CA Lyon, 3e ch. a, 24 juillet 2025, n° 23/07770
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 23/07770 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PHUP
Décision du
Tribunal de Commerce de LYON
Au fond
du 02 octobre 2023
RG : 2022rj0527
ch n°
S.A. BPIFRANCE
C/
S.E.L.A.R.L. SELARLU [N]
S.A.S. CORALU
S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 24 JUILLET 2025
APPELANTE :
La Société BPIFRANCE,
anciennement dénommée Bpifrance Financement, Société Anonyme au capital de 5 440 000 000 Euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CRETEIL sous le n°320 252 489, Représentée par son Directeur Général en exercice, domicilié en cette qualité au dit siège,
Sis [Adresse 3]
([Localité 6]
Représentée par Me Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1813, avocat postulant et de Me Sylvie EX-IGNOTIS, avocate au barreau de CRETEIL, avocat plaidant.
INTIMEES :
La SELARLU [N],
représentée par Maitre [S] [N], également mandataire judiciaire de la société CORALU
Sis [Adresse 7]
([Localité 4]
Non représenté malgré signification de la déclaration d'appel par acte du 20.11.2023 à domicile et des conclusions le 12.12.2023 par voie électronique.
Et
La société CORALU,
société par actions simplifiée au capital de 385.894,74 euros, immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 409 057 551.
Sis [Adresse 2]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, avocat postulant et de Me Marceau PIRAS, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant.
Et
La S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Non représenté malgré signification de la déclaration d'appel par acte du 20.11.2023 à domicile et des conclusions le 12.12.2023 par voie électronique.
******
Date de fin de l'instruction : 11 Mars 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Avril 2025
Date de mise à disposition : 19 Juin 2025 puis prorogé au 24 Juillet 2025, les parties ayant été avisées
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Sophie DUMURGIER, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement du 5 juillet 2022, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Coralu. Il a nommé la SELARL AJ Partenaires et la SELARL FHB en qualité d'administrateurs judiciaires, et désigné la SELARL MJ Synergie en qualité de mandataire judiciaire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juillet 2022, la société BPI France a déclaré une créance de 606.644,85 euros à titre chirographaire, au titre d'un prêt souscrit le 24 avril 2021.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 janvier 2023, le mandataire judiciaire de la société Coralu a contesté la créance en intégralité au motif qu'il s'agit d'un contrat de préfinancement de CICE 2018 dont le remboursement par le trésor public devait intervenir en début d'année 2023, que la BPI va recevoir directement du trésor public l'intégralité du CICE, soit 842.065 euros, et reverser le trop-perçu puisque l'indemnité forfaitaire de 6.523,20 euros n'était pas de nature contractuelle.
Par courrier du 27 janvier 2023, la société BPI France a maintenu l'intégralité de sa déclaration de créance en indiquant qu'il s'agissait d'une cession à titre de garantie et qu'elle demeurait créancière de la société Coralu tant que le crédit n'était pas soldé, et qu'à ce jour, aucun remboursement n'avait été effectué.
Les parties ont été convoquées à l'audience du juge commissaire le 2 octobre 2023.
Par jugement du 27 juin 2023, le tribunal de commerce a arrêté le plan de sauvegarde proposé et nommé la SELARL MJ Synergie et la SELARLU [N] en qualité de mandataires judiciaires.
Par ordonnance rendue le 2 octobre 2023, le juge commissaire du tribunal de commerce de Lyon a :
- admis la créance BPI France pour la somme de 588.367,45 euros à titre chirographaire,
- dit que l'ordonnance sera notifiée aux parties dans les huit jours et qu'avis sera adressé aux mandataires de justice, conformément à l'article R. 624-4 du code de commerce,
- dit que la décision sera mentionnée sur la liste des créances,
- dit que les dépens de la présente ordonnance seront tirés en frais de procédure,
- ordonné le dépôt au greffe de la présente ordonnance.
