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CA Lyon, 3e ch. a, 24 juillet 2025, n° 24/09339

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 24/09339

24 juillet 2025

N° RG 24/09339 - N° Portalis DBVX-V-B7I-QBUI

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 28 novembre 2024

RG : 2024f4269

ch n°

S.A.S.U. SASHA

C/

SELARL MJ SYNERGIE

Organisme M. LE RESPONSABLE DU SERVICE DES IMPOTS DES ENTREP RISES DE [Localité 11] 1

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 24 Juillet 2025

APPELANTE :

La société SASHA,

Société par actions simplifiée, immatriculée au RCS de [Localité 11] sous

le numéro 819 865 726, prise en la personne de son dirigeant, domicilié ès-qualité audit siège.

Sis [Adresse 3]

([Localité 10]

Représentée par Me Zaïra APACHEVA, avocat au barreau de LYON, toque : 3018

INTIMEES :

La SELARL MJ SYNERGIE ' MANDATAIRES JUDICIAIRES,

Société immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 538 422 056, représentée par Maître [Y] [P], Maître [L] [K] ou Maître [F] [N] mandataires judiciaires, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SASHA, SAS immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 819 865 726, dont le siège social est [Adresse 4], désignée à cette fonction.

Sis [Adresse 2]

([Localité 9]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Et

Organisme M. LE RESPONSABLE DU SERVICE DES IMPOTS DES ENTREP RISES DE [Localité 11] 1

[Adresse 6]

([Localité 8]

Non représenté malgré signification de la déclaration d'appel par acte du 10.01.2025 par dépot étude et signification des conclusions par acte du 10.03.2025 par dépot à personne habilitée

******

Date de clôture de l'instruction : 27 Mai 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Juin 2025

Date de mise à disposition : 24 Juillet 2025

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière

En présence de Madame la Procureure Générale près la Cour d'appel de LYON, prise en la personne de Monsieur Olivier NAGABBO, avocat général.

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La S.A.S.U. Sasha exerce une activité de bar, restaurant, organisation de soirée à thèmes ou de repas, traiteur sous le nom commercial « L'Aristide ».

Invoquant des créances fiscales diverses, portant notamment sur le non-paiement de la TVA, du prélèvement à la source, des cotisations foncières des entreprises et amendes fiscales pour un total de 50.565,72 euros dont il n'avait pu obtenir l'apurement malgré les poursuites engagées, M. le Responsable du Service des Impôts des Entreprises de Lyon 1 a assigné la société Sasha par acte du 4 novembre 2024, devant le tribunal de commerce de Lyon, aux fins de voir prononcer à titre principal une mesure de liquidation judiciaire et à titre subsidiaire une mesure de redressement judiciaire.

Par jugement réputé contradictoire du 28 novembre 2024, le tribunal de commerce de Lyon a :

constaté l'état de cessation des paiements, l'impossibilité d'un redressement et prononcé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Sasha ' [Adresse 5] ' société par actions simplifiée ' bar, restaurant, organisation de soirée à thèmes ou de repas, traiteur ' inscrit au RCS sous le numéro 819 865 726 RCS [Localité 11],

fixé provisoirement au 28 mai 2023 la date de cessation des paiements,

désigné en qualité de juge-commissaire M. [W] [G] et de juge-commissaire suppléant M. [H] [J],

nommé en qualité de liquidateur judiciaire la SELARL MJ Synergie représentée par Me [Y] [P], Me [L] [K] ou Me [F] [N], [Adresse 1],

nommé en qualité de commissaire de justice la société Actaura Rhône, commissaire-priseur, [Adresse 7] aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article L. 622-6 du code de commerce,

invité les salariés de l'entreprise à élire leur représentant dans les dix jours du présent jugement,

fixé au 28 mai 2025 le délai au terme duquel la clôture devra être examinée,

fixé à cinq mois à compter du présent jugement le délai dans lequel le liquidateur devra établir la liste prévue à l'article L. 624-1 du code de commerce,

dit applicable la procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue à l'article L. 641-2 et D. 641-10 du code de commerce,

dit que dans l'hypothèse où les critères d'application de cette procédure ne seraient pas réunis, le liquidateur fera rapport au tribunal afin qu'il soit statué dans les conditions visées à l'article R. 644-4 du code de commerce,

dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure.

