la société Axxo Patrimoine s'analyse effectivement en tenant compte du contexte dans lequel le conseil a été donné ainsi que des connaissances et des objectifs des personnes auxquelles il était prodigué. En 2013, la société Aristophil apparaissait dans le palmarès de L'Express comme une des plus belles sociétés indépendantes. La presse se faisait l'écho de sa réussite, en précisant qu'elle avait généré, en 2012, un chiffre d'affaires de l'ordre de 189 millions d'euros et en soulignant la richesse de ses collections.
Les conventions Amadeus et Coraly's, permettant d'acquérir une 'uvre à titre personnel ou en indivision, étaient présentées comme des conventions originales permettant d'acquérir et de valoriser une collection unique et personnelle, s'inscrivant dans une stratégie de diversification patrimoniale. La Banque de France, elle-même, attribuait à la société Aristophil au mois de septembre 2014, une cotation B3, correspondant à un niveau d'activité compris entre 150 et 750 millions d'euros et à une capacité à honorer ses engagements financiers à horizon de 3 ans, qualifiée de forte. La société Aristophil jouissait donc d'une excellente réputation dans son secteur d'activité et bénéficiait de l'approbation des acteurs institutionnels en matière de placements et d'investissements.
Ainsi les investissements réalisés initialement en 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 puis prorogés en 2011 et en mai et décembre 2012 ont été souscrit dans une période au cours de laquelle les indicateurs relatifs à la société Aristophil et aux investissements proposés étaient favorables.
Toutefois, cette affirmation est à nuancer au regard d'un communiqué de presse de l'AMF du 29 octobre 2007 incitant les investisseurs sollicités à la plus grande prudence ; elle n'est plus exacte pour les investissements postérieurs car l'autorité des marchés financiers (AMF) a, par voie d'un communiqué de presse du 12 décembre 2012, appelé les épargnants à la plus grande vigilance en matière de placements atypiques proposés au public tels que les lettres et manuscrits.
Par communiqué du 26 novembre 2014, l'AMF a précisé que l'activité de la société Aristophil n'entrait pas dans son champ de compétence.
Si dans ce contexte, la société Axxo Patrimoine Conseil pouvait légitimement témoigner de l'intérêt aux produits proposés par la société Aristophil, elle n'était pas pour autant dispensée d'exercer un esprit critique, d'accorder une certaine attention aux avertissements de l'AMF afin d'informer complètement ses clients.
Il n'est pas établi qu'elle ait alerté Mme [L] avant que cette dernière ne proroge certains engagements en 2013 et 2014, M et Mme [L] pour les deux investissements réalisés en janvier et avril 2013.
Il résulte par ailleurs de l'étude des fiches de déontologie et de préconisation produites que Mme [L] avait comme motivation en 2010 « investissement avec +40% dans 5 ans ».
M. et Mme [L] n'étaient pas des investisseurs rompus aux pratiques des marchés financiers en recherche d'investissements procurant une plus haute rentabilité en contrepartie de risques plus élevés.
Le fait de cocher un souhait de rentabilité de 40% tout en mentionnant l'acceptation d'un risque faible d'investissement trahit non seulement leur inexpérience mais également l'absence de conseil donné sur la rentabilité des placements et l'analyse des risques nécessaires à l'obtention d'une forte rentabilité.
L'étude des fiches connaissance client permet également de constater que l'analyse réalisée était incomplète. Ainsi la fiche renseignée le 22 mai 2012 ne mentionne pas le poids relatif de l'ensemble des investissements en Art par rapport au patrimoine global du mandant. Les bons de commande étant signés le même jour, aucune analyse réelle et sérieuse ne pouvait de ce fait être effectuée par la société Axxo Patrimoine Conseil en vue de satisfaire à son devoir de conseil.
La seule fiche qui permet d'avoir une idée plus précise du patrimoine de Mme [L] a été établie en 2014. Elle permet de constater que le couple (foyer) percevait entre 0 euro et 25 000 euros par an ; que son patrimoine constitué pour moitié de son habitation s'élevait entre 300 000 et 500 000 euros. La comparaison de ces chiffres avec l'investissement global du couple dans les produits Aristophil ( 213 140 euros pour Mme [L], 36 000 euros pour M et Mme [L] et 30 000 euros pour M. [L] ) permet de constater que ceux-ci ont investi la quasi-totalité de leur patrimoine disponible dans les produits Aristophil, ce qui signe de la part de la société Axxo Patrimoine Conseil qui les accompagnait depuis longtemps un défaut de conseil pour ne pas avoir proposer une diversification des placements.
