CA Orléans, ch. com., 24 juillet 2025, n° 23/01318
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Cofidis (SA), France Habitat Solution
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chegaray
Conseillers :
Mme Chenot, M. Desforges
Avoués :
Me Chollet, Me Pesme
Avocats :
Me Boulaire, Me Hascoet
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
Suivant bon de commande du 26 mars 2012, M. [C] [P] a conclu un contrat avec la société IDF Solaire portant sur l'acquisition et l'installation d'un pack solaire photovoltaïque incluant l'achat d'un ballon thermodynamique pour un montant total de 26 500 euros, entièrement financé par un crédit affecté souscrit le même jour avec son épouse Mme [M] [U] auprès de la société Sofemo, remboursable au taux nominal de 5,61 % en 180 mensualités de 233,01 euros.
La société IDF Solaire, devenue par la suite France Habitat Solution, a été radiée du registre du commerce et des sociétés d'Évry le 8 octobre 2015 après avoir fait l'objet d'une dissolution sans liquidation sur décision de son associé unique.
Après avoir obtenu le 6 mai 2022 du président du tribunal de commerce d'Évry la désignation de Maître [K] [S] [E] pour représenter en qualité de mandataire ad hoc la société France Habitat Solution dans le cadre de l'instance qu'ils s'apprêtaient à engager, les époux [C] [P] et [M] [U] ont fait assigner celui-ci ès-qualités ainsi que la société Cofidis venue depuis aux droits de la société Sofemo par actes introductifs d'instance des 11 avril et 30 mai 2022 devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Blois en vue de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.
Par jugement du 27 février 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Blois a :
- déclaré irrecevables pour cause de prescription l'ensemble des demandes de M. [C] [P] et de Mme [M] [U] fondées sur la nullité des contrats conclus le 26 mars 2012,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné conjointement M. [C] [P] et Mme [M] [U] à payer à la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné conjointement M. [C] [P] et Mme [M] [U] aux entiers dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Les époux [C] et [M] [P] ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du 17 mai 2023 en intimant Maître [K] [S] [E] pris en qualité d'« administrateur judiciaire » de la société France Habitat Solution ainsi que la société Cofidis et en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 2 octobre 2024, les époux [M] et [C] [P] demandent à la cour de :
Vu l'article liminaire du code de la consommation ;
Vu les anciens articles 1109 et 1116 du code civil ;
Vu l'article 16 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finance rectificative pour 2012;
Vu les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 ;
Vu l'article L. 121-28, tel qu'issu de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 ;
Vu la jurisprudence citée et l'ensemble des pièces visées aux débats ;
- infirmer le jugement entrepris purement et simplement,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- déclarer les demandes des époux [C] et [M] [P] recevables et bien fondées,
- constater les irrégularités affectant le bon de commande et, dès lors, le contrat de vente conclu entre, d'une part, M. [C] [P] et Mme [M] [P] née [U] et, d'autre part, la société France Habitat Solution,
- constater que la société Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo, a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par M. [C] [P] et Mme [M] [P] née [U] au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,
- condamner la société Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo, à verser à M. [C] [P] et Mme [M] [P] née [U] l'intégralité des sommes suivantes :
* 26'500 euros correspondant au montant du capital emprunté,
* 25'483,24 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par M. [C] [P] et Mme [M] [P] née [U] à la société Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo, en exécution du prêt souscrit,
* 5 000 euros au titre du préjudice moral,
* 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société Cofidis,
- condamner la société Cofidis à rembourser à M. [C] [P] et Mme [M] [P] née [U] l'ensemble des intérêts versés au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement, et lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgé desdits intérêts,
- débouter la société Cofidis de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- condamner la société Cofidis à supporter les entiers frais et dépens de l'instance.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 février 2025, la société Cofidis demande à la cour de :
À titre principal :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
À titre subsidiaire :
- déclarer les époux [C] et [M] [P] irrecevables en leur demande, faute d'avoir fait désigner un administrateur ad hoc en première instance et en appel,
À titre plus subsidiaire :
- déclarer les époux [C] et [M] [P] mal fondés en leur demandes, fins et conclusions et les en débouter,
À titre encore plus subsidiaire :
- condamner la société Cofidis au remboursement des seuls intérêts perçus, le capital remboursé par anticipation lui restant définitivement acquis, en l'absence de faute et en toute hypothèse en l'absence de préjudice et de lien de causalité,
À titre infiniment subsidiaire :
- condamner la société Cofidis à payer aux époux [C] et [M] [P] un euro de dommages et intérêts liés à l'insolvabilité du vendeur,
- condamner la société Cofidis à rembourser à M. [G] [Y] les seuls intérêts perçus conformément à l'historique versé aux débats,
En tout état de cause :
- condamner solidairement les époux [C] et [M] [P] à payer à la société Cofidis la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les époux [C] et [M] [P] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
Maître [K] [S] [E] s'est vu signifier la déclaration d'appel et les premières conclusions d'appel des époux [P] en sa qualité de mandataire ad hoc de la société France Habitat Solution suivant acte du 2 août 2023 remis à un tiers à domicile. La société Cofidis lui a également signifié ses premières écritures d'appel le 7 novembre 2023. Pas plus que devant le premier juge il n'a constitué avocat devant la cour.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 20 février 2025. L'affaire a été plaidée le 13 mars suivant.
