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Décisions

CA Orléans, ch. soc., 3 juillet 2025, n° 23/00637

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 23/00637

3 juillet 2025

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 3 JUILLET 2025 à

la SELARL 2BMP

la SCP SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES

AD

ARRÊT du : 3 JUILLET 2025

MINUTE N° : - 25

N° RG 23/00637 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GXZ4

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 15 Février 2023 - Section : COMMERCE

APPELANT :

Monsieur [H] [X]

né le 04 Septembre 1984 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Philippe BARON de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉE :

S.A.S. RENTOKIL INITIAL

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Ladislas WEDRYCHOWSKI de la SCP SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,

Ayant pour avocat pladant Me Louis BOUDIAS de la SCP Philippe et Louis BOUDIAS, avocat au barreau de PARIS

Ordonnance de clôture :28 JUIN 2024

Audience publique du 07 Novembre 2024 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.

Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 3 JUILLET 2025, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [H] [X] a été engagé à compter du 23 avril 2019 par la S.A.S. Rentokil Initial en qualité de technicien conseil confirmé, niveau 3, statut ouvrier.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des entreprises de désinfection, désinsectisation, dératisation (3D) du 1er septembre 1991.

Le 4 décembre 2020, l'employeur a notifié à M. [X] une mise à pied à titre disciplinaire pour s'être battu avec un collègue.

Le 26 mars 2021, l'employeur a convoqué M. [X] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 9 avril 2021, et l'a mis à pied à titre conservatoire.

Le 9 avril 2021, lors de l'entretien préalable, M. [X] a informé son employeur de ce qu'il avait été désigné, à compter du 6 avril 2021, en qualité de conseiller du salarié.

Le 19 mai 2021, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. [X].

Le 21 juillet 2021, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête du 17 novembre 2021, M. [H] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours aux fins de voir dire que la prise d'acte produisait les effets de cause réelle et sérieuse de son licenciement et d'obtenir diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture.

Par jugement du 15 février 2023, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud'hommes de Tours a :

Débouté M. [H] [X] de l'ensemble de ses demandes ;

Débouté la SAS Rentokil Initial de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Laissé à chacune des parties la charge de leurs propres dépens.

Le 26 février 2023, M. [H] [X] a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 25 juin 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M. [H] [X] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris du 15 février 2023 en ce qu'il a débouté M. [H] [X] de l'ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau :

Condamner la SAS Rentokil Initial, au paiement des sommes suivantes :

11 400,54 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, d'heures de nuit et de travail dominical

1 140,05 euros au titre des congés payés afférents

600,89 euros à titre de contrepartie du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires

88 euros au titre de l'indemnité panier

10 euros au titre de l'indemnité nettoyage blouse

14,51 euros au titre de l'indemnité de toxicité journalière

150 euros au titre de la prime d'objectifs du 3ème trimestre 2020

223 euros au titre de l'annulation de sanctions disciplinaires

4 671,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

647,19 euros à titre d'indemnités de congés payés sur préavis

1 265,31 euros à titre d'indemnité de licenciement

10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral

14 015,76 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé

14 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse

5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

70 078,80 euros à titre d'indemnité pour violation du statut de salarié protégé

1 000 euros à titre de dommages-intérêts consécutifs à une sanction disciplinaire nulle

2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance

Ordonner sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir la remise des bulletins de paie afférents aux créances salariales ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle Emploi.

Se réserver la faculté de liquider ladite astreinte.

Condamner la SAS Rentokil Initial, aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution et au paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 14 juin 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A.S. Rentokil Initial demande à la cour de :

Confirmer le jugement prud'hommal ayant débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes.

Juger, en conséquence, que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par

M. [X] doit être qualifiée de démission

Débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Le condamner à 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel de salaire

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P+B+R+I et Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n°17-31.046, FP, P + R + I).

M. [H] [X] demande à la cour de condamner la S.A.S. Rentokil Initial à lui payer la somme totale de 11 400,54 euros correspondant à des heures supplémentaires, des heures de nuit et de travail dominical, soit :

- 4 726,34 euros au titre des heures supplémentaires, outre 472,63 euros de congés payés afférents, correspondant à 247,19 heures supplémentaires non réglées effectuées en 2019 ;

- 4 914,11 euros au titre des heures supplémentaires, outre 491,41 euros de congés payés afférents, correspondant à des heures supplémentaires non réglées effectuées en 2020 ;

- 1 760,09 euros au titre des heures supplémentaires, outre 176,00 euros de congés payés afférents, correspondant à des heures supplémentaires non réglées effectuées en 2021.

Il produit des décomptes du temps de travail quotidien et des tableaux détaillés de calculs concernant les années 2019 à 2021 (pièces n°14 à 16). Il produit également des courriels, notamment un dont il soutient qu'il établit l'existence d'un travail certains dimanches (pièces n°52 et 52-1). Il produit également un échange de courriels ayant eu lieu en décembre 2020 dont il ressort qu'il s'est déjà plaint auprès de son employeur de l'absence de paiement de ses heures supplémentaires (pièce n°60) ainsi que divers échanges de courriers avec l'employeur (pièces n°2, 22, 23, ainsi que la pièce adverse n°12).

Ces éléments sur les horaires de travail que le salarié prétend avoir accomplis sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

De son côté, l'employeur conteste la réalisation d'heures supplémentaires, de nuit et dominicales réclamées par M. [X], faisant valoir leur absence de fondement. Il s'appuie sur des bulletins de paie (pièce n°44 du dossier du salarié) mentionnant le paiement d'heures supplémentaires, y compris une régularisation en janvier 2021, et des relevés de temps signés par le salarié (pièces 24, 24-1, 31). Il soutient qu'en application de l'accord collectif du 17 janvier 2011 (pièce 16-1), le temps de trajet jusqu'au premier chantier et de retour du dernier chantier sont assimilés à du temps de travail au-delà de 30 minutes et «qu'aucune clause de l'accord collectif ne fait de son dépôt une condition de son efficience» (conclusions, p. 31).

M. [X] conteste l'opposabilité de l'accord collectif du 17 janvier 2011 (pièce 16-1) invoqué par la S.A.S. Rentokil Initial pour exclure le paiement des heures supplémentaires avant la 31ème minute de trajet. Il soutient que cet accord, non déposé auprès de la Direccte (pièce 46), n'est pas opposable aux salariés (Soc., 25 avril 2001, pourvoi n°00-43.034). Il fait observer que l'accord mentionne expressément une obligation de dépôt, non respectée, et que la référence à cet accord dans un accord postérieur de 2021 ne saurait le rendre rétroactivement applicable (pièce adverse 28).

Aux termes de l'article L. 2261-1 du code du travail, « les conventions et accords sont applicables, sauf stipulations contraires, à partir du jour qui suit leur dépôt auprès du service compétent, dans des conditions déterminées par voie réglementaire ».

L'accord collectif a été conclu le 17 janvier 2011. Sa date d'entrée en vigueur a été fixée au jour de sa signature (pièce n°16-1 du dossier employeur).

Néanmoins, il est prévu à l'article 6 intitulé « formalités de dépôt et de publicité » : « le présent accord sera déposé en deux exemplaires, dont une version sur support papier signée des parties et une version sur support électronique, auprès de la DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi), et un exemplaire au Conseil de prud'hommes de Bobigny. Il sera par ailleurs affiché sur les tableaux d'information du personnel. »

L'employeur indique qu'il ne retrouve pas trace du dépôt de l'accord auprès de la Direccte dans ses archives (page 13 de ses conclusions). Il se prévaut d'avoir toujours respecté les dispositions de l'accord, ajoutant qu'un nouvel accord signé le 6 mai 2021 rappelle la validation par les partenaires sociaux de ce premier accord (page 4 de la pièce n°28). Il convient d'observer que M. [X] a pris acte de la rupture du contrat de travail le 21 juillet 2021 et que ce nouvel accord est sans incidence sur sa demande de rappel d'heures supplémentaires.

