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Décisions

CA Riom, ch. com., 23 juillet 2025, n° 25/00260

RIOM

Arrêt

Autre

CA Riom n° 25/00260

23 juillet 2025

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°297

DU : 23 Juillet 2025

N° RG 25/00260 - N° Portalis DBVU-V-B7J-GJ7S

SN

Arrêt rendu le vingt trois Juillet deux mille vingt cinq

Sur appel d'une ordonnance du tribunal de commerce de Cusset, en date du 28 Janvier 2025, enregistrée sous le n° 2024004169

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

la Société MJ DE L'ALLIER

Représentée par Me Emilie Goumy

SELARL immatriculée au RCS de Cusset sous le n° 834 285 744

[Adresse 6]

[Localité 2]

agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [S] [C], domicilié [Adresse 3],

Représentée par Me Emilie PIGNAUD, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

APPELANTE

ET :

M. [S] [C]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Stéphanie MANRY de la SELARL CAP AVOCATS, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

INTIMÉ

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, à l'audience publique du 22 Mai 2025, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON et Madame NOIR, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré. L'affaire est mise en délibéré au 23 Juillet 2025.

ARRET :

Prononcé publiquement le 23 Juillet 2025 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu la communication du dossier au ministère public le 26 février2025 et son avis écrit reçu le jour même au greffe de la troisième chambre civile et commerciale, dûment communiqué le 26 février 2025 par communication électronique aux parties qui ont eu la possibilité d'y répondre utilement.

EXPOSE DU LITIGE :

Par jugement du 9 juillet 2024, le tribunal de commerce de Cusset a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de M. [S] [C] et désigné la SELARL MJ de l'Allier en qualité de mandataire judiciaire. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 15 octobre 2024 et la SELARL MJ de l'Allier a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par requête du 4 novembre 2024, la SELARL MJ de l'Allier, ès qualités, a sollicité l'autorisation du juge-commissaire de procéder à la vente aux enchères des biens appartenant à M. [S] [C].

Par ordonnance du 28 janvier 2025, le juge-commissaire a :

- ordonné la vente aux enchères publiques du matériel, des marchandises, des véhicules et éventuellement, autorisé la réalisation aux enchères du matériel nanti ou gagé, à l'exception du véhicule BMW [Immatriculation 5] ;

- dit que la vente aux enchères publiques se fera par tout officier ministériel compétent, qui en sus de la vente, devra veiller à l'enlèvement des biens vendus, au nettoyage des locaux où se trouvent les biens, et la remise des clés aux bailleurs si le bail a été résilié par ordonnance du juge-commissaire, et si cette ordonnance de résiliation de bail est passée en force de chose jugée et donc après que le délai d'opposition soit écoulé ou le jugement sur opposition prononcé, afin que la liquidation judiciaire ne puisse être aucunement recherchée du chef des prestations ci-dessus énoncées.

Le juge-commissaire a considéré que la preuve du caractère indivis du véhicule BMW [Immatriculation 5] n'était pas rapportée mais que ce véhicule était nécessaire à l'exercice de la profession de M. [S] [C] et à sa vie personnelle et familiale de sorte qu'il ne pouvait être saisi en application des dispositions de l'article L112-2 du code des procédures civiles d'exécution.

Par déclaration électronique du 7 février 2025, la SELARL MJ de l'Allier, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. [S] [C], a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 22 mai 2025, l'appelante demande à la cour de :

- infirmer la décision entreprise en en ce qu'elle a :

- ordonné la vente aux enchères publiques du matériel, des marchandises, des véhicules et éventuellement, autorisé la réalisation aux enchères du matériel nanti ou gagé, à l'exception du véhicule BMW [Immatriculation 5] ;

- statuant à nouveau :

- ordonner la vente aux enchères publiques du matériel, des marchandises, des véhicules et éventuellement, autoriser la réalisation aux enchères du matériel nanti ou gagé, en ce compris le véhicule BMW immatriculé [Immatriculation 5] ;

- condamner M. [S] [C] à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [S] [C].

Par conclusions notifiées par RPVA le 22 mai 2025, M. [C] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance rendue par Mme le juge -commissaire au tribunal de commerce de Cusset et à la liquidation judiciaire de M. [S] [C] le 28/01/2025 (N° 2024004169) ;

- débouter la Selarl MJ de l'Allier de l'ensemble de ses demandes et prétentions visant notamment à intégrer ledit véhicule [Immatriculation 5] dans la réalisation de l'actif dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire concernant M. [S] [C] et visant par conséquent à autoriser sa vente aux enchères ;

Y ajoutant,

- condamner la Selarl MJ de l'Allier à payer et porter à M. [S] [C] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens d'instance d'appel.

Par avis du 26 février 2025, le parquet général près la cour d'appel de Riom a dit s'en remettre à la sagesse de la cour sur le fond après avoir rappelé qu'il n'est pas à l'origine de la procédure.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2025.

MOTIFS :

L'article L. 641-9, paragraphe premier, du code de commerce dispose que : « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur (') ».

Ce texte pose le principe du dessaisissement du débiteur quant à l'administration et à la disposition de ses biens « même de ceux qu'il peut acquérir à quelque titre que ce soit tant qu'il est en état de liquidation des biens ». Il en résulte que le dessaisissement est général et embrasse l'intégralité du patrimoine sans considération de l'origine des biens. La seule exception à ce principe est contenue dans les articles L. 112-2 et L. 112-3 du code des procédures civiles d'exécution qui précisent quels sont les biens exclus du droit de gage général du créancier dont le dessaisissement édicté au profit du liquidateur n'est qu'une application (Ass. plén., 15 avr. 1983, no 80-13.339).

Aux termes de l'article L. 112-2 5° du code des procédures civiles d'exécution, ne peuvent être saisis les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n'est pour paiement de leur prix, dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat et sous réserve des dispositions du 6°. Ils deviennent cependant saisissables s'ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement, s'ils sont des biens de valeur, en raison notamment de leur importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère luxueux, s'ils perdent leur caractère de nécessité en raison de leur quantité ou s'ils constituent des éléments corporels d'un fonds de commerce.

Les juridictions du fond apprécient souverainement si les biens mobiliers du saisi sont nécessaires à son travail (2e Civ., 15 décembre 2005, pourvoi n° 04-14.600).

Au soutien de sa demande de réformation du jugement déféré la Selarl MJ de l'Allier, représentée par Me [I], prise ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [C], fait valoir que la demande de vente aux enchères du ve'hicule BMW immatricule' [Immatriculation 5] faite sur le fondement de l'article L.641-9 I du code de commerce, constitue une ope'ration de re'alisation des actifs du de'biteur et non une ope'ration de saisie au sens de l'article L112-2 du code des proce'dures civiles d'exe'cution.

Elle considère que le véhicule est saisissable nonobstant les dispositions des articles L112-2 et R112-2 du code de procédures civiles d'exécution dans la mesure où ces dispositions ne visent pas directement les véhicules mais uniquement les biens mobiliers et que, pour être insaisissables, ces derniers doivent être absolument nécessaires à l'exercice personne de l'activité professionnelle et utilisés pendant le temps de travail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque M. [S] [C] utilise son véhicule uniquement pour ses trajets domicile-travail situé à [Localité 2] mais qu'il ne l'utilise pas entre temps. Elle soutient ensuite que M. [S] [C] ne rapporte pas la preuve de ce que son véhicule est indispensable à la vie courante.

Elle fait enfin valoir que la preuve du caractère indivis du véhicule n'est pas rapportée faute de preuve d'un financement conjoint par Mme [K] et qu'en toute hypothèse, faute d'action en revendication exercée par Mme [K] dans le délai de l'article L624-9 du code de commerce, aucune propriété indivise sur le bien ne peut être opposée à la liquidation judiciaire, sans pourvoir invoquer les dispositions de l'article L624-16 du code de commerce.

M. [S] [C] répond que le véhicule BMW immatricule' [Immatriculation 5] est un bien indivis lui appartenant avec sa concubine, Mme [P] [K], de sorte que ce bien doit être exclu des opérations de réalisation d'actif réalisées avant l'issue d'une procédure de licitation partage. Il ajoute qu'il ne peut être reproché à Mme [K] de ne pas avoir exercé une action en revendication dans le mesure où elle n'est pas dans la cause et où, selon l'article L624-16 alinéa 1 du code de commerce, l'action en revendication suppose que le bien ait été remis à titre précaire au débiteur, ce qui n'est pas le cas puisque lui et Mme [K], sa concubine, sont restés tous deux propriétaires du véhicule.

Il soutient également que le véhicule est insaisissable par application de l'article L112-2 5° du code des procédures civiles d'exécution et de l'article R112-2 du même code qui prohibent la saisie des biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille.

Sur ce, la cour,

M. [S] [C] rapporte la preuve de ce que le véhicule BMW [Immatriculation 5] est un bien indivis au moyen de la copie du certificat d'immatriculation du véhicule mentionnant M. [C] comme titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule immatriculé [Immatriculation 5] et Mme [P] [K] comme co-titulaire, de la demande de certificat d'immatriculation en date du 10 janvier 2023 les mentionnant respectivement comme titulaire et co-titulaire et de l'attestation du vendeur du véhicule, M. [V] [G] en date du 6 novembre 2024 indiquant que le véhicule a été vendu à M. [C] et à Mme [K].

Ce bien indivis n'ayant pas fait l'objet d'une action en partage préalable prévue par l'article 815 du Code civil permettant ainsi de mettre fin à l'indivision et d'isoler la part du débiteur, la Selarl MJ de l'Allier, représentée par Me [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [C] ne peut être autorisée à procéder à sa vente aux enchères publiques.

Les dispositions de l'article L624-9 du code de commerce invoquées par le liquidateur judiciaire ne sont pas applicables en l'espèce dès lors qu'aucune action en revendication n'est formée par Mme [K], propriétaire indivise du véhicule.

En conséquence la cour confirme l'ordonnance déférée par motifs substitués.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Le greffier La présidente

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