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CA Lyon, 3e ch. a, 24 juillet 2025, n° 21/01954

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 21/01954

24 juillet 2025

N° RG 21/01954 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NO3D

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 05 janvier 2021

RG : 2018j00300

ch n°

[O]

[O]

[O]

[O]

[O]

C/

Société EDILIANS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 24 Juillet 2025

APPELANTS :

Monsieur [D] [O],

né le 19 juillet 1948 à [Localité 14] (Tarn et Garonne),

de nationalité française

demeurant [Adresse 8]

[Localité 1].

Et

Madame [T] [Z],

née [O] le 19 juin 1972 à [Localité 12] ([Localité 11]),

de nationalité française,

demeurant [Adresse 9]

[Localité 3].

Et

Madame [B] [L] née [O]

le 10 avril 1975 à [Localité 12] ([Localité 11]),

de nationalité française,

demeurant [Adresse 7]

[Localité 2].

Et

Madame [J] [K],

née [O] le 7 décembre 1976 à [Localité 16] ([Localité 11]),

de nationalité française,

demeurant "[Adresse 15]"

([Localité 5].

Et

Mademoiselle [I] [O],

née le 18 octobre 1978 à [Localité 16] ([Localité 11]),

de nationalité française,

demeurant [Adresse 6]

[Localité 2]

Représentés par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547, avocat postulant et Me Pierre LACROIX, avocat au barreau de CLERMONT FERRAND, avocat plaidant.

INTIMEE :

Société EDILIANS

(auparavant dénommée « Imerys TC »),

société par actions simplifiée à associé unique au capital de 161 227 700 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 449 354 224.

Sis [Adresse 10]

[Localité 4]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, avocat postulant et Maître LOIZON Olivier, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant.

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 22 Novembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Mai 2025

Date de mise à disposition : 24 Juillet 2025

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte de cession du 23 décembre 2010, M. [D] [O] et ses filles Mmes [T], [B], [J] et [I] [O] (les consorts [O]) ont cédé la totalité des parts sociales de la société holding Doyet Terre Cuite, détenant elle-même la totalité des actions de la société Française des Tuiles et Briques, à la société Imerys TC devenue la société Edilians.

L'acte de cession comportait une clause de garantie d'actif et passif d'une durée de trois ans, laquelle était garantie par la constitution d'un séquestre conventionnel de 500.000 euros.

Par avenant du 24 mars 2011, les cédants ont pu mettre fin au séquestre et placer la somme de 500.000 euros sur un contrat d'assurance-vie souscrit auprès de la société AXA France Vie, au profit de la société Imerys TC.

Par lettre recommandée du 8 août 2012, la société Imerys TC a notifié aux consorts [O] la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif en raison de l'existence d'une garantie trentenaire applicable aux produits de la société, dont elle n'avait pas connaissance, ainsi que de l'absence de provision d'une indemnité de panier pour certains salariés.

En réponse du 3 octobre 2012, les consorts [O] ont contesté cette mise en jeu de la garantie d'actif et de passif.

Par lettre recommandée du 18 décembre 2013, la société Imerys TC a de nouveau notifié aux consorts [O] la mise en 'uvre de la garantie d'actif et de passif, et les a mis en demeure de lui payer la somme de 129.652 euros au titre de l'existence de litiges clients survenus à la suite de vices apparents ou cachés sur les produits, au titre du paiement d'une indemnité de panier dont elle a dû s'acquitter, et au titre des frais de licenciement d'un salarié.

En réponse, le 17 février 2014, M. [O] a contesté à nouveau les prétentions de la société Imerys TC en ce qu'elles ne respectaient pas les dispositions de l'acte de cession du 23 décembre 2010.

Par lettre recommandée du 23 novembre 2015, la société Imerys TC a réfuté les contestations de M. [O] et l'a mis en demeure de lui payer un montant actualisé de 168.802 euros.

Le 22 décembre 2015, la société Imerys TC a adressé à la société Axa France Vie, une demande de rachat partiel du contrat à hauteur de 168.802 euros, sous réserve d'évolution du montant des réclamations.

Le 24 décembre suivant, M. [O] s'est opposé à cette mise en oeuvre de la délégation du contrat d'assurance-vie, faisant valoir auprès de la société Axa France Vie que la mise en 'uvre de la garantie d'actif et passif était abusive.

Le 2 mars 2016, la société Axa France Vie a informé M. [O] du rachat partiel du contrat d'assurance-vie sollicité par la société Imerys TC et avoir versé à cette dernière la somme de 168.802 euros.

Le 16 août 2017, les consorts [O] ont assigné la société Imerys TC, devenue Edilians, devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 5 janvier 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

- pris acte du changement de dénomination de la société Imerys TC devenue la société Edilians,

- jugé que la société Edilians a mis en 'uvre de manière régulière et fondée la clause de garantie de passif à l'endroit des vendeurs, M. [D] [O], Mme [T] [O] épouse [Z], Mme [B] [O] épouse [L], Mme [J] [O] épouse [K] et Mme [I] [O] épouse [N] - les consorts [O],

- débouté les consorts [O] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné les consorts [O] in solidum à payer un montant de 125.561 euros augmenté des intérêts légaux à la société Edilians au titre de la garantie de passif,

- rejeté la demande indemnitaire de la société Edilians à hauteur de 30.000 euros,