En conséquence, en l'absence de justification de dépôt de l'accord auprès du greffe du conseil de prud'hommes de Bobigny et de la Direccte, il y a lieu de considérer que l'accord du 17 janvier 2011 n'est pas opposable à M. [X].

M. [X] soutient que ses temps de trajet constituaient du temps de travail effectif. Il argue qu'en tant que salarié itinérant, il devait être disponible pour répondre aux appels des clients et de son employeur.

Il résulte des pièces produites par le salarié (notamment ses pièces n°14 à 16, 52-4, 52-6, 57, 58, 59 et 61) que M. [X] effectuait des déplacements entre son domicile, situé à [Localité 8] ([Localité 5]-et-[Localité 6]), et le site de clients situés en [Localité 5]-et-[Localité 6], dans le Cher et dans l'[Localité 5]. Il apparaît qu'il était doté d'un véhicule professionnel muni d'un dispositif de géolocalisation qu'il devait activer. Pendant ses temps de trajet, le salarié se voyait transmettre des demandes urgentes via le système informatique de la société. A cet égard, M. [X] produit des éléments dont il ressort qu'il recevait des sollicitations pendant ses temps de trajet (appels de clients, création de «tickets alerte» en déplacement). L'argument de l'employeur relatif à l'interdiction de l'usage du téléphone au volant est contredit par les pièces du salarié qui démontrent que le système kit main libre (Bluetooth) était prévu à cet effet et que le logiciel «Safe Drive Pod» n'interdisait pas les appels pendant le temps de conduite. Il apparaît ainsi en pratique que le salarié, pendant ses déplacements, répondait à des demandes qui lui étaient adressées par l'employeur et des clients. Les sujétions qui pesaient sur lui l'empêchaient de vaquer à des occupations personnelles de sorte que les temps de trajet doivent être considérés comme du temps de travail effectif (en ce sens, Soc., 23 novembre 2022, pourvoi n° 20-21.924, publié et Soc., 1er mars 2023, pourvoi n° 21-12.068, publié.

Les courriels produits par M. [X], notamment la pièce n°52 et 52-1, sont de nature à établir l'effectivité d'un travail certains dimanches, corroborant ainsi ses décomptes.

La S.A.S. Rentokil Initial produit certes des bulletins de paie mentionnant le paiement d'heures supplémentaires (pièce n°44 du dossier du salarié) et des relevés de temps signés par celui-ci (pièces n° 24, 24-1, 31).

La circonstance que le salarié était placé sous la subordination de l'employeur n'est pas de nature à priver de crédibilité les relevés de temps signés par lui. Cependant, il y a lieu d'observer d'une part que seuls les relevés des semaines 1 à 8 de 2019 (pièce n° 24) et des semaines 31 à 39 de 2020 (pièce n° 24-1) sont signés par M. [X], d'autre part que ces relevés ne couvrent pas l'intégralité de la période de travail.

De plus, la cour constate, concernant les relevés de temps et des bulletins de paie, que ceux-ci ne permettent pas d'établir avec certitude et en réponse aux éléments détaillés du salarié, que l'intégralité des heures de travail effectif, incluant les heures supplémentaires, les heures de nuit et les heures dominicales, a été scrupuleusement décomptée et rémunérée.

A titre d'illustration, pour le mois de juillet 2019, la cour relève que le relevé de temps produit par l'employeur (pièce n°31 de l'employeur et conclusions p. 16) fait état de 31 heures supplémentaires, tandis que le bulletin de paie du mois suivant (août 2019) n'en mentionne que 9,41.

S'agissant de la rémunération d'heures supplémentaires, s'il est exact que le bulletin de paie d'octobre 2019 fait état du paiement de 23,33 heures supplémentaires à 125%, la ligne correspondante sur ce bulletin de paie ne précise pas le mois auquel ces heures se rapportent. Ce bulletin de paie comporte différentes lignes «Rappels» avec indication de la période («1er août 2019 - 31 août 2019», «1er juin 2019 - 30 juin 2019», «1er sept. 2019 - 30 sept. 2019»). Les montants qui y sont mentionnés sont très faibles, de sorte que ces rubriques ne concernent manifestement pas les 23,33 heures mentionnées sur ce bulletin.

Au regard des éléments produits par l'une et l'autre des parties, il y a lieu de retenir que M. [X] a accompli des heures supplémentaires, heures de nuit et heures effectuées le dimanche, qui n'ont pas donné lieu à rémunération mais en nombre moindre que ce qu'il revendique. Il y a lieu de fixer à 4 500 euros brut la créance du salarié au titre des heures de travail accomplies entre 2019 et 2021, étant précisé que cette créance correspond à des heures de travail effectif, c'est-à-dire des heures accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur. Il y a lieu de condamner la S.A.S. Rentokil Initial au paiement de cette somme ainsi que celle de 450 euros brut au titre des congés payés afférents.

Sur le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires

Il y a lieu de retenir que le salarié n'a accompli entre 2019 et 2021 aucune heure supplémentaire au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires, ce contingent étant de 220 heures.

Il y a lieu de débouter M. [X] de sa demande à ce titre.

Sur le travail dissimulé

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 2°du code du travail est caractérisée s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Certes, l'employeur n'a pas opéré de contrôle suffisant sur les heures de travail effectivement réalisées par le salarié. A cet égard, M. [X] a alerté son responsable d'agence en décembre 2020 sur l'absence de paiement de l'intégralité de ses heures de travail (pièce n°60).

Il ne résulte cependant pas des éléments du dossier que l'employeur aurait entendu se soustraire à ses obligations déclaratives et aurait sciemment omis de rémunérer des heures de travail dont il avait connaissance qu'elles avaient été accomplies.

L'élément intentionnel de la dissimulation d'emploi n'est donc pas caractérisé.

Par voie de confirmation du jugement entrepris, M. [X] est débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [X] se plaint d'une situation qu'il qualifie de harcèlement moral.

Il fait valoir avoir subi une dégradation progressive et constante de ses conditions de travail à travers plusieurs agissements de son employeur.

Il invoque les éléments de fait suivants :

- un refus non motivé concernant sa demande de congé de formation syndicale (pièce n° 28) ;

- une notation professionnelle faible (2,6/5) sans justifications précises, en contradiction avec ses évaluations antérieures élogieuses (pièces n° 29 à 31, 56) ;

- le refus arbitraire d'une réservation d'hôtel habituelle (pièce n° 32), alors qu'il y avait déjà eu des réservations plus chères (pièce n° 53) ;

- l'imitation de sa signature sur un document confidentiel (pièce n° 33) ;

- la signature d'une délégation de pouvoir par sa supérieure hiérarchique alors que celle-ci était en arrêt de travail (pièce n° 34) ;

- des sanctions disciplinaires injustifiées (pièces n° 19 à 23) ;

- l'absence d'entretien professionnel ;

- la soumission à un test effectué sur l'application «Kahoot» discriminant et vicié par des dysfonctionnements connus (pièces n° 8, 35, 54 ; pièce n°29 du dossier employeur).

En outre il dénonce de multiples méconnaissances de ses droits légaux et conventionnels :

- application d'un accord de temps de travail irrégulier,

- retrait de primes,

- non-paiement intégral de ses heures supplémentaires et dominicales,

- refus d'un congé pour déménagement (pièces n° 44, 47),

- contacts répétés durant ses congés payés (pièce n° 52-2).

Il reproche encore à l'employeur d'avoir eu une attitude d'ignorance persistante de ses interrogations : mails sans réponse, questions non retranscrites correctement lors des réunions du CSE, annulation d'un entretien important avec le directeur national pour discuter de cette situation qui a été remplacé par une convocation à un entretien préalable au licenciement (pièce n° 2), et enfin engagement d'une procédure de licenciement accompagnée d'une mise à pied d'une durée excessive (53 jours), dont les motifs se sont avérés non fondés, comme l'atteste le refus d'autorisation de l'inspection du travail (pièces n° 7, 8, 9, 10).

