CA Aix-en-Provence, retention administrative, 18 juillet 2025, n° 25/01408
AIX-EN-PROVENCE
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 18 JUILLET 2025
N° RG 25/01408 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPAFX
Copie conforme
délivrée le 18 Juillet 2025 par courriel à :
- l'avocat
- le préfet
- le CRA
- le JLD/TJ
- le retenu
- le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention de [Localité 8] en date du 17 Juillet 2025 à 13h20.
APPELANT
Monsieur [Y] [K]
né le 11 Juillet 1994 à [Localité 6] - ALGERIE ([Localité 5]
de nationalité Algérienne
comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA .
Assisté de Maître Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, choisi.
INTIMÉS
PRÉFECTURE DES BOUCHES DU RHÔNE
représentée par M. [E] [L] en vertu d'un pouvoir spécial
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé, non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 18 Juillet 2025 devant Madame Catherine OUVREL, Conseillère à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de M. Corentin MILLOT, Greffier,
ORDONNANCE
Par décision contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 18 Juillet 2025 à 16H10,
Signée par Madame Catherine OUVREL, Conseillère et M. Corentin MILLOT, Greffier,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 14 juillet 2025 par la PRÉFECTURE DES BOUCHES DU RHÔNE, notifié le même jour à 13h55 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 14 juillet 2024 par la PRÉFECTURE DES BOUCHES DU RHÔNE notifiée le même jour à 13h55 ;
Vu l'ordonnance du 17 Juillet 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [Y] [K] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 17 Juillet 2025 à 14h13 par Monsieur [Y] [K] ;
Monsieur [Y] [K] a comparu en visio conférence, a eu la parole en dernier et a été entendu en ses explications. Il déclare : 'J'ai fait appel car ils disent que je n'ai pas d'adresse, j'en ai une, je suis en galère, je peux sortir si j'ai l'adresse, en 2021 je suis allé en Algérie, je peux le refaire. En 2022 je suis revenu avec un visa touristique.
Sur l'adresse, c'est l'adresse à [Localité 11] chez ma compagne, j'étais à [Localité 8], je travaille beaucoup, je voulais aller à la plage, j'ai pris une semaine et j'étais à l'hôtel. Je suis venu sans ma compagne à [Localité 8].
Ma copine elle était à [Localité 10], elle travaille toujours à [Localité 11].
Pour vous répondre je n'ai pas d'enfant à charge.
Si je suis libéré, j'envisage de retourner au bled, je veux me marier avec elle là bas et revenir de façon réglementaire.
Je connais bien mon adresse [Adresse 4].'
Son avocat a été régulièrement entendu. S'en référant à l'acte d'appel, et se limitant aux seuls moyens ci-après développés, il conclut à l'infirmation de l'ordonnance entreprise.
- Il soulève l'irrecevabilité de la requête du préfet faute de pièce justificative utile, dans la mesure où n'est pas mentionné sur le registre du centre de rétention administrative le recours devant le tribunal administratif dont la préfecture était pourtant avisée,
- Il conteste la décision de placement en rétention du préfet pour défaut de motivation et erreur manifeste d'appréciation des garanties de représentation de son client, notamment à raison de sa vie de couple et de son adresse stable à [Localité 11].
Le représentant de la préfecture a comparu et sollicite la confirmation de l'ordonnance. Il soutient que la requête du préfet est recevable, l'absence de mention du recours exercé devant le tribunal administratif ne constituant pas une irrégularité, seule la mention de l'audience devant le tribunal administratif étant requise, et, la preuve de l'information donnée au préfet avant qu'il ne dépose sa requête auprès des premiers juges n'étant pas rapportée. Concernant la décision de placement en rétention administrative, il assure que celle-ci est suffisamment motivée, au regard de la situation individuelle du retenu et sans erreur d'appréciation de ses garanties de représentation telles que connues du préfet lors de l'édiction de la mesure.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
I. Sur la contestation de la décision de placement en rétention administrative
L'article L. 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.
Sur la motivation de l'arrêté de placement en rétention et l'examen de la situation personnelle de l'étranger
Les décisions de placement en rétention doivent être motivées en fait et en droit.
Pour l'examen de la légalité de la décision, il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a pris la décision et de prendre en considération les éléments dont il disposait.