Par déclaration reçue au greffe le 10 décembre 2024, la société Sasha a interjeté appel de ce jugement, portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 février 2025, la société Sasha demande à la cour, au visa de l'article L. 631-1 du code de commerce, de :

dire recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Sasha, à l'encontre du jugement du 28 novembre 2024, rendu par le tribunal de commerce de Lyon,

infirmer / réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré, rendu le 28 novembre 2024 par le tribunal de commerce de Lyon, en ce qu'il a :

constaté l'état de cessation des paiements, l'impossibilité d'un redressement et prononcé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Sasha ' [Adresse 5] ' société par actions simplifiée ' bar, restaurant, organisation de soirée à thèmes ou de repas, traiteur ' inscrit au RCS sous le numéro 819 865 726 RCS [Localité 11],

fixé provisoirement au 28 mai 2023 la date de cessation des paiements,

désigné en qualité de juge-commissaire M. [W] [G] et de juge-commissaire suppléant M. [H] [J],

nommé en qualité de liquidateur judiciaire la SELARL MJ Synergie représentée par Me [Y] [P], Me [L] [K] ou Me [F] [N], [Adresse 1],

nommé en qualité de commissaire de justice la société Actaura Rhône, commissaire-priseur, [Adresse 7] aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article L. 622-6 du code de commerce,

invité les salariés de l'entreprise à élire leur représentant dans les dix jours du présent jugement,

fixé au 28 mai 2025 le délai au terme duquel la clôture devra être examinée,

fixé à cinq mois à compter du présent jugement le délai dans lequel le liquidateur devra établir la liste prévue à l'article L. 624-1 du code de commerce,

dit applicable la procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue à l'article L. 641-2 et D. 641-10 du code de commerce,

dit que dans l'hypothèse où les critères d'application de cette procédure ne seraient pas réunis, le liquidateur fera rapport au tribunal afin qu'il soit statué dans les conditions visées à l'article R. 644-4 du code de commerce,

dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure.

Statuant à nouveau :

juger que le tribunal de commerce de Lyon n'a pas caractérisé l'état de cessation des paiements de la société Sasha,

juger que la société Sasha n'est pas en état de cessation des paiements,

débouter M. le responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 11] 1, ainsi que la société MJ Synergie, ès qualités de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

statuer comme de droit sur les dépens.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 28 février 2025, la SELARL MJ Synergie ' Mandataires Judiciaires demande à la cour de :

dire la SELARL MJ Synergie - Mandataires Judiciaires représentée par Me [Y] [P], Me [L] [K] ou Me [F] [N] ès qualités recevable et fondée en ses conclusions,

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

constaté l'état de cessation des paiements, l'impossibilité d'un redressement et prononcé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Sasha ' [Adresse 5] ' société par actions simplifiée ' bar, restaurant, organisation de soirée à thèmes ou de repas, traiteur ' inscrit au RCS sous le numéro 819 865 726 RCS [Localité 11],

fixé provisoirement au 28 mai 2023 la date de cessation des paiements,

désigné en qualité de juge-commissaire M. [W] [G] et de juge-commissaire suppléant M. [H] [J],

nommé en qualité de liquidateur judiciaire la SELARL MJ Synergie représentée par Me [Y] [P], Me [L] [K] ou Me [F] [N], [Adresse 1],

nommé en qualité de commissaire de justice la société Actaura Rhône, commissaire-priseur, [Adresse 7] aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article L. 622-6 du code de commerce,

dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure.

débouter la société Sasha de l'intégralité de ses demandes,

à défaut, si la cour estimait y avoir lieu à infirmation, réformation avec ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Sasha avec désignation d'un administrateur judiciaire,

statuer ce que de droit sur les dépens.