MOTIFS :
Sur la recevabilité des demandes des époux [P] :
S'agissant au préalable de la demande de la société Cofidis tendant à voir déclarer les époux [P] irrecevables en leur demande faute d'avoir fait désigner un administrateur ad hoc en première instance et en appel, outre que l'intimée ne développe dans le corps de ses écritures aucun élément au soutien d'une telle fin de non-recevoir, les appelants produisent de leur côté l'ordonnance du président du tribunal de commerce d'Évry en date du 6 mai 2022 désignant Maître [K] [S]
[E], mandataire judiciaire, en qualité de mandataire ad hoc de France Habitat Solution avec pour mission de représenter l'entreprise dans le cadre de l'instance poursuivie par M. [P] « devant le juge du contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Blois et ses suites ». Il en résulte que la société France Habitat Solution a été valablement mise en cause en la personne de Maître [E], mandataire ad hoc, aussi bien devant le tribunal que devant la cour.
La société Cofidis conclut à titre principal à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables pour cause de prescription les demandes des époux [P].
Ceux-ci se prévalent de l'irrégularité du contrat de vente emportant sa nullité ainsi que celle du contrat de crédit affecté, aux motifs d'une part d'un dol commis par le vendeur, d'autre part de la violation par celui-ci des prescriptions du code de la consommation.
Une telle demande se prescrit par 5 ans à compter du jour où les époux [P] ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant de l'exercer, ce conformément à l'article 2224 du code civil.
Au soutien de leur demande en annulation, les époux [P] allèguent d'abord un dol, en ce que la société France Habitat Solution leur aurait faussement présenté l'acquisition de l'installation photovoltaïque comme un investissement rentable qui devait s'autofinancer grâce à l'achat de la production énergétique par EDF pour un montant estimé de 2 464 euros par an, alors que le revenu moyen annuel généré par la revente de leur production électrique s'est avéré très inférieur, de l'ordre de 1 255 euros par an, loin du coût annuel de leur crédit représentant 3 464 euros.
Ainsi que l'a justement retenu le premier juge sur ce point, les époux [P] ont pu dès réception de la première facture de rachat d'électricité le 21 octobre 2013, qui s'établissait à 1151 euros seulement, prendre conscience de la réalité des revenus générés par leur installation, nettement en deçà du coût annuel de leur crédit. À supposer même que l'année qui venait de s'écouler se fût avérée très peu ensoleillée par rapport aux années précédentes, ce qu'ils ne démontrent ni même ne prétendent, la deuxième facture de rachat établie le 10 septembre 2014, d'un montant sensiblement identique au précédent, à savoir 1 197 euros, devait suffire à les convaincre du décalage important entre les éléments chiffrés vantés par le commercial de la société France Habitat Solution et la réalité des revenus générés par l'installation.
Il doit dans ces conditions être considéré que le délai quinquennal de prescription de l'action des époux [P] fondée sur le dol a commencé à courir au plus tard le 10 septembre 2014, date de leur deuxième facture annuelle de rachat d'électricité, et que ce délai était donc expiré depuis plus de deux ans lorsqu'ils ont introduit leur action courant 2022.
La demande des époux [P] fondée sur le dol se trouve donc effectivement prescrite, ainsi que l'a jugé le tribunal.
