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Décisions

CA Orléans, ch. com., 24 juillet 2025, n° 24/00072

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

X

Défendeur :

Egide (SELAS), Cofidis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chegaray

Conseillers :

Mme Chenot, M. Desforges

Avocats :

Me Chollet, Me Boulaire, Me Pesme, Me Hascoet

JCP [Localité 6], du 18 sept. 2023

18 septembre 2023

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Suivant bon de commande du 30 août 2010, M. [V] [P] a conclu un contrat avec la société Mecamidi Solar portant sur l'acquisition et l'installation d'une centrale photovoltaïque pour un montant total de 22'500 euros, entièrement financé par un crédit affecté souscrit le même jour auprès de la société Groupe Sofemo, remboursable au taux nominal de 5,56 % en 180 mensualités de 238,08 euros assurance incluse.

La société Mecamidi Solar a été placée en liquidation judiciaire courant 2014 avant d'être radiée du registre du commerce et des sociétés de Toulouse le 3 novembre 2016 à la suite d'un jugement de clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs.

Après avoir obtenu le 17 décembre 2021 du président du tribunal de commerce de Toulouse la désignation de la société Egide prise en la personne de Maître [C] [Z] pour représenter en qualité de mandataire ad hoc la société Mecamidi Solar dans le cadre de l'instance qu'il s'apprêtait à engager, M. [V] [P] a fait assigner la société Egide en cette qualité ainsi que la société Cofidis venue depuis aux droits de la société Groupe Sofemo par actes introductifs d'instance des 10 et 12 octobre 2022 devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Blois, en vue de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.

Par jugement du 18 septembre 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Blois a :

- déclaré irrecevables pour cause de prescription l'ensemble des demandes de M. [V] [P] fondées sur la nullité des contrats conclus le 30 août 2010,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné M. [V] [P] à payer à la société Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo, la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] [P] aux entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

M. [V] [P] a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 19 décembre 2023 en intimant la société Egide prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Mecamidi Solar ainsi que la société Cofidis et en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 février 2025, M. [V] [P] demande à la cour de :

Vu l'article liminaire du code de la consommation ;

Vu les anciens articles 1109 et 1116 du code civil ;

Vu l'article 16 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finance rectificative pour 2012 ;

Vu les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 ;

Vu l'article L. 121-28, tel qu'issu de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu la jurisprudence citée et l'ensemble des pièces visées aux débats ;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- déclarer les demandes de M. [V] [P] recevables et bien fondées,

- prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre M. [V] [P] et la société Mecamidi Solar,

- prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre M. [V] [P] et la société Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo,

- constater que la société Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo, a donc commis une faute dans le déblocage des fonds au préjudice de M. [V] [P] et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par M. [V] [P] au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,

- condamner la société Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo, à verser à M. [V] [P] l'intégralité des sommes suivantes :

* 22'500 euros correspondant l'intégralité du prix de vente de l'installation,

* 35'609,40 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par M. [V] [P] à la société Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo, en exécution du prêt souscrit,

* 10'000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation litigieuse et de la remise en état de l'immeuble,

* 5 000 euros au titre du préjudice moral,

* 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société Cofidis,

- débouter la société Cofidis et la société Mecamidi Solar de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires,

- condamner la société Cofidis à supporter les dépens de l'instance en ce compris ceux de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 janvier 2025, la société Cofidis demande à la cour de :

À titre principal :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- déclarer toutes les demandes de M. [V] [P] irrecevables sur le fondement de la prescription en l'absence de mise en cause du vendeur et sur le fondement d'une demande nouvelle,

À titre subsidiaire :

- déclarer la société Cofidis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit :

- déclarer M. [V] [P] mal fondé en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter,

À titre plus subsidiaire :

- condamner la société Cofidis au remboursement des seuls intérêts perçus, conformément à l'historique versé aux débats, le capital remboursé par anticipation lui restant définitivement acquis,

À titre infiniment subsidiaire :

- condamner Cofidis à payer à M. [V] [P] un euro de dommages et intérêts liés à l'insolvabilité du vendeur,

- condamner Cofidis à rembourser à M. [V] [P] les seuls intérêts perçus conformément à l'historique versé aux débats, le capital remboursé par anticipation lui restant définitivement acquis,

En tout état de cause :

- condamner M. [V] [P] à payer à la société Cofidis la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] [P] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

La société Egide prise en la personne de Maître [C] [Z] s'est vue signifier la déclaration d'appel et les premières conclusions d'appel de M. [V] [P] en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Mecamidi Solar suivant acte du 7 mars 2024 signifié à personne morale. La société Cofidis lui a également signifié ses premières écritures d'appel le 21 mai 2024. Pas plus que devant le premier juge elle n'a constitué avocat devant la cour.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 20 février 2025. L'affaire a été plaidée le 13 mars suivant.