Ainsi et avant même que l'AMF n'émette un avertissement, il n'est pas justifié que la société Axxo Patrimoine Conseil a alerté ses clients sur la non-liquidité des manuscrits, l'absence de garantie de rachat, le caractère atypique et non-régulé du placement.
Les souscriptions ont été opérées sans analyse réelle de la situation patrimoniale et sans respecter un devoir de prudence, de vérification et d'indépendance (la vente exclusif du produit en attestant).
Il doit être également observé que certaines souscriptions ont été effectuées en pré-indivision. Il n'est pas démontré que la société Axxo Patrimoine Conseil a souligné cette particularité qui ne permettait pas de connaître l'exacte composition de cette indivision, ni de s'assurer de sa valorisation.
Ainsi si les pratiques commerciales trompeuses de la société Aristophil ne peuvent être imputées à son mandataire qui n'est pas débiteur des obligations du vendeur, il est certain que la société Axxo Patrimoine Conseil n'a pas satisfait à son devoir de conseil, pas plus qu'elle n'a satisfait aux obligations de l'article L 111-1 du code de la consommation puisqu'en dehors d'une seule acquisition faite en pleine propriété le détail des documents indivis formant les collections présentés comme « annexés aux présentes » ne figurent pas dans les pièces produites.
Une des caractéristiques essentielles du bien vendu était également le prix des documents constituant l'indivision, s'agissant de biens relevant d'un commerce spécialisé dont la valeur ne pouvait être aisément appréciée ou vérifiée par un acquéreur profane. Le mode de fixation de ce prix et la ou les garanties applicables à la valeur fixée constituaient eux aussi des caractéristiques essentielles du bien vendu.
Or la société CNA Insurance Company (Europe) ne produit sur ce point aucun document témoignant d'une information donnée aux demandeurs qui ne disposaient en réalité que de la valeur globale de chaque indivision, du nombre de parts et de la valeur de ces parts.
Le manquement de la société Axxo Patrimoine Conseil à son devoir de conseil et aux dispositions du code de la consommation est ainsi établi.
IV-Sur les demandes indemnitaires :
Le tribunal a considéré que le préjudice des époux [L] était constitué par la perte de chance de ne pas contracter et évalué cette perte de chance à 80% de la valeur de leurs placements en tenant compte de la valeur de revente des pièces achetées.
Les époux [L] concluent à la confirmation du jugement sur ce point.
La société CNA Insurance Company soutient que M et Mme [L] se prévalent d'un préjudice hypothétique qui ne sera déterminable que lorsque la totalité des biens qu'ils ont acquis auront été vendus.
A titre surabondant, elle indique que les pertes alléguées ne sauraient donner lieu qu'à une réparation partielle. Considérant que les demandeurs ont souscrit les investissements litigieux au vu de documents clairs et dépourvus d'ambiguïté elle assure qu'ils auraient en tout état de cause réalisé ces investissements et qualifie de déraisonnable l'évaluation faite par le tribunal.
Considérant les autres placements éventuels pris en considération par le tribunal, elle observe que le taux de 2,50% s'agissant des fonds en euros est un taux avant imposition ; que les sommes investies excèdent le plafond d'un livret A ; que les époux [L] entendaient valoriser leur capital et étaient à la recherche d'un placement à rendement élevé.
Sur ce :
Contrairement à ce que soutient la société CNA Insurance Company (Europe) le préjudice de M et Mme [L] n'est pas hypothétique.
La société Aguttes a été désignée par le tribunal de grande Instance de Paris pour organiser la vente des biens vendus en indivision. Ces ventes ont débuté le 20 décembre 2017 et il n'est pas établi qu'elles soient terminées et que l'ensemble des collections aient trouvé acquéreur. Les pièces produites témoignent de ce que le prix des parts indivises est sans commune mesure avec celui initialement réglé par les souscripteurs.