Il en va en revanche différemment de leur demande en nullité fondée sur les irrégularités affectant le contrat de vente.
Il est constant, et la société Cofidis l'écrit elle-même, que conformément à l'article 2224 précité, le délai de prescription d'une telle demande a commencé à courir du jour où les époux [P] ont été en mesure de constater les vices qu'ils allèguent.
Il convient par ailleurs de rappeler qu'en application de l'article 1315 alinéa 2, devenu 1353 alinéa 2, du code civil, la charge de la preuve du point de départ d'un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir, en l'occurrence la société Cofidis (Com, 24 janvier 2024, n°22-10.492).
Or il ne saurait être considéré, comme l'a jugé le tribunal et ainsi que le soutient la banque, que les époux [P] se trouvaient en mesure de constater les erreurs ou omissions affectant la régularité de leur contrat dès l'instant où ils ont signé celui-ci.
Aucun élément de l'espèce ne vient en effet établir que dès avant les 5 ans précédant leur acte introductif d'instance, soit antérieurement au 11 avril 2017, les époux [P] étaient en mesure de connaître les vices affectant leur contrat et qui résultaient du non-respect des dispositions du code de la consommation.
Il sera ajouté à toute fin que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement au dos du contrat ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservations de ces dispositions (Civ 1re, 24 janvier 2024 , n°22-16.115), et qu'elle ne saurait dès lors suffire à faire courir le délai de la prescription de l'action en annulation du contrat à partir de la conclusion de celui-ci (Civ 1re, 12 mars 2025, n°23-22.043).
Aussi la demande en nullité des époux [P] fondée subsidiairement sur l'irrégularité du contrat de vente n'est pas prescrite et doit être déclarée recevable, par infirmation du jugement déféré.
Sur la demande en nullité du contrat principal pour non-respect des dispositions du code de la consommation :
Il résulte de l'article L 121-23 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits de l'espèce que le contrat signé dans le cadre d'un démarchage à domicile doit comporter, à peine de nullité, diverses mentions dont :
- la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,
- les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services.
La charge de la preuve de l'accomplissement de ces obligations légales d'information incombe au professionnel (Civ 1re, 1er fev. 2023, n°20-22.176).
Au cas présent, le bon de commande ne précise ni la marque ni le modèle des panneaux photovoltaïques achetés, pas plus que la marque et la puissance de l'onduleur, ce dernier élément constituant pourtant la pièce maîtresse d'une installation photovoltaïque. De telles omissions n'ont pas permis aux époux [P] d'effectuer toute comparaison utile et surtout d'être suffisamment renseignés sur la performance et la capacité de production qui pouvaient être réellement attendues de l'installation, caractéristiques essentielles dans ce type d'investissement. Ce manquement s'avère d'autant plus problématique que les requérants reprochent précisément au vendeur d'avoir exagéré la production d'électricité potentielle de l'installation qu'il leur a vendue.
Le bon de commande ne donne par ailleurs aucune indication sur la marque et le modèle du ballon thermodynamique acheté par la même occasion, ni même sur son prix, alors que ce ballon constitue pourtant un équipement distinct des panneaux photovoltaïques. De telles lacunes ont privé là encore les époux [P] de toute possibilité de comparaison et d'appréciation des performances d'un tel appareil.
Il doit être enfin relevé que la seule mention : « délai prévu 2 semaines à compter de la prise des cotes par le technicien et encaissement de l'acompte », sans distinction entre le délai des opérations matérielles de livraison et d'installation des biens et celui d'exécution des autres prestations à caractère administratif, n'a pas permis aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations. Une telle indication répond insuffisamment à l'exigence de délai fixée par le texte précité (Cass.civ 1re , 15 juin 2022, n°21-11.747 ; 1er mars 2023, n°22.10.361 ; 20 déc. 2023, n°22-13.014 ; 24 janv. 2024, n°22-13.678).
Ces manquements du vendeur aux prescriptions du code de la consommation suffisent à entacher de nullité le contrat de vente signé par les époux [P].
Il est néanmoins exact que, s'agissant d'une nullité relative, celle-ci peut être couverte par la volonté des parties de confirmer l'acte.
Suivant l'article 1338 du code civil dans sa version applicable à la cause :
« L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.
À défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.