MOTIFS :

Sur la recevabilité des demandes de M. [V] [P] :

S'agissant au préalable de la demande de la société Cofidis tendant à voir déclarer M. [V] [P] irrecevable en sa demande faute d'avoir fait désigner un administrateur ad hoc en première instance et en appel, l'appelant produit l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Toulouse en date du 17 décembre 2021 désignant la Selas Egide prise en la personne de Me [C] [Z] en qualité de mandataire ad hoc de la société Mecamidi Solar avec pour mission de représenter l'entreprise dans le cadre de l'instance poursuivie par le requérant « devant le juge du contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Lille, et ses suites ». Il en résulte que la société Mecamidi Solar a été valablement mise en cause en la personne de Me [C] [Z], mandataire ad hoc, aussi bien devant le tribunal que devant la cour.

La société Cofidis conclut à titre principal à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables pour cause de prescription les demandes de M. [V] [P].

Celui-ci se prévaut de l'irrégularité du contrat de vente emportant sa nullité ainsi que celle du contrat de crédit affecté, faisant état d'une part d'un dol du vendeur, d'autre part de la violation par celui-ci des prescriptions du code de la consommation.

Une telle demande se prescrit par 5 ans à compter du jour où M. [V] [P] a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce conformément à l'article 2224 du code civil.

Au soutien de sa demande en annulation, M. [V] [P] allègue donc d'abord un dol en ce que la société Mecamidi Solar lui aurait faussement présenté l'acquisition de l'installation photovoltaïque comme un investissement rentable qui devait s'autofinancer grâce à l'achat de la production énergétique par EDF, alors que le revenu moyen annuel généré par la revente de sa production électrique s'est avéré être de l'ordre de 1986 euros par an, loin du coût annuel de son crédit représentant 2856 euros.

Ainsi que l'a justement retenu le premier juge sur ce point, M. [V] [P] a pu dès réception de la première facture de rachat d'électricité du 24 mai 2013, qui s'établissait à 1 902 euros, prendre conscience de la réalité des revenus générés par son installation, en deçà du coût annuel de son crédit. À supposer même que l'année qui venait de s'écouler se fût avérée très peu ensoleillée par rapport aux années précédentes, ce qu'il ne démontre ni même ne prétend, la deuxième facture de rachat établie le 5 mai 2014, d'un montant sensiblement identique au précédent, à savoir 2031 euros, devait suffire à le convaincre du décalage important entre les éléments chiffrés selon lui vantés par le commercial de la société Mecamidi Solar et la réalité des revenus générés par l'installation.

Il doit dans ces conditions être considéré que le délai quinquennal de prescription de l'action de M. [V] [P] fondée sur le dol a commencé à courir au plus tard le 5 mai 2014, date de la deuxième facture annuelle de rachat d'électricité, et que ce délai était donc expiré depuis plus de trois ans lorsqu'il a introduit son action courant 2022.

La demande de M. [V] [P] fondée sur le dol se trouve donc effectivement prescrite, ainsi que l'a jugé le tribunal.

Il en va en revanche différemment de sa demande en nullité fondée sur les irrégularités affectant le contrat de vente.

Il est constant, et la société Cofidis l'écrit elle-même, que conformément à l'article 2224 précité, le délai de prescription d'une telle demande a commencé à courir du jour où M. [V] [P] a été en mesure de constater les vices qu'il allègue.

Il convient par ailleurs de rappeler qu'en application de l'article 1315 alinéa 2, devenu 1353 alinéa 2, du code civil, la charge de la preuve du point de départ d'un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir, en l'occurrence la société Cofidis (Com, 24 janvier 2024, n°22-10.492).