La S.A.S. Rentokil Initial soutient que l'ensemble des griefs invoqués par M. [X] sont démentis par les pièces qu'elle produit et, en tout état de cause, ne sauraient caractériser un prétendu harcèlement moral ou une déloyauté contractuelle. Elle affirme que M. [X] «tente vainement de les sédimenter pour tenter d'en faire les fondations d'un prétendu harcèlement moral» (conclusions, p. 23). Elle allègue que c'est au contraire M. [X] «qui a harcelé sa direction et sa directrice d'agence qui notait, avec épuisement : «Tous les jours je reçois des mails de [H] [X] qui prend le temps de tout notifier par écrit» (pièce n° 18 du dossier de l'employeur).

Il convient d'analyser chaque grief afin de déterminer si les faits sont matériellement établis et dans l'affirmative s'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral.

Sur le refus de suivi d'une formation syndicale

M. [X] a sollicité, le 26 février 2021, une autorisation d'absence aux fins de pouvoir suivre une session de formation syndicale du 29 mars au 2 avril 2021.

Dans son courrier du 1er mars 2021, l'employeur a indiqué «ne pas pouvoir accéder favorablement à [sa] demande dans la mesure où celle-ci impacterait le bon déroulement de [leur] activité à cette période.» (pièce n° 28 du dossier du salarié). L'employeur considère qu'il ne s'agissait que d'un refus ponctuel pour la période considérée et qu'il appartenait au salarié de lui proposer d'autres dates.

Aux termes des dispositions de l'article L. 2145-11 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le congé de formation économique, sociale et environnementale et de formation syndicale est de droit, sauf dans le cas où l'employeur estime, après avis conforme du comité social et économique, que cette absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l'entreprise. Le refus du congé par l'employeur doit être motivé. En cas de différend, le refus de l'employeur peut être directement contesté devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

Selon les dispositions de l'article R. 2145-5 du code du travail, le refus du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale par l'employeur est notifié à l'intéressé dans un délai de huit jours à compter de la réception de sa demande. En cas de différend, le bureau de jugement du conseil de prud'hommes saisi en application de l'article L. 2145-11 statue en dernier ressort, selon la procédure accélérée au fond.

Au cas d'espèce, la cour observe que l'employeur a bien opposé un refus, dans son courrier du 1er mars 2021, à la demande d'autorisation d'absence de M. [X]. Il ne produit aucun document permettant de justifier de l'avis conforme émanant du comité social et économique, comme l'exigent les dispositions légales.

Dès lors, le refus opposé par l'employeur à la demande de congé de formation économique, sociale et syndicale formulée par M. [X] le 26 février 2021 était illicite, à défaut d'avis conforme préalable du comité social et économique.

Ce fait est établi.

Sur la notation professionnelle dévalorisante

Le salarié fait grief à l'employeur de lui avoir attribué une note de 2,6/5 lors de son entretien professionnel du 16 mars 2021, résultant d'un audit sur chantier (pièce n° 29 du dossier du salarié).

Il considère que cette notation ne reflète pas la réalité de son travail et demeure en contradiction avec ses précédentes évaluations, qui étaient élogieuses, ainsi qu'avec les résultats de ses audits clients (pièces n° 30, 31, 56 du dossier du salarié).

L'évaluation éditée le 19 mars 2021 comporte cinq points sur différentes compétences pour lesquelles une note est attribuée au regard des attendus atteints :

A. La qualité personnelle : 2,5 ;

B. La relation client : 2,7 ;

C. La connaissance/aptitude technique : 2,8 ;

D. L'aptitude en hygiène et la sécurité : 2,4 ;

E. Le planning et la productivité : 2,7.

La notation « TPA score» s'étend du niveau 1 (très insuffisant) au niveau 5 (excellente performance).

Cette évaluation n'a été signée que par l'évaluateur. Le 26 mars 2021, M. [X] l'a contestée en faisant valoir, en substance, que celle-ci ne reflétait pas la réalité du travail effectué. Il a souligné l'absence de contrôle sur plusieurs critères et le manque de transparence de l'évaluation (absence du nom du client et du lieu). Il a dénoncé également une possible discrimination et l'absence de sécurisation numérique du document.

La cour observe que les précédentes évaluations, qui comportent les noms des clients, sont élogieuses, notamment celle du 26 novembre 2020, signée par les deux parties, qui attribue une note de 4,2/5 et qui, contrairement à l'évaluation querellée, contient les motifs justifiant la note attribuée (pièce n°56 du dossier du salarié).

Ce fait est matériellement établi.

Sur le refus d'une réservation d'hôtel

Le salarié fait grief à l'employeur de lui avoir refusé, de manière arbitraire, une réservation dans un hôtel qu'il fréquentait habituellement, en l'occurrence le « Best Western », alléguant un prix excessif (pièce n° 32 du dossier du salarié).

Il fait observer que des réservations antérieures, à des prix supérieurs, avaient été acceptées sans difficulté (pièce n° 53 du dossier du salarié).

En réponse, la société Rentokil Initial (page 19 de ses conclusions) qualifie ce grief de « pathétique », « grotesque » et « pas sérieux ». Elle explique que le prix de la chambre au Best Western excédait la « ligne tarifaire de la politique voyage et déplacement Groupe » de l'entreprise et qu'une proposition de réservation alternative à l'hôtel Kyriad a été faite.

M. [X] s'est vu refuser la réservation de l'hôtel Best Western en raison d'un coût excessif. Or, le prix médian communiqué pour cet hôtel est de 85 euros (pièce n°32).

Il est produit par M. [X] une réservation effectuée en mai 2019 à un prix élevé (270,88 euros) (pièce n° 53 du dossier du salarié), ce qui démontre que des réservations antérieures dans des hôtels à des prix élevés ont été acceptées sans contestation de l'employeur à l'époque.

Ce fait est matériellement établi.

Sur l'imitation de sa signature sur un document confidentiel

Le salarié fait grief à l'employeur de ce qu'un document confidentiel concernant son travail a été signé en son nom sans son autorisation (pièce n° 33 du dossier du salarié). Il considère que cet acte est une atteinte grave à la confiance et à la sécurité des documents.

En réponse, la S.A.S. Rentokil Initial affirme que le document, signé en lieu et place du salarié par sa responsable hiérarchique Mme [L], était «indispensable» à celui-ci pour lui «faciliter l'accès des locaux d'un client Nexter fabricant de munitions pour le Ministère de la Défense». Elle qualifie la plainte pénale pour faux déposée le 29 juin 2021 par M. [X] de «comble», de «blessure d'ego» et de démarche motivée par la «malignité» (page 18 de ses conclusions). L'employeur soutient que M. [X] disposait lui-même d'une délégation de signature pour signer les plans de prévention des risques, ce qui rendrait sa plainte dénuée de sens (pièce n° 34 du dossier du salarié).

Il apparaît qu'un document confidentiel a été signé au nom de M. [X] par sa supérieure hiérarchique sans que celui-ci en ait été informé.

Ce fait est matériellement établi.

Sur la signature d'une délégation de pouvoir par sa supérieure hiérarchique alors que celle-ci était en arrêt de travail

Le salarié fait grief à l'employeur d'avoir produit une délégation de pouvoir validée et signée par sa supérieure hiérarchique, Mme [L], alors que cette dernière était en arrêt de travail (pièce n° 34 du dossier du salarié). Il considère que cette situation est irrégulière et soulève des interrogations sur la validité de l'acte et le respect des périodes d'arrêt maladie.

La délégation de pouvoir produite émane de Mme [L] alors qu'elle était en arrêt de travail.

Ce fait est matériellement établi.