Par déclaration reçue au greffe le 11 octobre 2023, la société BPI France a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a admis sa créance pour la somme de 588.367,45 euros à titre chirographaire.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 5 août 2024, la société BPI France demande à la cour, au visa des articles L. 622-25 et L. 622-28 du code de commerce et 1103 du code civil, de :
- infirmer l'ordonnance du juge commissaire n°2023JC06795 du 2 octobre 2023 en ce qu'elle a admis la créance de la société Bpifrance pour la somme de 588.367,45 euros à titre chirographaire,
Statuant à nouveau,
- admettre la créance de la société Bpifrance pour la somme totale déclarée de 606.644,85 euros majorée des intérêts au taux Euribor un mois moyenne plus 2 % l'an,
- condamner la société Coralu, la SELARL MJ Synergie, représentée par Me [Y] [G] ou Me [H] [F], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Coralu et la SELARLU [N], représentée par Me [S] [N], également mandataire judiciaire de la société Coralu, à payer à la société Bpifrance la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 5 mars 2024, la société Coralu demande à la cour, au visa des articles L. 622-13 et L. 622-28 du Code de commerce, de :
- débouter la société BPI France de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmer l'ordonnance rendue le 2 octobre 2023 par Mme la juge commissaire en ce qu'elle a admis la créance de la société BPI France au passif de la procédure de sauvegarde de la société Coralu pour un montant de 588.367,45 euros à titre chirographaire,
- condamner BPI France à payer à la société Coralu la somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance d'appel.
Citée par acte de commissaire de justice remis à domicile le 20 novembre 2023, auquel était jointe la déclaration d'appel, la SELARLU [N] n'a pas constitué avocat.
Cité par acte de commissaire de justice remis à personne le 20 novembre 2023, auquel était jointe la déclaration d'appel, la SELARL MJ Synergie n'a pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 mars 2025, les débats étant fixés au 17 avril 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le montant de la créance admise
L'article L. 622-25 du code de commerce énonce, en son alinéa 1er, que 'la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature et l'assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers.'
Par lettre recommandée du 12 juillet 2022 reçue par le mandataire judiciaire le 27 juillet suivant, la société Bpifrance a déclaré sa créance comme suit :
- solde débiteur : 600.000 euros,
- intérêts courus au taux EURIBOR 1 Mois moyenne + 2,00 % l'an : 121,65 euros,
- intérêts postérieurs au taux EURIBOR 1 Mois moyenne + 2,00 % l'an :
- indemnité forfaitaire (article 28 des conditions générales du contrat) : 6.523,20 euros
- TOTAL DU CREDIT : 606.644,85 euros.
Le détail de cette déclaration de créance faisait apparaître que la somme de 121,65 euros correspondait aux intérêts échus du 1er au 5 juillet 2022, étant rappelé que la procédure de sauvegarde de la société Coralu a été ouverte par jugement du 5 juillet 2022.
1 - Sur les intérêts de la créance
La société BPI France fait valoir que :
- en application de l'article L. 622-25 du code de commerce et selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le juge commissaire doit se placer à la date de l'ouverture de la procédure collective pour fixer le montant de la créance, sans tenir compte des paiements reçus postérieurement ; c'est donc à tort que le juge commissaire a déduit la somme de 11.754,20 euros correspondant à des intérêts prélevés après l'ouverture de la procédure,
- à la date du jugement d'ouverture, sa créance en principal s'élevait à 600.000 euros correspondant au préfinancement du CICE 2018 ;
- s'agissant des intérêts, le contrat AVANCE + EMPLOI prévoit des intérêts calculés au taux EURIBOR 1 Mois moyenne majoré de 2 % l'an, soit 121,65 euros à la date du jugement d'ouverture ;
- le contrat AVANCE + EMPLOI est un contrat à durée déterminée, son renouvellement n'est pas automatique et chaque renouvellement donne lieu à une nouvelle décision de crédit ; le contrat du 18 août 2021 prévoit l'ouverture d'une ligne de crédit sur une période d'un an, du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, permettant le maintien des intérêts après le jugement d'ouverture, conformément à l'article L. 622-28 du code de commerce.
La société Coralu fait valoir que :
- l'article L. 622-28 du code de commerce dispose que le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts, sauf s'il s'agit d'intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ; selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les prolongations successives d'un crédit consenti pour une durée inférieure à un an ne sauraient lui donner une durée supérieure à un an ; la doctrine confirme que seule la durée prévue initialement doit être retenue par les juges du fond, peu important que par la suite un ou plusieurs reports aient été négociés,
- la société BPI France a consenti le crédit AVANCE + EMPLOI le 23 octobre 2018, pour une durée de 9 mois environ, du 24 octobre 2018 au 31 juillet 2019,
- ce crédit a été renouvelé à six reprises successives, mais cela n'en fait pas un contrat conclu pour une durée supérieure à un an, au sens de l'article L.622-28 du code de commerce ; seule la durée initiale du crédit doit être prise en compte,
- la règle de l'arrêt du cours des intérêts s'applique donc bien au crédit, et aucun intérêt n'est dû pour la période postérieure à l'ouverture de la procédure collective ; le prélèvement de 11.754,20 euros effectué par l'appelante correspondant aux intérêts post-ouverture est donc injustifié ; le juge commissaire était fondé à rejeter cette créance du passif et à déduire son montant du total déclaré.