En vertu de l'article L741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel la décision de placement en rétention est écrite et motivée, l'arrêté préfectoral doit mentionner les considérations de fait de nature à justifier le placement en rétention administrative, et notamment la réalité de la nécessité absolue de maintenir l'intéressé dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire et ne peut se contenter d'une motivation stéréotypée; à défaut de quoi il est insuffisamment motivé.
Au titre de son obligation de motivation, le préfet doit indiquer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé sa décision, eu égard aux éléments de la situation personnelle de l'intéressé qui étaient portés à sa connaissance à la date de l'arrêté litigieux. Il n'est pas tenu, pour ce faire, de rappeler les motifs négatifs de la décision ni ceux pour lesquels la décision contraire n'a pas été prise.
Il doit ainsi motiver la décision de placement de l'intéressé en rétention administrative sur l'absence de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque que celui-ci se soustrait à son obligation de quitter le territoire français et/ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.
L'appelant reproche à l'administration de n'avoir pas pris en compte l'ensemble de sa situation personnelle et fait valoir que la décision contestée est fondée sur des considérations d'ordre général, erronées et sans précision.
Toutefois contrairement aux assertions de l'intéressé la décision de placement mentionne sa situation personnelle, administrative et pénale au regard des circonstances de droit et de fait dont elle disposait lorsqu'elle l'a prise.
Il ressort de l'examen du dossier que l'arrêté de placement en rétention mentionne que l'intéressé est défavorablement connu des services de police sous différentes identités, notamment pour des faits de vols, qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour bien qu'étant en France depuis 2017, qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes ne présentant notamment pas un passeport en cours de validité ni d'un lieu de résidence effectif. La décision vise par ailleurs a l'obligation de quitter le territoire prononcée le 14 juillet 2025. Il est indiqué que M. [Y] [K] est célibataire, sans enfant et qu'il s'est précédemment soustrait à une obligation de quitter le territoire français du 2 octobre 2020, indiquant ne pas vouloir retourner en Algérie. Il est enfin fait état de la condamnation de M. [Y] [K] le 2 février 2023 à 8 mois de prison pour vol par le tribunal de Bobigny.
Lors de son audition par les services de police le 13 juillet 2025, M. [Y] [K] a indique être sans domicile fixe ou connu, être célibataire sans enfant a charge, être arrivé en France démuni de document d'identité en 2017 et ne pas souhaiter repartir en Algérie.
Il appert que ce n'est qu'en fin de retenue, simultanément à la notification de la décision de placement en rétention administrative que M. [Y] [K] a fait état de sa compagne et qu'une attestation de résidence, avec les justificatifs requis, ont été transmis.
Les circonstances visées correspondent donc aux éléments dont le préfet disposait au jour de sa décision, étant précisé que le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger, dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux et que l'administration a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressé. Tel est le cas en l'espèce, la décision du préfet n'étant en rien stéréotypée.
Il apparaît dès lors, que la décision de placement en rétention administrative est suffisamment motivée au regard de la situation personnelle individuelle, alors connue, de M. [Y] [K], et que le risque de soustraction à la mesure d'éloignement se trouvait caractérisé en application de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces circonstances suffisant à justifier le placement en rétention de l'intéressé.
Sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux garanties de représentation de M. [Y] [K] et de proportionnalité de la mesure de placement en rétention
L'article L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel renvoie l'article L741-1 du même code s'agissant de la rétention administrative, énonce que le risque de soustraction de l'étranger à la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être regardé comme établi lorsque l'étranger se trouve dans l'un des cas numérotés 1 à 8 qu'il explicite ;
En l'espèce, il a été mis en évidence que les justificatifs de domicile de M. [Y] [K] concernant une adresse chez sa compagne à [Localité 11] n'ont été transmis qu'après la notification de la décision de placement en rétention administrative de ce dernier. Il est avéré que le préfet a tenu compte de l'absence de tout document d'identité et de tout titre de séjour pour M. [Y] [K] malgré sa présence relativement ancienne en France. De même, il a été pris en compte sa condamnation récente par le tribunal correctionnel de Bobigny pour des faits de vols.