Sur la demande en paiement de rappel de salaires et de primes

M. [X] reproche aux premiers juges de l'avoir débouté de ses demandes à ce titre au motif qu'il ne les détaillait pas.

En cause d'appel, M. [X] sollicite le paiement des diverses sommes au titre du travail durant quatre dimanches en avril et en mai 2020 : 88 euros au titre de l'indemnité panier, 10 euros au titre de l'indemnité nettoyage blouse, et 14,51 euros au titre de l'indemnité de toxicité journalière.

Il fonde sa demande sur les éléments suivants :

- ses relevés d'heures supplémentaires (pièces n°14 à 16) ;

- ses bulletins de paie (pièce n°44).

Il fait valoir que selon l'article 24 de la convention collective applicable, la majoration prévue en cas de travail dominical inclut tous les avantages financiers, les indemnités journalières étant ainsi doublées.

La S.A.S. Rentokil Initial s'oppose à ces demandes et conteste le doublement de l'indemnité panier pour le travail dominical, soutenant que cela contrevient à la convention collective et au principe selon lequel une indemnité de repas ne peut être doublée (pièce 2 du dossier du salarié, feuillets 4 et 5 ; convention collective, pièce 19 du dossier employeur) (page 15 de ses conclusions).

Elle affirme que les bulletins de paie (pièce 44 du dossier du salarié) et les relevés de temps signés par M. [X] (pièces 24, 24-1, 31) démontrent le paiement des heures de travail dominical (page 16 de ses conclusions)

En revanche, elle n'apporte aucune critique utile concernant les indemnités de nettoyage de blouse et de toxicité journalière dans ses conclusions.

Il résulte des pièces versées aux débats que M. [X] a travaillé quatre dimanches en avril et mai 2020, comme attesté par les relevés produits (pièces n°14 à 16 du dossier du salarié). L'employeur ne conteste pas utilement ce point, les relevés qu'il verse n'étant pas signés (pièce n°24-1). Les bulletins de paie (pièce n°44) confirment les montants journaliers des indemnités : 11 euros pour l'indemnité panier, 1,25 euros pour l'indemnité nettoyage de blouse, et 1,814 euros pour l'indemnité de toxicité journalière.

L'article 24 de la convention collective nationale des entreprises de désinfection, désinsectisation, dératisation (3D) du 1er septembre 1991, dans sa version applicable au litige, prévoit que les salariés travaillant exceptionnellement le dimanche, hors 1er mai, bénéficient d'une majoration de 100 % des heures effectuées, incluant « tous les avantages financiers relatifs au travail desdits jours ».

Les indemnités de panier et de nettoyage de blouse, nonobstant leur caractère forfaitaire et le fait que leur versement ne soit soumis à la production d'aucun justificatif, constituent un remboursement de frais et non un complément de salaire (voir en ce sens Soc.,11 janvier 2017, pourvoi n° 15-23.341).

Ces indemnités ont pour objet de compenser des dépenses supportées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle (coût du repas pris hors domicile, frais d'entretien de la tenue de travail) et non de rémunérer une sujétion liée au caractère dominical du travail.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point et de débouter M. [X] de sa demande en paiement de 88 euros au titre de l'indemnité de panier et de 10 euros au titre de l'indemnité de nettoyage de blouse.

En revanche, l'indemnité de toxicité journalière, à la différence des indemnités de panier et de nettoyage de blouse, s'analyse comme une prime de risque, c'est-à-dire un complément de salaire destiné à compenser l'exposition du salarié à des risques spécifiques (toxicité, insalubrité) inhérents à son poste de travail.

La société ne conteste pas le principe du versement de cette indemnité pour les jours concernés ni son quantum, mais s'oppose, de manière générale, au «doublement» des indemnités journalières pour les dimanches travaillés. Cependant, la majoration prévue par l'article 24 de la convention collective a pour objet de rémunérer la sujétion liée au caractère exceptionnel du jour travaillé.

Dès lors, l'employeur ne rapportant pas la preuve de ce que l'indemnité de toxicité journalière aurait été versée pour les quatre dimanches travaillés en avril et mai 2020, il convient d'infirmer, sur ce point, le jugement entrepris, et de faire droit à la demande de M. [X] à hauteur de 14,51 euros au titre de cette indemnité.

Ce fait est pour partie établi.

Sur le rappel de prime

M. [H] [X] sollicite le paiement d'une somme de 150 euros au titre de la prime trimestrielle d'objectifs afférente au troisième trimestre 2020.

Il fonde sa demande sur plusieurs échanges avec l'employeur qui ne concernent pas directement cette prime (pièce n°2 du dossier du salarié).

La S.A.S. Rentokil Initial s'oppose à cette demande, soutenant que les primes variables dépendent de critères de performance individuelle et collective (page 16 de ses conclusions ; pièce n° 25) sans préciser si M. [X] a satisfait ou non à ces critères pour le troisième trimestre 2020.

Au cas d'espèce, il résulte des bulletins de paie (pièce n°44 du dossier salarié) que M. [X] percevait régulièrement une prime trimestrielle d'objectifs de 150 euros, versée en avril, juillet 2020, et janvier 2021, sans mention d'objectifs spécifiques (pièce n°44). Le bulletin de novembre 2020 ne fait apparaître aucun versement à ce titre.

Le plan de rémunération variable 2020 et 2021, établi par l'employeur, comporte une section intitulée «Primes Qualitatives» visant à « s'assurer que chaque collaborateur contribue à la satisfaction [des] clients par son comportement et réalisation du service ». Ce plan prévoit une prime de 150 euros, versée si « l'indice de satisfaction client dont l'objectif est fixé en début d'année » est atteint (pièce n° 25 du dossier employeur).

La S.A.S. Rentokil Initial ne produit aucun élément de nature à établir que le plan de rémunération variable ait été communiqué à M. [X] ou que l'indice de satisfaction client n'ait pas été atteint pour le troisième trimestre 2020. Aucun accord d'entreprise, aucune évaluation ne sont versés à cet effet.

Il ressort des pièces produites qu'antérieurement à cette période, la prime avait été régulièrement versée à M. [X].

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la S.A.S. Rentokil Initial à verser à M. [X] la somme de 150 euros au titre de la prime d'objectifs pour le troisième trimestre 2020.

Ce fait est établi.

Sur le non-versement de la participation

M. [H] [X] invoque le non-versement en mai 2021 de la participation 2020 (387,52 euros), malgré sa demande de versement direct (pièce n°18 du dossier du salarié).

L'employeur justifie de ce que la somme a été versée à la rupture du contrat (pièce n°30 du dossier de l'employeur), ce que M. [X] confirme, ce qui rend sa demande en paiement sans objet (pièces n° 18, 44 et 55 du dossier du salarié).

Il y a lieu d'observer que, dans son courrier du 17 juin 2021, l'employeur soutient qu'« aucun coupon n'a été reçu », invoquant un envoi par mail non effectué (pièce n°2 du dossier du salarié), ce qui est contredit par l'envoi du formulaire de déblocage le 22 avril 2021, reçu par l'employeur le 26 avril 2021 (pièce n°18 du dossier du salarié), et par le versement direct de 2019 dans des conditions similaires (pièce n°55 du dossier du salarié). Il apparaît ainsi que l'employeur n'a pas pris en compte la demande qui lui a été adressée.

Il y a lieu également de relever que, contrairement à ce que soutient l'employeur, le bulletin de salaire du mois de mai 2021 mentionne la «neutralisation [de la] CSG/CRDS sur participation placée pour un montant de 41,98 euros» sans aucun versement d'un montant de 387,52 euros (pièce n°44 du dossier du salarié).

Le manquement est établi, l'employeur ayant ignoré la demande de versement direct reçue en avril 2021 (pièces n°2 et 18 du dossier du salarié), sans justifier d'un usage contraire (pièce n°55 du dossier du salarié).