Or il ne saurait être considéré, comme l'a jugé le tribunal et ainsi que le soutient la banque, que M. [V] [P] se trouvait en mesure de constater les erreurs ou omissions affectant la régularité de son contrat dès l'instant où il a signé celui-ci.

Aucun élément de l'espèce ne vient en effet établir que dès avant les 5 ans précédant son acte introductif d'instance, soit antérieurement au 10 octobre 2017, M. [V] [P] était en mesure de connaître les vices affectant son contrat et qui résultaient du non-respect des dispositions du code de la consommation.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement au dos du contrat ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservations de ces dispositions (Civ 1re, 24 janvier 2024 , n°22-16.115). Elle ne saurait dès lors suffire à faire courir le délai de la prescription de l'action en annulation du contrat à partir de la conclusion de celui-ci (Civ 1re, 12 mars 2025, n°23-22.043).

Aussi la demande en nullité de M. [V] [P] fondée sur l'irrégularité du contrat de vente n'est pas prescrite et doit être déclarée recevable, par infirmation du jugement déféré.

Sur la demande en nullité du contrat principal pour non-respect des dispositions du code de la consommation :

Il résulte de l'article L 121-23 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits de l'espèce que le contrat signé dans le cadre d'un démarchage à domicile doit comporter, à peine de nullité, diverses mentions dont :

- la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,

- les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services,

- la faculté de renonciation prévue à l'article [7] 121-5, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté.

La charge de la preuve de l'accomplissement de ces obligations légales d'information incombe au professionnel (Civ 1re, 1er fev. 2023, n°20-22.176).

L'article L 121-24 du même code dans sa version applicable en l'espèce dispose par ailleurs que le contrat doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L 121-5.

Les articles R 121-4 et R 121-5 énoncent précisément les mentions devant figurer sur chacune des deux faces de ce formulaire de rétractation.

Au cas présent, force est de constater :

- que le bon de commande ne donne aucune indication sur la puissance de l'onduleur, élément constituant pourtant la pièce maîtresse d'une installation photovoltaïque ; qu'aucune indication n'est par ailleurs fournie sur la ventilation du prix entre le coût des biens acquis et le coût de la main-d''uvre, de sorte que l'acquéreur se trouve insuffisamment renseigné sur la performance et la capacité de production pouvant être

réellement attendues de l'installation, et se voit privé de la possibilité d'effectuer toute comparaison utile auprès d'entreprises concurrentes dans le délai de rétractation,

- qu'aucun délai d'installation de la centrale photovoltaïque et d'exécution de la prestation de services n'est spécifié au contrat,

- que le formulaire de rétractation ne respecte pas les prescriptions des articles R 121-4 et R 121-5 du code de la consommation dans leur version applicable en l'espèce relatives aux mentions devant figurer sur chacune de ses deux faces ; qu'en outre ce formulaire ne peut être employé sans avoir pour effet de porter atteinte à l'intégrité du contrat que le consommateur doit pouvoir conserver ; en effet son verso correspond à la partie du contrat réservée aux signatures du vendeur et de l'acquéreur ; une telle anomalie, qui empêche le consommateur d'exercer normalement sa faculté de rétractation, entâche à elle seule le contrat de nullité (1re civ, 20 déc. 2023, n°21-16.491).

Ces différents manquements du vendeur aux prescriptions du code de la consommation rendent nul le contrat de vente signé par M. [V] [P], ainsi qu'en dispose l'article L 121-23 précité.

Il est néanmoins exact que, s'agissant d'une nullité relative, celle-ci peut être couverte par la volonté des parties de confirmer l'acte.

Suivant l'article 1338 du code civil dans sa version applicable à la cause :

« L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.

À défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.

La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers ».

En vertu de ce texte, la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et la manifestation, expresse ou tacite, de l'intention de le réparer.

La seule reproduction des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable aux contrats conclus hors établissement n'était pas de nature à donner à M. [V] [P] une connaissance effective du vice qui résultait de l'inobservation de ces dispositions (Civ 1re, 24 janvier 2024, précité). Elle ne permet donc pas de caractériser une quelconque confirmation tacite du contrat de la part de celui-ci.

Or aucun autre acte ne vient révéler de la part de M. [V] [P] une volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause (voir sur ce point Civ 1re, 15 juin 2022, n°21-11.747). La signature des documents concomitants à la commande et aux travaux, le paiement des échéances du prêt et son remboursement anticipé ne sont pas suffisants pour caractériser une telle volonté pas plus que la perception des revenus versés par EDF au titre de la revente d'électricité.