***

Par ordonnance de référé du 6 janvier 2025, le Premier Président de la cour d'appel de Lyon a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire et la demande prioritaire de fixation de l'affaire aux motifs que la société Sasha avait cessé son activité au moins depuis le jugement de liquidation judiciaire et que sa défaillance à reprendre une activité dans le cadre d'une situation financière équilibrée est établie, la date d'audience déjà fixée n'étant pas de nature à établir un péril.

***

Le ministère public, par avis du 22 mai 2025 communiqué contradictoirement aux parties le même jour, a constaté que la situation était manifestement et irrémédiablement compromise puisque l'appelante ne disposait que d'un actif disponible de 43 euros, que son local était vide, sans matériel et sans salarié, étant rappelé le montant conséquent du passif.

Il a sollicité la confirmation de la décision déférée.

Cité par acte de commissaire de justice remis le 10 janvier 2025 à personne habilitée auquel était jointe la déclaration d'appel de l'appelant, M. le responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 11] 1 n'a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 mai 2025, les débats étant fixés au 19 juin 2025.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'un état de cessation des paiements

La société Sasha fait valoir que :

les premiers juges n'ont pas caractérisé un état de cessation des paiements la concernant, l'absence de son représentant légal à l'audience ne les dispensant pas de faire les recherches nécessaires,

la totalité des parts de la société a été rachetée par M. [E] le 23 novembre 2023, et la quasi-totalité du passif est antérieure à cette date,

un échéancier avait été sollicité auprès du SIE, par l'intermédiaire de son expert-comptable, afin de redresser la société,

en octobre 2024, son dirigeant a été victime d'une escroquerie et d'un abus de biens sociaux de la part de M. [C], contre lequel il a déposé plainte, ce dernier ayant prélevé sur le compte bancaire de l'entreprise la somme de 18.424 euros entre janvier 2024 et septembre 2024, les intitulés des virements portant sur des actes courants relatifs à la vie de l'entreprise comme « impôts » ou achats de marchandises,

le dirigeant légal de l'entreprise a effectué plusieurs règlements auprès des impôts entre octobre et novembre 2024 pour un montant de 4.000 euros ce qui diminue sa dette fiscale à la somme de 42.492 euros,

les sommes réclamées par les impôts portent sur des acomptes de TVA liés à la crise sanitaire et notamment sur les périodes de fermeture alors que l'entreprise était fermée, ce qui doit conduire à les exclure,

concernant les créances déclarées par Klesia pour 854,74 euros et la DGFIP pour 2.067,52 euros indiquées par le mandataire judiciaire dans ses conclusions, elles n'ont pas fait l'objet de vérifications et ne peuvent être retenues au titre du passif,

elle dispose d'une trésorerie de 7.650 euros outre la somme de 18.424 euros qui reste à recouvrer,

elle bénéficie également d'un chèque de banque d'une valeur de 30.000 euros remis par la société Delta Échafaudage ce qui lui permet de rembourser les sommes dues aux impôts et d'envisager l'octroi d'un échéancier pour la suite, le prévisionnel établi par l'expert-comptable lui permettant d'envisager pour l'année 2024-2025 un bénéfice net de 27.760 euros,

l'expert-comptable indique n'avoir pu être rémunéré en raison des détournements de fonds commis.

La SELARL MJ Synergie fait valoir que :

suite au placement en liquidation judiciaire de l'appelante, elle a été destinataire de déclarations de créances pour un montant de 85.679,72 euros au titre du privilège du trésor, de 5.535,48 euros au titre du privilège des caisses sociales et 5.147,36 euros à titre chirographaire, seul un montant de 42,99 euros ayant été recouvré dans le cadre des opérations,

elle n'a pu rencontrer le dirigeant de l'appelante qu'à une reprise le 20 décembre 2024, qui lui a indiqué avoir été victime d'une escroquerie datant du mois de décembre 2023 et n'a ensuite jamais répondu à ses demandes notamment concernant la remise des clés du local, du solde de caisse de 7.560 euros visé dans les conclusions produites devant le premier président, et a été informée de nuisances créées par des individus présents dans le local alors même que l'accès y était interdit, le signalement étant réalisé par le syndicat de copropriété de l'immeuble,