- condamné les consorts [O] in solidum à verser à la société Edilians la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les consorts [O] in solidum aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 16 mars 2021, les consorts [O] ont interjeté appel portant sur l'ensemble des chefs de la décision critiqués, sauf en ce que le tribunal a pris acte du changement de dénomination de la société Imerys TC devenue la société Edilians et en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la société Edilians à hauteur de 30.000 euros.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 24 mai 2022, les consorts [O] demandent à la cour, au visa des articles 1134 et suivants anciens du code civil, de :

- réformer le jugement,

- juger que la société Imerys TC devenue la société Edilians n'a pas mis en 'uvre de manière régulière, ni fondée, la clause de garantie de passif à l'endroit des vendeurs, les consorts [O],

- juger surabondamment que les demandes de mise en 'uvre de la garantie de la société Imerys TC sont inopposables aux consorts [O] pour ne pas avoir respecté le principe du contradictoire et les dispositions de l'article 9.3 de l'acte de garantie,

En conséquence,

- juger que les appels de fonds réalisés auprès de la compagnie AXA France Vie au titre de la garantie à première demande sont abusifs,

- condamner la société Edilians à payer et porter aux consorts [O] :

' la somme de 168.802 euros au titre de la restitution des fonds indûment prélevés, outre intérêts à compter de l'assignation du 16 août 2017,

' celle de 8.253,81 euros au titre de son préjudice fiscal et social,

' celle de 33.000 euros au titre des intérêts perdus du fait de la rupture anticipée du contrat d'assurance-vie à l'initiative de la société Imerys TC,

' celle de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, tous autres chefs de préjudices confondus en conséquence de la mise en 'uvre abusive de la garantie à première demande,

- débouter la société Edilians de toutes ses demandes reconventionnelles infondées,

- condamner la société Edilians à payer et porter aux consorts [O] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner la société Edilians à payer et porter aux consorts [O] la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 20 juin 2022, la société Edilians demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [O] de leurs demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les consorts [O] in solidum à payer un montant de 125.561 euros (à parfaire), augmenté des intérêts légaux, à la société Edilians au titre de la garantie de passif,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande aux fins de condamnation des consorts [O] au paiement d'une somme complémentaire de 30.000 euros au titre des frais engagés par cette dernière,

- et statuant à nouveau sur ce point, condamner les consorts [O] à lui verser une somme complémentaire de 30.000 euros au titre des frais engagés par cette dernière,

- en tout état de cause, sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [O] in solidum à lui payer la somme de 25.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel,

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 22 novembre 2022, les débats étant fixés au 21 mai 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de restitution formée par les consorts [O]

Les consorts [O] font valoir que :

- la société Edilians n'a pas mis en 'uvre de manière régulière la clause de garantie de passif comme en attestent plusieurs manquements,

- M. [D] [O] n'a jamais reçu la lettre du 18 décembre 2013, en violation des articles 15.3, 16 et 17 du contrat de cession qui imposaient une notification formelle au représentant des cédants,

- la société Edilians n'a jamais fourni de précisions ni de justificatifs sur les chefs de créance qu'elle invoquait, empêchant les consorts [O] de porter la moindre appréciation sur ces réclamations,

- la société Edilians a fait droit aux réclamations de tiers sans l'accord des cédants et hors toute décision judiciaire, en violation de l'article 15.3 de l'acte de garantie ; les paiements effectués par la société Edilians ne respectaient pas les conditions contractuelles qui exigeaient soit une créance exigible d'un tiers en vertu d'une décision exécutoire, soit une transaction opposable aux consorts [O], soit l'accord exprès des cédants,

- les premiers justificatifs n'ont été fournis qu'en mai 2018, puis en septembre 2018 et janvier 2019, soit plus de cinq ans après la mise en 'uvre de la garantie,

- le refus de M. [O] n'était pas déraisonnable puisqu'aucun justificatif ne lui avait été communiqué concernant les prétendues réclamations de clients, les primes des salariés ou le licenciement de M. [U],

- les conditions contractuelles de mise en 'uvre de la garantie n'ayant pas été respectées, le déclenchement de la garantie de passif se révèle juridiquement infondé et inopposable aux cédants,

- l'argument d'Edilians relatif à l'absence de responsabilité civile contractuelle constitue un faux débat, car le problème n'est pas un simple non-respect des délais d'information mais des violations substantielles des conditions de mise en 'uvre de la garantie de défaut de fourniture de justificatifs et paiements effectués sans accord préalable du garant,

- la violation du principe du contradictoire par la société Edilians rend inopposable aux consorts [O] la mise en 'uvre de la garantie, indépendamment même de la question de la responsabilité civile contractuelle.