M et Mme [L] qui étaient à la recherche d'un investissement à faible risque, tout en étant désireux de valoriser leur patrimoine ont perdu la chance de ne pas contracter avec la société Aristophil qui est résultée directement des carences de la société Axxo Patrimoine Conseil à remplir son devoir de conseil, qu'ils ont également perdu la chance d'investir dans un produit conforme à leur attente ( un produit à faible risque).
Ainsi c'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a évalué ce préjudice en retenant une perte de chance basée sur le capital investi et une perte de chance de gains alternatifs basée sur le rendement moyen de 2%.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
V- Sur la garantie mobilisable :
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à « voir constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour. Il en est de même pour les demandes tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
La cour n'infirmera ou ne confirmera le jugement qu'au regard des demandes qu'il tranche et non des moyens qu'il retient.
Aux termes du dispositif de leurs conclusions, M et Mme [L] demandent à la cour, statuant à nouveau, de juger que la police d'assurances RCPIPO261 de la société CGPA est mobilisable à l'instar des deux polices de la société CNA Insurance Company (Europe).
Pour autant, la demande d'indemnisation présentée à la cour ne tend qu'à la condamnation de la société CNA Insurance Company (Europe), ce que les époux [L] expliquent en indiquant « Donner acte à Madame [K] [L] et M. [O] [L] de leur intention de mobiliser exclusivement les polices d'assurance de la compagnie CNA Insurance Company (Europe) FN 1925 et FN1549 conformément à l'article 4 de l'article L121-4 du code des assurances. »
En considération de ces éléments et de la motivation susvisée portant sur la nature de l'activité exercée par la société Axxo Patrimoine Conseils auprès des époux [L], seule la mobilisation de la garantie de la société CNA Insurance Company (Europe) sera examinée.
VI-Sur la garantie due par la société CNA Insurance Company (Europe)
La société CNA Insurance Company (Europe) conteste devoir sa garantie.
Elle entend démontrer que les polices n° FN 1549 et n° FN 1925 avaient des objets distincts, la première ayant vocation à garantir la responsabilité des mandataires de la société Script Invest (qualité que la société Axxo Patrimoine Conseil a eu avant le 1er janvier 2013) la seconde ayant vocation à garantir la responsabilité des mandataires de la société Art Courtage (qualité qu'a eu la société Axxo Patrimoine Conseil après le 1er janvier 2013).
Elle affirme qu'en tout état de cause, aucune garantie n'est due au titre de l'une et l'autre de ces polices, celles-ci ayant cessé leurs effets à la date de la première réclamation des demandeurs, sans qu'aucune garantie subséquente n'ait pu prendre effet.
Elle rappelle qu'en application de l'article 5 des conditions générales, ces polices ont été souscrites en base réclamation et fait valoir que la première demande des époux [L] a été formulée le 17 avril 2015, soit postérieurement à l'expiration des garanties des polices n° FN 1549 et n° FN 1925 sans qu'aucune garantie subséquente n'ait pris effet, la responsabilité de la société Axxo Patrimoine Conseil étant assurée auprès de la société CGPA.
Elle précise ainsi:
* que la police FN 1549 a cessé de produire effet au jour de la disparition de la société Script'Invest le 1er janvier 2013 ; que l'intuitu personae attaché au contrat s'oppose à ce que la transmission universelle de patrimoine liée à la fusion absorption emporte transmission du contrat d'assurance et sa continuation au profit de la société Art Courtage. A titre surabondant, elle précise que la police a été en tout état de cause résiliée par avenant du 13 septembre 2013 à effet au 1er janvier 2013, soit antérieurement à la première réclamation.
* que la police FN 1925 a été résiliée suivant avenant du 6 février 2015 à effet au 31 décembre 2014 et frappée en tout état de cause de caducité par la liquidation de la société Art Courtage prononcée le 29 janvier 2015.
* que la société Axxo Patrimoine Conseil qui proposait à ses clients d'investir dans les collections Aristophil a agi en qualité de conseiller en gestion de patrimoine, activité pour laquelle elle était assurée auprès de de la société CGPA.
Les époux [L] concluent à la confirmation du jugement sur les garanties offertes par la société CNA Insurance Company (Europe) avec substitution de motifs concernant la date de réclamation et l'année d'assurance concernée.