Sur ce,
Selon l'article L. 622-28 du code de commerce, 'le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus.'
En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats, que la société Bpifrance a consenti à la société Coralu un crédit de 600.000 euros ayant pour objet de préfinancer la créance de la société Coralu au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pour l'année 2018.
Ce crédit a été consenti par un premier contrat du 23 octobre 2018, pour la période du 24 octobre 2018 au 31 juillet 2019. Le contrat a ensuite fait l'objet de plusieurs renouvellements successifs dont chacun mentionne une période spécifique mais dont le reste du contenu est identique, le dernier datant du 18 août 2021 pour la période du 19 août 2021 au 30 juin 2022.
Chaque contrat précise, au titre des conditions générales, que le crédit 'est consenti pour une durée déterminée indiquée dans les Conditions Particulières' et que, 'en cas de renouvellement du crédit, par dérogation à l'article 1214 du Code civil, il est expressément convenu que celui-ci sera à durée déterminée, telle qu'indiquée dans les Conditions Particulières.'
Or, l'article 1214 du code civil prévoit expressément que 'le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent'.
Il s'en déduit que la société Bpifrance a consenti à la société Coralu une succession de nouveaux contrats en renouvellement du précédent. Il ne s'agit pas du même contrat prolongé, ni d'avenants prévoyant un report de la date du terme du contrat initial, comme le soutient la société Coralu.
Le dernier contrat, en date du 18 août 2021, mentionne d'une part un renouvellement intermédiaire pour la période antérieure du 1er juillet 2021 au 18 août 2021, et d'autre part un renouvellement pour la période du 19 août 2021 au 30 juin 2022. Chaque renouvellement étant un nouveau contrat, le dernier renouvellement porte donc sur la période du 19 août 2021 au 30 juin 2022, soit une durée inférieure à un an.
Il en résulte que, conformément à l'article L. 622-28 précité, la société Bpifrance ne peut pas réclamer les intérêts postérieurs à l'ouverture de la procédure collective.
Cependant, la somme de 121,65 euros mentionnée au titre des intérêts dans sa déclaration de créance correspond aux intérêts échus du 1er au 5 juillet 2022, soit avant l'ouverture de la procédure collective de la société Coralu, prononcée par jugement du 5 juillet 2022.
En conséquence, il convient d'admettre la somme de 600.000 euros déclarée en principal et la somme de 121,65 euros au titre des intérêts arrêtés au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, à l'exclusion des intérêts postérieurs.
En revanche, il est jugé avec constance, en application de l'article L. 622-25 précité, que le montant de la créance à admettre s'apprécie au jour du jugement d'ouverture.
Il en résulte qu'il ne doit pas être tenu compte d'un éventuel paiement qui serait intervenu entre le jugement d'ouverture et la date à laquelle le juge statue sur l'admission de la créance.
Les parties font état d'un prélèvement de 11.754,20 euros opéré par la société Bpifrance sur le compte de la société Coralu en paiement d'intérêts échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective. Or, dès lors que le dernier renouvellement du crédit portait sur une période inférieure à un an, l'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts, de sorte que la société Bpifrance n'était pas fondée à procéder à ce prélèvement.
Toutefois, bien que ce prélèvement ne soit pas valable, le juge-commissaire ne pouvait pas retrancher cette somme de 11.754,20 euros du montant en principal (600.000 euros) et des intérêts antérieurs échus (121,65 euros), dès lors que l'admission de la créance déclarée est distincte de son règlement.
En conséquence, l'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle admet la créance de la société Bpifrance pour la somme de 588.367,45 euros.