le commissaire de justice n'a jamais pu accéder aux locaux malgré ses démarches, le dirigeant de l'appelante lui indiquant par téléphone que les seuls biens encore en sa possession étaient en location,

le commissaire de justice s'est rendu le 13 février 2025 sur les lieux et a constaté que les serrures avaient été changées et que le local avait été vidé par le locataire de tout mobilier,

un signalement a dû être adressé au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en raison des agissements constatés,

concernant l'état de cessation des paiements, il n'y a pas lieu de vérifier les créances déclarées pour l'apprécier, étant rappelé que le passif retenu est fixé à 53.802,88 euros, excluant le passif provisionnel déclaré par les impôts, et comporte des créances datant pour la plus ancienne de 2021, sachant que les cotisations URSSAF n'ont été réglées ni en 2021 ni en août 2024,

la créance de la DGFIP, à l'origine de la procédure, est certaine et exigible, d'autant plus que, n'ayant pas été contestée dans les délais devant le tribunal administratif, des mesures d'exécution, demeurées infructueuses, ont été mises en 'uvre,

l'appelante ne démontre pas qu'elle a bénéficié de moratoires concernant les créances déclarées,

concernant l'actif disponible de l'appelante, seule la somme de 42,99 euros a été recouvrée puisque le fonds de caisse n'a pas été remis et que la somme de 18.424 euros ne peut être prise en compte puisqu'elle ne peut être immédiatement recouvrée et mobilisée,

s'agissant du chèque de banque de 30.000 euros, il n'a pas été encaissé sur le compte de l'appelante ni remis au liquidateur judiciaire et l'origine des fonds n'est pas indiquée, ce qui ne permet pas de le retenir comme un actif immédiatement disponible,

le projet d'obtenir un moratoire par le biais de ce chèque de banque ne permet pas de transformer un passif exigible en passif non exigible,

pour contester la réalité d'un état de cessation des paiements, il convient de rapporter la preuve de l'existence d'un moratoire en cours et respecté.

Sur ce,

L'article L.631-1 alinéa 1 du code de commerce dispose que : « Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. »

L'article L.640-1 du même code dispose que : « Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. »

L'appelante prétend à l'inexistence d'un état de cessation des paiements au motif que les créances déclarées suite à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire n'ont pas été vérifiées et fait valoir qu'elle dispose d'actifs immédiatement disponibles, lui permettant notamment d'apurer une partie de son passif et d'obtenir un moratoire de la part de la DGFIP qui lui permettrait de limiter celui-ci et d'infirmer la décision déférée.

Il est rappelé que l'état de cessation des paiements est caractérisé lorsqu'une entreprise n'est pas en capacité de payer le passif exigible avec son actif disponible.

Cet état doit être apprécié et caractérisé au moment où la juridiction statue, y compris à hauteur de cour.

Concernant le passif de l'entreprise, il est rappelé que la procédure collective a été ouverte sur assignation de M. le Responsable du Service des Impôts des Entreprises de [Localité 11] 1 à la suite d'impôts demeurés impayés pour un total de 50.565,72 euros dont 46.048,72 euros en droits et 4.517 euros en pénalités.

Les pièces versées aux débats, notamment par le liquidateur judiciaire, démontrent que l'appelante a fait l'objet de nombreuses mises en demeure depuis l'année 2017 concernant divers types d'impôts, dont la contribution foncière des entreprises et la TVA outre l'impôt sur les sociétés, suivies d'inscriptions au rôle avant émission d'avis de mises en recouvrement, le plus ancien datant du 28 février 2017 et les plus récents des 15 février et 15 avril 2024, soit sous la direction de M. [E] qui ne pouvait qu'être informé de la situation.

La société Sasha ne démontre à aucun moment qu'elle a entrepris de contester les avis de mise en recouvrement, qui, ayant force exécutoire, ont amené le créancier à mettre en 'uvre onze avis à tiers détenteurs qui n'ont permis de recouvrer qu'une faible somme, les autres demeurant infructueux de même que la mesure de saisie-vente pratiquée en 2019. Il est par ailleurs constant que le créancier a refusé la mise en 'uvre d'un moratoire sur une très longue durée sollicitée par la société Sasha le 27 octobre 2013 compte-tenu de l'ancienneté des dettes et de l'incapacité de la société à tenir ses engagements.

En outre, la direction des impôts a informé l'appelante par différentes lettres recommandées avec accusé de réception, notamment du 27 octobre 2013, reçue le 6 novembre 2023, et du 3 juin 2024, reçue le 8 juin 2024, qu'elle entendait l'assigner devant le tribunal de commerce pour engager une procédure de liquidation judiciaire.

Le rachat de l'intégralité des parts sociales par M. [E] le 23 novembre 2023 est indifférent et ne lui permet pas d'écarter le passif constitué avant sa prise de fonctions et ce d'autant moins qu'il lui appartenait, avant d'acquérir les parts, de vérifier la situation de l'entreprise.

Dans le cadre du rachat des parts sociales, il a repris à son compte tant le passif que l'actif de la société Sasha. Il a, en outre, été informé par la dernière lettre recommandée avec accusé de réception qu'il a reçue, de la volonté de M. le Responsable du Service des Impôts des Entreprises de [Localité 11] 1 d'obtenir la mise en 'uvre d'une procédure collective.

Le jugement déféré a retenu, à titre provisoire, une date de cessation des paiements au 28 mai 2023.

L'appelante prétend que, faute de vérification des créances déclarées ultérieurement, son état de cessation des paiements n'était pas caractérisé, ayant réalisé des paiements concernant sa dette fiscale et disposant d'actifs immédiatement disponibles.

Concernant les créances déclarées, il est inexact de prétendre que les créances déclarées, qui n'ont pas été vérifiées, ne peuvent pas être retenues au titre du passif.

L'appelante ne fonde cette allégation sur aucun texte ni jurisprudence et, au contraire, ajoute au texte suscité. Il ne peut qu'être retenu par ailleurs que si la débitrice prétend disposer d'actifs disponibles, elle n'a pas fait en sorte de s'acquitter des créances déclarées auprès du liquidateur judiciaire.

L'analyse des créances déclarées et retenues en l'état par ce dernier démontre, s'agissant des impôts, que seule la somme effectivement due, et non la somme déclarée à titre provisionnelle, a été retenue.

S'agissant des autres créanciers, le détail des créances déclarées permet de constater un défaut de paiement des cotisations URSSAF et retraites dues mais aussi de factures concernant les fluides (électricité) et l'approvisionnement du fonds de commerce.

Sur ce point, l'appelante ne fournit aucune explication quant au défaut de paiement constaté.

Pour ce qui est de l'actif disponible, il est constant que le liquidateur n'a pu obtenir que la somme de 42,99 euros qui était portée au crédit du compte bancaire de la société Sasha.

Cette dernière prétend disposer d'un solde de caisse de 7.650 euros qu'elle n'a toutefois pas remis au liquidateur judiciaire, ce qui ne permet pas d'établir sa véracité alors qu'il s'agit d'un actif considéré comme immédiatement mobilisable.

S'agissant de la somme détournée au préjudice de l'entreprise d'un montant de 18.424 euros, elle ne peut être retenue comme actif immédiatement mobilisable puisque, si une plainte a effectivement été déposée, la somme n'est pas recouvrée et il n'existe aucune certitude quant à l'effectivité et la réalisation d'un recouvrement. Il est constant que l'appelante ne démontre pas avoir entrepris une quelconque démarche auprès des personnes soupçonnées alors même qu'elle les a nommées dans sa plainte, rendant impossible une mobilisation immédiate de cette somme.

Enfin, l'appelante se prévaut d'un chèque de banque d'un montant de 30.000 euros remis par une entreprise tierce, Delta Échafaudage, qui, selon elle, lui permettrait d'apurer la plus grande partie de sa dette auprès des impôts et d'obtenir ensuite un moratoire.

Or, il est constant que ce chèque de banque n'a pas été remis au liquidateur judiciaire qui est en charge des opérations, sans compter qu'il est impossible de déterminer l'origine des fonds et les raisons pour lesquelles une entreprise qui ne présente aucun lien capitalistique avec la société Sasha accepterait de financer cette dernière.

Qui plus est, cette somme de 30.000 euros viendrait s'ajouter au passif à retenir.

Au surplus, l'appelante ne peut prétendre payer un créancier en particulier pour obtenir un moratoire et poursuivre son activité, le moratoire, pour être pris en compte, devant intervenir avant toute assignation aux fins de mise en 'uvre d'une procédure collective pour que la dette concernée puisse être exclue du passif exigible.

En l'état, toutes les sommes déclarées, et majoritairement la créance des impôts, qui n'a été diminuée que de 4.000 euros suite aux paiements réalisés par le dirigeant de l'appelante, ne peuvent être payées par l'actif effectivement disponible de la société Sasha qui s'élève à 42,99 euros.

L'état de cessation des paiements de cette dernière étant caractérisé, il convient de confirmer la décision déférée.

Sur la possibilité de redressement de l'entreprise

La SELARL MJ Synergie fait valoir que :

l'appelante ne démontre pas qu'elle peut financer une période d'observation et dispose de chances sérieuses de redressement,

les créances fiscales sont anciennes et n'ont jamais fait l'objet de démarches aux fins de moratoire depuis la reprise de la société par le nouveau dirigeant,

l'appelante n'a plus de salariés, plus d'activité, ni de moyens matériels dans ses locaux ce qui ne permet pas d'envisager une reprise de l'activité,

les créances fiscales fondant la saisine du tribunal de commerce par M. le Responsable du Service des Impôts des Entreprises de Lyon 1 dataient pour les plus anciennes de 2017, ce que le repreneur ne pouvait ignorer lorsqu'il a acquis toutes les parts de l'entreprise en novembre 2023 avec pour but de la redresser,

une telle situation aurait dû conduire le dirigeant de l'appelante à solliciter d'emblée une mesure de redressement judiciaire pour l'aider à rétablir une activité saine au profit de son entreprise,

le prévisionnel fourni par l'expert-comptable est inexploitable puisqu'il indique un chiffre d'affaires de 118.951 euros sans fournir d'explications et confirme la dette fiscale.

Sur ce,

L'article L.640-1 du même code dispose que : « Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. »

La société Sasha, qui prétend ne pas être en cessation des paiements, a, toutefois, adopté depuis le prononcé de la décision du 28 novembre 2024 la plaçant en liquidation judiciaire, une attitude peu rationnelle.

Ainsi, le liquidateur judiciaire n'a pu rencontrer qu'à une seule reprise le dirigeant de celle-ci, puis a été informé que des nuisances provenaient du local de la société alors que l'entreprise ne pouvait poursuivre son activité.

De même, tant le commissaire de justice que le liquidateur judiciaire n'ont pu entrer dans le local de l'appelante dont les clés ont été changées, et ont pu constater, à travers la vitre, que plus aucun mobilier ne se trouvait dans les lieux.

Il est retenu par ailleurs que la société n'emploie plus de salariés ce qui démontre qu'elle n'est pas en capacité de reprendre une activité.

Ce comportement, contraire à celui d'une entreprise qui manifeste le souhait de poursuivre son activité, démontre au contraire qu'elle n'a pas les moyens de le faire, et notamment de financer une éventuelle période d'observation dans le cadre d'un redressement judiciaire.

Enfin, le prévisionnel comptable versé aux débats n'est fondé sur aucun élément comptable objectif, notamment sur un journal de caisse ou bien un état mensuel des comptes de la société et ne peut être retenu.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont prononcé une liquidation judiciaire immédiate de la société Sasha.

Sur les demandes accessoires

La société Sasha échouant en ses prétentions, elle sera condamnée à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel qui seront pris en frais privilégiés de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de l'appel,

Confirme dans son intégralité la décision déférée,

Y ajoutant,

Dit que la SAS Sasha supportera les entiers dépens de la procédure d'appel,

Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.

La greffière La présidente

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