Ils indiquent que les conseillers proposant à la vente des produits Aristophil étaient mandatés par des sociétés distributrices bénéficiant d'une police d'assurance spécifique souscrite « pour le compte de qui il appartiendra » couvrant les souscripteurs (distributeurs) et leurs mandataires (conseillers vendeurs). Il s'agissait des polices souscrites auprès de la société CNA Insurance Company(Europe) N° 1925 (souscrite par Art Courtage) et FN 1549 (souscrite par Script'Invest).
Ils invoquent une clause de sauvegarde présente au contrat de courtage conclu entre les sociétés Courtages Conseil [B] et Script'Invest en 2011, établie au bénéfice de la société Art Courtage( venant aux droits de Script'Invest) pour soutenir que la société Axxo Patrimoine Conseil bénéficiait de la police FN 1549 souscrite par Script'Invest et de la police FN 1925 souscrite par Art Courtage auprès de la société CNA Insurance Company(Europe).
Ils assurent :
* que la police FN 1925 n'a pas été résiliée par le mandataire judiciaire de la société Art Courtage ; qu'aucune période subséquente n'a couru et que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a jugé que seule la garantie de la société CNA Insurance Company (Europe) était mobilisable.
* que la police FN 1549 n'a jamais été résiliée régulièrement ; que les contrats souscrits par la société Script'Invest ont été repris par la société Art Courtage à compter du 1er janvier 2013(activation de la clause de sauvegarde).
Ils répondent que cette police souscrite « pour le compte de qui il appartiendra » n'est pas un contrat conclu intuitu personae insusceptible d'être transféré. Les sociétés Script'Invest et Art Courtage exerçaient de manière indifférenciée l'activité de conseiller en gestion de patrimoine ; ces deux réseaux ont fusionné dans un réseau de distribution unique qui a conservé le même niveau de couverture assurantielle.
Ils opposent à la société CNA Insurance Company (Europe) qui se prévaut d'un avenant conclu avec la société Script'Invest le 13 septembre 2013 avec effet rétroactif au 1er janvier 2013, la transmission universelle de patrimoine de la société Script'Invest et partant, l'absence de capacité à contracter de cette dernière à compter du 1er janvier 2013 et l'inopposabilité de l'avenant aux tiers.
Au visa de l'article L 124-1 du code des assurances, ils écartent l'argument suivant lequel le plafond de garantie s'appliquerait à l'ensemble des réclamations formées à l'encontre de l'ensemble des assurés au titre de la totalité des dommages résultant des fautes commises par eux dans le cadre de la commercialisation des produits Aristophil.
Ils soulignent le fait que le tribunal a confondu la date de réclamation d'un dossier connexe qui lui était également soumis (24 décembre 2019) avec celle devant être retenue au cas d'espèce (17 avril 2015). Ils soutiennent que l'assureur ne justifie d'aucun versement d'indemnité pour des sinistres de l'année 2015 au titre des deux polices considérées et sollicitent en conséquence la confirmation du jugement sur ce point.
La société CGPA fait observer que la société CNA Insurance Company assurait la société Art Courtage depuis 2008 pour le même risque de sorte que le moyen tiré de l'intuitu personae de la police FN1549 est peu pertinent.
Concernant la police FN 1925, la société CGPA soutient que la résiliation du 6 février 2015 à effet du 31 décembre 2014 est sans effet pour n'avoir été signée que par l'assureur et n'être pas conforme au délai de résiliation. Elle ajoute que la liquidation de la société Art Courtage n'a pu avoir pour effet de rendre la police caduque, la liquidation judiciaire n'entrainant pas la radiation et laissant subsister la personne morale.
Enfin, elle affirme que la garantie subséquente de la société CNA Insurance Company (Europe) est applicable en considération de la date de réclamation.
Elle affirme que sa propre garantie est sans effet sur la garantie subséquence de CNA dès lors que la police GPA n'a pas été souscrite pour succéder à celle de CNA puisqu'elle a été souscrite à effet du 1er janvier 2012 et couvre la responsabilté de la société Axxo Patrimoine Conseil dans l'exercice de ses activités de CIF ou de CGP.
Elle fait valoir que la qualité de CGP ne se confond pas avec une activité de vente sous mandat mais une activité de conseil et considère que la garantie subséquente de CNA pour la commercialisation des produits Aristophil est mobilisable. Elle ajoute que les dispositions de l'article L 121-4 du code des assurances n'est pas applicable lorsqu'il existe deux garanties distinctes concernant des intérêts différents.