La confirmation du contrat de vente irrégulier n'est donc pas caractérisée au cas d'espèce, et sa nullité sera dès lors prononcée, par infirmation du jugement déféré.

Sur la nullité du contrat de prêt affecté :

En application de l'article L 311-21 du code de la consommation dans sa version en vigueur au moment de la conclusion des contrats litigieux, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Dès lors que le contrat de vente conclu le 30 août 2010 entre M. [V] [P] et la société Mecamidi Solar se voit judiciairement annulé, la nullité du contrat de crédit affecté conclu le même jour auprès de la société Sofemo, aux droits de laquelle vient la société Cofidis, ne pourra, en vertu du texte qui précède, qu'être constatée.

Sur les conséquences de l'annulation des contrats :

L'annulation des contrats entraîne leur anéantissement rétroactif, en sorte que les parties doivent être replacées en l'état où elles se trouvaient avant leur conclusion.

S'agissant du contrat principal, si son annulation emporte l'obligation pour la société Mecamidi Solar de restituer le prix de vente à M. [V] [P], et réciproquement l'obligation pour ce dernier de restituer les biens fournis à la première, il n'est pas contestable que celle-ci, radiée du registre du commerce et des sociétés depuis près de 9 ans à la suite d'un jugement de clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs, n'est pas en mesure de restituer le prix de vente à M. [V] [P], ni de reprendre les biens installés à son domicile.

S'agissant du contrat de crédit affecté, son annulation emporte pour le prêteur l'obligation de restituer l'ensemble des sommes perçues au titre de ce crédit, et pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.

Cependant, la Cour de cassation juge régulièrement depuis 2020 que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal, peut-être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (1re Civ, 25 nov 2020, n°19-14.908).

En sa qualité de professionnel du crédit intervenant de façon habituelle pour le financement de ventes conclues dans le cadre de démarchages à domicile, la société Sofemo aux droits de laquelle vient la société Cofidis se devait, ne serait-ce que pour s'assurer de l'efficacité des contrats de crédit souscrits, de vérifier le respect par le vendeur des dispositions d'ordre public du droit de la consommation. À défaut d'une telle vérification, elle a commis une faute (1re Civ. 22 septembre 2021, n° 19-21.968).

Cette faute de la banque, qui a donc consisté à remettre les fonds à l'emprunteur malgré les irrégularités manifestes qui affectaient son contrat, est de nature à causer un préjudice à M. [V] [P], celui-ci se voyant en effet tenu de restituer les fonds prêtés en conséquence de l'annulation du crédit affecté, alors que parallèlement :

- la société Mecamidi Solar n'est plus en situation de lui restituer le prix de vente de l'installation,

- l'installation, à défaut de pouvoir être reprise par le vendeur, doit néanmoins pouvoir être retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation (voir sur ce point Civ 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754), frais qui ne feront que s'accroître au fil du temps étant observé que le matériel a déjà 15 ans d'ancienneté.

Il n'est cependant pas contesté par M. [V] [P] que l'installation a correctement fonctionné jusqu'à ce jour et qu'elle lui a notamment permis de percevoir un revenu annuel tiré de la revente d'électricité. Au vu des factures de 2013 à 2022 produites par M. [V] [P], ce revenu s'établit aux alentours de 1 987 euros par an, montant qui correspond d'ailleurs à l'estimation réalisée par son expert privé à partir de la capacité de production de l'installation, faisant ressortir un revenu potentiel annuel de 1 997 euros (pièce 3 M. [V] [P]). Ce même expert a par ailleurs déduit du coût de l'investissement de M. [V] [P] le crédit d'impôt dont celui-ci a bénéficié à hauteur de 8 600 euros.

La cour trouve ainsi dans les pièces produites par M. [V] [P] les éléments suffisants pour évaluer le gain procuré à ce dernier par le matériel que lui a vendu la société Mecamidi Solar, du jour de son installation jusqu'au jour du présent arrêt, à la somme de 34'000 euros (1 987 euros/an depuis 2013 voire 2012 + 8 600 euros).