- les trois chefs de demande invoqués par la société Edilians au titre de la garantie de passif sont infondés, en plus des violations des règles contractuelles de mise en 'uvre,

- concernant les indemnités de panier, aucun justificatif n'a été fourni au moment de la mise en 'uvre de la garantie malgré les demandes répétées de M. [O] ; les premiers justificatifs n'ont été produits qu'en 2018, six ans après ; les bulletins de salaire fournis tardivement montrent que les pauses casse-croûte payées en mai 2014 concernent des périodes postérieures à la cession de décembre 2010, donc non couvertes par la garantie ; la société Edilians a changé sa qualification juridique au fil du temps, parlant d'abord d'indemnités de panier puis de pause casse-croûte ; l'intimée a menti en prétendant avoir déjà réglé l'indemnité en décembre 2013, alors que les paiements n'ont été effectués qu'en mai 2014 ; les montants réclamés ont varié sans explication,

- concernant l'indemnité de licenciement de M.[U], une garantie de passif doit couvrir un passif antérieur à la cession, alors que le licenciement a eu lieu postérieurement ; aucune procédure de licenciement n'avait été engagée avant la cession, même si ce licenciement était envisagé dans l'annexe 17 ; la société Edilians n'a pas informé les garants dans le délai de 60 jours avec les justificatifs requis ; les premiers justificatifs n'ont été fournis qu'en mai 2018, sans détail des calculs ; la somme réclamée inclut indûment non seulement l'indemnité de licenciement mais aussi d'autres éléments du bulletin de salaire et même des frais d'avocat.

- concernant les prétendus vices des tuiles, les conditions générales de vente prévoyaient une garantie de deux ans, sauf document contractuel octroyant spécifiquement une garantie trentenaire à certains clients ; la société Edilians a soutenu initialement avoir découvert l'existence d'une garantie trentenaire après la cession, alors que cette mention figurait dans le dossier de présentation de l'entreprise et était expressément visée à l'article 14.19 du contrat de cession ; aucun justificatif des vices des produits n'a été fourni en temps utile malgré les demandes répétées des consorts [O] ; les premiers justificatifs n'ont été produits qu'en septembre 2018, soit cinq ans après l'expiration de la garantie de passif ; la plupart des réclamations sont postérieures à la date d'expiration de la garantie ; les documents fournis tardivement montrent d'autres causes de désordres sans lien avec des malfaçons des tuiles ; il n'est pas démontré que les clients concernés disposaient effectivement de certificats de garantie trentenaire ; les réclamations ne proviennent pas de clients directs de la société mais de particuliers sans lien contractuel ; aucune expertise contradictoire n'a été réalisée ; la société Edilians a fait droit à certaines réclamations à titre commercial alors que des arguments auraient pu être opposés,

- la franchise contractuelle de 10.000 euros n'a pas été déduite comme prévu à l'article 15.2 du contrat,

- dès lors qu'elle ne disposait pas d'une créance exigible à leur endroit, la société Edilians n'aurait pas dû solliciter un quelconque paiement entre les mains de la compagnie d'assurance.

La société Edilians réplique que :

- les cas de garantie ont tous été notifiés aux Consorts [O] dans le respect du délai contractuel de trois ans prévu à l'article 15.2(d) du contrat de cession, soit avant le 20 décembre 2013,

- la notification peut concerner un préjudice dont le montant n'est pas encore précisément connu et qui peut être actualisé ultérieurement,

- la lettre du 18 décembre 2013 a bien été adressée à l'adresse de M. [D] [O] indiquée dans le contrat, et son conseil en a reçu une copie, ce qui lui a permis de formuler des observations,

- elle a fourni aux consorts [O] les éléments et informations nécessaires pour évaluer les préjudices, et mis à leur disposition des justificatifs supplémentaires qu'ils n'ont pas souhaité consulter,

- l'article 15.3(a)(III) du contrat prévoit que l'accord des Consorts [O] est réputé acquis s'ils ne refusent pas dans un délai de 15 jours et qu'ils ne peuvent refuser sans motif raisonnable,

- elle ne pouvait sur le fondement de l'absence d'accord de M. [O] refuser de payer les indemnités de pause casse-croûte aux salariés sans s'exposer à un risque d'aggravation de son préjudice et de détérioration du climat social,

- elle ne pouvait suspendre la résolution des réclamations des clients sans risquer une perte de clientèle et une détérioration de la réputation commerciale de la société acquise,

- les consorts [O] contestent la mise en 'uvre de la garantie en invoquant de mauvaise foi des motifs purement formels, dans le cadre d'une stratégie déloyale visant à éluder leurs obligations,

- le contrat de cession distingue clairement les sanctions applicables et prévoit que la déchéance ne s'applique que 'dans le cas d'une procédure prévoyant un délai de réponse impératif', ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; dans tous les autres cas, le contrat prévoit que le cessionnaire conserve son droit à indemnisation, le cédant pouvant seulement déduire le préjudice qu'il aurait subi,

- la prétendue violation des modalités de mise en 'uvre de la garantie ne peut entraîner la déchéance du droit à garantie en l'absence de clause contractuelle le prévoyant expressément ; seule la responsabilité contractuelle du cocontractant fautif pourrait être engagée ; cette solution jurisprudentielle s'applique à tous types de manquements comme l'information du garant, la gestion commune des litiges, le formalisme des notifications,

- les conditions pour engager sa responsabilité civile contractuelle ne sont pas réunies en l'espèce.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, l'acte de cession de parts sociales conclu entre les parties prévoit, en son article 15, une garantie d'actif et de passif, dans la limite de 400.000 euros avec une franchise de 10.000 euros, valable pendant une période de trois ans à compter de la date de l'acte, soit du 23 décembre 2010.

En exécution de cette garantie d'actif et de passif, la société Edilians a invoqué auprès des cédants trois types de dommages qu'il convient d'examiner successivement : le dommage le plus important concerne les vices affectant certaines tuiles et la durée de la garantie du fabricant, le deuxième dommage porte sur l'indemnité de licenciement de M. [U], et le dernier sur la prime de casse-croûte.