Sur la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 4 décembre 2020

Aux termes de l'article L. 1332-1 du code du travail, aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui.

M. [H] [X] sollicite l'annulation de la mise à pied disciplinaire de trois jours notifiée par lettre du 4 décembre 2020, prise en conséquence d'une altercation survenue le 16 novembre 2020 avec son collègue, M. [T] (pièce n°21 du dossier du salarié).

Il conteste le bien-fondé de cette sanction, soutenant qu'il a été victime de l'agressivité de son collègue et qu'il n'a fait que se défendre face à des menaces physiques, ainsi qu'il l'a exposé lors de l'entretien disciplinaire et dans sa contestation (pièces n°20, 21, 22 et 23 du dossier du salarié).

Il réclame en réparation la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts, soutenant avoir été victime de l'agressivité de son collègue et n'avoir fait que le repousser face à des menaces physiques.

La S.A.S. Rentokil Initial réplique que la sanction de mise à pied disciplinaire était fondée.

Elle reproche à M. [X] un «comportement totalement inacceptable et parfaitement contraire à [son] engagement contractuel» lors d'une «vive altercation» (page 6 de ses conclusions et pièce n°21 du dossier du salarié).

Elle affirme, pour justifier la sanction, que M. [X] aurait «perdu [son] sang-froid, levant la main sur [son] collègue, en le poussant et le faisant tomber au sol» (pages 11 et 12 de ses conclusions et pièce n°21 du dossier du salarié). Elle allègue également une hospitalisation de M. [T] et le dépôt d'une plainte (pièce 7-1), considérant la mise à pied comme une mesure proportionnée à la gravité des faits.

La lettre de notification de la sanction disciplinaire du 4 décembre 2020, qui fixe les limites du litige (Soc., 14 juin 2023, pourvoi n° 22-14.011), énonce :

« Au cours de cet entretien, nous avons fait suite à une situation au cours de laquelle votre comportement s'est révélé totalement inacceptable et parfaitement contraire à votre engagement contractuel. ['] Malheureusement, en date du 16 novembre 2020, vous et votre collègue, M. [T], avez connu une vive altercation dont les circonstances gravissimes et inacceptables sont décrites ci-après. Celles-ci reprennent vos premières explications communiquées à notre Direction au cours d'un échange qui s'est tenu le lendemain des faits, et dont l'objet visait à clarifier ces éléments. Le 16 novembre, à la fin de votre journée de travail, vous avez conjointement convenu, avec M. [T], d'un rendez-vous, afin que ce dernier puisse vous remettre un outil de travail : vaporetto, nécessaire à la réalisation de vos prochaines interventions. Pour se faire, habitant à proximité, vous décidez de vous retrouver devant votre domicile, à l'extérieur, à 16h45. Profitant de cette entrevue, votre collègue vous demande si vous pouvez récupérer et déposer à I'agence une partie de ses «déchets professionnels», dans la mesure où vous deviez vous y rendre le lendemain. A cet effet, celui-ci vous rappelle qu'il s'agit d'une procédure d'entreprise, qu'il n'a pas à les conserver à son domicile et que par conséquent l'entreprise doit faire le nécessaire. Position parfaitement légitime et non équivoque, à laquelle notre Direction avait déjà répondu qu'elle prenait et traitait cette problématique. Au cours de cet échange téléphonique, vous faites respectivement preuve d'incompréhension. Vous réfutez sa demande, puis finalement acceptez, après explications, et intervention nécessaire de notre Direction. De telles difficultés d'échanges entre collègues pour problématique de cette nature demeurent simplement ubuesques ! Vous ponctuez alors cet échange sèchement. Ensuite, votre collègue n'étant pas présent à l'heure dite, vous poursuivez votre échange par «sms», rappelant à celui-ci que vous l'attendiez, et qu'il«fasse au plus vite». A 17h15, celui-ci n'étant toujours pas présent, vous le rappelez, lui demandant de bien vouloir expressément se dépêcher. Enfin, à 17h20, celui-ci se présente à l'extérieur de votre domicile : parking public de votre résidence, se gare devant votre véhicule professionnel et procède immédiatement au déchargement de ses poubelles afin de vous les confier comme demandé.

Dans le même temps, vous sortez de votre domicile et décrivez votre collègue comme : véhément, particulièrement menaçant et agressif envers vous. Vous rapportez ainsi :

- «il a pointé un doigt vers moi, mis le bras en avant vers son visage, en criant : je ne suis pas ton commis pour qui tu te prends ».

- «je lui ai demandé de s'expliquer quant à une telle attitude, ce à quoi il a rétorqué qu'il n'avait pas à se justifier et qu'il fallait que je me dépêche».

Le comportement de votre collègue se révèle alors toujours plus menaçant, et déterminé, se devenant extrêmement proche de vous. Apeuré par une telle situation, vous repoussez fermement votre collègue, qui perd l'équilibre et glisse.

Vous rapportez qu'ensuite, celui-ci s'est relevé, poids serré (sic) et aurait tenté de vous frapper.

Vous auriez alors esquivé cette tentative, et totalement apeuré, avez appelé notre Direction à 17h26, plaçant le téléphone sur haut parleur.

Votre responsable d'agence, totalement sidérée et impuissante, entendra alors la poursuite du déroulement de cette scène. Les cris et hurlements de votre collègue à votre égard s'entendaient alors distinctement, et face à ceux-ci vous exprimiez à votre responsable votre peur et désarroi. Cette dernière s'évertuait alors à tenter de calmer la situation, devenue totalement inqualifiable et non maîtrisable, en vous demandant à plusieurs reprises, de bien vouloir vous séparer et de rentrer chacun chez vous. Après avoir raccroché, vous précisez avoir subi une nouvelle fois les assauts verbaux de votre collègue à travers les insultes suivantes : « sale connard, enculé, t'es qu'un con. On en restera pas là ». ['] Le soir même, à 20h48, vous recevez un message téléphonique «sms» de votre collègue, précisant «tu n'es qu'un gros connard tu m'as fait trop mal». Consécutivement, vous alertez la Direction générale de l'entreprise, relatant les faits, ainsi que votre totale incompréhension et choc suite à ceux-ci. Vous reprenez alors votre travail, le lendemain.[...] Votre comportement attaque ici l'intégrité physique, et psychologique de votre collègue. ['] Votre agressivité et irrespect demeurent mutuels. Vous avez perdu votre sang froid, levant la main sur votre collègue, en le poussant et le faisant tomber au sol. Votre manque de maîtrise de vous est manifeste, totalement inacceptable dans le cadre d'une relation professionnelle. » (pièce n°21 du dossier du salarié).

L'employeur décrit avec une grande précision le déroulement de l'altercation du 16 novembre 2020. Il y relate que M. [T] était «véhément, particulièrement menaçant et agressif envers [M. [X]]». Il fait état de propos et comportements violents de M. [T], celui-ci ayant tenté de porter des coups à M. [X] et proféré des insultes.

Il apparaît que M. [X], s'il est impliqué dans l'altercation, a été confronté à un collègue violent et que c'est parce qu'il était apeuré qu'il a repoussé celui-ci et lui a fait perdre l'équilibre.

A cet égard, selon l'employeur, M. [X], a appelé sa responsable d'agence, Mme [L], laquelle «totalement sidérée et impuissante, [ a] entendu alors la poursuite du déroulement de cette scène» et les «cris et hurlements de [M. [T]] à votre égard s'entendaient alors distinctement», face auxquels M. [X] exprimait «sa peur et son désarroi».

Ces éléments sont confirmés par l'attestation de Mme [G], établie le 20 novembre 2020 (pièce n°22 du dossier du salarié). Celle-ci relate avoir, le 16 novembre 2020 vers 17h00, assisté à une «agression» entre deux personnes. Elle précise que M. [T] était «menaçant, agressif» en faisant des gestes en direction du visage de M. [X] tandis que celui-ci restait calme, se contentant de repousser M. [T] qui le menaçait, ce dernier perdant l'équilibre. Elle a vu M. [T] se relever et tenter de mettre un coup de poing vers le visage de M. [X]. Cette attestation emporte la conviction de la cour.