Ce gain s'avère nettement supérieur au capital à restituer à la banque de 22'500 euros, un tel montant se trouvant en réalité couvert par les seuls revenus perçus par M. [V] [P] au titre de la revente d'électricité, sans même prendre en considération le crédit d'impôt dont il a bénéficié à l'occasion de son investissement. Il ne demeure dès lors pour l'appelant aucun préjudice financier résiduel du fait de l'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, et de son obligation subséquente de restituer à la banque le capital de 22'500 euros.

Il n'y a donc pas lieu de priver la banque de sa créance de restitution.

Réciproquement, la société Cofidis doit restituer à M. [V] [P] l'intégralité des sommes acquittées par celui-ci en exécution du contrat de prêt annulé. Si l'appelant réclame devant la cour une condamnation de la banque à lui payer la somme de 22'500 euros correspondant au montant du capital emprunté et remboursé par lui en intégralité outre une somme de 35 609,40 euros correspondant selon lui aux intérêts conventionnels et frais réglés en exécution du prêt, soit un montant total de 58 109,40 euros, il ne verse aucun état du montant des sommes en principal, intérêts, frais et assurance réellement acquittées.

De son côté la société Cofidis produit en pièce 5 un historique du prêt, lequel fait ressortir que M. [V] [P] lui a réglé, au titre :

- de 88 échéances mensuelles de 238,08 euros entre le 5 février 2012 et le 6 mai 2019,

- du remboursement anticipé de son prêt par chèque de 15 343,03 euros endossé le 3 juin 2019,

une somme totale de 36 294,07 euros en exécution du prêt annulé.

Il en résulte que la banque se trouve débitrice à l'égard de M. [V] [P] de cette somme de 36 294,07 euros au titre de son obligation de restitution consécutive à l'annulation du prêt.

Selon l'article 1289 du code civil dans sa version applicable en l'espèce, lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes.

L'article 1290 ancien du même code précise que la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives.

En vertu de ces dispositions, les dettes de restitutions de 36 294,07 euros de la société Cofidis et de 22 500 euros de M. [V] [P] s'éteignent réciproquement à concurrence de leurs quotités respectives.

La société Cofidis sera, en définitive, condamnée à payer à M. [V] [P] une somme de 13 794,07 euros correspondant au différentiel entre les dettes respectives de restitution en faveur de ce dernier (36 294,07 - 22 500).

Sur les demandes indemnitaires :

Si M. [V] [P] sollicite par ailleurs des dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation litigieuse et de la remise en état de sa maison, il ne justifie aucunement avoir sollicité un professionnel en ce sens, ne produisant ni facture ni devis qui permette d'établir la réalité et l'ampleur d'un tel préjudice.

L'appelant ne verse pas davantage d'éléments de nature à justifier de l'existence d'un préjudice moral en lien avec la faute de la banque, au titre duquel il sollicite une réparation supplémentaire à hauteur de 5 000 euros.

M. [V] [P] sera par conséquent débouté de ses prétentions indemnitaires.

Sur les demandes accessoires :

Succombant au principal, la société Cofidis sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et devra verser à M. [V] [P] une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés par ces derniers en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare M. [V] [P] irrecevable en sa demande en nullité du contrat de vente conclu le 30 août 2010 avec la société Mecamidi Solar fondée sur le dol, pour cause de prescription,

Déclare M. [V] [P] recevable en sa demande en nullité du même contrat fondée sur les irrégularités du bon de commande,

Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 30 août 2010 entre la société Mecamidi Solar et M. [V] [P],

Constate la nullité du contrat de crédit affecté conclu le même jour entre M. [V] [P] et la banque Sofemo, aux droits de laquelle vient la société Cofidis,

Dit la société Cofidis redevable à l'égard de M. [V] [P] de la somme de 36 294,07 euros et M. [V] [P] redevable à l'égard de la société Cofidis de la somme de 22 500 euros au titre des restitutions consécutives à l'annulation de ce prêt,

Par conséquent,

Condamne la société Cofidis à payer à M. [V] [P] la somme différentielle de 13 794,07 euros,

Déboute M. [V] [P] de ses prétentions indemnitaires formées à l'encontre de la société Cofidis au titre de l'enlèvement de l'installation litigieuse et de la remise en état de l'immeuble, et au titre d'un préjudice moral,

Condamne la société Cofidis aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Cofidis à payer à M. [V] [P] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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