Sur ce :
Les polices FN 1549 (souscrite par Script'Invest) et la police FN 1925 (souscrite par Art Courtage) sont souscrites, pour la première par la société Script'Invest et pour la seconde par la société Art Courtage. Elles assurent le souscripteur, les agents commerciaux et les courtiers en art ayant reçu mandat express du souscripteur.
Les bénéficiaires peuvent agir directement contre l'assureur à condition que le risque soit couvert et que le contrat soit en vigueur.
La police FN 1549 a été souscrite à compter du mois de juillet 2007 (suivant les déclarations de la société CNA Insurance Company(Europe) et renouvelée par avenants successifs. Elle a été résiliée par avenant N°11 du 7 novembre 2013 à effet au 1er janvier 2013 0H.
Cet avenant est signé du souscripteur et de la compagnie d'assurances.
Si le nom du souscripteur n'est pas mentionné sur cet avenant, la comparaison des signatures apposées pour ledit avenant et sur le contrat d'agent commercial conclu le 15 juin 2011 entre les sociétés Aristophil et Art Courtage permet à la cour de se convaincre de la validité de cet avenant régularisé par M. [M] directeur général d'Art Courtage, après que cette société a absorbé la société Script'Invest.
M et Mme [L] opposent à la société CNA Insurance Company la clause de sauvegarde stipulée à l'article 15.2 au bénéfice de la société Art Courtage dans le contrat de courtage conclu entre la société Script'Invest et la société Courtage Conseils [B].
Cette clause a pour objet de protéger les parties d'un évènement imprévu rendant l'exécution du contrat difficile ou risquée, à savoir la disparition de Script'Invest ou de Art Courtage. Elle vise à anticiper cette difficulté pour garantir la continuité contractuelle, mais elle ne suffit pas, dans sa rédaction, à transférer automatiquement le bénéfice des contrats d'assurances souscrits par chaque bénéficiaire de la clause. Le contrat d'assurance est en effet un contrat intuitu personae qui repose sur la personnalité du souscripteur ; l'assureur accepte de garantir un risque spécifique lié à l'activité et à la solvabilité de la structure. Ainsi, et sauf acceptation expresse de l'assureur dont la preuve n'est pas rapportée en l'espèce, la clause de sauvegarde contenue dans le contrat de courtage auquel l'assureur n'est pas partie, n'a pas eu pour effet, à la disparition de la société Script'Invest, de transmettre le contrat d'assurance souscrit par cette dernière, contrat au demeurant résilié par la société Art Courtage après absorption de la société Script'Invest.
Comme l'affirme la SA CNA Insurance Company Europe, seuls les contrats souscrits avant le 1er janvier 2013 bénéficient de la garantie offerte par la police FN 1549.
La garantie subséquence de cinq ans ayant couru à compter de la date de résiliation (1er janvier 2013) n'était pas expirée à la date de la première réclamation du 17 avril 2015.
L'appelante prétend qu'aucune garantie subséquente n'a pu commencer à courir à compter de la résiliation dès lors que la société Axxo Patrimoine avait souscrit auprès de la société CGPA une assurance responsabilité civile professionnelle et qu'elle est restée assurée auprès de CGPA jusqu'à sa liquidation au mois de novembre 2015.
La société CNA Insurance Company observe que la société CGPA ne produit pas la police N°RCPIP 0261 et ne démontre pas que la présentation par Axxo Patrimoine Conseils de produits d'investissements Aristophil était exclue des garanties souscrites auprès d'elle.
Elle indique au visa de l'article L 113-1 du code des assurances que dès lors que l'activité à l'occasion de laquelle la responsabilité de la société Axxo Patrimoine Conseil est recherchée n'est pas expressément exclue de la garantie RCPIP 0261, CGPA ne peut dénier devoir sa garantie.
Elle répond à la société CGPA, qui souligne que cette police a été souscrite le 1er janvier 2012 et n'avait pas pour objet de succéder à la garantie CNA encore en cours, que la société CGPA ajoute à l'article L 124-5 du code des assurances, qu'il suffit pour que l'assureur soit libéré de la garantie subséquente qu'une police fonctionnant sur la base réclamation ait été souscrite auprès d'un même assureur.