La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers ».
En vertu de ce texte, la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et la manifestation, expresse ou tacite, de l'intention de le réparer.
La seule reproduction, qui plus est illisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable aux contrats conclus hors établissement n'était pas de nature à donner aux époux [P] une connaissance effective du vice qui résultait de l'inobservation de ces dispositions (Civ 1re, 24 janvier 2024, précité). Elle ne permet donc pas de caractériser une quelconque confirmation tacite du contrat de la part de ceux-ci.
Or aucun autre acte des époux [P] ne vient révéler de leur part une volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause (voir sur ce point Civ 1re, 15 juin 2022, n°21-11.747). La signature des documents concomitants à la commande et aux travaux, le paiement des échéances du prêt et son remboursement anticipé ne sont pas suffisants pour caractériser une telle volonté pas plus que la perception, par nature passive, des revenus versés par EDF au titre de la revente d'électricité.
La confirmation du contrat de vente irrégulier n'est donc pas caractérisée au cas d'espèce, et sa nullité sera dès lors prononcée, par infirmation du jugement déféré.
Sur la nullité du contrat de prêt affecté :
En application de l'article L 311-32 du code de la consommation dans sa version en vigueur au moment de la conclusion des contrats litigieux, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Dès lors que le contrat de vente conclu le 26 mars 2012 entre M. [C] [P] et la société France Habitat Solution se voit judiciairement annulé, la nullité du contrat de crédit affecté conclu le même jour entre la banque Sofemo, aux droits de laquelle vient la société Cofidis, et les époux [P] ne pourra, en vertu de ce texte, qu'être constatée.
Sur les conséquences de l'annulation des contrats :
L'annulation des contrats entraîne leur anéantissement rétroactif, en sorte que les parties doivent être replacées en l'état où elles se trouvaient avant leur conclusion.
S'agissant du contrat principal, si son annulation emporte l'obligation pour la société France Habitat Solution de restituer le prix de vente aux époux [P], et réciproquement l'obligation pour ces derniers de restituer les biens fournis par la première, il n'est pas contestable que celle-ci, radiée du registre du commerce et des sociétés depuis 10 ans après avoir fait l'objet d'une dissolution sans liquidation sur décision de son associé unique, n'est pas en mesure de restituer le prix de vente aux époux [P], ni de reprendre les biens installés au domicile de ces derniers.
S'agissant du contrat de crédit affecté, son annulation emporte pour les emprunteurs l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.
Cependant, la Cour de cassation juge régulièrement depuis 2020 que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal, peut-être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (1re Civ, 25 nov 2020, n°19-14.908).
En sa qualité de professionnel du crédit intervenant de façon habituelle pour le financement de ventes conclues dans le cadre de démarchages à domicile, la société Sofemo aux droits de laquelle vient la société Cofidis se devait, ne serait-ce que pour s'assurer de l'efficacité des contrats de crédit souscrits, de vérifier le respect par le vendeur des dispositions d'ordre public du droit de la consommation. À défaut d'une telle vérification, elle a commis une faute (1re Civ. 22 septembre 2021, n° 19-21.968).
Cette faute de la banque, qui a donc consisté à remettre les fonds aux emprunteurs malgré les irrégularités manifestes qui affectaient leur contrat, cause un préjudice au époux [P], ceux-ci se voyant en effet tenus de restituer les fonds prêtés en conséquence de l'annulation du crédit affecté, alors que parallèlement :
- la société France Habitat Solution n'est plus en situation de leur restituer le prix de vente de l'installation,
- l'installation, à défaut de pouvoir être reprise par le vendeur, doit néanmoins pouvoir être retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation (voir sur ce point Civ 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754), frais qui ne feront que s'accroître au fil du temps étant observé que le matériel a déjà plus de 10 ans d'ancienneté.
En revanche il n'est pas contesté par les époux [P] que l'installation a correctement fonctionné jusqu'à ce jour et leur a notamment permis de percevoir un revenu annuel tiré de la revente d'électricité. Au vu des factures de 2013 à 2020 produites par les époux [P], ce revenu s'est établi aux alentours de 1 220 euros par an. Leur expert privé a par ailleurs pu calculer, en sus de tels revenus, une économie annuelle de 460 euros grâce au ballon thermodynamique.
La cour trouve ainsi dans les pièces produites par les époux [P] les éléments suffisants pour évaluer le gain procuré à ces derniers par le matériel que leur a vendu la société Solaire Environnement, du jour de son installation jusqu'au jour du présent arrêt, à la somme de 20'000 euros.
Dans ces conditions, le préjudice résiduel subi par les demandeurs en lien avec leur obligation de restituer le capital prêté de 26 500 euros à la banque ensuite de l'annulation du contrat de crédit affecté sera fixé à 6 500 euros (26 500 - 20 000), montant dont sera privée la société Cofidis sur sa créance de restitution.
En définitive, les époux [P] seront donc jugés redevables à l'égard de la société Cofidis de la seule somme de 20'000 euros au titre de la restitution du capital prêté de 26 500 euros.
Réciproquement, la société Cofidis doit restituer aux époux [P] l'intégralité des sommes acquittées par eux en exécution du contrat de prêt annulé. Si les appelants réclament devant la cour une condamnation de la banque à leur payer la somme de 26'500 euros correspondant au montant du capital emprunté et remboursé par eux en intégralité outre une somme de 25'483,24 euros correspondant selon eux aux intérêts conventionnels et frais réglés en exécution du prêt, soit un montant total de 51'983,24 euros, ils ne versent aucun état du montant des sommes en principal, intérêts, frais et assurance réellement acquittées auprès de la banque.
De son côté la société Cofidis produit en pièce 6 un historique du prêt, lequel fait ressortir que les époux [P] lui ont réglé, au titre :
- d'une première échéance de 313,10 euros,
- d'échéances mensuelles de 288,66 euros entre le 5 juin 2013 et le 6 juin 2019,
- du remboursement anticipé de leur prêt par un virement de 19'692,59 euros le 17 juin 2019,
une somme totale de 41'077,85 euros en exécution du prêt annulé.
Il en résulte que la banque se trouve débitrice à l'égard des époux [P] de cette somme de 41'077,85 euros au titre de son obligation de restitution consécutives à l'annulation du prêt.
Selon l'article 1289 du code civil dans sa version applicable en l'espèce, lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes.
L'article 1290 ancien du même code précise que la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives.
En vertu de ces dispositions, les dettes de restitutions de 41'077,85 euros de la société Cofidis et de 20'000 euros des époux [P] s'éteignent réciproquement à concurrence de leurs quotités respectives. La société Cofidis sera, en définitive, condamnée à payer aux époux [P] la somme de 21 077,85 euros correspondant au différentiel entre les dettes respectives de restitution en faveur de ces derniers (41 077,85 - 20 000).
Sur la demande indemnitaire des époux [P] :
Les époux [P] ne versent pas d'éléments de nature à justifier de l'existence d'un préjudice moral en lien avec la faute de la banque, au titre duquel ils sollicitent une réparation à hauteur de 5 000 euros. Ils ne pourront donc qu'être déboutés de cette prétention indemnitaire.
Sur les demandes accessoires :
Succombant au principal, la société Cofidis sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et devra verser aux époux [P] une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés par ces derniers en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare les époux [C] et [M] [P] irrecevables en leur demande en nullité du contrat de vente conclu le 26 mars 2012 avec la société IDF Solaire devenue France Habitat Solution fondée sur le dol, pour cause de prescription,
Déclare les époux [C] et [M] [P] recevables en leur demande en nullité du même contrat fondée sur les irrégularités du bon de commande,
Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 26 mars 2012 entre la société IDF Solaire devenue France Habitat Solution et M. [C] [P],
Constate la nullité du crédit de contrat affecté conclu le même jour entre les époux [C] et [M] [P] et la banque Sofemo, aux droits de laquelle vient la société Cofidis,
Dit la société Cofidis redevable à l'égard des époux [P] de la somme de 41'077,85 euros et les époux [P] redevables à l'égard de la société Cofidis de la somme de 20 000 euros au titre des restitutions consécutives à l'annulation de ce prêt,
Par conséquent,
Condamne la société Cofidis à payer aux époux [P] la somme différentielle de 21 077,85 euros,
Déboute les époux [P] de leur prétention indemnitaire formée à l'encontre de la société Cofidis au titre d'un préjudice moral,
Condamne la société Cofidis aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société Cofidis à payer aux époux [M] et [C] [P] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.