1 - Sur les vices affectant les tuiles et la durée de la garantie

La clause 15.1 du contrat de cession détermine le champ d'application de la garantie d'actif et de passif ([Localité 13]) en précisant quels sont les dommages que le cédant s'engage à indemniser.

En particulier, le point 15.1 (a) (II) prévoit que le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de 'tout dommage résultant de toute inexactitude ou omission dans les déclarations consenties par le cédant'.

Or, au titre des déclarations du cédant énoncées à la clause 14 du contrat, il est indiqué au point 14.19, relatif à la responsabilité du fait des produits, que 'Aucune garantie n'a été donnée par la Société ou sa Filiale concernant ces produits qui pourrait engager la responsabilité de la Société et sa Filiale au-delà des termes et conditions prévues par les conditions générales de vente jointes en Annexe 14 (Conditions générales de vente) à l'exception des certificats de garantie trentenaire de non-gélivité délivrés à la demande de certains clients.'

La clause 14.19 est tout à fait claire en ce qu'elle énonce que la garantie des produits est de deux ans sauf cas exceptionnel où un certificat de garantie trentenaire aurait été remis au client à sa demande, et les conditions générales de vente mentionnent expressément un délai de garantie de deux ans, de sorte que la société Edilians n'avait pas à prendre en charge les réclamations des clients qui s'avéraient être hors garantie contractuelle. C'est d'ailleurs ce que la société Edilians a répondu à un certain nombre de clients, comme l'établissent les pièces produites aux débats. Néanmoins, alors qu'elle leur indiquait ne pas pouvoir faire suite à leur réclamation au motif qu'ils n'étaient plus couverts par la garantie contractuelle, elle ajoutait qu'à titre exceptionnel et purement commercial, elle prenait en charge leur sinistre.

Si la société Edilians a fait le choix, pour des raisons commerciales, d'indemniser des clients qui ne bénéficiaient pourtant plus de la garantie contractuelle, elle ne peut en demander l'indemnisation aux cédants que dans les strictes limites de la [Localité 13].

Toutefois, la société Edilians invoque également comme fondement de son action à ce titre, la clause 15.1 (a) (VI), laquelle prévoit que le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de 'tout Dommage résultant d'un vice apparent ou caché des produits fabriqués, distribués, commercialisés ou livrés par ou pour le compte de la Société ou sa Filiale d'un montant individuel excédant le seuil de 1 000 € (mille euros) étant entendu d'une part qu'une série de Dommages ayant des origines communes sera prise en considération dans son ensemble et sera réputée constituer un seul et même Dommage pour le calcul de ce seuil et d'autre part que les Dommages individuels n'excédant pas ce seuil de 1 000 € (mille euros) ne seront pas pris en compte pour le calcul du seuil global de 10 000 € (dix mille euros)'.

Cette disposition ne fait aucune référence à la durée de la garantie des produits et concerne indistinctement tout dommage résultant d'un vice apparent ou caché des produits fabriqués.

Il en résulte que la société Edilians est fondée à réclamer aux consorts [O] la prise en charge, au titre de la [Localité 13], de tous les remplacements de tuiles qu'elle a été amenée à faire en raison d'un vice affectant ces produits. En revanche, dès lors que la [Localité 13] a une durée limitée à trois ans, seuls les dommages révélés au cours de cette période, soit jusqu'au 23 décembre 2013, sont couverts par celle-ci.

S'agissant de la notion de 'série de dommages' prévue au point (VI) ci-dessus rappelé de la clause 15.1 (a), il appartient au cessionnaire d'établir que les dommages postérieurs à l'expiration de la [Localité 13] ont 'des origines communes' avec ceux qui se sont révélés antérieurement au 23 décembre 2013. Or, la société Edilians ne démontre pas que les tuiles affectées de désordres postérieurement à cette date ont une origine commune avec les désordres constatés antérieurement à cette date, par exemple en ce que ces tuiles proviendraient d'un même lot présentant un vice de fabrication démontré.

La société Edilians considère qu'il s'agit d'une 'série de dommages', du seul fait que les produits auraient été garantis trente ans auprès des clients plutôt que deux ans comme mentionné aux conditions générales de vente. Or, la question de la durée de la garantie contractuelle du produit ne constitue pas un critère de l'article 15.1 (a) (VI), lequel porte sur les dommages résultant d'un vice du produit, qu'il soit apparent ou caché.

En invoquant une incertitude quant à la durée de la garantie contractuelle des produits, la société Edilians ne peut fonder sa demande que sur le point 15.1 (a) (II) du contrat. Or, celui-ci ne prévoit pas la possibilité de couvrir une série de dommages, contrairement au point (VI). La société Edilians ne peut donc pas réclamer aux cédants sur ce fondement de la [Localité 13], la prise en charge des désordres survenus postérieurement au 23 décembre 2013, en faisant valoir que les clients se sont prévalu, sans certificat, d'une garantie trentenaire alors que la garantie contractuelle est de deux ans.

En revanche, il résulte des dispositions contractuelles convenues entre les parties, que la société Edilians peut valablement réclamer aux cédants la prise en charge des désordres affectant les produits en raison d'un vice apparent ou caché, sans que soit précisé un lien avec la durée de la garantie du produit.