En l'état des informations portées à la connaissance du préfet au moment de l'édiction de son arrêté, il ne peut lui être imputé une erreur manifeste d'appréciation quant aux garanties de représentation de M. [Y] [K], ce dernier ayant pris en compte la situation personnelle et précise de ce dernier.
Ce moyen manque donc en fait.
La décision de placement en rétention administrative est donc régulière.
II. Sur la recevabilité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire
L'article R.742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.
A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 10] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas, la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.
Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.
Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Le paragraphe III de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :
1° Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ;
En l'espèce l'appelant soulève le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où il n'est pas fait état du recours exercé par M. [Y] [K] contre l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français en date du 14 juillet 2025. En effet, M. [Y] [K] justifie avoir intenté un recours contre cet arrêté selon récépissé adressé à son conseil le 16 juillet 2025. En l'état des pièces produites, y compris pour l'audience devant la cour. Le registre du centre de rétention administrative joint à la requête préfectorale ne comporte pas mention de ce recours.
Toutefois, M. [Y] [K] ne justifie pas du fait que le préfet ait effectivement eu connaissance de ce recours simultanément à son conseil et en tout état de cause antérieurement à l'édiction et la transmission de sa requête saisissant le premier juge en date du 16 juillet 2025 à 14 h 05, étant observé qu'il n'est toujours pas justifié de l'heure de réception de cet avis par le conseil même de l'appelant.
Dans ces conditions, il n'est pas démontré que la copie du registre jointe à la requête du préfet n'ait pas compris l'intégralité des éléments dont le préfet était alors avisé.
Pour le surplus, l'intéressé ne précise pas quelles sont les autres pièces utiles qui seraient manquantes.
En conséquence il y aura lieu de rejeter l'irrégularité soulevée qui constitue en faite une fin de non recevoir tirée du défaut de mention du recours devant le tribunal administratif dans le registre de rétention et de production de pièces utiles.
En définitive, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention en date du 17 Juillet 2025.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [Y] [K]
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 9]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 7]
Aix-en-Provence, le 18 Juillet 2025
À
- PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 8]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de [Localité 8]
- Maître Maeva LAURENS
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 18 Juillet 2025, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [Y] [K]
né le 11 Juillet 1994 à [Localité 6] - ALGERIE ([Localité 5]
de nationalité Algérienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 18 JUILLET 2025
N° RG 25/01408 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPAFX
Copie conforme
délivrée le 18 Juillet 2025 par courriel à :
- l'avocat
- le préfet
- le CRA
- le JLD/TJ
- le retenu
- le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention de [Localité 8] en date du 17 Juillet 2025 à 13h20.
APPELANT
Monsieur [Y] [K]
né le 11 Juillet 1994 à [Localité 6] - ALGERIE ([Localité 5]
de nationalité Algérienne
comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA .
Assisté de Maître Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, choisi.
INTIMÉS
PRÉFECTURE DES BOUCHES DU RHÔNE
représentée par M. [E] [L] en vertu d'un pouvoir spécial
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé, non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 18 Juillet 2025 devant Madame Catherine OUVREL, Conseillère à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de M. Corentin MILLOT, Greffier,
ORDONNANCE
Par décision contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 18 Juillet 2025 à 16H10,
Signée par Madame Catherine OUVREL, Conseillère et M. Corentin MILLOT, Greffier,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 14 juillet 2025 par la PRÉFECTURE DES BOUCHES DU RHÔNE, notifié le même jour à 13h55 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 14 juillet 2024 par la PRÉFECTURE DES BOUCHES DU RHÔNE notifiée le même jour à 13h55 ;
Vu l'ordonnance du 17 Juillet 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [Y] [K] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 17 Juillet 2025 à 14h13 par Monsieur [Y] [K] ;
Monsieur [Y] [K] a comparu en visio conférence, a eu la parole en dernier et a été entendu en ses explications. Il déclare : 'J'ai fait appel car ils disent que je n'ai pas d'adresse, j'en ai une, je suis en galère, je peux sortir si j'ai l'adresse, en 2021 je suis allé en Algérie, je peux le refaire. En 2022 je suis revenu avec un visa touristique.
Sur l'adresse, c'est l'adresse à [Localité 11] chez ma compagne, j'étais à [Localité 8], je travaille beaucoup, je voulais aller à la plage, j'ai pris une semaine et j'étais à l'hôtel. Je suis venu sans ma compagne à [Localité 8].