Il apparaît donc que les protagonistes de l'altercation n'ont pas eu le même rôle, M. [X] s'étant défendu alors qu'il était confronté à un comportement agressif de M. [T] qui s'était rendu à son domicile.

La sanction de mise à pied de trois jours apparaît dès lors disproportionnée.

En conséquence, par voie d'infirmation du jugement, la mise à pied disciplinaire du 4 décembre 2020 est annulée. La S.A.S. Rentokil Initial est condamnée à verser à M. [X] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction injustifiée.

Ce fait est établi.

Sur l'absence d'entretien professionnel

Le salarié fait grief à l'employeur de l'absence d'entretiens professionnels réguliers, le privant ainsi d'échanges sur ses perspectives d'évolution ou ses besoins en formation.

Ce fait est matériellement établi.

Sur le test effectué sur l'application «Kahoot»

Le salarié fait grief à l'employeur de l'avoir soumis à un test via l'application «Kahoot», qu'il considère comme discriminant et vicié par des dysfonctionnements connus (pièces n° 8, 35, 54 du dossier du salarié). Il allègue que cet outil était utilisé pour un classement et non pour une simple formation.

En réponse, la société Rentokil Initial affirme que cet outil est une application ayant «vocation à pouvoir assurer régulièrement de manière pédagogique et dynamique, le suivi du niveau de maîtrise des compétences [des] collaborateurs»(page 20 de ses conclusions). Elle soutient qu'elle permet d'assurer une «formation continue et une évaluation des acquis de nos équipes à travers des QCM», et qu'il n'y a «aucune notion de classement dans cette application, véritable outil de formation». L'employeur ajoute que «le résultat du quizz n'a strictement aucune importance au plan professionnel et aucune valeur, aucun impact». L'employeur fait valoir que l'inspection du travail, après avoir été interrogée à ce sujet, n'a «rien trouvé à redire» (pièces n° 20 et 23-1 du dossier de l'employeur).

M. [X] a été soumis à des tests via l'application «Kahoot».

L'employeur produit l'attestation de Mme [D] [S] qui «dément toute idée de classement professionnel, les quizz organisés ayant un simple caractère ludique et le classement, comme dans tout jeu, relevant du seul challenge du quizz [lui-]même, sans la moindre conséquence»(pièce n° 29 du dossier de l'employeur). Cette attestation emporte la conviction de la cour.

Il ne résulte pas des éléments versés aux débats que ces tests aient eu des conséquences sur le salarié concernant son avenir professionnel ou aient été établis aux fins de classement des salariés.

Ce fait n'est pas matériellement établi.

Sur l'absence de réponse aux courriels du salarié

M. [X] invoque de «nombreux courriels restés sans réponse» (conclusions, p. 26).

Il apparaît au contraire que la S.A.S. Rentokil Initial s'est efforcée de répondre aux courriels qui lui ont été adressés par le salarié (pièces n° 2 et n° 7 de M. [X]), même si les réponses apportées n'ont pas donné satisfaction à ce dernier.

Ce fait n'est pas matériellement établi.

Sur le défaut de retranscription de questions posées par M. [X] lors des réunions du CSE

M. [X] fait valoir que ses questions n'ont pas été retranscrites correctement lors des réunions du CSE (conclusions, p. 27).

Il indique avoir souhaité que la question suivante soit posée lors d'une réunion du CSE : « est-ce que le CSE est informé que notre téléphone comprend un logiciel qui enregistre nos données personnelles, comme entre autres la géolocalisation ' »

Il invoque comme élément constitutif de harcèlement moral la reformulation comme suit de la question : « certains salariés se posent la question si leur téléphone est géolocalisé et si cela est le cas, avez-vous mis en place un logiciel qui puisse voir nos données personnelles ' »

Il n'est aucunement établi que M. [X] ait été le seul salarié à avoir interrogé le CSE sur ce point.

A supposer que tel ait été le cas, la reformulation de sa question sur un mode moins affirmatif ne s'analyse pas, contrairement à ce qu'il affirme, en une retranscription incorrecte dès lors qu'elle ne modifie pas les points sur lesquels le salarié entendait que le CSE soit interrogé.

Ce fait n'est pas matériellement établi.

Sur l'application d'un accord collectif sur le temps de travail irrégulier, sur le non-paiement des heures supplémentaires et d'heures travaillées le dimanche et sur le retrait de diverses primes

Le salarié reproche à l'employeur de l'avoir soumis à l'accord collectif du 17 novembre 2011 sur le temps de travail qui lui était inopposable, de ne pas lui avoir réglé l'intégralité de ses heures travaillées (heures supplémentaires et majoration pour travail le dimanche) et de lui avoir retiré «diverses primes» (conclusions, p. 26).

Pour les raisons précédemment exposées, ce fait est matériellement établi, étant précisé que le retrait de primes allégué porte sur la prime trimestrielle d'objectifs afférente au troisième trimestre 2020.

Sur le refus d'un congé pour déménagement

Le salarié fait grief à l'employeur du refus d'un congé pour déménagement (pièces n° 44 et n° 47 du dossier du salarié).

M. [X] a sollicité un congé pour déménagement, dans les conditions posées par l'article 33 de la convention collective applicable (pièce n°47 du dossier du salarié). Ce congé lui a été refusé (pièce n°44 du dossier du salarié : absence autorisée mais non rémunérée).

Ce fait est matériellement établi.

Sur les contacts répétés durant ses congés payés

Le salarié fait grief à l'employeur de l'avoir contacté de manière répétée durant ses congés payés (pièce n° 52-2 du dossier du salarié).

Les éléments produits par le salarié démontrent que l'employeur lui a adressé plusieurs correspondances alors qu'il était en congé, en septembre et octobre 2020. À titre d'exemple, le 30 septembre 2020 à 10h45, M. [X] a reçu un courriel de Mme [O] [L] lui demandant de «prévoir à [son] retour de CP» des interventions pour le 6 octobre. Le 1er octobre 2020 à 9h39, alors qu'il était en congés, M. [X] a été contraint de lui répondre pour l'informer de ses rendez-vous déjà positionnés et proposer un réaménagement de son planning (pièce n°52-2 du dossier du salarié).

Ce fait est matériellement établi.

Sur la durée excessive de la mise à pied prononcée à titre conservatoire

M. [X] reproche à l'employeur une mise à pied conservatoire d'une durée excessive de 53 jours (du 30 mars au 21 mai 2021), notifiée dans le cadre d'une procédure de licenciement.

En réponse, la société Rentokil Initial soutient que cette mesure était justifiée par la gravité des faits reprochés, notamment un prétendu «comportement de harcèlement» de la direction par des demandes répétées (pièce n° 18 du dossier employeur). Elle affirme que le refus de l'inspection du travail de valider le licenciement ne remet pas en cause la légitimité de la mesure conservatoire (page 22 de ses conclusions).

Aux termes de l'article L. 1332-3 du code du travail, la mise à pied conservatoire est une mesure de suspension provisoire du contrat de travail, non une sanction, permettant d'écarter temporairement un salarié dans l'attente d'une décision disciplinaire. Elle n'est pas obligatoire, même en cas de faute grave (Soc., 24 février 2004, pourvoi n° 01-47.000), mais doit être justifiée par des faits d'une gravité suffisante (Soc., 6 novembre 2001, pourvoi n° 99-43.012). Prononcée à tort, si aucune faute n'est établie, elle constitue un manquement de l'employeur (Soc., 12 octobre 2005, pourvoi n° 03-43.935). Pour un salarié protégé, l'article R. 2421-14 du code du travail impose de saisir l'inspection du travail dans les 8 jours suivant la notification du mandat.