En conséquence, à défaut pour la société Edilians de démontrer que chacun des désordres révélés postérieurement au 23 décembre 2013 a une origine commune avec l'un des désordres précédents concernant le vice affectant les produits, seuls les dommages résultant de vices ayant affecté les produits révélés avant le 23 décembre 2013 peuvent être invoqués par le cessionnaire au titre de la [Localité 13]. Ces dommages sont ceux mentionnés pour douze clients listés dans une annexe à la lettre recommandée du 18 décembre 2013, représentant un montant total de 90.769 euros au titre de tuiles gélives.

Il convient à présent d'examiner la mise en oeuvre de cette garantie d'actif et de passif, dont les modalités sont prévues à la clause 15.3 du contrat de cession. Selon les modalités de mise en oeuvre de cette garantie, 'toute demande de mise en oeuvre des engagements souscrits par le CEDANT en application de la garantie ne lui sera opposable qu'à la condition que ce dernier ait été préalablement informé des faits et événements susceptibles d'être couverts par la garantie et qu'il ait été mis en mesure d'y répondre ou de s'y opposer'.

Il est ainsi prévu que le cessionnaire doit notifier au cédant tout événement susceptible de mettre en oeuvre la garantie, dans un délai de soixante jours de la date de l'événement concerné. Toutefois, et sauf dans le cas d'une procédure prévoyant un délai de réponse impératif, il est précisé que le dépassement de ce délai sera sans conséquence pour le cessionnaire, sauf pour le cédant à déduire du montant du dommage, le montant du préjudice qu'il aurait subi à raison de cette notification tardive.

Il est précisé que la notification faite au cédant devra spécifier les motifs de la réclamation et la meilleure estimation possible du montant de celle-ci, 'et donner tous les détails connus par LE CESSIONNAIRE permettant raisonnablement d'apprécier les conséquences possibles dudit événement'.

En particulier, le point 15.3 (a) (III) énonce que le cessionnaire doit faire en sorte que ni lui-même ni la société cédée ne reconnaisse sa responsabilité ou ne transige sans l'accord préalable du représentant des cédants, accord qui sera réputé acquis faute de refus notifié dans un délai de quinze jours suivant la notification. Il est expressément précisé que le représentant des cédants ne pourra pas refuser ou retarder la transaction sans motif raisonnable, 'en particulier s'il peut être établi que le fait de ne pas transiger ou, selon le cas, payer la réclamation d'un tiers pourrait nuire aux affaires du CESSIONNAIRE ou de la Société ou de la Filiale concernée. Si le représentant des CEDANTS accepte une transaction dans les conditions du présent paragraphe, alors LE CEDANT ne pourra plus ensuite contester le montant de la réclamation tel qu'établi par ladite transaction'.

Enfin, le cédant dispose d'un délai de soixante jours pour contester la notification de l'événement faite par le cessionnaire, à défaut de quoi il sera réputé avoir accepté l'ensemble des mentions de la notification.

En l'espèce, la société Edilians a adressé une première lettre recommandée à M. [O], représentant des cédants, le 8 août 2012 en faisant notamment état de la garantie de trente ans réclamée par certains clients alors que les cédants avaient déclaré que la garantie contractuelle des produits était de deux ans. Elle précisait que, toutefois, le seuil de 10.000 euros de la franchise n'était pas atteint.

Puis, par lettre recommandée du 18 décembre 2013, la société Edilians a indiqué à M. [O] qu'elle mettait en oeuvre la [Localité 13] pour trois dommages. Au titre du dommage concernant les tuiles, elle invoquait l'article 15.1 (a) (VI) relatif aux vices cachés et apparents, et chiffrait ce dommage à la somme de 90.769 euros correspondant à l'indemnisation qu'elle avait versée à douze clients dont elle joignait la liste.

Au vu de ces éléments, il est manifeste que la société Edilians n'a pas respecté les modalités de mise en oeuvre de la clause de garantie d'actif et de passif, en ce qu'elle n'a pas informé M. [O], représentant des cédants, de chaque désordre dans les soixante jours de la réclamation faite par le client, en ce qu'elle ne lui a pas transmis une estimation du montant possible de chaque réclamation ni aucune autre information d'ailleurs, et en ce qu'elle a payé les réclamations des tiers sans notifier celles-ci à M. [O] pour obtenir son accord préalable comme le prévoit pourtant la clause 15.3 (a) (III) précitée.

Cependant, aucune sanction de ces manquements n'est prévue par le contrat de cession. En particulier, il n'est pas stipulé que le cessionnaire serait déchu de la garantie de passif.

Ce n'est qu'au titre du dépassement du délai de soixante jours dont dispose le cessionnaire pour notifier l'événement au cédant, qu'il est précisé que le cessionnaire est déchu de ses droits au titre de la [Localité 13] dans le cas d'une procédure prévoyant un délai de réponse impératif, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et que dans les autres cas, le cédant pourra déduire du montant du dommage invoqué par le cessionnaire, le montant du préjudice qu'il aurait subi à raison de cette défaillance du cessionnaire.