2 - Sur l'indemnité forfaitaire
La société BPI France fait valoir que :
- l'indemnité forfaitaire de 6.523,20 euros prévue à l'article 28 des conditions générales du crédit est contractuellement due,
- cette indemnité prévoit seulement les frais de gestion d'un dossier contentieux, elle ne constitue pas une clause pénale et n'est pas réductible par le juge, elle n'aggrave pas les obligations du débiteur du seul fait de la procédure collective, et s'appliquerait également à un débiteur in bonis,
- le calcul de cette indemnité est fondé sur le barème fixé à l'article A. 663-11 du code de commerce.
La société Coralu fait valoir que :
- l'article L. 622-13, I, du code de commerce dispose qu'aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde,
- selon la jurisprudence de la Cour de cassation, toute clause aggravant la situation du débiteur du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective doit être déclarée inopposable,
- la société BPI France a déclaré au passif la somme de 6.523,20 euros correspondant à une indemnité forfaitaire prévue à l'article 28 des conditions générales du contrat ; cette clause prévoit qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective obligeant le prêteur à déclarer une créance, une indemnité forfaitaire sera due par l'emprunteur,
- la société BPI France ne démontre pas avoir procédé à une quelconque sommation ou exercé une procédure préalablement à sa déclaration de créances,
- l'application de cette clause impose donc une charge supplémentaire à la société Coralu du seul fait de son placement en procédure collective,
- si cette indemnité ne constitue pas un intérêt, la clause sur laquelle elle est fondée est inopposable à la procédure collective car contraire à l'article L. 622-13 du code de commerce ; le juge commissaire était donc fondé à rejeter cette créance du passif et à la déduire du montant déclaré.
Sur ce,
L'article L. 622-13, I, du code de commerce prévoit que 'Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.'
En l'espèce, la société Bpifrance a également déclaré auprès du mandataire judiciaire la somme de 6.523,20 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 28 des conditions générales du contrat.
Cette clause 28 du dernier contrat de renouvellement est rédigée comme suit :
'En cas de résiliation ou d'expiration du crédit, l'encours du crédit est immédiatement remboursable et toutes les sommes dues par le bénéficiaire produisent intérêts au taux du crédit mentionné dans les Conditions Particulières.
Par dérogation aux dispositions de l'article 1342-10 du Code Civil, Bpifrance pourra imputer aux créances de son choix les recouvrements obtenus.
En outre, dans le cas où Bpifrance serait obligé de produire à un ordre ou à une distribution par contribution, de faire délivrer une sommation, d'exercer une procédure quelconque, collective ou non, ou d'y participer, il aura droit, pour couvrir forfaitairement les frais de gestion du dossier par son service contentieux, à une indemnité calculée sur le montant de la créance à recouvrer et égale aux deux tiers des droits alloués (selon le barème en vigueur à la date du calcul) aux administrateurs judiciaires en cas de cession d'actif à leur requête, avec un minimum égal à 762 euros (sept cent soixante-deux euros).'
Or, ce dernier contrat en date du 18 août 2021 prenait fin au 30 juin 2022 soit antérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, et n'a pas été renouvelé. Par conséquent, conformément à la clause 28 précitée, l'encourt du crédit est devenu immédiatement exigible à l'expiration du contrat.
L'absence de remboursement du crédit par la société Coralu à l'expiration du contrat s'analyse en une défaillance qui permet donc à la société Bpifrance de réclamer l'indemnité forfaitaire, dont l'application n'est pas limitée aux cas d'ouverture d'une procédure collective et s'avère applicable y compris à un débiteur in bonis.
Il doit s'en déduire que l'indemnité forfaitaire de frais de gestion peut valablement être déclarée au passif par la société Bpifrance. Tel n'aurait pas été le cas si le contrat avait été en cours lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, de sorte que le crédit n'aurait pas été exigible à cette date. Dans une telle hypothèse, l'indemnité forfaitaire aurait alors aggravé les obligations du débiteur en mettant à sa charge une indemnité qui n'aurait pas été due s'il n'avait pas été placé en sauvegarde de justice.
En conséquence, il convient d'admettre également la somme de 6.523,20 euros.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens d'appel seront tirés en frais privilégiés de la procédure collective.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de rejeter les demandes formées à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de l'appel,
Infirme l'ordonnance déférée, en sa disposition critiquée ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Admet la créance de la société Bpifrance au passif de la société Coralu pour la somme de 606.644,85 euros à titre chirographaire, à l'exclusion des intérêts postérieurs à l'ouverture de la procédure collective ;
Dit que les dépens d'appel seront tirés en frais privilégiés de la procédure collective.
Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
Décision du
Tribunal de Commerce de LYON
Au fond
du 02 octobre 2023
RG : 2022rj0527
ch n°
S.A. BPIFRANCE
C/
S.E.L.A.R.L. SELARLU [N]
S.A.S. CORALU
S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 24 JUILLET 2025
APPELANTE :
La Société BPIFRANCE,
anciennement dénommée Bpifrance Financement, Société Anonyme au capital de 5 440 000 000 Euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CRETEIL sous le n°320 252 489, Représentée par son Directeur Général en exercice, domicilié en cette qualité au dit siège,
Sis [Adresse 3]
([Localité 6]
Représentée par Me Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1813, avocat postulant et de Me Sylvie EX-IGNOTIS, avocate au barreau de CRETEIL, avocat plaidant.
INTIMEES :
La SELARLU [N],
représentée par Maitre [S] [N], également mandataire judiciaire de la société CORALU
Sis [Adresse 7]
([Localité 4]
Non représenté malgré signification de la déclaration d'appel par acte du 20.11.2023 à domicile et des conclusions le 12.12.2023 par voie électronique.
Et
La société CORALU,
société par actions simplifiée au capital de 385.894,74 euros, immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 409 057 551.
Sis [Adresse 2]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, avocat postulant et de Me Marceau PIRAS, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant.
Et
La S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Non représenté malgré signification de la déclaration d'appel par acte du 20.11.2023 à domicile et des conclusions le 12.12.2023 par voie électronique.
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Date de fin de l'instruction : 11 Mars 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Avril 2025
Date de mise à disposition : 19 Juin 2025 puis prorogé au 24 Juillet 2025, les parties ayant été avisées
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Sophie DUMURGIER, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement du 5 juillet 2022, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Coralu. Il a nommé la SELARL AJ Partenaires et la SELARL FHB en qualité d'administrateurs judiciaires, et désigné la SELARL MJ Synergie en qualité de mandataire judiciaire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juillet 2022, la société BPI France a déclaré une créance de 606.644,85 euros à titre chirographaire, au titre d'un prêt souscrit le 24 avril 2021.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 janvier 2023, le mandataire judiciaire de la société Coralu a contesté la créance en intégralité au motif qu'il s'agit d'un contrat de préfinancement de CICE 2018 dont le remboursement par le trésor public devait intervenir en début d'année 2023, que la BPI va recevoir directement du trésor public l'intégralité du CICE, soit 842.065 euros, et reverser le trop-perçu puisque l'indemnité forfaitaire de 6.523,20 euros n'était pas de nature contractuelle.
Par courrier du 27 janvier 2023, la société BPI France a maintenu l'intégralité de sa déclaration de créance en indiquant qu'il s'agissait d'une cession à titre de garantie et qu'elle demeurait créancière de la société Coralu tant que le crédit n'était pas soldé, et qu'à ce jour, aucun remboursement n'avait été effectué.
Les parties ont été convoquées à l'audience du juge commissaire le 2 octobre 2023.
Par jugement du 27 juin 2023, le tribunal de commerce a arrêté le plan de sauvegarde proposé et nommé la SELARL MJ Synergie et la SELARLU [N] en qualité de mandataires judiciaires.
Par ordonnance rendue le 2 octobre 2023, le juge commissaire du tribunal de commerce de Lyon a :
- admis la créance BPI France pour la somme de 588.367,45 euros à titre chirographaire,
- dit que l'ordonnance sera notifiée aux parties dans les huit jours et qu'avis sera adressé aux mandataires de justice, conformément à l'article R. 624-4 du code de commerce,
- dit que la décision sera mentionnée sur la liste des créances,
- dit que les dépens de la présente ordonnance seront tirés en frais de procédure,
- ordonné le dépôt au greffe de la présente ordonnance.
Par déclaration reçue au greffe le 11 octobre 2023, la société BPI France a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a admis sa créance pour la somme de 588.367,45 euros à titre chirographaire.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 5 août 2024, la société BPI France demande à la cour, au visa des articles L. 622-25 et L. 622-28 du code de commerce et 1103 du code civil, de :
- infirmer l'ordonnance du juge commissaire n°2023JC06795 du 2 octobre 2023 en ce qu'elle a admis la créance de la société Bpifrance pour la somme de 588.367,45 euros à titre chirographaire,
Statuant à nouveau,
- admettre la créance de la société Bpifrance pour la somme totale déclarée de 606.644,85 euros majorée des intérêts au taux Euribor un mois moyenne plus 2 % l'an,
- condamner la société Coralu, la SELARL MJ Synergie, représentée par Me [Y] [G] ou Me [H] [F], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Coralu et la SELARLU [N], représentée par Me [S] [N], également mandataire judiciaire de la société Coralu, à payer à la société Bpifrance la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens.