Ma copine elle était à [Localité 10], elle travaille toujours à [Localité 11].
Pour vous répondre je n'ai pas d'enfant à charge.
Si je suis libéré, j'envisage de retourner au bled, je veux me marier avec elle là bas et revenir de façon réglementaire.
Je connais bien mon adresse [Adresse 4].'
Son avocat a été régulièrement entendu. S'en référant à l'acte d'appel, et se limitant aux seuls moyens ci-après développés, il conclut à l'infirmation de l'ordonnance entreprise.
- Il soulève l'irrecevabilité de la requête du préfet faute de pièce justificative utile, dans la mesure où n'est pas mentionné sur le registre du centre de rétention administrative le recours devant le tribunal administratif dont la préfecture était pourtant avisée,
- Il conteste la décision de placement en rétention du préfet pour défaut de motivation et erreur manifeste d'appréciation des garanties de représentation de son client, notamment à raison de sa vie de couple et de son adresse stable à [Localité 11].
Le représentant de la préfecture a comparu et sollicite la confirmation de l'ordonnance. Il soutient que la requête du préfet est recevable, l'absence de mention du recours exercé devant le tribunal administratif ne constituant pas une irrégularité, seule la mention de l'audience devant le tribunal administratif étant requise, et, la preuve de l'information donnée au préfet avant qu'il ne dépose sa requête auprès des premiers juges n'étant pas rapportée. Concernant la décision de placement en rétention administrative, il assure que celle-ci est suffisamment motivée, au regard de la situation individuelle du retenu et sans erreur d'appréciation de ses garanties de représentation telles que connues du préfet lors de l'édiction de la mesure.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
I. Sur la contestation de la décision de placement en rétention administrative
L'article L. 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.
Sur la motivation de l'arrêté de placement en rétention et l'examen de la situation personnelle de l'étranger
Les décisions de placement en rétention doivent être motivées en fait et en droit.
Pour l'examen de la légalité de la décision, il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a pris la décision et de prendre en considération les éléments dont il disposait.
En vertu de l'article L741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel la décision de placement en rétention est écrite et motivée, l'arrêté préfectoral doit mentionner les considérations de fait de nature à justifier le placement en rétention administrative, et notamment la réalité de la nécessité absolue de maintenir l'intéressé dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire et ne peut se contenter d'une motivation stéréotypée; à défaut de quoi il est insuffisamment motivé.
Au titre de son obligation de motivation, le préfet doit indiquer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé sa décision, eu égard aux éléments de la situation personnelle de l'intéressé qui étaient portés à sa connaissance à la date de l'arrêté litigieux. Il n'est pas tenu, pour ce faire, de rappeler les motifs négatifs de la décision ni ceux pour lesquels la décision contraire n'a pas été prise.
Il doit ainsi motiver la décision de placement de l'intéressé en rétention administrative sur l'absence de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque que celui-ci se soustrait à son obligation de quitter le territoire français et/ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.
L'appelant reproche à l'administration de n'avoir pas pris en compte l'ensemble de sa situation personnelle et fait valoir que la décision contestée est fondée sur des considérations d'ordre général, erronées et sans précision.
Toutefois contrairement aux assertions de l'intéressé la décision de placement mentionne sa situation personnelle, administrative et pénale au regard des circonstances de droit et de fait dont elle disposait lorsqu'elle l'a prise.
Il ressort de l'examen du dossier que l'arrêté de placement en rétention mentionne que l'intéressé est défavorablement connu des services de police sous différentes identités, notamment pour des faits de vols, qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour bien qu'étant en France depuis 2017, qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes ne présentant notamment pas un passeport en cours de validité ni d'un lieu de résidence effectif. La décision vise par ailleurs a l'obligation de quitter le territoire prononcée le 14 juillet 2025. Il est indiqué que M. [Y] [K] est célibataire, sans enfant et qu'il s'est précédemment soustrait à une obligation de quitter le territoire français du 2 octobre 2020, indiquant ne pas vouloir retourner en Algérie. Il est enfin fait état de la condamnation de M. [Y] [K] le 2 février 2023 à 8 mois de prison pour vol par le tribunal de Bobigny.