Le 26 mars 2021, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 9 avril 2021, et a été mis à pied à titre conservatoire (pièce n° 22 de l'employeur).

Par courriel du 19 mars 2021, le syndicat Force Ouvrière a sollicité la désignation de M. [X] en qualité du conseiller du salarié (pièce n° 5 du dossier du salarié). M. [X] a été désigné conseiller du salarié à partir du 6 avril 2021.

Les éléments versés aux débats ne permettent nullement de caractériser l'existence d'une fraude, la circonstance que cette désignation soit intervenue de façon concomitante à la procédure disciplinaire dont faisait l'objet le salarié étant à cet égard insuffisante.

Le 9 avril 2021, lors de l'entretien préalable, M. [X] a informé son employeur de cette désignation.

Par lettre recommandée du 14 avril 2021 reçue le 19 avril 2021, la S.A.S. Rentokil Initial a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement.

Par décision du 19 mai 2021, l'inspecteur du travail a refusé la demande d'autorisation de licenciement, aux motifs notamment que le délai de saisine de l'inspection du travail était excessif et que les faits reprochés au salarié n'étaient pas établis. Il a cependant relevé l'absence de lien entre le mandat exercé par M. [X] et la demande de rupture formée par l'employeur.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 mai 2021, la S.A.S. Rentokil Initial a notifié à M. [X] qu'elle avait reçu cette décision le 21 mai 2021 et que par conséquent il reprendrait son poste le 24 mai 2021, lui rappelant qu'il était en congés du 24 au 31 mai 2021. Elle lui a indiqué que la mise à pied conservatoire était annulée et que les jours correspondants lui seraient rémunérés.

Ce fait est établi.

Sur l'annulation d'un entretien avec le directeur national de la société

M. [X] invoque un entretien fixé le 24 mars 2021 avec M. [K], directeur général, afin de lui permettre de faire part de ses interrogations sur ses conditions de travail (pièce n° 3 du dossier du salarié).

Cet entretien a été annulé, M. [X] ayant été convoqué le 26 mars 2021 à un entretien préalable à un licenciement et mis à pied à titre conservatoire.

Ce fait est matériellement établi.

Sur la présomption de harcèlement moral et les justifications objectives apportées par l'employeur

Il apparaît que plusieurs faits invoqués par le salarié sont matériellement établis : le refus de congé syndical, une notation professionnelle injustifiée, le refus d'une réservation d'hôtel, l'imitation de sa signature sur un document confidentiel, la signature d'une délégation de pouvoir par sa supérieure hiérarchique alors que celle-ci était en arrêt de travail, une sanction disciplinaire injustifiée, l'absence d'entretien professionnel,

l'application d'un accord temps de travail irrégulier, le retrait de primes, le non-paiement de l'intégralité des heures de travail effectuées, le refus d'un congé pour déménagement, des contacts de son employeur durant les congés payés, l'annulation d'un entretien avec le directeur national et l'engagement d'une procédure de licenciement accompagnée d'une mise à pied d'une durée excessive.

Ces éléments matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, en sorte qu'il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La S.A.S. Rentokil Initial ne produit aucun élément objectif de nature à justifier du refus de suivi d'une formation syndicale.

S'agissant de l'évaluation du 19 mars 2021, la S.A.S. Rentokil Initial n'a pas répondu aux contestations du salarié et n'apporte aucun élément permettant d'étayer sur des bases objectives la notation. Elle ne démontre pas que cette dégradation était basée sur des éléments concrets de baisse de performance ou de diminution des compétences de M. [X].

S'agissant du refus de réservation d'un hôtel, la S.A.S. Rentokil Initial ne produit pas la « ligne tarifaire » qu'elle invoque et n'apporte aucune justification objective à ce refus, telle qu'un changement de politique de voyage applicable à la période considérée, ou des contraintes budgétaires spécifiques et avérées qui auraient rendu impossible cette réservation.

S'agissant de la signature d'un document confidentiel au nom de M. [X] par sa supérieure hiérarchique, l'explication de l'employeur selon laquelle cet acte «visait à faciliter la vie» du salarié et était «indispensable» ne saurait justifier une telle pratique. L'imitation de signature, même avec une intention prétendue bienveillante, constitue une irrégularité qui porte atteinte à l'authenticité des actes et à la sécurité des documents personnels ou professionnels du salarié. Le fait que M. [X] ait disposé d'une délégation de signature pour d'autres documents (plans de prévention) ne légitime en rien l'imitation de sa signature sur un document confidentiel par un tiers. L'employeur ne démontre pas que cet acte était conforme aux procédures internes.

S'agissant de la délégation de pouvoir émanant de Mme [L] alors qu'elle était en arrêt de travail, l'employeur n'apporte aucune explication sur les circonstances dans lesquelles cette délégation a été signée et par conséquent ne justifie pas de sa régularité.

La S.A.S. Rentokil Initial ne produit aucun élément de nature à justifier de manière objective l'absence de déblocage de la participation et l'absence de versement de la prime d'objectif pour le troisième trimestre 2020.

S'agissant de la mise à pied disciplinaire du 4 décembre 2020, l'employeur ne justifie pas sa décision par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'inopposabilité à M. [X] de l'accord collectif du 17 novembre 2011 sur le temps de travail est consécutive à des raisons étrangères à tout harcèlement, cet accord, qui a été régulièrement négocié et a été appliqué, n'ayant pas fait l'objet d'un dépôt auprès de la Direccte. C'est également pour des raisons étrangères à tout harcèlement et tenant lieu à une insuffisance de contrôle de l'employeur que M. [X] n'a pas été rémunéré de l'intégralité de ses heures de travail, y compris celles accomplies le dimanche.

La S.A.S. Rentokil Initial démontre que l'absence d'entretien professionnel s'explique par une série de facteurs : la situation de crise sanitaire qui a nécessité des «ajustements d'organisation imprévus et importants», l'arrêt de travail soudain de la responsable hiérarchique de M. [X] à compter de mi-janvier 2021 et la mise à pied conservatoire de ce dernier. Il y a lieu de retenir que l'absence d'entretien professionnel est justifiée par ces circonstances étrangères à tout harcèlement.

L'employeur n'apporte aucune justification objective au refus d'un congé pour déménagement, prévu par la convention collective.

La S.A.S. Rentokil Initial n'apporte aucune justification objective aux sollicitations de M. [X] durant la période de congés payés.

S'agissant de la mise à pied conservatoire prononcée par l'employeur, il apparaît que celui-ci a entendu exercer son pouvoir disciplinaire en convoquant M. [X] à un entretien préalable le 9 avril 2021 à 14 h. Par courriel du 9 avril à 12 h 31, M. [X] a informé son employeur de ce qu'il était titulaire d'un mandat de conseiller du salarié (pièces n° 6 et 7du dossier de M. [X]). La lettre du 14 avril 2021 de saisine de l'inspection du travail aux fins d'obtenir l'autorisation de licencier M. [X] est motivée et énonce des faits matériellement vérifiables. Dès lors, la décision de l'employeur de ne pas autoriser le salarié à reprendre son poste dans l'attente de la décision de l'inspecteur du travail, intervenue le 19 avril 2021 et notifiée le 21 avril 2021, est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. A cet égard, dès qu'elle a eu connaissance de la décision, la S.A.S. Rentokil Initial a annulé la mise à pied conservatoire et informé M. [X] de ce que les jours correspondants lui seraient rémunérés.

L'annulation de l'entretien fixé le 24 mars 2021 avec M. [K], directeur général, est objectivement justifiée par la décision de l'employeur, au regard des faits dont il avait connaissance, d'engager une procédure disciplinaire, M. [K] étant le représentant de l'employeur lors de l'entretien préalable du 9 avril 2021.