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Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 5 mars 2024, la société Coralu demande à la cour, au visa des articles L. 622-13 et L. 622-28 du Code de commerce, de :
- débouter la société BPI France de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmer l'ordonnance rendue le 2 octobre 2023 par Mme la juge commissaire en ce qu'elle a admis la créance de la société BPI France au passif de la procédure de sauvegarde de la société Coralu pour un montant de 588.367,45 euros à titre chirographaire,
- condamner BPI France à payer à la société Coralu la somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance d'appel.
Citée par acte de commissaire de justice remis à domicile le 20 novembre 2023, auquel était jointe la déclaration d'appel, la SELARLU [N] n'a pas constitué avocat.
Cité par acte de commissaire de justice remis à personne le 20 novembre 2023, auquel était jointe la déclaration d'appel, la SELARL MJ Synergie n'a pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 mars 2025, les débats étant fixés au 17 avril 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le montant de la créance admise
L'article L. 622-25 du code de commerce énonce, en son alinéa 1er, que 'la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature et l'assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers.'
Par lettre recommandée du 12 juillet 2022 reçue par le mandataire judiciaire le 27 juillet suivant, la société Bpifrance a déclaré sa créance comme suit :
- solde débiteur : 600.000 euros,
- intérêts courus au taux EURIBOR 1 Mois moyenne + 2,00 % l'an : 121,65 euros,
- intérêts postérieurs au taux EURIBOR 1 Mois moyenne + 2,00 % l'an :
- indemnité forfaitaire (article 28 des conditions générales du contrat) : 6.523,20 euros
- TOTAL DU CREDIT : 606.644,85 euros.
Le détail de cette déclaration de créance faisait apparaître que la somme de 121,65 euros correspondait aux intérêts échus du 1er au 5 juillet 2022, étant rappelé que la procédure de sauvegarde de la société Coralu a été ouverte par jugement du 5 juillet 2022.
1 - Sur les intérêts de la créance
La société BPI France fait valoir que :
- en application de l'article L. 622-25 du code de commerce et selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le juge commissaire doit se placer à la date de l'ouverture de la procédure collective pour fixer le montant de la créance, sans tenir compte des paiements reçus postérieurement ; c'est donc à tort que le juge commissaire a déduit la somme de 11.754,20 euros correspondant à des intérêts prélevés après l'ouverture de la procédure,
- à la date du jugement d'ouverture, sa créance en principal s'élevait à 600.000 euros correspondant au préfinancement du CICE 2018 ;
- s'agissant des intérêts, le contrat AVANCE + EMPLOI prévoit des intérêts calculés au taux EURIBOR 1 Mois moyenne majoré de 2 % l'an, soit 121,65 euros à la date du jugement d'ouverture ;
- le contrat AVANCE + EMPLOI est un contrat à durée déterminée, son renouvellement n'est pas automatique et chaque renouvellement donne lieu à une nouvelle décision de crédit ; le contrat du 18 août 2021 prévoit l'ouverture d'une ligne de crédit sur une période d'un an, du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, permettant le maintien des intérêts après le jugement d'ouverture, conformément à l'article L. 622-28 du code de commerce.
La société Coralu fait valoir que :
- l'article L. 622-28 du code de commerce dispose que le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts, sauf s'il s'agit d'intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ; selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les prolongations successives d'un crédit consenti pour une durée inférieure à un an ne sauraient lui donner une durée supérieure à un an ; la doctrine confirme que seule la durée prévue initialement doit être retenue par les juges du fond, peu important que par la suite un ou plusieurs reports aient été négociés,
- la société BPI France a consenti le crédit AVANCE + EMPLOI le 23 octobre 2018, pour une durée de 9 mois environ, du 24 octobre 2018 au 31 juillet 2019,
- ce crédit a été renouvelé à six reprises successives, mais cela n'en fait pas un contrat conclu pour une durée supérieure à un an, au sens de l'article L.622-28 du code de commerce ; seule la durée initiale du crédit doit être prise en compte,
- la règle de l'arrêt du cours des intérêts s'applique donc bien au crédit, et aucun intérêt n'est dû pour la période postérieure à l'ouverture de la procédure collective ; le prélèvement de 11.754,20 euros effectué par l'appelante correspondant aux intérêts post-ouverture est donc injustifié ; le juge commissaire était fondé à rejeter cette créance du passif et à déduire son montant du total déclaré.