Or, les consorts [O] ne démontrent pas avoir subi un préjudice qui résulterait du retard de notification dans les soixante jours de l'événement invoqué par le cessionnaire. Bien qu'ils aient été destinataires au cours de la présente procédure des documents afférents aux réclamations des clients (pièces n° 13 et 18 d'Edilians), ils ne démontrent pas davantage que les indemnisations versées aux douze clients pour un montant total de 90.769 euros sont excessives ou indues, afin de caractériser le préjudice qu'ils auraient subi en raison du manquement de la société Edilians à son obligation d'obtenir leur accord préalable à chaque transaction.

En conséquence, la mise en oeuvre de la [Localité 13] est justifiée, pour la somme de 90.769 euros au titre des indemnisations payées en réparation des vices affectant les tuiles et apparus pendant le cours de la garantie d'actif et de passif soit jusqu'au 23 décembre 2013.

En revanche, la société Edilians n'est pas fondée à réclamer la prise en charge, au titre de la [Localité 13], des dommages postérieurs à l'expiration de la garantie d'actif et de passif, pour les raisons précédemment exposées. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il condamne les consorts [O] à payer à la société Edilians la somme de 125.561 euros en exécution de la garantie d'actif et de passif, au titre de l'actualisation du dommage.

2 - Sur l'indemnité de licenciement de M. [U]

La clause 15.1 (a) (IV) du contrat de cession prévoit que le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de 'tout dommage résultant des licenciements ou résiliations des contrats de travail de salariés de la Société ou sa Filiale réalisés avant ou après ce jour [23 décembre 2010] réalisés par la Société ou sa Filiale listés en Annexe 17 (Licenciements)'.

Or, aux termes de cette annexe, M. [E] [U] est mentionné dans la liste des personnes visées. Son licenciement, même postérieur à la cession, entre donc dans le champ d'application de la garantie de passif.

Comme il l'a été précédemment examiné, le fait que la société Edilians n'ait pas respecté les modalités de mise en oeuvre de la garantie de passif n'est pas sanctionné par la déchéance de son droit à la garantie et les consorts [O] ne démontrent pas l'existence d'un préjudice résultant de la notification de cet événement au-delà du délai de soixante jours prévu à la clause 15.3.

En revanche, il résulte du bulletin de paie de M. [U] de juillet 2013 (pièce n° 8 d'Edilians), que l'indemnité de licenciement s'élève à la somme de 13.639,98 euros, de sorte que seul ce montant peut être pris en charge au titre de la garantie de passif, la somme de 16.183 euros imputée par la société Edilians n'apparaissant pas justifiée au-delà de l'indemnité de licenciement. Il conviendra donc de réduire ce poste de dommage dans la mise en oeuvre de la garantie de passif.

3 - Sur la prime de casse-croûte

La clause 15.1 (a) (II) prévoit que le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de 'tout dommage résultant de toute inexactitude ou omission dans les déclarations consenties par le cédant'.

Et au titre des déclarations du cédant énoncées à la clause 14 du contrat, il est indiqué au point 14.20, relatif au 'Fiscal / Social', que 'La Société et sa Filiale sont à jour du paiement de tous impôts, taxes, droits et charges sociales afférents à leurs activités'.

Or, par message du 11 septembre 2012 (pièce n° 4 d'Edilians), les délégués du personnel ont indiqué que l'ancienne direction de la société ne payait pas aux cuiseurs la prime de casse-croûte, ce que fait la nouvelle direction. Ils demandaient ce qu'il en était pour la période antérieure à la cession.

La société Edilians justifie avoir pris en charge cette prime, pour sept salariés. Les tableaux qu'elle produit (sa pièce n° 10) font apparaître une prise en charge depuis 2006 pour cinq d'entre eux, et depuis 2007 et 2009 pour les deux autres, et jusqu'en 2011.

Or, d'une part, la société Edilians n'est pas fondée à réclamer au cédant les primes postérieures à la cession réalisée le 23 décembre 2010. Pourtant, les tableaux font apparaître les primes versées en 2011.

D'autre part, comme le font observer les consorts [O], la société Edilians a fait remonter la prise en charge jusqu'en 2006, alors qu'elle n'était pas fondée à prendre en charge les primes antérieures de plus de cinq ans à la date de la réclamation, de sorte que les primes antérieures à 2007 ne sauraient être valablement réclamées au cédant.

En conséquence, au vu du détail des indemnités versées (pièce n° 16 d'Edilians) et des bulletins de paie mentionnant cette prise en charge (pièce n° 5 d'Edilians), ce poste ne sera couvert par la garantie de passif qu'à concurrence de la somme de 12.158,16 euros.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que la société Edilians n'était fondée à réclamer que les trois sommes suivantes, en application de la garantie de passif due par les cédants : 90.769 euros au titre des vices affectant les tuiles, 13.639,98 euros au titre du licenciement de M. [U], et 12.158,16 euros au titre des primes de casse-croûte antérieures à la cession.

Le total représente la somme de 116.567,14 euros, de laquelle doit être déduite la franchise de 10.000 euros prévue par la clause de garantie de passif. La société Edilians ne peut donc prétendre qu'à la somme de 106.567,14 euros. Or, elle a mis en oeuvre la garantie à première demande auprès de la banque, pour la somme de 168.802 euros. Elle doit donc être condamnée à restituer aux consorts [O] la somme de 62.234,86 euros. Le jugement sera ainsi infirmé en ce qu'il rejette la demande de restitution des consorts [O].

Sur la demande indemnitaire des consorts [O] au titre des préjudices complémentaires

Les consorts [O] font valoir que :

- la mise en 'uvre abusive de la garantie à première demande par la société Edilians leur a causé plusieurs préjudices complémentaires justifiant une indemnisation,

- le rachat partiel du contrat d'assurance-vie avant le délai fiscal de huit ans a entraîné un préjudice social et fiscal par une imposition sur la plus-value et des prélèvements sociaux,

- la rupture anticipée du contrat d'assurance-vie, qui était destiné à porter des intérêts au moins jusqu'en 2019, a généré un manque à gagner ; il est estimé par la société Lexfi Associés, conseiller en gestion de patrimoine,

- le comportement de la société Edilians a été particulièrement indigne et méprisant, la société ne daignant pas répondre à leurs courriers et les obligeant à dépenser du temps et de l'énergie pour obtenir des explications en pure perte, ce qui justifie une indemnisation pour préjudice moral.

La société Edilians réplique que :

- la responsabilité civile contractuelle suppose la réunion d'une faute contractuelle, d'un dommage prévisible, certain, direct et personnel, et d'un lien de causalité ; les consorts [O] ne rapportent la preuve d'aucune faute contractuelle de sa part,

- la demande de restitution des fonds prétendument indûment prélevés correspond à une déchéance de ses droits et non à la réparation d'un préjudice,

- les conséquences fiscales et sociales du rachat partiel de l'assurance-vie et la perte du bénéfice hypothétique d'un avantage fiscal lointain et incertain ne peuvent lui être reprochées, ce préjudice n'étant ni direct ni prévisible,

- le préjudice lié au fait de casser le contrat d'assurance-vie présente une estimation hasardeuse du manque à gagner, et n'a aucun lien avec les inexécutions contractuelles reprochées,

- la 'réparation du préjudice lié à la mise en 'uvre abusive de la garantie à première demande' renvoie à un préjudice allégué imprécis ainsi qu'un montant particulièrement élevé qui traduisent l'absence de sérieux de ce chef de préjudice.

Sur ce,

La garantie à première demande avait pour objet de garantir la mise en oeuvre de la garantie de passif. La garantie de la [Localité 13] résultait initialement d'un séquestre de la somme de 500.000 euros. Puis, conformément à l'avenant au contrat de cession, en date du 24 mars 2011, les cédants ont été autorisés à placer cette somme séquestrée en garantie de la garantie de passif, sur un contrat d'assurance-vie avec délégation à première demande.

En conséquence, le placement sur le contrat d'assurance-vie n'avait pas purement vocation à générer des intérêts mais avant tout à garantir la mise en oeuvre de la garantie de passif, et devait donc être mobilisable avec toutes les conséquences que cela implique en terme de fin des intérêts sur la somme rachetée et de frais fiscaux et sociaux.

Il s'en déduit que les consorts [O] ne sauraient invoquer un préjudice à raison de la rupture anticipée du contrat d'assurance-vie, dès lors que la garantie de passif a été valablement mise en oeuvre à tout le moins pour la somme de 106.567,14 euros. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées à hauteur des sommes de 8.253,81 euros et de 33.000 euros.

En revanche, s'agissant de la demande d'indemnisation du préjudice moral pour mise en oeuvre abusive de la garantie à première demande, il résulte des pièces produites aux débats que, durant le cours de validité de la garantie de passif, la société Edilians n'a adressé que deux lettres recommandées à M. [O], le 8 août 2012 puis le 18 décembre 2013, pour lui indiquer qu'elle entendait mettre en oeuvre la garantie de passif. Or, alors que ce dernier contestait les demandes qui lui étaient faites, la société Edilians ne lui a aucunement répondu ni communiqué le moindre document, en contradiction avec les dispositions de la clause de garantie de passif, pour ensuite mettre en oeuvre la garantie à première demande et obtenir ainsi le paiement d'une somme qu'elle savait pourtant contestée par les cédants et dont elle ne leur avait aucunement justifié.

Ce manque total de communication et de transmission d'informations malgré les demandes qui lui étaient faites et les modalités prévues au contrat, et la mise en oeuvre de la garantie à première demande dans ce contexte caractérisent un comportement fautif du cessionnaire dans l'exécution des dispositions contractuelles, lequel a généré un préjudice moral pour les cédants en ce que les consorts [O] ont été parfaitement ignorés par la société Edilians qui a agi d'autorité et sans égard pour s'octroyer des sommes dont une partie significative n'était pas due. Il convient de réparer ce préjudice par l'octroi de la somme de 8.000 euros.

Sur la résistance abusive

Les consorts [O] font valoir que :

- il y a un déséquilibre des forces, la société Edilians étant une grande entreprise ; les négociations pour le rachat de l'entreprise familiale s'étaient déroulées dans des conditions déjà très favorables pour cette dernière,

- la société Edilians a un comportement brutal ; elle poursuit sa stratégie d'intimidation avec des demandes reconventionnelles et l'annonce de provisions importantes sans jamais apporter la moindre preuve réelle ; ce comportement constitue une résistance abusive justifiant l'allocation de dommages et intérêts.

La société Edilians réplique que :

- les consorts [O] ne précisent ni l'objet ni le fondement de la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formulée par les Consorts [O],

- la comparaison faite par les consorts [O] avec la fable du 'pot de terre et du pot de fer' en référence à sa valorisation est inadaptée ; sa potentielle acquisition par un tiers est un fait totalement étranger à l'objet du présent litige ; en cas d'acquisition, le prix serait versé à la holding du groupe Imerys et non à la société Edilians elle-même,

- les consorts [O] ont quant à eux déjà perçu le prix lors de la vente de leur société, et s'étonnent à tort de la volonté de la société Edilians de bénéficier de la garantie de passif qu'ils lui ont pourtant octroyée.

Sur ce,

Les développements des consorts [O] au titre de cette demande de 15.000 euros de dommages-intérêts ne permettent pas de comprendre à quoi la société Edilians aurait abusivement résisté.

De plus, le fait de former des demandes reconventionnelles accroissant le montant réclamé au titre de la garantie de passif ne saurait constituer une résistance abusive.

Ainsi, aucun préjudice n'est démontré par les consorts [O] au titre d'une résistance abusive, de sorte que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande indemnitaire de la société Edilians au titre des réclamations clients

La société Edilians fait valoir que :

- les réclamations de clients dont la toiture est équipée de tuiles fabriquées avant la cession et invoquant une garantie trentenaire continuent d'affluer ; ces réclamations l'obligent à exposer des frais de prise en charge de travaux de reprise et fourniture gratuite de tuiles et à mobiliser significativement ses équipes,

- elle traite ces réclamations avec diligence et de façon raisonnable comme le démontrent certains dossiers clients à titre d'exemple, en tentant de minimiser l'indemnisation due aux clients tout en évitant des contentieux plus coûteux,

- l'article 15.2(d) du contrat de cession prévoit que 'l'expiration des garanties sera sans effet sur une réclamation si une notification a été préalablement adressée, peu importe que le montant du dommage ne soit pas connu précisément à cette date' ; le cas de garantie concernant la durée des garanties des tuiles a été notifié dès la première lettre du 8 août 2012, bien avant la date butoir du 20 décembre 2013, avec la précision que le quantum du préjudice serait actualisé ultérieurement,

- depuis la mise en demeure du 23 novembre 2015, elle a dû régler un montant additionnel pour de nouvelles réclamations,

- elle a tenu régulièrement les consorts [O] informés de ces nouvelles réclamations par lettres des 27 avril 2018 et 10 septembre 2019, en précisant les sommes déboursées et en mettant à leur disposition tous les justificatifs,

- elle sollicite donc la confirmation du jugement qui a condamné les consorts [O] au paiement de 125.561 euros, et demande également une somme complémentaire de 30.000 euros pour les ressources humaines qu'elle a dû mobiliser.

Les consorts [O] répliquent que :

- les demandes reconventionnelles présentées par Edilians en 2018 et 2019 sont irrecevables car formulées cinq ans après l'expiration de la garantie de passif qui était limitée à trois ans,

- la société Edilians tente artificiellement de contourner cette expiration en prétendant qu'il s'agirait d'une simple "actualisation" du quantum d'un sinistre unique, alors qu'il s'agit de sinistres distincts concernant des personnes différentes,

- la prétendue découverte d'une déclaration inexacte sur les garanties est fausse puisque l'existence de certificats de garantie trentenaire était expressément mentionnée dans le contrat à l'article 14.19,

- les justificatifs fournis tardivement fin 2018 et 2019 ne démontrent pas la responsabilité de la société française des tuiles et briques, dès lors que les dates de fabrication sont non prouvées, les réclamants n'étant pas des clients directs, et en l'absence de certificats de garantie trentenaire.

Sur ce,

Il a été précédemment retenu, pour les motifs développés supra, que la société Edilians n'était pas fondée à réclamer aux cédants la prise en charge, au titre de la garantie de passif, des réclamations de clients postérieures à la fin de la garantie venue à échéance le 23 décembre 2013.

Quant à la demande de 30.000 euros au titre des frais engagés par la société Edilians, cette somme est complémentaire de la somme de 125.561 euros, laquelle est rejetée. La société Edilians ne pouvant être garantie pour les dommages postérieurs au 23 décembre 2013, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre des frais exposés pour ces dommages. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Edilians succombant principalement à l'instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Edilians sera condamnée à payer aux consorts [O] la somme de 8.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a :

- rejeté les demandes de M. [D] [O] et Mmes [T], [B], [J] et [I] [O] au titre du préjudice fiscal et social pour 8.253,81, au titre des intérêts perdus du fait de la rupture anticipée du contrat d'assurance-vie pour 33.000 euros, et au titre de la résistance abusive pour 15.000 euros ;

- rejeté la demande indemnitaire de la société Edilians à hauteur de 30.000 euros ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Edilians à restituer à M. [D] [O] et Mmes [T], [B], [J] et [I] [O] la somme de 62.234,86 euros au titre des fonds prélevés en exécution de la garantie de passif ;

Condamne la société Edilians à payer à M. [D] [O] et Mmes [T], [B], [J] et [I] [O] la somme globale de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral ;

Rejette la demande de la société Edilians tendant à la condamnation de M. [D] [O] et Mmes [T], [B], [J] et [I] [O] à lui payer la somme de 125.561 euros au titre du complément de dommages en exécution de la garantie de passif ;

Condamne la société Edilians aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société Edilians à payer à M. [D] [O] et Mmes [T], [B], [J] et [I] [O] la somme globale de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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