En conclusion, la S.A.S. Rentokil Initial ne rapporte pas la preuve de ce que l'ensemble des agissements laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il y a donc lieu d'infirmer de ce chef le jugement entrepris et de condamner la S.A.S. Rentokil Initial à payer à M. [H] [X] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

L'article L. 1222-1 du code du travail impose une exécution de bonne foi du contrat de travail.

M. [H] [X] reproche à la S.A.S. Rentokil Initial de n'avoir pas intégralement maintenu son salaire pendant la période du 12 octobre au 16 novembre 2020 au cours de laquelle il était en arrêt de travail à la suite d'un accident de travail, les primes ayant été exclues sans qu'aucune explication ne lui soit apportée (pièce n° 2 du dossier du salarié). Il invoque également l'absence de visite de reprise à la suite de cet arrêt. Il fait état d'une géolocalisation abusive via le dispositif «Pest ServiceTrack»

(pièces n° 36 et 43 du dossier du salarié) et de conditions de travail dégradées (pièces n° 52-4, 52-5 du dossier du salarié et pièce n° 26 du dossier employeur). Il demande la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

La S.A.S. Rentokil Initial conteste toute déloyauté, soutenant avoir rempli ses obligations en matière de maintien de salaire (pièces n° 13, 19 du dossier employeur et pièce n° 44 du dossier du salarié), avoir mis en place un dispositif de géolocalisation désactivable (pièce n° 39) et reprochant au salarié un comportement déloyal (pièces n° 18, adverse n° 26, p. 21-24/26).

L'article 29.2 de la convention collective applicable impose, pour une ancienneté de 12 mois à 3 ans, un maintien de salaire à 90 % des appointements mensuels pour les deux premiers mois d'un accident de travail. Par correspondance du 17 juin 2021 (pièce n° 2 du dossier du salarié), M. [X] a contesté l'exclusion des primes du salaire maintenu pour l'arrêt du 12 octobre au 16 novembre 2020. Le taux du maintien de salaire était de 90 %. Les bulletins de paie (pièce n° 44 du dossier du salarié) ne mentionnent pas les primes dans le calcul du maintien de salaire, et l'employeur ne produit aucun élément (pièces n° 13, 19 du dossier employeur) de nature à établir leur inclusion dans l'assiette de calcul. Il y a donc lieu de retenir que l'employeur n'a pas rempli son obligation de maintien de salaire et ne lui a pas apporté d'explications convaincantes sur sa position.

L'absence de visite médicale de reprise après un arrêt de plus de 30 jours contrevient aux dispositions légales, et notamment aux articles R. 4624-31 et L. 4121-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à la cause.

Il apparaît que le véhicule de M. [X] était équipé d'un dispositif de géolocalisation. L'employeur ne produit aucun document de nature à établir la possibilité de désactiver cette option manuellement, malgré les demandes de précision sur ce point formulées par le salarié.

Les pièces produites par M. [X] s'agissant de ses relations avec les clients (pièces n° 52-4, 52-5 du dossier du salarié et pièce n° 26 du dossier employeur) ne permettent pas de caractériser un comportement fautif de la S.A.S. Rentokil Initial.

Les manquements établis s'analysent comme une exécution déloyale du contrat de travail, causant un préjudice au salarié qu'il convient d'évaluer à la somme de 500 euros.

Il y a lieu de réformer la décision entreprise sur ce point et de condamner la S.A.S. Rentokil Initial à payer à M. [X] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la demande tendant à ce que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat (Soc., 26 mars 2014, pourvoi n° 12-23.634, Bull. 2014, V, n° 85). La prise d'acte entraîne la cessation immédiate du contrat. Elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul si les faits invoqués sont établis et les effets d'une démission dans le cas contraire.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 juillet 2021 (pièce n° 50 du dossier du salarié), M. [X] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, invoquant des manquements de l'employeur concernant sa rémunération, son pouvoir disciplinaire, le non-respect des clauses 24 et 29 de la convention collective nationale des entreprises de désinfection, désinsectisation, dératisation (3D) du 1er septembre 1991, et une dégradation de ses conditions de travail constitutifs d'un harcèlement moral.

Si en principe l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail ne fixe pas les limites du litige (Soc., 29 juin 2005, pourvoi n° 03-42.804, Bull. 2005, V, n° 223 ; Soc., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-20.470), M. [X] invoque, à l'appui de sa demande, les manquements énoncés dans la lettre du 21 juillet 2021 (conclusions, p. 33 et 34).

Il a été retenu que l'employeur avait manqué à plusieurs de ses obligations, notamment en ne rémunérant pas l'intégralité des heures de travail accomplies et en versant pas toutes les majorations auxquelles elles donnent lieu, en faisant application d'un accord collectif inopposable à M. [X], en ne respectant pas les dispositions applicables au maintien de salaire pendant un arrêt de travail, en n'organisant pas de visite de reprise, en sanctionnant de manière injustifiée le salarié d'une mise à pied disciplinaire de trois jours, en ne donnant pas suite à la demande M. [X] de débloquer sa participation aux bénéfices, en établissant le 19 mars 2021 une évaluation non objectivement justifiée et en ne veillant pas à organiser un entretien annuel d'évaluation.

De plus, la cour a retenu que plusieurs des manquements invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte, s'agissant notamment de ceux relatifs à la géolocalisation du véhicule et à l'imitation de la signature du salarié sur un document confidentiel, étaient constitutifs de harcèlement moral et d'exécution déloyale du contrat de travail.

Cependant, ces manquements, y compris l'engagement d'une procédure de licenciement n'ayant pas abouti en raison d'un refus d'autorisation de l'inspection du travail, n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

En conséquence, il y a lieu de dire que la prise d'acte de M. [X] produit les effets d'une démission.

Il y a donc lieu, par voie de confirmation du jugement, de débouter M. [X] de ses demandes en paiement d'une indemnité de 70 078,80 euros pour violation du statut protecteur, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité pour licenciement nul ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la remise de documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner à la S.A.S. Rentokil Initial de remettre à M. [H] [X] une attestation Pôle emploi devenu France travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification.

Aucune circonstance ne justifie d'assortir ce chef de décision d'une mesure d'astreinte pour en garantir l'exécution.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il y a lieu de condamner la S.A.S. Rentokil Initial, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

Le juge de l'instance principale ne peut pas se prononcer sur le sort des frais afférents à d'éventuelles procédures civiles d'exécution qui, régis par l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, ne sauraient être inclus dans les dépens et sont soumis, en cas de contestation, au juge de l'exécution.

Il y a lieu de condamner la S.A.S. Rentokil Initial à payer à M. [X] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement rendu 15 février 2023, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Tours en ce qu'il a débouté M. [H] [X] de ses demandes en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, d'heures de nuit et d'heures travaillées le dimanche, de rappel de prime de toxicité journalière, de rappel de prime trimestrielle d'objectifs, de dommages-intérêts pour sanction disciplinaire nulle, de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Le confirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que la prise d'acte de M. [H] [X] produit les effets d'une démission ;

Condamne la S.A.S. Rentokil Initial à payer à M. [H] [X] les sommes suivantes :

- 4 500 euros brut à titre de rappel de salaire ;

- 450 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 14,51 euros au titre de l'indemnité de toxicité journalière pour quatre dimanches travaillés ;

- 150 euros au titre de la prime trimestrielle d'objectifs afférente au troisième trimestre 2020 ;

- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée ;

- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Déboute M. [H] [X] de ses demandes au titre de la contrepartie du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, de l'indemnité panier et de l'indemnité de nettoyage de blouse ;

Ordonne à la S.A.S. Rentokil Initial de remettre à M. [H] [X] une attestation Pôle emploi devenu France travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une mesure d'astreinte ;

Condamne la S.A.S. Rentokil Initial à payer à M. [H] [X] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne la S.A.S. Rentokil Initial aux dépens de première instance et d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Alexandre DAVID

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