Sur ce,
Selon l'article L. 622-28 du code de commerce, 'le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus.'
En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats, que la société Bpifrance a consenti à la société Coralu un crédit de 600.000 euros ayant pour objet de préfinancer la créance de la société Coralu au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pour l'année 2018.
Ce crédit a été consenti par un premier contrat du 23 octobre 2018, pour la période du 24 octobre 2018 au 31 juillet 2019. Le contrat a ensuite fait l'objet de plusieurs renouvellements successifs dont chacun mentionne une période spécifique mais dont le reste du contenu est identique, le dernier datant du 18 août 2021 pour la période du 19 août 2021 au 30 juin 2022.
Chaque contrat précise, au titre des conditions générales, que le crédit 'est consenti pour une durée déterminée indiquée dans les Conditions Particulières' et que, 'en cas de renouvellement du crédit, par dérogation à l'article 1214 du Code civil, il est expressément convenu que celui-ci sera à durée déterminée, telle qu'indiquée dans les Conditions Particulières.'
Or, l'article 1214 du code civil prévoit expressément que 'le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent'.
Il s'en déduit que la société Bpifrance a consenti à la société Coralu une succession de nouveaux contrats en renouvellement du précédent. Il ne s'agit pas du même contrat prolongé, ni d'avenants prévoyant un report de la date du terme du contrat initial, comme le soutient la société Coralu.
Le dernier contrat, en date du 18 août 2021, mentionne d'une part un renouvellement intermédiaire pour la période antérieure du 1er juillet 2021 au 18 août 2021, et d'autre part un renouvellement pour la période du 19 août 2021 au 30 juin 2022. Chaque renouvellement étant un nouveau contrat, le dernier renouvellement porte donc sur la période du 19 août 2021 au 30 juin 2022, soit une durée inférieure à un an.
Il en résulte que, conformément à l'article L. 622-28 précité, la société Bpifrance ne peut pas réclamer les intérêts postérieurs à l'ouverture de la procédure collective.
Cependant, la somme de 121,65 euros mentionnée au titre des intérêts dans sa déclaration de créance correspond aux intérêts échus du 1er au 5 juillet 2022, soit avant l'ouverture de la procédure collective de la société Coralu, prononcée par jugement du 5 juillet 2022.
En conséquence, il convient d'admettre la somme de 600.000 euros déclarée en principal et la somme de 121,65 euros au titre des intérêts arrêtés au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, à l'exclusion des intérêts postérieurs.
En revanche, il est jugé avec constance, en application de l'article L. 622-25 précité, que le montant de la créance à admettre s'apprécie au jour du jugement d'ouverture.
Il en résulte qu'il ne doit pas être tenu compte d'un éventuel paiement qui serait intervenu entre le jugement d'ouverture et la date à laquelle le juge statue sur l'admission de la créance.
Les parties font état d'un prélèvement de 11.754,20 euros opéré par la société Bpifrance sur le compte de la société Coralu en paiement d'intérêts échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective. Or, dès lors que le dernier renouvellement du crédit portait sur une période inférieure à un an, l'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts, de sorte que la société Bpifrance n'était pas fondée à procéder à ce prélèvement.
Toutefois, bien que ce prélèvement ne soit pas valable, le juge-commissaire ne pouvait pas retrancher cette somme de 11.754,20 euros du montant en principal (600.000 euros) et des intérêts antérieurs échus (121,65 euros), dès lors que l'admission de la créance déclarée est distincte de son règlement.
En conséquence, l'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle admet la créance de la société Bpifrance pour la somme de 588.367,45 euros.