La société CGPA objecte pour sa part que la société CNA Insurance Company Europe ne peut s'exonérer de la garantie subséquente puisqu'elle ne couvrait la responsabilité civile de la société Axxo Patrimoine Conseil que dans le cadre de l'activité de CGP exercée par cette dernière.
La cour constate que les conditions particulières de la police d'assurance souscrite par la société Axxo Patrimoine Conseil auprès de CGPA ne couvrent effectivement que la responsabilité civile professionnelle engagée dans le cadre de l'activité de CGP.
Le risque assuré n'étant pas le même, la société CNA Insurance Company Europe est effectivement tenue, au titre de la responsabilité professionnelle de la société Axxo Patrimoine Conseil relative à son activité de vente des produits Aristophil, par la garantie subséquente de cinq ans.
La police FN 1925 a été souscrite le 10 décembre 2008 par la société Art Courtage au profit des agents commerciaux ayant reçu mandat express d'Art Courtage. Cette police n'a pas vocation à assurer les investissements présentés avant le 1er janvier 2013 par la société Script'Invest.
L'assurance de responsabilité souscrite par la société absorbante avant la fusion n'a en effet pas vocation à garantir les faits commis par la société absorbée sauf stipulation contraire.
La société CNA Insurance Company (Europe) se prévaut de la résiliation de la police FN 1925.
Elle ne justifie cependant pas d'une résiliation faite à son initiative dans les formes prévues à l'article 2.4 des Conditions générales (lettre recommandée adressée au dernier domicile du souscripteur) : elle se limite à produire un « Avenant n°1 » signé le 6 février 2015 à effet du 31 décembre 2014, qui mentionne la résiliation « d'un commun accord entre les parties » de la police n° FN 1925, mais avec la seule signature et le cachet commercial de la SA CNA Insurance elle-même, sans la signature du souscripteur ni la preuve que ce document lui a été envoyé en recommandé (pièce n°1-3). Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de cette société, de prononcer que la police en cause a cessé de produire ses effets à la date susdite.
La société CNA Insurance Company( Europe) indique également que cette police a été frappée de caducité du fait de la liquidation de la société Art Courtage par jugement du 29 janvier 2015. Elle explique que du fait de la liquidation judiciaire, les produits Aristophil n'étaient plus commercialisés, la société Aristophil ayant elle même été placée en liquidation judiciaire le 5 août 2015.
Cependant si les produits n'étaient plus commercialisés le contrat d'assurance est resté en vigueur jusqu'à sa résiliation. En effet depuis le 1er janvier 2008, le contrat d'assurance est comme tous les autres contrats soumis au régime de la continuation des contrats et en particulier au droit d'option du mandataire judiciaire ou de l'administrateur. L'article L 641-11-1 III du code de commerce dispose que : « - Le contrat en cours est résilié de plein droit :
1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir au liquidateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ;
2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles ;
3° Lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent, au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat. »
La société CN Insurance Company(Europe) ne justifie pas des diligences décrites supra.
La société Art Courtage ayant été placée en redressement judiciaire le 23 décembre 2014, cet avenant non signé ne permet pas de conclure à une résiliation de contrat faite avec l'accord du mandataire.
Enfin, contrairement à ce que soutient l'appelant, le prononcé de la liquidation judiciaire n'a pas fait disparaitre le risque assuré -défini au contrat comme les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber aux assurés- et donc l'objet du contrat puisque le risque de réclamation perdure après la liquidation.
En conséquence la police FN 1925 n'étant pas résiliée la garantie de la société CNA Insurance Company (Europe) est acquise à ce titre.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le jugement sera confirmé, par motifs en partie substitués en ce qu'il a condamné la société CNA Insurance Company (Europe) à indemniser M et Mme [L] de leur préjudice.
VII-Sur le plafond des garanties de la SA CNA Insurance Company(Europe) :
L'appelante fait observer que la police FN1925 comporte un plafond de garantie, que ce plafond est stipulé par période d'assurance et que l'article 4 des conditions spéciales précise que « le montant des garanties est indiqué à l'article 11 des conditions particulières et constitue l'indemnité maximum à laquelle est tenu l'assuré pour l'ensemble des réclamations introduites à l'encontre des assurés pendant la période d'assurance et entrant dans le cadre des garanties du présent contrat. »
Elle assure qu'en application de l'article 11 le montant de la garantie est du sans condition relative à l'assuré et qu'ainsi, indépendamment du caractère sériel ou non du sinistre, le plafond s'applique à l'ensemble des réclamations dirigées contre les assurées de la même police.
Sur ce,
La police FN1925 stipule un montant de garantie de 2 000 000 euros par période d'assurance avec une franchise par sinistre de 3000 euros. Aucune référence à la notion de sinistre ne figure dans le calcul du montant de ce plafond.
Ce plafond de garantie s'applique effectivement à tous les mandataires de Art Courtage bénéficiaires de ce contrat.
La période de garantie est définie aux conditions spéciales comme 'la période comprise :
(...)
- entre deux échéances annuelles (...)'.
Il ressort de l'avenant 6 du 22 mai 2012 que l'échéance annuelle est au 1er janvier de chaque année.
Il est constant que les réclamations de M et Mme [L] ont été présentées le 17 avril 2015.
La société CNA Insurance Company ne rapporte pas la preuve de ce que le plafond de garantie de l'année 2015 a été atteint. En effet, elle ne justifie pas des règlements effectués suite aux décisions produites ni des accusés réceptions et plus simplement d'une quittance, par les avocats de la cause, de la bonne réception des fonds.
Il en résulte que les condamnations à garantie prononcées par le présent arrêt contre l'appelante s'exécuteront sur la base du plafond de garantie de l'année 2015, soit dans la limite de 2 000 000 euros s'appliquant à toutes les réclamations des investisseurs présentées entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2015 et sous déduction d'une franchise par sinistre.
La police FN 1549 trouve à s'appliquer dans le cadre de la garantie subséquente. Pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, les condamnations à garantie prononcées par le présent arrêt contre l'appelante s'exécuteront sur la base du plafond de garantie de l'année 2015, soit dans la limite de 2 000 000 d'euros s'appliquant à toutes les réclamations des investisseurs présentées entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2015 et sous déduction d'une franchise par sinistre.
Il n'est pas justifié que ce plafond de garantie a été atteint.
VIII ' Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L'appelante succombant en son appel sera condamnée aux dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M et Mme [L] les frais exposés pour leur défense. La société CNA Insurance Company sera condamnée à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M et Mme [L] ont formé appel incident en ce que le tribunal les a condamnés à verser à la société CGPA la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ce texte « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;(') »
En l'espèce les époux [L] n'ayant pas été condamnés aux dépens et n'ayant pas perdu leur procès ne peuvent être condamnés à indemnisation au titre des frais irrépétibles. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il condamne les époux [L] à indemniser la société CGPA au titre des frais irrépétibles.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société CGPA les frais exposés par elle. Elle sera déboutée de cette demande.
Par ces motifs :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;
Rejette la demande de la société CGPA, de la société CNA Insurance Company (Europe) tendant à voir juger que la déclaration d'appel régularisée dans les intérêts de la société CNA Insurance Company(Europe) le 28 mai 2024 n'a pas d'effet dévolutif et dit que la déclaration d'appel opère effet dévolutif;
Confirme le jugement critiqué par motifs en partie substitués, sauf:
- en ce qu'il a dit condamné in solidum M et Mme [L] à verser à la société CNA Insurance Company (Europe) la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Statuant à nouveau,
Déboute la société la société CNA Insurance Company (Europe) de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;
Y ajoutant;
Dit que les condamnations prononcées à l'encontre de la SA CNA Insurance Company (Europe) au titre des réclamation formulées en application de la police FN 1925, sont dues dans la limite du plafond de 2 000 000 d'euros sous déduction des condamnations qui auront déjà été réglées par la société CNA Insurance Company (Europe) présentées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015;
Dit que les condamnations prononcées à l'encontre de la SA CNA Insurance Company (Europe) au titre des réclamation formulées dans le cadre de la garantie subséquente de la police FN 1549, sont dues dans la limite du plafond de 2 000 000 d'euros sous déduction des condamnations qui auront déjà été réglées par la société CNA Insurance Company (Europe) présentées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015;
Condamne la SA CNA Insurance Company (Europe) à verser à M. [O] [L] et Mme [K] [L], pris en semble, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Déboute la société CGPA de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles;
Condamne la SA CNA Insurance Company (Europe) aux dépens qui seront distraits au profit de Me Rahon par application des dispositions de l'article 699 du code de procédre civile.