Lors de son audition par les services de police le 13 juillet 2025, M. [Y] [K] a indique être sans domicile fixe ou connu, être célibataire sans enfant a charge, être arrivé en France démuni de document d'identité en 2017 et ne pas souhaiter repartir en Algérie.
Il appert que ce n'est qu'en fin de retenue, simultanément à la notification de la décision de placement en rétention administrative que M. [Y] [K] a fait état de sa compagne et qu'une attestation de résidence, avec les justificatifs requis, ont été transmis.
Les circonstances visées correspondent donc aux éléments dont le préfet disposait au jour de sa décision, étant précisé que le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger, dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux et que l'administration a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressé. Tel est le cas en l'espèce, la décision du préfet n'étant en rien stéréotypée.
Il apparaît dès lors, que la décision de placement en rétention administrative est suffisamment motivée au regard de la situation personnelle individuelle, alors connue, de M. [Y] [K], et que le risque de soustraction à la mesure d'éloignement se trouvait caractérisé en application de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces circonstances suffisant à justifier le placement en rétention de l'intéressé.
Sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux garanties de représentation de M. [Y] [K] et de proportionnalité de la mesure de placement en rétention
L'article L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel renvoie l'article L741-1 du même code s'agissant de la rétention administrative, énonce que le risque de soustraction de l'étranger à la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être regardé comme établi lorsque l'étranger se trouve dans l'un des cas numérotés 1 à 8 qu'il explicite ;
En l'espèce, il a été mis en évidence que les justificatifs de domicile de M. [Y] [K] concernant une adresse chez sa compagne à [Localité 11] n'ont été transmis qu'après la notification de la décision de placement en rétention administrative de ce dernier. Il est avéré que le préfet a tenu compte de l'absence de tout document d'identité et de tout titre de séjour pour M. [Y] [K] malgré sa présence relativement ancienne en France. De même, il a été pris en compte sa condamnation récente par le tribunal correctionnel de Bobigny pour des faits de vols.
En l'état des informations portées à la connaissance du préfet au moment de l'édiction de son arrêté, il ne peut lui être imputé une erreur manifeste d'appréciation quant aux garanties de représentation de M. [Y] [K], ce dernier ayant pris en compte la situation personnelle et précise de ce dernier.
Ce moyen manque donc en fait.
La décision de placement en rétention administrative est donc régulière.
II. Sur la recevabilité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire
L'article R.742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.
A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 10] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas, la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.
Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.
Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Le paragraphe III de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :
1° Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ;
En l'espèce l'appelant soulève le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où il n'est pas fait état du recours exercé par M. [Y] [K] contre l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français en date du 14 juillet 2025. En effet, M. [Y] [K] justifie avoir intenté un recours contre cet arrêté selon récépissé adressé à son conseil le 16 juillet 2025. En l'état des pièces produites, y compris pour l'audience devant la cour. Le registre du centre de rétention administrative joint à la requête préfectorale ne comporte pas mention de ce recours.
Toutefois, M. [Y] [K] ne justifie pas du fait que le préfet ait effectivement eu connaissance de ce recours simultanément à son conseil et en tout état de cause antérieurement à l'édiction et la transmission de sa requête saisissant le premier juge en date du 16 juillet 2025 à 14 h 05, étant observé qu'il n'est toujours pas justifié de l'heure de réception de cet avis par le conseil même de l'appelant.
Dans ces conditions, il n'est pas démontré que la copie du registre jointe à la requête du préfet n'ait pas compris l'intégralité des éléments dont le préfet était alors avisé.
Pour le surplus, l'intéressé ne précise pas quelles sont les autres pièces utiles qui seraient manquantes.
En conséquence il y aura lieu de rejeter l'irrégularité soulevée qui constitue en faite une fin de non recevoir tirée du défaut de mention du recours devant le tribunal administratif dans le registre de rétention et de production de pièces utiles.
En définitive, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention en date du 17 Juillet 2025.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [Y] [K]
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 9]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 7]
Aix-en-Provence, le 18 Juillet 2025
À
- PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 8]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de [Localité 8]
- Maître Maeva LAURENS
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 18 Juillet 2025, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [Y] [K]
né le 11 Juillet 1994 à [Localité 6] - ALGERIE ([Localité 5]
de nationalité Algérienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.