2 - Sur l'indemnité forfaitaire
La société BPI France fait valoir que :
- l'indemnité forfaitaire de 6.523,20 euros prévue à l'article 28 des conditions générales du crédit est contractuellement due,
- cette indemnité prévoit seulement les frais de gestion d'un dossier contentieux, elle ne constitue pas une clause pénale et n'est pas réductible par le juge, elle n'aggrave pas les obligations du débiteur du seul fait de la procédure collective, et s'appliquerait également à un débiteur in bonis,
- le calcul de cette indemnité est fondé sur le barème fixé à l'article A. 663-11 du code de commerce.
La société Coralu fait valoir que :
- l'article L. 622-13, I, du code de commerce dispose qu'aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde,
- selon la jurisprudence de la Cour de cassation, toute clause aggravant la situation du débiteur du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective doit être déclarée inopposable,
- la société BPI France a déclaré au passif la somme de 6.523,20 euros correspondant à une indemnité forfaitaire prévue à l'article 28 des conditions générales du contrat ; cette clause prévoit qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective obligeant le prêteur à déclarer une créance, une indemnité forfaitaire sera due par l'emprunteur,
- la société BPI France ne démontre pas avoir procédé à une quelconque sommation ou exercé une procédure préalablement à sa déclaration de créances,
- l'application de cette clause impose donc une charge supplémentaire à la société Coralu du seul fait de son placement en procédure collective,
- si cette indemnité ne constitue pas un intérêt, la clause sur laquelle elle est fondée est inopposable à la procédure collective car contraire à l'article L. 622-13 du code de commerce ; le juge commissaire était donc fondé à rejeter cette créance du passif et à la déduire du montant déclaré.
Sur ce,
L'article L. 622-13, I, du code de commerce prévoit que 'Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.'
En l'espèce, la société Bpifrance a également déclaré auprès du mandataire judiciaire la somme de 6.523,20 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 28 des conditions générales du contrat.
Cette clause 28 du dernier contrat de renouvellement est rédigée comme suit :
'En cas de résiliation ou d'expiration du crédit, l'encours du crédit est immédiatement remboursable et toutes les sommes dues par le bénéficiaire produisent intérêts au taux du crédit mentionné dans les Conditions Particulières.
Par dérogation aux dispositions de l'article 1342-10 du Code Civil, Bpifrance pourra imputer aux créances de son choix les recouvrements obtenus.
En outre, dans le cas où Bpifrance serait obligé de produire à un ordre ou à une distribution par contribution, de faire délivrer une sommation, d'exercer une procédure quelconque, collective ou non, ou d'y participer, il aura droit, pour couvrir forfaitairement les frais de gestion du dossier par son service contentieux, à une indemnité calculée sur le montant de la créance à recouvrer et égale aux deux tiers des droits alloués (selon le barème en vigueur à la date du calcul) aux administrateurs judiciaires en cas de cession d'actif à leur requête, avec un minimum égal à 762 euros (sept cent soixante-deux euros).'
Or, ce dernier contrat en date du 18 août 2021 prenait fin au 30 juin 2022 soit antérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, et n'a pas été renouvelé. Par conséquent, conformément à la clause 28 précitée, l'encourt du crédit est devenu immédiatement exigible à l'expiration du contrat.
L'absence de remboursement du crédit par la société Coralu à l'expiration du contrat s'analyse en une défaillance qui permet donc à la société Bpifrance de réclamer l'indemnité forfaitaire, dont l'application n'est pas limitée aux cas d'ouverture d'une procédure collective et s'avère applicable y compris à un débiteur in bonis.
Il doit s'en déduire que l'indemnité forfaitaire de frais de gestion peut valablement être déclarée au passif par la société Bpifrance. Tel n'aurait pas été le cas si le contrat avait été en cours lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, de sorte que le crédit n'aurait pas été exigible à cette date. Dans une telle hypothèse, l'indemnité forfaitaire aurait alors aggravé les obligations du débiteur en mettant à sa charge une indemnité qui n'aurait pas été due s'il n'avait pas été placé en sauvegarde de justice.
En conséquence, il convient d'admettre également la somme de 6.523,20 euros.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens d'appel seront tirés en frais privilégiés de la procédure collective.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de rejeter les demandes formées à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de l'appel,
Infirme l'ordonnance déférée, en sa disposition critiquée ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Admet la créance de la société Bpifrance au passif de la société Coralu pour la somme de 606.644,85 euros à titre chirographaire, à l'exclusion des intérêts postérieurs à l'ouverture de la procédure collective ;
Dit que les dépens d'appel seront tirés en frais privilégiés de la procédure collective.
Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente